
Aux yeux des rescapés et des familles des victimes de la répression militaire du régime de Maaouya Ould Taya, les cinquante ans d’indépendance de leur pays n’a produit que la division raciale de la Mauritanie : les Noirs et les arabo-berbères. Une politique qui aurait été menée par Moktar Ould Daddah dont le paroxysme a été atteint sous le régime d’Ould Taya. ‘Une politique, affirment les conférenciers, faite de racisme, de négationnisme’ contre les Négro-Mauritaniens.
Les familles des victimes et des rescapés de la répression militaire des années 1980 et 1990 par le régime de l’ex-président Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya ont célébré à leur manière le cinquantenaire de l’indépendance de leur pays. Ils ont profité de l’anniversaire de la répression militaire pour jeter un regard acide sur la gestion de leur pays depuis les indépendances en 1960.
Le bilan qu’ils en ont tiré est sans surprise quand on sait ce qu’ils ont vécu durant les 20 dernières années. Hamdou Rabby Sy, philosophe, animant une conférence* sur le bilan des cinquante ans d’indépendance de son pays, n’a pas mâché ses mots. ‘A la lecture du processus engagé depuis novembre 1960 jusqu'à l'exécution des 28 soldats négro- mauritaniens, le 28 novembre 1991, après l'exécution de trois officiers le 6 décembre 1987, il n'était plus possible de célébrer d'une même voix l'indépendance nationale devenue un symbole du négationnisme et de l'extermination de la communauté africaine mauritanienne’, tranche le philosophe. Pour lui, c’est ainsi qu’une autre ‘vision de l'appartenance à une même nation est née’. ‘Désormais, le 28 novembre est synonyme de deuil, de mort et de déni d'appartenance à une même nation et à un même drapeau. Les symboles sont significatifs et révélateurs du vouloir vivre ensemble. Politiquement et humainement, le refus du vivre ensemble a été illustré par une politique barbare et criminelle’. Hamdou Rabby Sy estime que cette division ethnique de la Mauritanie remonte au règne du père de l’indépendance de la Mauritanie, Moktar Ould Daddah. A partir de ce moment, estime-t-il, les élites négro-africaines de Mauritanie devaient faire un choix. Soit elles ‘se pliaient en contribuant à une logique de la domination et de l'oppression de la communauté africaine, soit elles optaient pour la résistance contre ce choix négationniste’. Mais Hamdou Rabby Sy ne nous dit pas de quelle option ces élites ont choisie, préférant dire simplement qu’entre ‘aliénation et résistance’, les élites africaines mauritaniennes ont vécu ‘des moments difficiles durant cette période qui reste à clarifier pour nos générations’. Cependant ce qui est clair, c’est que le cinquantenaire de l’indépendance mauritanienne est, pour lui, ‘la célébration de 50 ans de médiocrité politique, de vacuité institutionnelle, d'arbitraire, d'injustice sociale, de pauvreté économique, de misère, de manque de perspectives d'avenir’. Il a aussi dénoncé ‘l'irresponsabilité politique, l'incompétence et l'absence de volonté (des autorités mauritaniennes) de bâtir une nation juste, égalitaire et démocratique’. Elles ont, plutôt, favorisé la promotion de ‘l'hégémonie maure sur la communauté noire mauritanienne, la suprématie d'une composante sur une autre’. Fort de tout cela, Hamdou Rabby Sy estime que le cinquantenaire de l’indépendance de son pays est ‘un deuil pour les populations noires, parce qu'il a abouti à une logique négationniste et génocidaire’. En guise de conclusion, il dira que l'Etat mauritanien a ‘raté son rendez-vous avec l'histoire’ tout simplement.
‘Ould Taya était arrivé sur le fauteuil présidentiel par un accident de l'Histoire’
L’autre conférencier, Abdoul Aziz Soumaré , président de l’Organisation mauritanienne contre les violations des droits de l’homme (Ocvidh), a insisté sur la souffrance des rescapés et des familles de victimes de la répression militaire. ‘Voilà des femmes, des hommes qui ont été les victimes, 60 années après la fin du nazisme, d'un système raciste ayant planifié le génocide des populations noires du pays, après leur avoir dénié le simple droit à la citoyenneté par un refus à l'accès égal à l'emploi, aux soins, aux responsabilités. Sous le pouvoir de sinistre mémoire du colonel Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya, le racisme d'Etat en Mauritanie a atteint à son paroxysme’, dénonce-t-il. M. Soumaré n’a pas été tendre dans ces critiques contre l’ex-homme fort de Nouakchott, Ould Taya. ‘Obnubilé par ses peurs et défiant à l'endroit de ses collaborateurs, surtout négro-mauritaniens qui, pourtant en 1984, lui avaient offert sur un plateau le pouvoir, Ould Taya était arrivé sur le fauteuil présidentiel par un accident de l'Histoire. Même en ses rêves les plus hardis, cet homme médiocre ne l'envisageait guère. Il était devenu au fil du temps, un dictateur sans foi ni loi, soumettant le Sud noir (Sud de la Mauritanie composé de populations noires, Ndlr) à une terrifiante et lourde répression. Assisté d'alliés bâathistes et nassériens, il avait mis au point un plan funeste d'éradication des éléments noirs des corps de l'Etat et de la communauté nationale. De 1986 à 1991, avec férocité et un sang-froid, Maaouya et ses séides ont sévi’, rappelle-t-il. Selon lui, les listes établies pour les seules forces armées au lendemain de la libération des rescapés ‘se chiffraient à 513’. Il indique que les autorités mauritaniennes appelaient les ‘casernes de détention et de tortures’ des ‘sites’ ou encore des ‘sites de traitement’ n’ayan ‘rien à envier aux camps nazis’. Pour Soumaré, ‘seule existait une différence d'échelle qui n'ôtait en rien à la cruauté et au sadisme des méthodes utilisées. Rien n'y était respecté, les seules règles étaient de la responsabilité des chefs de garnisons qui, à de rares exceptions près, sévissaient avec la plus extrême dureté, forts de la carte blanche accordée par le ministre de la Défense nationale et par ailleurs chef des armées, le colonel Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya’. C’est tout cela qui le pousse à dire : ‘Plus jamais çà !’. Cela n’exclut pas son invite aux rescapés et aux familles des victimes de ‘livrer un combat sans répit afin que les responsabilités des uns et des autres soient délimitées, que le prix en soit acquitté aux hommes et à la société. Sans haine ni rancune. Sans faiblesse’.
Moustapha BARRY
Source: walfadjiri
*la journée de deuil organisée par l'AVOMM le dimanche 5 décembre 2010 à Mantes la Jolie
Les familles des victimes et des rescapés de la répression militaire des années 1980 et 1990 par le régime de l’ex-président Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya ont célébré à leur manière le cinquantenaire de l’indépendance de leur pays. Ils ont profité de l’anniversaire de la répression militaire pour jeter un regard acide sur la gestion de leur pays depuis les indépendances en 1960.
Le bilan qu’ils en ont tiré est sans surprise quand on sait ce qu’ils ont vécu durant les 20 dernières années. Hamdou Rabby Sy, philosophe, animant une conférence* sur le bilan des cinquante ans d’indépendance de son pays, n’a pas mâché ses mots. ‘A la lecture du processus engagé depuis novembre 1960 jusqu'à l'exécution des 28 soldats négro- mauritaniens, le 28 novembre 1991, après l'exécution de trois officiers le 6 décembre 1987, il n'était plus possible de célébrer d'une même voix l'indépendance nationale devenue un symbole du négationnisme et de l'extermination de la communauté africaine mauritanienne’, tranche le philosophe. Pour lui, c’est ainsi qu’une autre ‘vision de l'appartenance à une même nation est née’. ‘Désormais, le 28 novembre est synonyme de deuil, de mort et de déni d'appartenance à une même nation et à un même drapeau. Les symboles sont significatifs et révélateurs du vouloir vivre ensemble. Politiquement et humainement, le refus du vivre ensemble a été illustré par une politique barbare et criminelle’. Hamdou Rabby Sy estime que cette division ethnique de la Mauritanie remonte au règne du père de l’indépendance de la Mauritanie, Moktar Ould Daddah. A partir de ce moment, estime-t-il, les élites négro-africaines de Mauritanie devaient faire un choix. Soit elles ‘se pliaient en contribuant à une logique de la domination et de l'oppression de la communauté africaine, soit elles optaient pour la résistance contre ce choix négationniste’. Mais Hamdou Rabby Sy ne nous dit pas de quelle option ces élites ont choisie, préférant dire simplement qu’entre ‘aliénation et résistance’, les élites africaines mauritaniennes ont vécu ‘des moments difficiles durant cette période qui reste à clarifier pour nos générations’. Cependant ce qui est clair, c’est que le cinquantenaire de l’indépendance mauritanienne est, pour lui, ‘la célébration de 50 ans de médiocrité politique, de vacuité institutionnelle, d'arbitraire, d'injustice sociale, de pauvreté économique, de misère, de manque de perspectives d'avenir’. Il a aussi dénoncé ‘l'irresponsabilité politique, l'incompétence et l'absence de volonté (des autorités mauritaniennes) de bâtir une nation juste, égalitaire et démocratique’. Elles ont, plutôt, favorisé la promotion de ‘l'hégémonie maure sur la communauté noire mauritanienne, la suprématie d'une composante sur une autre’. Fort de tout cela, Hamdou Rabby Sy estime que le cinquantenaire de l’indépendance de son pays est ‘un deuil pour les populations noires, parce qu'il a abouti à une logique négationniste et génocidaire’. En guise de conclusion, il dira que l'Etat mauritanien a ‘raté son rendez-vous avec l'histoire’ tout simplement.
‘Ould Taya était arrivé sur le fauteuil présidentiel par un accident de l'Histoire’
L’autre conférencier, Abdoul Aziz Soumaré , président de l’Organisation mauritanienne contre les violations des droits de l’homme (Ocvidh), a insisté sur la souffrance des rescapés et des familles de victimes de la répression militaire. ‘Voilà des femmes, des hommes qui ont été les victimes, 60 années après la fin du nazisme, d'un système raciste ayant planifié le génocide des populations noires du pays, après leur avoir dénié le simple droit à la citoyenneté par un refus à l'accès égal à l'emploi, aux soins, aux responsabilités. Sous le pouvoir de sinistre mémoire du colonel Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya, le racisme d'Etat en Mauritanie a atteint à son paroxysme’, dénonce-t-il. M. Soumaré n’a pas été tendre dans ces critiques contre l’ex-homme fort de Nouakchott, Ould Taya. ‘Obnubilé par ses peurs et défiant à l'endroit de ses collaborateurs, surtout négro-mauritaniens qui, pourtant en 1984, lui avaient offert sur un plateau le pouvoir, Ould Taya était arrivé sur le fauteuil présidentiel par un accident de l'Histoire. Même en ses rêves les plus hardis, cet homme médiocre ne l'envisageait guère. Il était devenu au fil du temps, un dictateur sans foi ni loi, soumettant le Sud noir (Sud de la Mauritanie composé de populations noires, Ndlr) à une terrifiante et lourde répression. Assisté d'alliés bâathistes et nassériens, il avait mis au point un plan funeste d'éradication des éléments noirs des corps de l'Etat et de la communauté nationale. De 1986 à 1991, avec férocité et un sang-froid, Maaouya et ses séides ont sévi’, rappelle-t-il. Selon lui, les listes établies pour les seules forces armées au lendemain de la libération des rescapés ‘se chiffraient à 513’. Il indique que les autorités mauritaniennes appelaient les ‘casernes de détention et de tortures’ des ‘sites’ ou encore des ‘sites de traitement’ n’ayan ‘rien à envier aux camps nazis’. Pour Soumaré, ‘seule existait une différence d'échelle qui n'ôtait en rien à la cruauté et au sadisme des méthodes utilisées. Rien n'y était respecté, les seules règles étaient de la responsabilité des chefs de garnisons qui, à de rares exceptions près, sévissaient avec la plus extrême dureté, forts de la carte blanche accordée par le ministre de la Défense nationale et par ailleurs chef des armées, le colonel Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya’. C’est tout cela qui le pousse à dire : ‘Plus jamais çà !’. Cela n’exclut pas son invite aux rescapés et aux familles des victimes de ‘livrer un combat sans répit afin que les responsabilités des uns et des autres soient délimitées, que le prix en soit acquitté aux hommes et à la société. Sans haine ni rancune. Sans faiblesse’.
Moustapha BARRY
Source: walfadjiri
*la journée de deuil organisée par l'AVOMM le dimanche 5 décembre 2010 à Mantes la Jolie