
«Manu Pulite», l’opération «Mains propres», s’était attaquée, il y a quelques années en Italie, aux auteurs de malversations et aux agents de l’Etat, coupables d’accointances avec la mafia, quelle que soit sa dénomination : Sicilienne, Camorra napolitaine, Cosa Nostra, etc. Elle permit l’arrestation de centaines de personnes mais s’acheva en queue de poisson, avec la mort, dans un attentat sanglant, du juge Falcone. Le mal était, en effet, trop profond pour qu’un juge, quelle que soit sa bonne volonté, puisse en venir à bout, tout seul. Serions-nous si loin, en Mauritanie, d’une telle situation?
Trente lourdes années, entre dictature militaire, démocratie de façade et période transitoire, après moins de vingt ans de culture administrative nationale, ont façonné les esprits à ne plus faire la moindre distinction entre deniers publics et biens privés. La culture de la gabegie et du détournement a atteint des sommets, inégalés, sous le régime d’Ould Taya. Un président qui refusait, obstinément, de sanctionner les prédateurs, dont certains étaient, parfois, appelés à de très hautes fonctions. Sous son magistère et si l’on exclut un ou deux cas, isolés, nul homme de cette race de rapaces qui ont pillé l’Etat ne fut arrêté ou jugé pour les énormes crimes économiques commis. L’impunité était même devenue la norme. Durant la transition, sous les slogans «pompeux», se cachait une véritable machine à «pomper» l’argent public. Au motif qu’il fallait éponger la dette intérieure, des milliards ont été dilapidés, pour payer des dettes fictives, dont certaines dataient de plus de 20 ans. Pire, les prévaricateurs du régime précédent, dont certains restaient à portée du pouvoir, sinon incrustés dans ses rouages, ne se sentiront nullement inquiétés. Ce qu’ils ont réussi à mettre de côté passera par pertes et profits. L’Etat reste l’éternel floué, dans cette histoire. Tant il est vrai que le flou, en matière d’argent, est une seconde nature mauritanienne…
Depuis le 6 août dernier, les nouvelles autorités ont décidé de s’attaquer au problème. Une opération tape-à-l’œil, qui vise, surtout, les opposants au putsch rectificateur – rush purificateur? – selon une logique passablement sélective qui devrait convaincre les pires à applaudir à tout rompre le général et à rejoindre le camp des «purificateurs». Laissant les plus intègres à la mélancolie d’une Mauritanie saine et adulte. Logique paradoxale. Qui laisse bien mal augurer de la lessive annoncée.
On exhume donc, dans un océan de pourriture, la défunte Air Mauritanie et quelques sacs de riz avarié.
Mais pourquoi s’arrêter à ces deux opérations, pourquoi ne pas remonter plus loin et demander des comptes à tous ceux qui volé ou obtenu des avantages indus? Pourquoi ne met-on pas en œuvre, par exemple et pas vraiment au hasard, des états généraux du foncier mauritanien? C’est quasiment toute la hiérarchie militaire qui aurait, alors, à rendre des comptes, aux côtés de non moins prestigieux civils, selon des logiques tribales subitement embourgeoisées… Qui oserait ouvrir cette inédite boîte de Pandore, au risque d’envoyer en prison toute la république, à défaut du petit peuple, qui n’aura reçu, en vérité, que des miettes de ce dépeçage de notre patrimoine communautaire?
On n’en finira pas d’énumérer les brumes obscurcissant nos perspectives. Mais la plus inquiétante, peut-être, se résume en une seule question : dans l’hypothèse où la volonté, affichée, d’assainir l’Administration, gangrenée par trois décennies de molles complaisances, puisse déboucher sur une réelle dynamique de changement, combien d’années de luttes, plus ou moins sournoises, seront-elles nécessaires avant d’obtenir des résultats concrets? Suffisamment concrets pour engager la Nation sur une voie suffisamment rectifiée pour nous épargner, enfin, toute rectification militaire?
On vous le demande, général…....
Ahmed Ould Cheikh
Trente lourdes années, entre dictature militaire, démocratie de façade et période transitoire, après moins de vingt ans de culture administrative nationale, ont façonné les esprits à ne plus faire la moindre distinction entre deniers publics et biens privés. La culture de la gabegie et du détournement a atteint des sommets, inégalés, sous le régime d’Ould Taya. Un président qui refusait, obstinément, de sanctionner les prédateurs, dont certains étaient, parfois, appelés à de très hautes fonctions. Sous son magistère et si l’on exclut un ou deux cas, isolés, nul homme de cette race de rapaces qui ont pillé l’Etat ne fut arrêté ou jugé pour les énormes crimes économiques commis. L’impunité était même devenue la norme. Durant la transition, sous les slogans «pompeux», se cachait une véritable machine à «pomper» l’argent public. Au motif qu’il fallait éponger la dette intérieure, des milliards ont été dilapidés, pour payer des dettes fictives, dont certaines dataient de plus de 20 ans. Pire, les prévaricateurs du régime précédent, dont certains restaient à portée du pouvoir, sinon incrustés dans ses rouages, ne se sentiront nullement inquiétés. Ce qu’ils ont réussi à mettre de côté passera par pertes et profits. L’Etat reste l’éternel floué, dans cette histoire. Tant il est vrai que le flou, en matière d’argent, est une seconde nature mauritanienne…
Depuis le 6 août dernier, les nouvelles autorités ont décidé de s’attaquer au problème. Une opération tape-à-l’œil, qui vise, surtout, les opposants au putsch rectificateur – rush purificateur? – selon une logique passablement sélective qui devrait convaincre les pires à applaudir à tout rompre le général et à rejoindre le camp des «purificateurs». Laissant les plus intègres à la mélancolie d’une Mauritanie saine et adulte. Logique paradoxale. Qui laisse bien mal augurer de la lessive annoncée.
On exhume donc, dans un océan de pourriture, la défunte Air Mauritanie et quelques sacs de riz avarié.
Mais pourquoi s’arrêter à ces deux opérations, pourquoi ne pas remonter plus loin et demander des comptes à tous ceux qui volé ou obtenu des avantages indus? Pourquoi ne met-on pas en œuvre, par exemple et pas vraiment au hasard, des états généraux du foncier mauritanien? C’est quasiment toute la hiérarchie militaire qui aurait, alors, à rendre des comptes, aux côtés de non moins prestigieux civils, selon des logiques tribales subitement embourgeoisées… Qui oserait ouvrir cette inédite boîte de Pandore, au risque d’envoyer en prison toute la république, à défaut du petit peuple, qui n’aura reçu, en vérité, que des miettes de ce dépeçage de notre patrimoine communautaire?
On n’en finira pas d’énumérer les brumes obscurcissant nos perspectives. Mais la plus inquiétante, peut-être, se résume en une seule question : dans l’hypothèse où la volonté, affichée, d’assainir l’Administration, gangrenée par trois décennies de molles complaisances, puisse déboucher sur une réelle dynamique de changement, combien d’années de luttes, plus ou moins sournoises, seront-elles nécessaires avant d’obtenir des résultats concrets? Suffisamment concrets pour engager la Nation sur une voie suffisamment rectifiée pour nous épargner, enfin, toute rectification militaire?
On vous le demande, général…....
Ahmed Ould Cheikh