Ousmane SARR n’est plus à présenter à ceux qui s’intéressent au milieu politique mauritanien. Cet ancien militaire, ancien bagnard de Walata, est d’abord connu pour son attachement à la résolution de la question nationale. Président de l’AVOMM depuis 2004, Ousmane SARR a donné à cette organisation une aura certaine. L’Histoire retiendra de cet homme qui se donne volontiers des airs de militaire, (antithèse assumée de l’intellectuel théoricien), qu’il a façonné son association dans le pragmatisme qui sied à son tempérament.
En même temps, pour ceux qui l’ont observé et compris, cet homme de terrain sur-joue volontairement un côté faussement « brute de décoffrage » pour masquer en réalité une finesse politique de haute facture. C’est avec un franc-parler qui tranche clairement avec la rhétorique habituelle des hommes politiques, que le Président de l’AVOMM nous livre son parcours militant, sa vision du travail des organisations de la diaspora et ses relations dans le microcosme politique mauritanien si empreint de discourtoisie par moment.
Bonjour monsieur le Président. Vous êtes à la tête de l’AVOMM depuis le 27 mars 2004. Votre organisation, après bien des péripéties est devenue incontournable dans le microcosme politique mauritanien en France, quel bilan en faites-vous aujourd’hui ?
Je vous remercie de me faire ce grand honneur en me permettant de m’exprimer dans votre site.
Nous ne sommes pas incontournables dans le microcosme politique mauritanien en France comme vous le dites avec sympathie, mais il est certain que l’AVOMM y occupe une place non négligeable.
J’ai eu à rencontrer plusieurs fois des autorités mauritaniennes, des responsables de partis politiques, de la société civile en Mauritanie et même des présidents de la république, ils pensent presque tous que nous sommes une organisation engagée et crédible.
Pour en venir au bilan, je dirais qu’il n’est pas mal, même si je suis très loin d’être satisfait, mais malheureusement, pour dire vrai, aucune organisation mauritanienne en Europe, des droits de l’Homme ou de victimes, ne peut essayer de confronter son bilan avec le nôtre. Pour cela permettez-moi de rendre un hommage mérité aux dirigeants et aux membres de l’organisation. Il me plaît de rappeler que le 27 mars 2004, j’avais hérité d’une organisation qui comptait en réalité peu de membres actifs avec 348 euros dans ses caisses et ce n’est pas une critique. L’AVOMM était comme beaucoup de ces minuscules associations mauritaniennes qui inondent aujourd’hui le net de leurs communiqués pompeux à longueur d’année comme pour se donner bonne conscience sans pour autant faire grand-chose.
Depuis, nous avons pu nous entourer d’hommes et de femmes remarquables et déterminés qui veulent travailler, c’est ainsi que nous avons pu faire beaucoup de choses au regard de nos très modestes moyens. Depuis ces sept longues années de ma présidence, l’AVOMM est devenue cette organisation respectée par les réfugiés, les rapatriés, les veuves, les orphelins et toutes les victimes de la dictature sanguinaire de Taya, pour qui nous nous battons.
Il est vrai que nous avons connu de sérieux problèmes : deux scissions, des querelles difficiles, insoutenables, ensuite une campagne de diabolisation injuste.
Mais nous avons su garder le cap, car nous avons une grande capacité à pardonner et à toujours privilégier l’intérêt général, même si quand il s’agit de dire les choses aussi ou d’affronter l’adversité, nous prenons toutes nos responsabilités.
Votre organisation s’est différenciée, par ses actions sur le terrain, de ses autres consœurs qui se battent pour l’avènement d’une société respectueuse des droits humains en Mauritanie ; notamment par la fameuse caravane de la santé qui a vu nombre de déportés bénéficier de ses interventions. Quels enseignements en tirez-vous aujourd’hui ?
Nous avons compris, qu’il fallait être à l’écoute des réfugiés et des rescapés des camps de concentration de Taya. C’est pourquoi nous avons privilégié des contacts directs avec eux en faisant régulièrement des missions sur le terrain, en mobilisant des moyens financiers chaque fois que nous sommes sollicités, en travaillant avec les veuves courageuses et dignes qu’on entendait beaucoup plus pendant les années de braise, en lançant les opérations de parrainage qui nous ont fait connaître dans les camps de réfugiés au Sénégal, et les caravanes de santé au profit des réfugiés, des rapatriés, sans oublier le soutien en fournitures scolaires à quelques centaines d’enfants scolarisés dans les villages des rapatriés. Nous sommes aussi mobilisés autour de la lutte contre l’impunité que nous continuons à travers la plainte contre Taya pour crimes de torture et crimes contre l’Humanité à Bruxelles, plainte qui nous coûte aujourd’hui encore beaucoup d’énergie et d’argent ne serait-ce que pour les frais de nos nombreux voyages à Bruxelles, et nous ne désespérons pas de voir l’ex dictateur poursuivi par la justice internationale, le dossier avance sérieusement et les autorités mauritaniennes sont régulièrement informées par des correspondances via l’ambassade de Mauritanie à Bruxelles, correspondances dont nous sommes informés.
Il est vrai que nous n’aurions pas pu engager toutes ces actions au profit de la solidarité avec les rescapés de la dictature de Taya et pour la justice sans l’engagement de nos adhérents. Nous n’avons jamais demandé, ni obtenu un centime de subvention, il me plaît de le souligner. Nous aurions pu faire beaucoup de choses, financer de petits projets pour les rapatriés par exemple, si nous avions été massivement soutenus, ça doit être le chantier du prochain président que nous élirons le 5 juin 2011, mon mandat étant arrivé à terme.
L’enseignement que j’en tire c’est que la diaspora mauritanienne ne fait pas grand-chose en vérité, elle est plus prompte à insulter sur le net d’honnêtes citoyens que de s’engager sérieusement pour une cause noble. Nos compatriotes sont toujours prêts à trouver des alibis pour ne rien faire, c’est décevant. Quand on voit l’acharnement de certains à vouloir nous discréditer, on reste sans voix.
Et pourtant, nous pourrions bien participer à changer la donne politique en nous ressaisissant, en étant des militants sincères, respectueux des cadres que nous nous sommes librement fixés, en travaillant sérieusement. Nous ne changerons pas notre destin à coups de déclarations incendiaires et de vœux pieux à partir de Paris, Baltimore, New York, Montréal, Dakar ou Bamako.
Certains de vos adversaires politiques vous ont reprochés d’avoir un moment donné cru devoir prendre langue avec les autorités mauritaniennes afin de faire avancer vos revendications. Qu’avez-vous à répondre à cela ?
Ceux qui nous reprochent d’avoir pris langue avec les autorités mauritaniennes sont de mauvaise foi car ils font semblant d’ignorer ce que nous disons à nos autorités lors de nos rencontres. Ils sont odieux en voulant travestir la vérité. D’autres ignorent volontairement pourquoi l’AVOMM a été créée. Pour rappel nous sommes une association de victimes qui réclame justice et réparation, par définition nous n’avons pas de camp si ce n’est celui des opprimés. Depuis la dictature de Taya nous sommes tous devenus des pseudos politiciens parce que rattrapés simplement par la chose politique. Je veux rappeler à nos adversaires, adversaires anonymes d’ailleurs, que même sous Taya nous souhaitions le dialogue, mais c’est lui qui n’en voulait pas, puisque son dessein était d’arabiser la Mauritanie, lui dont le modèle s’appelait Saddam Hussein.
Nos revendications n’ont jamais varié de Taya à Aziz, nous avons eu les mêmes démarches, les mêmes exigences de justice, de vérité, de réparations.
L’AVOMM regroupe des victimes de la barbarie de Taya. Des femmes et des hommes qui ont été torturés par des maures (blancs et noirs), ce qui nous intéresse au premier plan c’est que ces criminels soient jugés, punis quelque soit leur race, leur rang. Nous prendrons langue avec toute autorité qui aura en charge ce pays, pour lui soumettre nos revendications. Nous ne soutenons personne, ne sommes des valets de personne, d’aucun régime, d’aucune autorité.
J’ajoute, ce qui m’intéresse en tant que président de l’AVOMM c’est le sort de nos martyrs, de leurs ayant droits, je ne peux pas dévier de ce chemin, que justice nous soit rendue et après on parlera d’autre chose. Nous ne pouvons pas accepter 513 militaires et des centaines de civils morts pour rien, des centaines de torturés, des dizaines de violées, des milliers d’humiliés tous innocents, peuls, soninkés et wolofs, sans qu’aucun coupable ne soit désigné, arrêté, jugé et puni.
Puisqu’on y est, parlons justement de vos rapports avec les autres organisations politiques et des droits de l’Homme mauritaniennes en France. L’ambiance délétère constatée par l’ensemble des observateurs a pu nous rendre spectateurs d’attaques contre votre personne. On a également vu les 23 et 24 avril deux manifestations mauritaniennes sur les mêmes thématiques à un jour près. C’est si difficile que ça de s’entendre sur l’essentiel ?
Nous avons de très bonnes relations avec les organisations politiques en général et des droits de l’Homme. Ceux qui sont sur le terrain comme nous, qui ne se contentent pas de réunions inutiles, ceux qui ont un programme, qui proposent, qui agissent, qui ne s’accommodent pas de mensonges et de calomnies, ceux là nous respectent et nous encouragent.
Je connais désormais suffisamment nos communautés pour savoir qu’elles sont abonnées aux hommages posthumes. Donc les méchantes critiques de certains signifient qu’au moins je me porte bien et que je hante leur sommeil.
Concernant les manifestations du 23 et du 24 avril 2011, je ne veux pas commenter cette fausse querelle, chaque organisation a le droit de manifester, de se faire entendre, comme elle le souhaite.
Vous êtes par ailleurs membre des FLAM. On a pu voir quelques échanges houleux avec certains de vos camarades dans les différents fora. Et on constate par ailleurs que l’AJD-MR est souvent associée aux attaques qui vous sont faites. Que vous reproche-t-on au juste ?
Nous sommes habitués aux attaques, je ne m’en plains pas et le plus souvent c’est par jalousie. En général je m’en fous des attaques gratuites qui me laissent de marbre, mais je peux rendre la monnaie, et souvent je peux être très dur dans mes répliques, eh oui, j’ai appris dans ce jeu dérisoire quelques ficelles à Walata à l’ombre d’éminents stratèges en la matière, ils sont tous en vie, Dieu merci.
Je crois que certains camarades se sont trompés sur mon compte, ils pensaient que je devais être une marionnette entre leurs mains, lorsqu’ils ont compris que je n’étais pas ce novice à qui ils voulaient dicter sa conduite. N'ayant pas pu me mettre sous leur tutelle, ils ont voulu me détruire, c’est ça la vérité. En revanche, j’ai d’excellentes relations avec la plupart de mes camarades, sinon j’aurais quitté l’organisation. Pour clore ce chapitre je dois dire quand même que je ne suis pas en odeur de sainteté avec la section Europe de l’Ouest des FLAM sans savoir pourquoi, même si j’ai ma petite idée que je me garderai d’étaler ici. Peut être que le congrès qui s’annonce devra donner à tout le monde la chance de s’expliquer, on verra bien.
Si l’AJD/MR est associée aux attaques qui me sont souvent faites c’est parce que leurs auteurs savent que je suis proche de l’AJD/MR et je tiens à normaliser les relations entre l’AJD/MR et les FLAM, chose qu’ils ne veulent pas.
J’ai de très bonnes relations avec votre parti et sûrement si je devais aujourd’hui militer dans un parti républicain ce serait avec fierté que j’aurais pris la carte de ce grand parti dont je connais la majorité des responsables, je n’y serais pas dépaysé à coup sûr.
L’AJD/MR a la chance d’avoir un grand leader Ibrahima Moctar Sarr et des hommes de grande valeur de la trempe de Mamadou Bocar Ba, Bocar Oumar Ba, Ousmane Diagana, …. Ce parti partage beaucoup de nos convictions. C’est dire que ceux dans nos rangs qui s’en prennent à l’AJD/MR ne savent pas que l’échec de cette formation politique ne pourra être que notre échec collectif à tous.
Je discute beaucoup avec les responsables de l’AJD/MR et des FLAM, je suis un témoin privilégié pour finalement ne rien pouvoir dire publiquement, car la route est encore longue.
Que pensez-vous de l’AJD-MR et des ses actions sur le terrain ?
En observateur de la scène politique mauritanienne, je pense que l’AJD/MR est consciente que c’est la bataille des législatives qu’il faut gagner si elle veut définitivement prendre son destin en main.
J’espère que le soutien des FLAM ne vous fera pas défaut.
Avez-vous un dernier mot à l’adresse de nos lecteurs ?
Je tiens à souligner que notre combat a besoin de militants généreux, vertueux et capables de se remettre en cause et de ne pas noyer l'essentiel dans le flou et le superflu.
Le moment est venu de rompre avec l'étroitesse d'esprit et le désir de nuire gratuitement. Tout le long de mon mandat, mon point de repère a été la fidélité à la mémoire de nos victimes et mes compagnons de prison qui ont payé de leur vie. L'égoïsme et le culte de l'égo n'ont pas leur place dans cette longue marche vers la reconquête de notre dignité bafouée. Je resterai en veille aussi déterminé que jamais à poursuivre le combat pour l'avènement d'une Mauritanie libérée de l'injustice et de l'oppression
Vous me permettrez de remercier très chaleureusement l’association des femmes mauritaniennes (AFMAF) qui nous a toujours soutenus et l’OCVIDH qui est un partenaire sérieux avec qui nous travaillons depuis 2009. Je n’oublie pas les donateurs mauritaniens, français, et les militants des FLAM et de l’AJD/MR qui ont bien voulu nous soutenir dans nos actions.
Je ne peux pas terminer cet entretien sans remercier :
- Une grande Dame Mme Mireille Hamelin qui a payé très chère son soutien à notre cause.
- Mon frère Mohamed Dogui, dont vous connaissez l’engagement sincère à nos côtés.
- Je voudrais dire que si j’ai pu terminer ce mandat c’est surtout grâce à l’apport immense de Hamdou Rabby SY, qui par son ouverture d’esprit, sa sagesse, sa connaissance réelle de la Mauritanie, son sens de l’honneur, sa présence et surtout son amitié, m’a aidé à éviter bien des pièges. J’ai beaucoup appris à côté de ce grand monument du savoir et pourtant combien humble.
- La palme d’or à mon épouse bien aimée Daba qui a toujours partagé mes joies et mes peines, à mes enfants qui m’ont toujours soutenu dans l’ombre et m’obligeant presque de leurs regards innocents à toujours aller de l’avant, ils ont tous souffert de mes absences, de mes coups de téléphone à longueur de nuits, de mes nombreux visiteurs à n’importe quelle heure et de mes rendez-vous sans fin.
Cher Bocar merci à toi et à Boubacar SY aussi.
Merci Monsieur le Président d’avoir choisi notre site pour vous exprimer.
Source: AJD/MR
En même temps, pour ceux qui l’ont observé et compris, cet homme de terrain sur-joue volontairement un côté faussement « brute de décoffrage » pour masquer en réalité une finesse politique de haute facture. C’est avec un franc-parler qui tranche clairement avec la rhétorique habituelle des hommes politiques, que le Président de l’AVOMM nous livre son parcours militant, sa vision du travail des organisations de la diaspora et ses relations dans le microcosme politique mauritanien si empreint de discourtoisie par moment.
Bonjour monsieur le Président. Vous êtes à la tête de l’AVOMM depuis le 27 mars 2004. Votre organisation, après bien des péripéties est devenue incontournable dans le microcosme politique mauritanien en France, quel bilan en faites-vous aujourd’hui ?
Je vous remercie de me faire ce grand honneur en me permettant de m’exprimer dans votre site.
Nous ne sommes pas incontournables dans le microcosme politique mauritanien en France comme vous le dites avec sympathie, mais il est certain que l’AVOMM y occupe une place non négligeable.
J’ai eu à rencontrer plusieurs fois des autorités mauritaniennes, des responsables de partis politiques, de la société civile en Mauritanie et même des présidents de la république, ils pensent presque tous que nous sommes une organisation engagée et crédible.
Pour en venir au bilan, je dirais qu’il n’est pas mal, même si je suis très loin d’être satisfait, mais malheureusement, pour dire vrai, aucune organisation mauritanienne en Europe, des droits de l’Homme ou de victimes, ne peut essayer de confronter son bilan avec le nôtre. Pour cela permettez-moi de rendre un hommage mérité aux dirigeants et aux membres de l’organisation. Il me plaît de rappeler que le 27 mars 2004, j’avais hérité d’une organisation qui comptait en réalité peu de membres actifs avec 348 euros dans ses caisses et ce n’est pas une critique. L’AVOMM était comme beaucoup de ces minuscules associations mauritaniennes qui inondent aujourd’hui le net de leurs communiqués pompeux à longueur d’année comme pour se donner bonne conscience sans pour autant faire grand-chose.
Depuis, nous avons pu nous entourer d’hommes et de femmes remarquables et déterminés qui veulent travailler, c’est ainsi que nous avons pu faire beaucoup de choses au regard de nos très modestes moyens. Depuis ces sept longues années de ma présidence, l’AVOMM est devenue cette organisation respectée par les réfugiés, les rapatriés, les veuves, les orphelins et toutes les victimes de la dictature sanguinaire de Taya, pour qui nous nous battons.
Il est vrai que nous avons connu de sérieux problèmes : deux scissions, des querelles difficiles, insoutenables, ensuite une campagne de diabolisation injuste.
Mais nous avons su garder le cap, car nous avons une grande capacité à pardonner et à toujours privilégier l’intérêt général, même si quand il s’agit de dire les choses aussi ou d’affronter l’adversité, nous prenons toutes nos responsabilités.
Votre organisation s’est différenciée, par ses actions sur le terrain, de ses autres consœurs qui se battent pour l’avènement d’une société respectueuse des droits humains en Mauritanie ; notamment par la fameuse caravane de la santé qui a vu nombre de déportés bénéficier de ses interventions. Quels enseignements en tirez-vous aujourd’hui ?
Nous avons compris, qu’il fallait être à l’écoute des réfugiés et des rescapés des camps de concentration de Taya. C’est pourquoi nous avons privilégié des contacts directs avec eux en faisant régulièrement des missions sur le terrain, en mobilisant des moyens financiers chaque fois que nous sommes sollicités, en travaillant avec les veuves courageuses et dignes qu’on entendait beaucoup plus pendant les années de braise, en lançant les opérations de parrainage qui nous ont fait connaître dans les camps de réfugiés au Sénégal, et les caravanes de santé au profit des réfugiés, des rapatriés, sans oublier le soutien en fournitures scolaires à quelques centaines d’enfants scolarisés dans les villages des rapatriés. Nous sommes aussi mobilisés autour de la lutte contre l’impunité que nous continuons à travers la plainte contre Taya pour crimes de torture et crimes contre l’Humanité à Bruxelles, plainte qui nous coûte aujourd’hui encore beaucoup d’énergie et d’argent ne serait-ce que pour les frais de nos nombreux voyages à Bruxelles, et nous ne désespérons pas de voir l’ex dictateur poursuivi par la justice internationale, le dossier avance sérieusement et les autorités mauritaniennes sont régulièrement informées par des correspondances via l’ambassade de Mauritanie à Bruxelles, correspondances dont nous sommes informés.
Il est vrai que nous n’aurions pas pu engager toutes ces actions au profit de la solidarité avec les rescapés de la dictature de Taya et pour la justice sans l’engagement de nos adhérents. Nous n’avons jamais demandé, ni obtenu un centime de subvention, il me plaît de le souligner. Nous aurions pu faire beaucoup de choses, financer de petits projets pour les rapatriés par exemple, si nous avions été massivement soutenus, ça doit être le chantier du prochain président que nous élirons le 5 juin 2011, mon mandat étant arrivé à terme.
L’enseignement que j’en tire c’est que la diaspora mauritanienne ne fait pas grand-chose en vérité, elle est plus prompte à insulter sur le net d’honnêtes citoyens que de s’engager sérieusement pour une cause noble. Nos compatriotes sont toujours prêts à trouver des alibis pour ne rien faire, c’est décevant. Quand on voit l’acharnement de certains à vouloir nous discréditer, on reste sans voix.
Et pourtant, nous pourrions bien participer à changer la donne politique en nous ressaisissant, en étant des militants sincères, respectueux des cadres que nous nous sommes librement fixés, en travaillant sérieusement. Nous ne changerons pas notre destin à coups de déclarations incendiaires et de vœux pieux à partir de Paris, Baltimore, New York, Montréal, Dakar ou Bamako.
Certains de vos adversaires politiques vous ont reprochés d’avoir un moment donné cru devoir prendre langue avec les autorités mauritaniennes afin de faire avancer vos revendications. Qu’avez-vous à répondre à cela ?
Ceux qui nous reprochent d’avoir pris langue avec les autorités mauritaniennes sont de mauvaise foi car ils font semblant d’ignorer ce que nous disons à nos autorités lors de nos rencontres. Ils sont odieux en voulant travestir la vérité. D’autres ignorent volontairement pourquoi l’AVOMM a été créée. Pour rappel nous sommes une association de victimes qui réclame justice et réparation, par définition nous n’avons pas de camp si ce n’est celui des opprimés. Depuis la dictature de Taya nous sommes tous devenus des pseudos politiciens parce que rattrapés simplement par la chose politique. Je veux rappeler à nos adversaires, adversaires anonymes d’ailleurs, que même sous Taya nous souhaitions le dialogue, mais c’est lui qui n’en voulait pas, puisque son dessein était d’arabiser la Mauritanie, lui dont le modèle s’appelait Saddam Hussein.
Nos revendications n’ont jamais varié de Taya à Aziz, nous avons eu les mêmes démarches, les mêmes exigences de justice, de vérité, de réparations.
L’AVOMM regroupe des victimes de la barbarie de Taya. Des femmes et des hommes qui ont été torturés par des maures (blancs et noirs), ce qui nous intéresse au premier plan c’est que ces criminels soient jugés, punis quelque soit leur race, leur rang. Nous prendrons langue avec toute autorité qui aura en charge ce pays, pour lui soumettre nos revendications. Nous ne soutenons personne, ne sommes des valets de personne, d’aucun régime, d’aucune autorité.
J’ajoute, ce qui m’intéresse en tant que président de l’AVOMM c’est le sort de nos martyrs, de leurs ayant droits, je ne peux pas dévier de ce chemin, que justice nous soit rendue et après on parlera d’autre chose. Nous ne pouvons pas accepter 513 militaires et des centaines de civils morts pour rien, des centaines de torturés, des dizaines de violées, des milliers d’humiliés tous innocents, peuls, soninkés et wolofs, sans qu’aucun coupable ne soit désigné, arrêté, jugé et puni.
Puisqu’on y est, parlons justement de vos rapports avec les autres organisations politiques et des droits de l’Homme mauritaniennes en France. L’ambiance délétère constatée par l’ensemble des observateurs a pu nous rendre spectateurs d’attaques contre votre personne. On a également vu les 23 et 24 avril deux manifestations mauritaniennes sur les mêmes thématiques à un jour près. C’est si difficile que ça de s’entendre sur l’essentiel ?
Nous avons de très bonnes relations avec les organisations politiques en général et des droits de l’Homme. Ceux qui sont sur le terrain comme nous, qui ne se contentent pas de réunions inutiles, ceux qui ont un programme, qui proposent, qui agissent, qui ne s’accommodent pas de mensonges et de calomnies, ceux là nous respectent et nous encouragent.
Je connais désormais suffisamment nos communautés pour savoir qu’elles sont abonnées aux hommages posthumes. Donc les méchantes critiques de certains signifient qu’au moins je me porte bien et que je hante leur sommeil.
Concernant les manifestations du 23 et du 24 avril 2011, je ne veux pas commenter cette fausse querelle, chaque organisation a le droit de manifester, de se faire entendre, comme elle le souhaite.
Vous êtes par ailleurs membre des FLAM. On a pu voir quelques échanges houleux avec certains de vos camarades dans les différents fora. Et on constate par ailleurs que l’AJD-MR est souvent associée aux attaques qui vous sont faites. Que vous reproche-t-on au juste ?
Nous sommes habitués aux attaques, je ne m’en plains pas et le plus souvent c’est par jalousie. En général je m’en fous des attaques gratuites qui me laissent de marbre, mais je peux rendre la monnaie, et souvent je peux être très dur dans mes répliques, eh oui, j’ai appris dans ce jeu dérisoire quelques ficelles à Walata à l’ombre d’éminents stratèges en la matière, ils sont tous en vie, Dieu merci.
Je crois que certains camarades se sont trompés sur mon compte, ils pensaient que je devais être une marionnette entre leurs mains, lorsqu’ils ont compris que je n’étais pas ce novice à qui ils voulaient dicter sa conduite. N'ayant pas pu me mettre sous leur tutelle, ils ont voulu me détruire, c’est ça la vérité. En revanche, j’ai d’excellentes relations avec la plupart de mes camarades, sinon j’aurais quitté l’organisation. Pour clore ce chapitre je dois dire quand même que je ne suis pas en odeur de sainteté avec la section Europe de l’Ouest des FLAM sans savoir pourquoi, même si j’ai ma petite idée que je me garderai d’étaler ici. Peut être que le congrès qui s’annonce devra donner à tout le monde la chance de s’expliquer, on verra bien.
Si l’AJD/MR est associée aux attaques qui me sont souvent faites c’est parce que leurs auteurs savent que je suis proche de l’AJD/MR et je tiens à normaliser les relations entre l’AJD/MR et les FLAM, chose qu’ils ne veulent pas.
J’ai de très bonnes relations avec votre parti et sûrement si je devais aujourd’hui militer dans un parti républicain ce serait avec fierté que j’aurais pris la carte de ce grand parti dont je connais la majorité des responsables, je n’y serais pas dépaysé à coup sûr.
L’AJD/MR a la chance d’avoir un grand leader Ibrahima Moctar Sarr et des hommes de grande valeur de la trempe de Mamadou Bocar Ba, Bocar Oumar Ba, Ousmane Diagana, …. Ce parti partage beaucoup de nos convictions. C’est dire que ceux dans nos rangs qui s’en prennent à l’AJD/MR ne savent pas que l’échec de cette formation politique ne pourra être que notre échec collectif à tous.
Je discute beaucoup avec les responsables de l’AJD/MR et des FLAM, je suis un témoin privilégié pour finalement ne rien pouvoir dire publiquement, car la route est encore longue.
Que pensez-vous de l’AJD-MR et des ses actions sur le terrain ?
En observateur de la scène politique mauritanienne, je pense que l’AJD/MR est consciente que c’est la bataille des législatives qu’il faut gagner si elle veut définitivement prendre son destin en main.
J’espère que le soutien des FLAM ne vous fera pas défaut.
Avez-vous un dernier mot à l’adresse de nos lecteurs ?
Je tiens à souligner que notre combat a besoin de militants généreux, vertueux et capables de se remettre en cause et de ne pas noyer l'essentiel dans le flou et le superflu.
Le moment est venu de rompre avec l'étroitesse d'esprit et le désir de nuire gratuitement. Tout le long de mon mandat, mon point de repère a été la fidélité à la mémoire de nos victimes et mes compagnons de prison qui ont payé de leur vie. L'égoïsme et le culte de l'égo n'ont pas leur place dans cette longue marche vers la reconquête de notre dignité bafouée. Je resterai en veille aussi déterminé que jamais à poursuivre le combat pour l'avènement d'une Mauritanie libérée de l'injustice et de l'oppression
Vous me permettrez de remercier très chaleureusement l’association des femmes mauritaniennes (AFMAF) qui nous a toujours soutenus et l’OCVIDH qui est un partenaire sérieux avec qui nous travaillons depuis 2009. Je n’oublie pas les donateurs mauritaniens, français, et les militants des FLAM et de l’AJD/MR qui ont bien voulu nous soutenir dans nos actions.
Je ne peux pas terminer cet entretien sans remercier :
- Une grande Dame Mme Mireille Hamelin qui a payé très chère son soutien à notre cause.
- Mon frère Mohamed Dogui, dont vous connaissez l’engagement sincère à nos côtés.
- Je voudrais dire que si j’ai pu terminer ce mandat c’est surtout grâce à l’apport immense de Hamdou Rabby SY, qui par son ouverture d’esprit, sa sagesse, sa connaissance réelle de la Mauritanie, son sens de l’honneur, sa présence et surtout son amitié, m’a aidé à éviter bien des pièges. J’ai beaucoup appris à côté de ce grand monument du savoir et pourtant combien humble.
- La palme d’or à mon épouse bien aimée Daba qui a toujours partagé mes joies et mes peines, à mes enfants qui m’ont toujours soutenu dans l’ombre et m’obligeant presque de leurs regards innocents à toujours aller de l’avant, ils ont tous souffert de mes absences, de mes coups de téléphone à longueur de nuits, de mes nombreux visiteurs à n’importe quelle heure et de mes rendez-vous sans fin.
Cher Bocar merci à toi et à Boubacar SY aussi.
Merci Monsieur le Président d’avoir choisi notre site pour vous exprimer.
Source: AJD/MR