Analyse: Interview de Thierno Diallo, fils de feu Diallo Telli (Tamsirnews)

Le gouvernement nous ignore royalement; nous les invitons à toutes nos manifestations, personne ne vient les représenter

« Le chemin sera encore très long; vous devez savoir qu'un processus de vérité réconciliation est compliquée même quand tous y mettent les bonnes volontés ; il y a encore beaucoup de personnes qui ont du sang sur les mains qui feront tout pour dérailler le processus si possible; …. » Dixit Thierno Diallo, fils de feu Diallo Telli (1 er Secrétaire Général de l'OUA), lisez le reste de l'interview

Notre rédaction est très heureuse de vous avoir comme invité .Comment vous présentez-vous à nos fidèles lecteurs de par le monde ?

Je vous remercie de l'opportunité qui m'est offerte de m'adresser à vos internautes; je suis Thierno, le fils ainé de El hadj Diallo Telli Boubacar, le premier secrétaire général de L'OUA. Je suis née en France et ai bien entendu suivi mon père au Sénégal, puis aux Etats- Unis et en Ethiopie avant son retour en Guinée en 1972; j'ai fait mon primaire aux Etats- Unis, mon secondaire en Ethiopie et mes études universitaires à Moscou et Montréal; je suis traducteur interprète et parle le français, l'anglais, le peuhl, l'amharique et le russe que j'ai tendance à oublier parce que je ne l'utilise pas. Je suis rentré en Guinée en 2002;Je l'avais quitté pour le Canada en 1979.

Selon des informations de sources sûres, vous aviez rencontré monsieur Mohamed Touré (Fils du défunt Sékou Touré), comment aviez-vous géré ces moments ?

C'est à sa demande que j'ai rencontré Mr Mohamed Touré qui est venu me voir à mon bureau à Conakry; nous avons échangé une franche poignée de mains et je crois que nous étions pleinement conscients tous deux que c'était une rencontre historique pour le peuple de Guinée dont nous sommes tous les deux des fils.
Mr Touré ne m'a rien fait, donc je n'ai pas de rancœur contre lui....je n'ai jamais vu de déclaration faite par lui au cours des trente dernières années où il aurait foulé aux pieds la mémoire de mon père ou des disparus politiques, alors que certains de ses parents ne s'en sont jamais privés ou ont utilisés leurs porte-voix pour le faire; je lui ai signifié que mon père est un peu l'arbre qui cache l'immense forêt de 50000 disparus politiques et qu'a mon avis, il avait un rôle historique à jouer en présentant en son nom personnel en tant que fils ainé de Ahmed Sékou Touré ses condoléances attristées aux 50000 familles éplorées et je lui ai dit que je monterai sur n'importe quel podium de son choix pour que nos deux voix unies interpellent le gouvernement guinéen et l'armée guinéenne car les fosses communes sont presque toutes en zones d'exclusion militaires et les exécutions ont été menées par les militaires obéissant aux ordres du dictateur.....

je lui ai demandé à titre personnel de m'aider à identifier la tombe de mon père car ma mère à 80 ans et est souffrante et que je ferai tout ce qui est possible pour qu'elle puisse se recueillir sur la tombe de son mari si possible....Il a protesté qu'il n'avait pas idée où était la tombe et j'ai rétorqué,
- Si tu veux le savoir, demande aux sbires de ton père..., ils ne sont pas tous morts encore et eux ils savent...

L'ambassadeur André Lewin nous dit que Sékou Touré à fait ouvrir la tombe pour confirmer de visu que c'était bien lui donc certains militaires connaissent l'endroit et il n'est pas venu seul et ce n'est pas lui qui a creusé la tombe; nous avons eu une deuxième rencontre en présence de l'ambassadeur d'Afrique du Sud avec qui nous avons partagé un repas; je vous rappelle ici que El hadj Diallo Telli Boubacar et Sékou Touré ont été décorés par l'Afrique du Sud en 2005.

Comment se porte aujourd'hui la fondation Diallo Telli ? Et, quel est son rapport avec l'association des victimes et rescapés du Camp Boiro?

Elle se porte bien merci; notre objectif au départ était de déclencher l'étincelle qui secouerait les survivants, les veuves et les enfants des disparus après un long sommeil qui faisait l'affaire du régime; nous sommes partenaires de route des associations des victimes et vous devez savoir qu'il y a trois ans, les trois associations se sont unies; c'est une réussite totale; les victimes ne seront plus jamais silencieuses et surtout la machine répressive de l'Etat n'intimide presque plus.

Tellement ceux qui la commandent sont incompétents et lâches.

Quel est le comportement de l'actuel gouvernement face à vos revendications ?

Le gouvernement nous ignore royalement; nous les invitons à toutes nos manifestations, personne ne vient les représenter et pourtant le gouvernement du PM Kouyaté a dépêché le ministre JMJ à Bamako à un séminaire honorant Sékou Touré et au retour il déclarait à la télé locale que c'était triste qu'on honore le « Père » de la nation à Bamako au lieu de Conakry et il promettait que l'an prochain il organiserait cela à Conakry.......

Dieu Merci ce pedegiste a été limogé par le Général Conté....Bon débarras....il a bien trompé son monde....pas une fois nos associations n'ont eu accès à la RTG malgré tous nos efforts....il ne nous manquera pas......si on m'avait dit un jour que j'applaudirai un acte de Lansana Conté!

Mme Henriette Conté par contre a entendu nos appels sur les radios libres et nous a solennellement reçus (survivants, veuves et enfants) et nous a promis de sécher les larmes de nos mamans et de nous aider à identifier les charniers; elle a répète plusieurs fois qu'il n'y aurait pas de mamaya tant que cela ne serait pas fait.

Donc, il y a un début d'éclaircie derrière les nuages et la déclaration de Monsieur Somparé semble aller dans la même direction.......Pour moi il y a urgence car nos mamans sont épuisées.

Après ces différentes rencontres que vous aviez effectués, il semble qu'aujourd'hui vous êtes sur le point de sortir victorieux sur le la barbarie de l'ancien régime ? Qu'en pensez-vous ?

Le chemin sera encore très long; vous devez savoir qu'un processus de vérité réconciliation est compliquée même quand tous y mettent les bonnes volontés ; il y a encore beaucoup de personnes qui ont du sang sur les mains qui feront tout pour dérailler le processus si possible; aussi, les forces d'insécurité sont imbues de leur impunité totale et ceux qui les tiennent en laisse ne font rien pour leur inculquer une culture du droit des citoyens; ce sont de véritables criminels que vous voyez en uniforme, la plupart du temps...Janvier 2007 nous a montre que parmi eux se terrent encore des violeurs entre autres....Le combat continue donc et nous ne céderons pas.....j'ai été enfermé au camp Boiro avec ma mère après l'arrestation de mon père; je n'ai vraiment pas peur de ces gens....au contraire....la peur a changé de camp...ils savent maintenant qu'ils peuvent être contraints a avouer leurs crimes ou pire encore être dénoncés par leurs ex- collègues moins compromis..Et, ca c'est déjà une victoire à savourer.....même les téléphones portables servent à filmer leurs crimes maintenant! Un vrai bonheur pour moi.

Votre dernier mot

Je demande à toutes mes sœurs et tous frères guinéens de persévérer, le combat contre la tyrannie n'est pas fini; pour ceux de la diaspora, sachez que vous êtes guinéens à part entière quoi qu'on vous dise.... bientôt viendra le temps pour chacun d'entre nous d'aider le pays à se relever, alors ceux qui sont aux études, étudiez bien pour sauver votre pays; ceux qui travaillent accumulez toute l'expertise nécessaire utile pour faire un bond en avant au pays le moment venu... vous de la presse, suivez attentivement ce qui se déroule à Conakry et à travers notre pays martyr.....il n'y a jamais eu moins d'eau et d'électricité depuis que le gouvernement de consensus est arrivé; je suis à Kenien et je vous jure que j'ai sur 72 heures a peu prés 6 heures de courant! L'eau qui sort 6 heures sur 48 n'est pas présentable à un cochon si j'en juge par sa couleur. Comme dit la chanson....mon pays va mal........



Dieu bénisse la Guinée et les guinéens!



Propos recueillis par Amadou Dian Diallo pour Tamsirnews.com



Source : Tamsirnews / Partenaire de Guinea-Forum