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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

Des opérations policières « vertigineuses » : la Mauritanie durcit sa politique migratoire sous la pression de l’Europe


Reportage - Nouadhibou, port de pêche situé au nord de la façade maritime du pays, est depuis un quart de siècle l’un des carrefours du départ de migrants et « le ventre mou du dispositif » sécuritaire mauritanien. Mais, poussées par Bruxelles, les autorités tentent de porter un coup d’arrêt aux filières d’émigration irrégulière.

Le capitaine de vaisseau Mohamed Salem Hamza dirige les garde-côtes mauritaniens et recèle en lui un lot d’images « cauchemardesques ». « Comment oublier ce bébé allaité par sa mère et tous deux retrouvés morts sur une plage ? », lâche l’officier, ébranlé, établi à Nouadhibou depuis un an et demi. Jusqu’à la fin de l’année 2024, « les cadavres jonchaient la plage et l’odeur était irrespirable jusqu’en ville », se souvient cet homme chargé de la surveillance des côtes et du sauvetage en mer dans cette zone devenue l’une des principales voies d’accès vers l’Europe. « Il fallait que cela cesse », ajoute-t-il.

Port de pêche industriel, Nouadhibou est depuis un quart de siècle l’un des carrefours du départ de migrants et « le ventre mou du dispositif » sécuritaire mauritanien d’après M. Hamza, dont les « moyens restent insuffisants » avec deux patrouilleurs de haute mer, quatre vedettes et une vingtaine d’autres petites embarcations, pneumatiques compris. Selon le ministère de l’intérieur espagnol, 180 000 personnes ont ainsi rejoint illégalement les côtes des Canaries entre 2020 et 2024. Ces îles sont à trois jours de bateau de Nouadhibou, faisant ainsi de la capitale économique de la Mauritanie une base de projection des candidats à l’exil. Selon les autorités locales, 30 000 ressortissants d’Afrique subsaharienne y seraient désormais installés.

Baisse drastique des migrations

Cet afflux, conjugué à l’émoi suscité par les images de naufragés, a poussé la Mauritanie à tenter de porter, entre février et mars, un coup d’arrêt aux filières d’émigration irrégulière. Alors que la route maritime par l’Atlantique avait permis en 2024 à près de 45 000 personnes – un record – de gagner l’archipel espagnol, les arrivées ont depuis baissé drastiquement : plus de 11 300 exilés ont débarqué depuis début 2025 sur les îles contre près de 19 300 sur la même période un an plus tôt, d’après les données du ministère espagnol de l’intérieur.

Sous la pression de Madrid et de l’Union européenne (UE) et encouragée par une aide de 210 millions d’euros, en partie dédiée à la lutte contre l’émigration irrégulière, Nouakchott a donc opéré un « durcissement sur les questions migratoires », que salue M. Hamza, fier de poser devant les centaines de moteurs de bateaux confisqués qui s’étalent sous les fenêtres de son bureau.


La réaction est tout d’abord intervenue à Lagouira, zone frontalière avec le Sahara occidental, mais contrôlée de fait par les forces mauritaniennes, dont les plages du Cap-Blanc ont vu partir les cayucos (pirogues) des migrants pour les Canaries. 88 réseaux de passeurs, la plupart à Nouadhibou, ont été démantelés au premier trimestre 2025 et seules deux embarcations ont pu partir de Lagouira, indique une source policière.

Puis, la répression a débordé sur Nouadhibou. Des rafles, ciblant officiellement les sans-papiers, sont menées sur tout le territoire depuis fin février. Dans la rue, sur les chantiers, dans les salons de coiffure, dans les stations-service, sur les marchés, dans les champs et les mines… Entre janvier et avril, les autorités mauritaniennes assurent avoir expulsé « 30 000 personnes en situation irrégulière ».

« Aller les chercher dans leur maison ! »

Un chiffre probablement sous-estimé car, pour la seule communauté malienne, au moins 27 000 de ses ressortissants auraient été renvoyés dans leur pays en guerre, d’après des sources au sein de cette communauté. Issiaka Traoré, à la tête des « Maliens de Mauritanie », l’une des communautés étrangères les plus nombreuses, raconte des opérations policières « vertigineuses ». Le 3 mars reste « [son] pire souvenir », lorsque « 524 Maliens ont été arrêtés en une seule journée et tous expulsés », déplore ce professeur marié à une Mauritanienne.


« Des enfants de 10 ans ont passé une semaine de détention », relate Abdoulaye Diallo, de l’association d’aide aux migrants Ensemble pour un avenir meilleur (EPAM), basée à Nouakchott. Plusieurs cas de viols ont été recensés par des ONG mauritaniennes et des policiers ont extorqué des détenus, d’après des témoins rencontrés par Le Monde.


Les opérations policières ont été pratiquées au faciès, ciblant exclusivement les personnes de couleur noire. « Etrangement, parmi les interpellés et les refoulés, il n’y a aucun Marocain ou Pakistanais, s’offusque le député de l’opposition Khally Diallo, alors que les réseaux de traite des migrants établis en Mauritanie attirent depuis des années des candidats à l’exode en Europe venus d’Afrique, mais aussi de Syrie et du sous-continent indien. Pour appuyer son propos, l’élu évoque les cas de « cinq Négro-Mauritaniens arrêtés puis refoulés » avant que l’Etat mauritanien ne s’en rende compte et les rapatrie. Contacté, le ministère de l’intérieur n’a pas souhaité répondre.

Ces opérations policières ont par ailleurs été appuyées par des discours stigmatisants de personnalités du pouvoir. « Les migrants, on doit même aller les chercher dans leur maison ! », lançait, le 24 mai, Ahmedna Ould Sidibe, le wali (gouverneur) du Trarza (sud) sous les vivats d’une assemblée de Beidanes, la minorité des Maures blancs qui contrôle toujours les leviers du pouvoir en Mauritanie. « Si vous voyez un étranger qui n’est pas en règle, vous le signalez et le dénoncez », appelait-il.

Cette traque a suscité l’effroi des migrants en situation irrégulière. Même les étrangers qui se pensaient protégés, comme les titulaires d’une carte de réfugié – on en dénombre plus de 176 000 dans le pays d’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) – se sont retrouvés dans le viseur. Moussa (un prénom d’emprunt), ancien chauffeur routier qui a fui le Mali il y a dix ans après avoir été menacé à quatre reprises par les djihadistes, se terre aujourd’hui dans un lieu tenu secret.

« La dimension raciale et raciste est évidente »

« Après les premières rafles début mars, je n’osais plus sortir de chez moi, explique-t-il. Je n’allais plus au marché travailler, on se sent persécutés. » Pour un impayé d’une « centaine d’euros » sur son loyer, des proches de son propriétaire, installé en Angola, l’ont menacé de mort. Ses deux plaintes déposées à la police sont restées lettres mortes.

Comme Moussa et sa famille, des centaines de ressortissants d’Afrique subsaharienne, contraints de changer de domicile, sont désignés comme des ennemis de l’intérieur, selon les ONG mauritaniennes. Plus de 4 100 autres souhaitent rentrer dans leur pays d’origine, souligne l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Du jamais vu. « Dans ces opérations policières, la dimension raciale et raciste est évidente, alerte Sonia Haidara, une militante féministe qui, devant l’ampleur de la crise, a transformé son centre d’aide aux femmes victimes de violences sexuelles en hébergement d’accueil d’urgence aux migrants. Face aux abus, le pouvoir a certes affiché son opposition mais, en réalité, il se radicalise. »


Mohamed Lamine Barro, président de la communauté guinéenne à Nouadhibou, vérifie les fiches des candidats à un retour volontaire en Guinée. Installé en Mauritanie depuis 27 ans, il est le porte-voix de la communauté guinéenne confrontée aux rafles policières et aux démarches administratives complexes pour le renouvellement des titres de séjour. Nouadhibou (Mauritanie), le 15 juin 2025.


Le raidissement du pouvoir s’est encore accentué lors du procès d’Ablaye Ba, figure de l’Initiative pour la résurgence abolitionniste – mouvement fondé pour l’abolition de l’esclavage, criminalisé depuis 2007, mais dont certaines pratiques demeurent en Mauritanie – et bête noire du régime. Pour avoir critiqué les opérations en cours, le militant a été condamné, le 6 juin, à six mois de prison ferme pour « incitation à la haine raciale ».

La gestion de la crise migratoire suscite pourtant un mécontentement grandissant. Face à « une crise sans précédent », prévient Khally Diallo, l’élu et d’autres ont aussi dirigé leurs critiques contre l’UE, accusée d’être « complice » du régime. « Par ses dotations financières colossales, l’Europe a versé de l’huile sur le feu. Si l’UE continue de soutenir ce régime qui arrête massivement et expulse abusivement en bafouant les droits les plus élémentaires, on court à notre perte », s’inquiète-t-il. Selon les données européennes, entre 2024 et 2027, l’Europe devrait engager plus de 950 millions d’euros en Mauritanie.

Le réveil des vieux démons du pays

Les conséquences de cette politique sont déjà visibles pour l’économie mauritanienne, fortement dépendante de la main-d’œuvre étrangère. Taxis, ménage, pêche et mines d’or artisanales, BTP… Des pans entiers de l’économie manquent de bras. A Nouakchott, le prix d’une brique et le salaire journalier des manœuvres ont presque doublé. Comme une centaine d’autres briqueteries de la capitale, celle de Kalidou Sy est moribonde.

« Quotidiennement, les agents du ministère de l’emploi viennent inspecter », témoigne l’entrepreneur qui employait cinq Maliens. Plusieurs ont été arrêtés et refoulés. « C’est du harcèlement sous couvert d’une directive pour “mauritaniser” l’emploi », dénonce-t-il. Le lendemain de notre rencontre, sa société a été fermée et M. Sy recherchait dans les commissariats un employé disparu, probablement interpellé par la police.


Par sa dénonciation de la présence de migrants subsahariens, l’aile dure du régime a réveillé les vieux démons du pays. Les rafles ont ravivé celles d’une tout autre ampleur survenues après 1989, lorsqu’un conflit frontalier précipita la Mauritanie et le Sénégal au bord de la guerre. En Mauritanie, comme le relata en 1994 l’ONG Human Rights Watch dans son rapport « Campagne de terreur », sans le dire, une campagne d’« épuration ethnique mais qui en avait les effets » fut menée.

Des dizaines de milliers de Négro-Mauritaniens furent expulsés de leurs terres, des centaines de fonctionnaires noirs arrêtés, torturés, et tués. « 1989, c’est encore vivant dans les esprits, rappelle Aminetou Mint El-Moctar, défenseuse des droits humains, sélectionnée pour le prix Nobel de la paix, en 2015. On ne peut pas soigner les événements racistes du passé en commettant de nouveaux crimes racistes. »


Abbas Asamaan Nouadhibou [Mauritanie], envoyé spécial

Source : Le Monde - (Le 11 juillet 2025)
Lundi 14 Juillet 2025 - 12:11
Lundi 14 Juillet 2025 - 12:24
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