Pour bien gouverner, le Premier ministre malien s’informe sur des médias internationaux censurés par la junte, afin d’y détecter des informations sur les « tentatives de déstabilisation » de son pays par les « forces impérialistes ». Et aussi, sans doute, pour être mieux informé sur son propre pays…
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les services de renseignement allemands tentaient de décrypter les programmes en langue française de Radio Londres qui diffusait, à l’attention des groupes de résistance, des messages codés comme « les carottes sont cuites », « la lune est pleine d’éléphants verts » ou encore « les sanglots longs des violons de l’automne ». C’est dans ce même esprit que les autoproclamés résistants sahéliens au néocolonialisme écoutent assidûment des antennes occidentales, pourtant interdites sur leurs territoires. Ainsi, le Premier ministre malien assume-t-il la consultation de médias jugés hostiles…
C’est récemment, lors d’une réunion, que Choguel Kokalla Maïga a déclaré qu’il consacrait, chaque matin, une heure et demie à la lecture de la presse et en particulier à l’écoute de radios étrangères comme Radio France Internationale (RFI), la BBC ou Voice of America (VOA). Une confession captée par une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux…
Contrer les manipulations étrangères
Bien que la diffusion de la radio publique française qu’il cite ait été proscrite définitivement au Mali en 2022 – au même moment que le signal de la chaîne française d’information internationale France 24 –, l’aveu du chef du gouvernement ne trahirait aucune félonie au service de l’impérialisme. Comme le font les responsables de tous les pays en temps de guerre, Choguel Maïga écouterait ces radios étrangères pour mieux identifier les filigranes idéologiques qui s’y cachent.
Après que certains internautes se sont déclarés choqués ou amusés, Abdoulaye Kone, un conseiller spécial du Premier ministre, a publié un message sur les réseaux sociaux pour expliquer la gouvernance médiatique de son employeur. Il affirme que la consommation des programmes honnis a pour but de connaître et « contrer toutes les informations qui sont déversées sur les populations du Mali, de l’AES et de l’Afrique par les radios étrangères (RFI, VOA, BBC, Radio Canada, etc.) à l’effet de manipuler les peuples ».
Écouter les « menteurs »
Sur la même longueur d’onde que les militaires au pouvoir, Choguel Maïga ne manque jamais de dénoncer des entreprises extérieures de déstabilisation qui tenteraient d’intoxiquer les populations à travers des médias jugés « menteurs ».
Dans les régimes de l’Alliance des États du Sahel, les civils semblent particulièrement commis à cette tâche de contre-offensive informationnelle, notamment vis-à-vis des organes de presse français, et ceci depuis la dégradation des relations avec l’ancien colon. Au Mali, des interdictions d’écoute ont également concerné France 2, LCI et TV5 Monde.
De manière plus énigmatique, relayé par son conseiller démineur, le Premier ministre malien affirme que ces écoutes de radios étrangères lui permettent de s’informer sur ce qui lui échappe dans son propre pays : « Je m’informe sur tout ce qui m’est caché ou se fait sans moi au Mali. » RFI serait-elle mieux informée que le gouvernement malien sur ce qui se fait au Sahel ?
Damien Glez
Source : Jeune Afrique - (Le 08 novembre 2024)
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les services de renseignement allemands tentaient de décrypter les programmes en langue française de Radio Londres qui diffusait, à l’attention des groupes de résistance, des messages codés comme « les carottes sont cuites », « la lune est pleine d’éléphants verts » ou encore « les sanglots longs des violons de l’automne ». C’est dans ce même esprit que les autoproclamés résistants sahéliens au néocolonialisme écoutent assidûment des antennes occidentales, pourtant interdites sur leurs territoires. Ainsi, le Premier ministre malien assume-t-il la consultation de médias jugés hostiles…
C’est récemment, lors d’une réunion, que Choguel Kokalla Maïga a déclaré qu’il consacrait, chaque matin, une heure et demie à la lecture de la presse et en particulier à l’écoute de radios étrangères comme Radio France Internationale (RFI), la BBC ou Voice of America (VOA). Une confession captée par une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux…
Contrer les manipulations étrangères
Bien que la diffusion de la radio publique française qu’il cite ait été proscrite définitivement au Mali en 2022 – au même moment que le signal de la chaîne française d’information internationale France 24 –, l’aveu du chef du gouvernement ne trahirait aucune félonie au service de l’impérialisme. Comme le font les responsables de tous les pays en temps de guerre, Choguel Maïga écouterait ces radios étrangères pour mieux identifier les filigranes idéologiques qui s’y cachent.
Après que certains internautes se sont déclarés choqués ou amusés, Abdoulaye Kone, un conseiller spécial du Premier ministre, a publié un message sur les réseaux sociaux pour expliquer la gouvernance médiatique de son employeur. Il affirme que la consommation des programmes honnis a pour but de connaître et « contrer toutes les informations qui sont déversées sur les populations du Mali, de l’AES et de l’Afrique par les radios étrangères (RFI, VOA, BBC, Radio Canada, etc.) à l’effet de manipuler les peuples ».
Écouter les « menteurs »
Sur la même longueur d’onde que les militaires au pouvoir, Choguel Maïga ne manque jamais de dénoncer des entreprises extérieures de déstabilisation qui tenteraient d’intoxiquer les populations à travers des médias jugés « menteurs ».
Dans les régimes de l’Alliance des États du Sahel, les civils semblent particulièrement commis à cette tâche de contre-offensive informationnelle, notamment vis-à-vis des organes de presse français, et ceci depuis la dégradation des relations avec l’ancien colon. Au Mali, des interdictions d’écoute ont également concerné France 2, LCI et TV5 Monde.
De manière plus énigmatique, relayé par son conseiller démineur, le Premier ministre malien affirme que ces écoutes de radios étrangères lui permettent de s’informer sur ce qui lui échappe dans son propre pays : « Je m’informe sur tout ce qui m’est caché ou se fait sans moi au Mali. » RFI serait-elle mieux informée que le gouvernement malien sur ce qui se fait au Sahel ?
Damien Glez
Source : Jeune Afrique - (Le 08 novembre 2024)