Le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi vient, enfin, de rompre son silence. Dans les médias nationaux. Après avoir parlé dans plusieurs organes de presse étrangers, Sidi a fait parvenir au Calame – et à ce journal seulement – un document manuscrit, rédigé de sa propre main, lors de son séjour en prison, où il évoque son bilan à la tête de l’Etat et la genèse de la crise qui a entraîné le coup d’Etat du 06 août dernier.
Pourquoi le Calame, un journal qui n’a pas été particulièrement tendre avec lui, lors de son passage à la présidence?
Parce que notre hebdomadaire n’a pas dévié d’un pouce, a-t-il fait remarquer à certains de ses soutiens qui l’incitaient, une nouvelle fois, à s’adresser aux médias étrangers, de la ligne éditoriale indépendante qu’il a, depuis toujours, adoptée. C’est le meilleur compliment qu’on puisse faire à un journal évoluant dans un climat délétère comme le nôtre, où le manque de moyens, l’attrait du gain et les pressions en tous genres empêchent, souvent, de voir clair.
Dans une actualité où les choses ne sont pas aussi simples que voudraient le faire croire certains esprits, peut-être pas retors, au demeurant, pour qui, le zrig une fois tiré, il faut le boire. Une vision réductrice qui ne reflète, en rien, l’attitude de la communauté internationale, à qui l’on semble avoir donné des gages, quant à la libération de Sidioca, avant le 24 décembre prochain, mais qui n’acceptera, jamais, la politique du fait accompli. Certes, l’élargissement du président élu peut être un premier pas vers une solution consensuelle, il n’est pas, pour autant, une panacée. Et peut être, même, une arme à double tranchant. Imaginez le président Sidi – car s’il n’est, manifestement plus, chef d’Etat, il reste, si tant que la république est, toujours, le régime actuel de la Mauritanie, le président élu de celle-ci : qui d’autre, aujourd’hui, prétendrait occuper cette fonction essentielle du système républicain? – recevant des délégations étrangères de pays ne reconnaissant pas le régime issu du 06 août ou nommant des ambassadeurs dans ces Etats. Une belle pagaille, qui risque fort d’être assimilée à une «atteinte à la sécurité» d’un pays qui a pourtant vu pire, de ramener en prison le président de la république et de mettre un terme, définitif, à la première mouture de celle-ci.
Les partenaires de la Mauritanie, réunis le 12 décembre à Bruxelles, ont décidé, pour leur part, de poursuivre leurs concertations et de se référer à leurs organisations respectives, au cas où l’impasse persisterait. De quoi avoir des sueurs froides, rien qu’à penser aux sanctions de l’Union Européenne, aux représailles de l’Union Africaine, ou aux décisions du conseil de sécurité dont la saisine plane, sur nos têtes, comme une épée de Damoclès. Un ambassadeur occidental à Nouakchott comparait, il y a quelques jours, les sanctions à un moulin à vent. «C’est lent au démarrage mais, une fois qu’il est lancé, le grain devient de la farine», disait-il, en termes imagés mais très proches de la réalité. D’autres pays ont fait les frais de cette intransigeance occidentale. Serions-nous les prochains? Qu’avons-nous fait pour mériter d’être jetés en pâture à des partenaires qui s’offrent, ainsi, un laboratoire de démocratie à moindres frais?
Mais sommes-nous, en cette arène, nécessairement condamnés à jouer les victimes, voire les gladiateurs? Osons notre différence. Pour peu que la libération de Sidi corresponde à une réelle volonté d’Ould Abdel Aziz de libérer la présidence de la «chose publique» – en latin, la res publica – sans abandonner, bien évidemment, les rênes de l’Etat, nous voilà, à l’orée d’Assises Nationales de la Démocratie dont on nous annonce monts et merveilles, dans une exceptionnelle situation. Avec un peu de doigté, de tact et beaucoup d’à propos, celles-ci peuvent accoucher de fondements autrement solides que les copié-collés institutionnels, made in France ou ailleurs, que nos défenses immunitaires semblent rejeter. S’affirmant en président de la République Islamique de Mauritanie, devant la Nation, par des canaux indigènes de communication, Sidi prend, enfin, sa dimension nationale. La question n’est pas d’ergoter sur l’extrême, voire dérisoire, tardiveté de cette intervention, mais bien : que fera le chef de l’Etat en exercice, de cette stature?
Ahmed Ould Cheikh
Le Calame