Les derniers changements à la tête des forces armées ont remis sur la scène le rôle des militaires dans notre démocratie naissante. Beaucoup de questions et très peu de réponses. L’armée mauritanienne a négocié son premier flirt avec la politique le 10 juillet 1978, lorsqu’elle décida de déloger le premier président de la République Moctar Ould Daddah. Elle entreprendra alors une relation tumultueuse durant trois décennies ou presque avec le monde de la politique.
Une nouvelle mission qui l’entraînait de plain pied dans une sphère à laquelle elle n’était pas généralement si bien préparée. De putschs à putsch manqués, en révolutions de palais, les différents pouvoirs militaires qui se sont succédé sur le pays, n’étaient pas sans inspirations politiques. Cette proximité, il faut l’avouer, du militaire et de la chose politique a éloigné la grande muette de sa mission première qui est, bien évidemment, la défense de la souveraineté nationale. L’armée était devenue le point de chute idéale pour tous ceux qui aspiraient, un jour, peut-être, à occuper un poste dans les hautes sphères de l’État. Un tremplin en quelque sorte, qui demeura pour longtemps pourvoyeur de centres de décisions dans le pays.
La première expérience démocratique ne s’était pas faite sans les militaires. C’est justement, l’un des leurs, chef de l’État, qui était candidat à sa propre succession. Cette démocratie a perpétué d’une certaine manière la préséance des militaires. Les plus gradés du corps qui ne sont pas restés dans des postes clé de sécurité ont pu bénéficier tout de même de la gestion d’institutions publiques juteuses. Mais, l’armée vient une fois encore de se remettre en cause en quelque sorte en faveur de la transition militaire qui proposait pour la première fois dans l’histoire du pays un schéma politique qui l’écartait du pouvoir. Même si cette transition avait généré un pouvoir civil, les membres du conseil militaire n’étaient pas unanimes sur un candidat précis. Chacun avait son penchant pour l’un ou l’autre des candidats. Mais, la démocratie civile a secrété bien évidemment un système qui, par la force de la pratique démocratique, mettait l’institution militaire hors du jeu.
Au fur et à mesure qu’avançait l’exercice démocratique, l’institution militaire perdait de facto du terrain. Ceux qui sont identifiés à tort ou à raison comme parrains de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, se sont transformés en alliés sinon en partenaires. Depuis les premiers jours de ce premier mandat, l’institution militaire a été l’objet d’une multitude de redéploiements. Au tout début, ces réajustements se faisaient par procuration. On nommait, par exemple, des colonels pas très connus, chefs des États Majors. Mais, ces derniers jours, les rapports semblent être décomplexés. Le Président a promu trois colonels au grade de général.
Ce qui, par ailleurs, est de nature à frustrer certains; mais lu sous un autre angle, l’on peut comprendre qu’il soit une réponse au rapport de forces né de la période de transition. C’est également une certaine manière de jouer franc jeu. Cette promotion a été succédée par la nomination de deux généraux, l’un chef de l’État Major militaire, et l’autre chef de la garde nationale. Une certaine cohérence, et une nouvelle tendance peut-être de vouloir rétribuer ses alliés militaires par des postes qui leur siéent. On peut aussi penser à une mise à l’écart des militaires de la sphère politique. Est-ce le début de l’instauration d’un esprit républicain?
Beaucoup de défis…
Dans la scène politique nationale, beaucoup de questions demeurent posées par rapport au rôle réservé aux militaires: comment les autorités actuelles peuvent-ils insuffler une âme républicaine dans un corps qui a été altéré, pendant trois décennies, par des velléités politiques? Comment peut-on bâtir une armée républicaine qui aura pour mission principale de protéger la démocratie et non plus de constituer une menace pour l’ordre institutionnel?
Ce sont là des défis majeurs auxquels fait face la démocratie de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi qui, on le sait, n’a pas été négociée sans arôme militaire. Même si l’armée -en tant qu’institution- et malgré quelques dérapages, demeure néanmoins parmi les corporations publiques, la structure la plus organisée, elle éprouve quand bien même des insuffisances en matière de formations et d’expertises. Expertises nécessaires à l’heure actuelle où la menace terroriste se fait sentir d’une manière de plus en plus gravissime. Laissé à lui seul, le pays ne peut point arriver à des résultats probants et relever les différents défis qui se posent en matière de sécurité.
La récente visite du chef de la diplomatie française s’est faite dans un contexte particulier de l’histoire des relations bilatérales entre l’ancien colonisateur et notre pays. La tuerie des quatre touristes français sur le sol mauritanien par un groupe djihadiste mauritanien a provoqué, pour la première fois de son histoire, la suppression du Rallye Paris Dakar, suite à un conseil, voire une sur-réaction, des autorités françaises. Ce qui n’a pas arrangé la toute jeune démocratie de Ould Cheikh Abdallahi. Quelques mois plus tard, à Nouakchott, l’action de Bernard Kouchner s’inscrira dans le registre de la lutte contre le terrorisme à travers une nouvelle assistance militaire. Celle là même qui a été chassée par le président Ould Taya suite à l’affaire de l’officier Ely Ould Dah. Les français tenaient apparemment à faire revenir cette assistance en Mauritanie. Cela aurait vraisemblablement été accepté.
Sur un autre plan, on ne peut pas oublier la présence des renseignements français dans les dernières péripéties sécuritaires qui prouve, si besoin en est, le niveau et l’intimité des relations entre les deux pays. Les militaires demeurent tout de même les premiers bénéficiaires de ce rapprochement avec le retour des conseillers militaires français et des instructeurs à l’école militaire d’Atar.
Tous ces efforts s’inscrivent dans le cadre de l’aide apportée à la grande muette pour la professionnaliser, la transformer en une véritable armée de métier et, surtout, sevrer ses officiers de l’exercice du pouvoir politique. Après quelques errements, cette mission a été finalement confiée au tout nouveau général Ould Ghawouani, un des auteurs du coup du 3 août 2005 qu’on présente comme étant convaincu du rôle que doit jouer une armée au sein d’une démocratie encore balbutiante comme la nôtre.
Ould Bladi
_________
Source: http://www.biladi.mr
(M)
Une nouvelle mission qui l’entraînait de plain pied dans une sphère à laquelle elle n’était pas généralement si bien préparée. De putschs à putsch manqués, en révolutions de palais, les différents pouvoirs militaires qui se sont succédé sur le pays, n’étaient pas sans inspirations politiques. Cette proximité, il faut l’avouer, du militaire et de la chose politique a éloigné la grande muette de sa mission première qui est, bien évidemment, la défense de la souveraineté nationale. L’armée était devenue le point de chute idéale pour tous ceux qui aspiraient, un jour, peut-être, à occuper un poste dans les hautes sphères de l’État. Un tremplin en quelque sorte, qui demeura pour longtemps pourvoyeur de centres de décisions dans le pays.
La première expérience démocratique ne s’était pas faite sans les militaires. C’est justement, l’un des leurs, chef de l’État, qui était candidat à sa propre succession. Cette démocratie a perpétué d’une certaine manière la préséance des militaires. Les plus gradés du corps qui ne sont pas restés dans des postes clé de sécurité ont pu bénéficier tout de même de la gestion d’institutions publiques juteuses. Mais, l’armée vient une fois encore de se remettre en cause en quelque sorte en faveur de la transition militaire qui proposait pour la première fois dans l’histoire du pays un schéma politique qui l’écartait du pouvoir. Même si cette transition avait généré un pouvoir civil, les membres du conseil militaire n’étaient pas unanimes sur un candidat précis. Chacun avait son penchant pour l’un ou l’autre des candidats. Mais, la démocratie civile a secrété bien évidemment un système qui, par la force de la pratique démocratique, mettait l’institution militaire hors du jeu.
Au fur et à mesure qu’avançait l’exercice démocratique, l’institution militaire perdait de facto du terrain. Ceux qui sont identifiés à tort ou à raison comme parrains de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, se sont transformés en alliés sinon en partenaires. Depuis les premiers jours de ce premier mandat, l’institution militaire a été l’objet d’une multitude de redéploiements. Au tout début, ces réajustements se faisaient par procuration. On nommait, par exemple, des colonels pas très connus, chefs des États Majors. Mais, ces derniers jours, les rapports semblent être décomplexés. Le Président a promu trois colonels au grade de général.
Ce qui, par ailleurs, est de nature à frustrer certains; mais lu sous un autre angle, l’on peut comprendre qu’il soit une réponse au rapport de forces né de la période de transition. C’est également une certaine manière de jouer franc jeu. Cette promotion a été succédée par la nomination de deux généraux, l’un chef de l’État Major militaire, et l’autre chef de la garde nationale. Une certaine cohérence, et une nouvelle tendance peut-être de vouloir rétribuer ses alliés militaires par des postes qui leur siéent. On peut aussi penser à une mise à l’écart des militaires de la sphère politique. Est-ce le début de l’instauration d’un esprit républicain?
Beaucoup de défis…
Dans la scène politique nationale, beaucoup de questions demeurent posées par rapport au rôle réservé aux militaires: comment les autorités actuelles peuvent-ils insuffler une âme républicaine dans un corps qui a été altéré, pendant trois décennies, par des velléités politiques? Comment peut-on bâtir une armée républicaine qui aura pour mission principale de protéger la démocratie et non plus de constituer une menace pour l’ordre institutionnel?
Ce sont là des défis majeurs auxquels fait face la démocratie de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi qui, on le sait, n’a pas été négociée sans arôme militaire. Même si l’armée -en tant qu’institution- et malgré quelques dérapages, demeure néanmoins parmi les corporations publiques, la structure la plus organisée, elle éprouve quand bien même des insuffisances en matière de formations et d’expertises. Expertises nécessaires à l’heure actuelle où la menace terroriste se fait sentir d’une manière de plus en plus gravissime. Laissé à lui seul, le pays ne peut point arriver à des résultats probants et relever les différents défis qui se posent en matière de sécurité.
La récente visite du chef de la diplomatie française s’est faite dans un contexte particulier de l’histoire des relations bilatérales entre l’ancien colonisateur et notre pays. La tuerie des quatre touristes français sur le sol mauritanien par un groupe djihadiste mauritanien a provoqué, pour la première fois de son histoire, la suppression du Rallye Paris Dakar, suite à un conseil, voire une sur-réaction, des autorités françaises. Ce qui n’a pas arrangé la toute jeune démocratie de Ould Cheikh Abdallahi. Quelques mois plus tard, à Nouakchott, l’action de Bernard Kouchner s’inscrira dans le registre de la lutte contre le terrorisme à travers une nouvelle assistance militaire. Celle là même qui a été chassée par le président Ould Taya suite à l’affaire de l’officier Ely Ould Dah. Les français tenaient apparemment à faire revenir cette assistance en Mauritanie. Cela aurait vraisemblablement été accepté.
Sur un autre plan, on ne peut pas oublier la présence des renseignements français dans les dernières péripéties sécuritaires qui prouve, si besoin en est, le niveau et l’intimité des relations entre les deux pays. Les militaires demeurent tout de même les premiers bénéficiaires de ce rapprochement avec le retour des conseillers militaires français et des instructeurs à l’école militaire d’Atar.
Tous ces efforts s’inscrivent dans le cadre de l’aide apportée à la grande muette pour la professionnaliser, la transformer en une véritable armée de métier et, surtout, sevrer ses officiers de l’exercice du pouvoir politique. Après quelques errements, cette mission a été finalement confiée au tout nouveau général Ould Ghawouani, un des auteurs du coup du 3 août 2005 qu’on présente comme étant convaincu du rôle que doit jouer une armée au sein d’une démocratie encore balbutiante comme la nôtre.
Ould Bladi
_________
Source: http://www.biladi.mr
(M)