
« Après sept jours de festivités passés à accommoder joyeusement, toute la tribu des parents, amis et ceux qui se sont invités d’eux-mêmes, il faut bien faire les comptes », Quatrième de couverture du roman de Tène Youssouf Guèye, Rella ou les voies de l’honneur, Dakar, NEA, 1983, 199 p.
Quelques membres des FLAM pensent comme acier que le mouvement est une société privée, pire une secte dont seuls les membres doivent se prononcer sur sa vie et les débats qui le secouent de l’intérieur. Ils oublient, très souvent, que les FLAM sont un mouvement national (nationaliste !) qui a inscrit son discours dans le panthéon de l’histoire générale des luttes contre l’oppression du peuple, de tous les peuples pour rehausser et défendre la dignité humaine et non seulement du négro-mauritaniens.Même si son credo est de lutter contre l’injustice faite à une partie des Mauritaniens, le discours du mouvement, par son internationalisation, a connu, par la force des choses une véritable réorientation. Qu’on le veuille ou non. Cette réorientation est d’ailleurs salvatrice et porteuses d’espoirs quant à la professionnalisation de ses animateurs. Il ne peut en être autrement sinon, ils perdent leur temps et leur énergie. Et de ce fait, le mouvement est exposé à l’appréciation de ceux qu’il prétend défendre, mais aussi de ceux qu’il dit combattre. C’est pourquoi, je m’insurge très souvent sans arrière pensée belliqueuse ni vanité intellectuelles aucunes, contre ceux qui pensent privatiser le fond du discours politique, son orientation stratégique, ses clivages internes, ses avancées avérées et ses ratés historiquement prouvés, comme si les FLAM étaient leur propriété (jeey).
L’élargissement des bases du mouvement, la dispersion de ses membres et les nouvelles fréquentations de ces derniers doivent entamer, de manière profonde et intelligente, cette façon trop limitative d’appréhender les choses. Si l’objectif du mouvement est de produire des idées, d’être visible et de peser sur la balance politique ; il faut bien que ces membres, qui à chaque fois qu’un non militant ou leurs adversaires politiques se prononcent, ils se mettent sur leurs chevaux pour transpercer « l’ennemi » juré. Il leur faut mettre un peu d’eau dans leur vin. Les critiques et les plus acerbes d’entre elles peuvent produire des effets bénéfiques si elles sont bien exploitées et bien canalisées. Mais continuer à croire que les sorties des uns et des autres ne sont que des attaques dirigées ou des leçons contre/aux FLAM frise le cocasse. On aurait pu en rester là au simple constat, mais je pense que cela mérite une réflexion de notre part afin de comprendre les raisons profondes de cette frilosité inconséquente.
Dans « Subversion blâmable… » mon intention se résumait à la lecture d’une situation. Simple lecture qui peut être interprétée d’une manière ou d’une autre. Je le concède. C’est normal. Mon intention n’était point de donner des leçons ni de m’immiscer dans les affaires intérieures du mouvement ni de demander à ses membres de rentrer en Mauritanie ou de dissoudre leur cadre d’expression. Et de quel droit ? De quelle folie souffrirai-je pour le suggérer ? A qui le suggérer ?
J’ai évoqué une idée à la quelle je crois profondément car je pensais et continue de penser qu’à l’état actuel de la situation, s’impose une discussion profonde et franche entre acteurs de tous les bords même si quelques uns d’entre-nous doutent encore. C’est de leur droit. Je défendais, que quelques praticiens de la politique et acteurs de la société civile exilés devaient prendre leur courage en main et se dire : pourquoi pas ? Il ne s’agissait pas d’encourager le retour (armes et bagages en main) pour repartir, mais repartir afin d’imposer leur discours sur le terrain et renforcer les voix de ceux qui se battent et portent haut la main le même discours en Mauritanie. Il était souhaitable que quelques uns sacrifient leur exil. J’avoue que si le débat ne retourne pas sur la scène publique nationale, il risque fort d’être encore une fois marginalisé par rapport à ce qui est convenu d’appeler la transition mauritanienne. La transition était en marche même si par ailleurs les appréciations divergeaient et se contredisaient. Des choses se passaient malgré nous. La transition s’est imposée à nous avec notre bénédiction. Oui seul un homme est parti, oui le système qu’il a produit et qu’il a entretenu est toujours là. Mais le départ de Maawiya semblait être un préalable et ces dernières années, la lutte s’était focalisée autour de cette seule éventualité. Erreur fatale, car personne ne pouvait détrôner l’actuel « qatari » sinon ses proches . Ils l’ont fait avec beaucoup de tact. Ce qu’on espérait, comme le dit la maxime pulaar : « ko gnawi ene jibina ko selli et ko selli ene jibina ko gnawi ». L’exemple de la perestroïka et de la glasnst est là. C’est le fruit d’un homme qui était au cœur du système communiste russe. Cette politique a conduit à l’éclatement de l’URSS, à la révision de la cartographie et du même coup à la géopolitique du monde et conflits sont apparus comme en Tchéchénie et dans les pays qui se terminent en « an », Tadjikistan et autres…. Mais un autre élément important s’est produit après cette politique de Gorbatchev, la fin de la guerre froide, la réunification de l’Allemagne et la démocratisation des régimes africains .
Il me semblait donc urgent qu’une prise de conscience soit faite et que ceux qui tentent de privatiser le discours des FLAM concèdent une fois pour toute que le mouvement appartient au paysage mauritanien et que, par conséquent, il est celui de tous les Mauritaniens. Sinon à quoi servirait-il ? A une portion d’individus « isolés » et se croyant champions du discours de la radicalité ?
Cette idée d’animosité contre les FLAM est une histoire trop ringarde et sans fondements valables hier, aujourd’hui et demain. La phobie de voir partout des ennemis conduit à la peur, au blocage des consciences, des difficultés inhérentes de recrutement de militants sincères et engagés et capables, avec discernement, de faire entendre la voix de ceux qui sont à l’extérieur du mouvement sans être des ennemis irréductibles. Ils peuvent jouer le relais au discours dont le mouvement est porteur.
En écrivant tout cela j’étais convaincu et reste encore aujourd’hui convaincu que le mouvement a atteint un âge de maturité dont l’importance n’est pas encore bien évaluée à sa juste valeur même si « l’aile traditionnelle » reste encore solide et obsessionnellement intransigeante. C’est tant mieux pour elle ai-je envie de dire. Mais la nécessité de changer se fait sentir de jour en jour, d’année en année, de congrès en congrès et d’événements en événements. C’est cela qui vivifie un mouvement. Ce n’est point un danger. Et ceux qui pensent que le mouvement est en danger sont seulement en retard par rapport à leur monde et aux idéaux qui l’alimentent aujourd’hui. Ils redoutent la « nouveauté » alors qu’ils combattent pour l’émergence d’un monde tout nouveau en Mauritanie. Ce paradoxe mérite des réflexions.
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Depuis lors quelques uns d’entre eux ont participé à des discussions en Mauritanie avec la bénédiction du pouvoir. Donc l’histoire nous a donné raison même si les résultats ne sont pas à la hauteur de l’attente.
C’était une évidence et je pense l’avoir dit dans une interview accordée à Flamnet.
Même si dans ce dernier cas nous pouvons douter encore. Mais la démocratie est irréversible sur le continent africain. Elle marche à son rythme (Lire L’état de la démocratie en Afrique de l’Ouest, Gorée Institute).
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Que le débat interne aux flamistes intéresse tout le monde, c’est tout à fait naturel. Cette attitude de croire que les FLAM ne sont intéressantes, pour les autres, qu’aujourd’hui est une vision extrêmement naïve du politique et de l’exercice de la politique. Sauf si ceux qui le pensent se jouent aux naïfs en essayant de détourner observateurs et tout simplement des chasseurs de militants. On s’intéresse à la vie intérieure du mouvement et de tous les mouvements d’ailleurs car ils négocient tout le temps pour nous gouverner demain. Mais ce repli sur soi-même en dit long sur le manque d’adaptation à un monde dont le maître mot est le changement de la trajectoire politico-sociale de la Mauritanie. Ce pays voit émerger de nouvelles réalités extrêmement complexes. Je rêve ! Le rêve est l’attitude la plus intéressante de la vie. Qui n’a jamais rêvé d’un monde meilleur ?
Au cœur de leur sixième congrès, les FLAM ont vu émerger deux tendances fortes qui renseignent plus sur les débats francs autour desquels se sont focalisés les esprits. Un mouvement en vie doit se soumettre à la naissance des courants de pensées en son sein et des plus revendicatifs. Il doit s’y résoudre et compter avec ceux qui les animent afin que des différentes contradictions bourgeonnent des leçons pour l’avenir. Ces courants sont porteurs de changements par les idées qu’ils proposent, les critiques formulent et les différentes innovations qu’ils tentent « d’inoculer » sans arrières pensées de dissidence ou de détournement des objectifs. Les hommes qui les animent e doivent pas être considérés comme de simples frondeurs ou des commanditaires d’un « coup d’état politique rampant » ou comme des infiltrés, des pestiférés ! Mis que non ! Ils sont, je pense, tout simplement animés par une volonté de modernisation de leur mouvement, de ses structures et de surtout de son discours. Ils appellent à une professionnalisation de la politique. Ce à quoi je crois profondément. Je me surprends penser que le professionnel politique est celui qui sait lire les signes, les interpréter afin de s’inscrire sur la liste des compromis.
Je prétends aussi penser que la modernisation du discours politique des FLAM appelle des bouleversements, un véritable tremblement (pour ne pas dire un tsunami politique) aussi bien dans le vocabulaire que dans celui du changement des hommes : comme une mutation profonde.
Mais, il faut aussi compter, sans les combattre frontalement, avec les gardiens du temple. Je pense que ces derniers souhaitent des changements, mais ont comme une peur de voir le mouvement perdre son âme. Cette attitude me semble alimenter une peur injustifiée au moment où le mouvement a besoin d’un sang tout nouveau afin qu’il « redécolle » au milieu du champ politique mauritanien. Il ne peut pas être en dehors de ce champ de manière éternelle. Le mouvement regorge de jeunes qui sont porteurs d’un discours de rupture créatrice. Il me semble, de très loin, qu’ils sont acquis à une révision des fondements et à la reformulation du discours et de la réorganisation profonde de ses cadres d’expression. Mais sont-ils suffisamment compris ? Ont-ils suffisamment d’arguments pour infléchir la trajectoire historique du mouvement ? Ont-ils les bases nécessaires pour investir leurs talents ? Est-ce que la dispersion n’est pas, dans ce cas, un véritable handicap au changement souhaité par quelques uns d’entre eux ?
A mon avis cette dispersion ne permet pas de mesurer l’influence réelle des animateurs de ces courants sur les militants. Et puis je ne suis pas dans le secret du mouvement pour en comprendre l’ensemble des mécanismes. Il me semble que la vie des ces courants se résume à des cercles d’amis qui partagent des convictions nobles qui peinent à pénétrer la conscience des militants fortement diasporisés. Le militantisme téléphonique et virtuel rend difficile la mobilisation dans le sens pratique du terme. Un mouvement a besoin d’une existence physique afin que ses différents symboles rayonnent et se consolident dans les esprits : un lieu, un espace de mobilisation…. Cette idée ne relève pas d’une simple critique de ma part, mais s’alimente à mes observations et aux échos qui me parviennent du mouvement. En tant que mauritanien, je suis convaincu qu’une partie de son discours est indépassable. Voilà pourquoi buna s’invite très souvent à la réunion entre gniiri et kossam. Mais buna n’a jamais été un tireur embusqué car il avance démasqué avec son nom, son prénom voire avec le sobriquet qu’il affectionne. Buna défend ses idées, critique et propose ses vues sans vanité, ni prétentions. Nous qui sommes à l’extérieur du mouvement, n’avons que nos plumes et nos langues. Nous ne pouvons rien changer, mais nous proposons des idées et ça s’arrête là . Nous écoutons, nous observons et tentons de dire un petit mot afin d’influencer les débats et y participer de loin. C’est cela peut-être notre vocation de « marginaux » politiques. Prétentieuse vocation ou fuite ? Je le concède à ceux qui voient dans les efforts des autres une sorte de vanité sociale inutile ou d’usurpation d’intelligence inopérante. Astuces et ruses… En tout cas, il me semble que je n’ai pas besoin de ces attitudes qui risquent de me détourner de ma vocation réelle et de mes soucis quotidiens : penser mon monde. Celui qui tente toujours de s’échapper quand on le poursuit avec des idéaux arrêtés et immuables. Je suis contre l’idéologie statique et improductive. Je suis pour un renouvellement permanent de nos cadres de pensées. Il faut tenter d’être au cœur de l’information intelligente tirer d’elle le meilleur afin qu’à défaut de surnager nager au moins. L’île habitée de la conscience le recommande et l’exige de nous.
Comment me permettrai-je de vivre dans le « luxe égoïste » de l’insularité ? Non je ne peux pas me désintéresser de ce qui se passe dans mon pays et dans la diaspora mauritanienne. Non je ne me laisserai point piégé par des considérations fallacieuses, injustes et calomnieuses au point de démissionner de tout et surtout de ces échanges exaltants. Ils démontrent, malgré tout, que nous avançons vers quelque chose : l’ancrage du débat contradictoire et la nécessité, presque naturelle, que chacun d’entre nous puisse proposer ses vues à travers ses multiples expériences. Etre syndiqué ou non n’a pas d’importance. L’essentiel est de jouir de toutes ses facultés mentales et intellectuelles afin de proposer une lecture et de recevoir en retour quelques critiques fondatrices. C’est ma démarche.
En tout, je peux dire que de nouvelles tendances sont apparues à l’horizon de ce congrès de Cincinnati. Le débat flamo-flamiste est d’une importance capitale pour tout monde. La cause doit être entendue. Les militants n’ont pas la primauté sur les autres sinon ils faussent cette démocratie qu’ils appellent tous les jours. Ce débat détermine une volonté et marque de son sceau une véritable mutation interne qui tarde à se concrétiser. Mais les changements de perspectives – sans reniement des fondements – s’imposeront au mouvement et à ces militants qui ont peur d’avancer. On ne reconnaît la grandeur d’un mouvement que quand il s’impose un devoir de critique interne, d’introspection et de sacrifice en fonction des sensibilités qui le traversent et les nécessités de modernisation de son discours. Malgré les réticences et les lobbyings « culturalistes » internes, les changements viendront comme dans une prévision têtue.
Toutes ces discussions, au travers desquelles on aperçoit un terrible manque de recul, de déférence, de respect de la différence, conduisent à des considérations « insultantes » qui alimentent ce que j’appelle, ici, le mécontentement philosophique.
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Et pourtant nous sommes toujours taxés par les détracteurs du mouvement d’être des membres cachés. Il faut que les animateurs du mouvement le sachent, ils le savent d’ailleurs et ne nous rendent pas service en passant tout leur temps à penser que notre attitude, justement, est liée à ce que jeu d’équilibriste pour paraître « sain » politiquement. Non, je ne pense pas une seule seconde devoir me justifier par rapport à cette attitude néfaste et « insérieuse » de la part des deux camps entre lesquels on se retrouve comme par hasard. C’est très agaçant. Je ne suis pas un centriste. Je prétends agir à la marge des discours pour mieux voir ce qui se passe et ce qu’on pense faire de moi demain par tous les mouvements qui luttent. C’est ça qui me démange. Je veux savoir dans quel, moi, mes enfants, mes petits enfants et les autres pays devrons-nous vivre nos passions.
Abderahmane NGAEDE
Quelques membres des FLAM pensent comme acier que le mouvement est une société privée, pire une secte dont seuls les membres doivent se prononcer sur sa vie et les débats qui le secouent de l’intérieur. Ils oublient, très souvent, que les FLAM sont un mouvement national (nationaliste !) qui a inscrit son discours dans le panthéon de l’histoire générale des luttes contre l’oppression du peuple, de tous les peuples pour rehausser et défendre la dignité humaine et non seulement du négro-mauritaniens.Même si son credo est de lutter contre l’injustice faite à une partie des Mauritaniens, le discours du mouvement, par son internationalisation, a connu, par la force des choses une véritable réorientation. Qu’on le veuille ou non. Cette réorientation est d’ailleurs salvatrice et porteuses d’espoirs quant à la professionnalisation de ses animateurs. Il ne peut en être autrement sinon, ils perdent leur temps et leur énergie. Et de ce fait, le mouvement est exposé à l’appréciation de ceux qu’il prétend défendre, mais aussi de ceux qu’il dit combattre. C’est pourquoi, je m’insurge très souvent sans arrière pensée belliqueuse ni vanité intellectuelles aucunes, contre ceux qui pensent privatiser le fond du discours politique, son orientation stratégique, ses clivages internes, ses avancées avérées et ses ratés historiquement prouvés, comme si les FLAM étaient leur propriété (jeey).
L’élargissement des bases du mouvement, la dispersion de ses membres et les nouvelles fréquentations de ces derniers doivent entamer, de manière profonde et intelligente, cette façon trop limitative d’appréhender les choses. Si l’objectif du mouvement est de produire des idées, d’être visible et de peser sur la balance politique ; il faut bien que ces membres, qui à chaque fois qu’un non militant ou leurs adversaires politiques se prononcent, ils se mettent sur leurs chevaux pour transpercer « l’ennemi » juré. Il leur faut mettre un peu d’eau dans leur vin. Les critiques et les plus acerbes d’entre elles peuvent produire des effets bénéfiques si elles sont bien exploitées et bien canalisées. Mais continuer à croire que les sorties des uns et des autres ne sont que des attaques dirigées ou des leçons contre/aux FLAM frise le cocasse. On aurait pu en rester là au simple constat, mais je pense que cela mérite une réflexion de notre part afin de comprendre les raisons profondes de cette frilosité inconséquente.
Dans « Subversion blâmable… » mon intention se résumait à la lecture d’une situation. Simple lecture qui peut être interprétée d’une manière ou d’une autre. Je le concède. C’est normal. Mon intention n’était point de donner des leçons ni de m’immiscer dans les affaires intérieures du mouvement ni de demander à ses membres de rentrer en Mauritanie ou de dissoudre leur cadre d’expression. Et de quel droit ? De quelle folie souffrirai-je pour le suggérer ? A qui le suggérer ?
J’ai évoqué une idée à la quelle je crois profondément car je pensais et continue de penser qu’à l’état actuel de la situation, s’impose une discussion profonde et franche entre acteurs de tous les bords même si quelques uns d’entre-nous doutent encore. C’est de leur droit. Je défendais, que quelques praticiens de la politique et acteurs de la société civile exilés devaient prendre leur courage en main et se dire : pourquoi pas ? Il ne s’agissait pas d’encourager le retour (armes et bagages en main) pour repartir, mais repartir afin d’imposer leur discours sur le terrain et renforcer les voix de ceux qui se battent et portent haut la main le même discours en Mauritanie. Il était souhaitable que quelques uns sacrifient leur exil. J’avoue que si le débat ne retourne pas sur la scène publique nationale, il risque fort d’être encore une fois marginalisé par rapport à ce qui est convenu d’appeler la transition mauritanienne. La transition était en marche même si par ailleurs les appréciations divergeaient et se contredisaient. Des choses se passaient malgré nous. La transition s’est imposée à nous avec notre bénédiction. Oui seul un homme est parti, oui le système qu’il a produit et qu’il a entretenu est toujours là. Mais le départ de Maawiya semblait être un préalable et ces dernières années, la lutte s’était focalisée autour de cette seule éventualité. Erreur fatale, car personne ne pouvait détrôner l’actuel « qatari » sinon ses proches . Ils l’ont fait avec beaucoup de tact. Ce qu’on espérait, comme le dit la maxime pulaar : « ko gnawi ene jibina ko selli et ko selli ene jibina ko gnawi ». L’exemple de la perestroïka et de la glasnst est là. C’est le fruit d’un homme qui était au cœur du système communiste russe. Cette politique a conduit à l’éclatement de l’URSS, à la révision de la cartographie et du même coup à la géopolitique du monde et conflits sont apparus comme en Tchéchénie et dans les pays qui se terminent en « an », Tadjikistan et autres…. Mais un autre élément important s’est produit après cette politique de Gorbatchev, la fin de la guerre froide, la réunification de l’Allemagne et la démocratisation des régimes africains .
Il me semblait donc urgent qu’une prise de conscience soit faite et que ceux qui tentent de privatiser le discours des FLAM concèdent une fois pour toute que le mouvement appartient au paysage mauritanien et que, par conséquent, il est celui de tous les Mauritaniens. Sinon à quoi servirait-il ? A une portion d’individus « isolés » et se croyant champions du discours de la radicalité ?
Cette idée d’animosité contre les FLAM est une histoire trop ringarde et sans fondements valables hier, aujourd’hui et demain. La phobie de voir partout des ennemis conduit à la peur, au blocage des consciences, des difficultés inhérentes de recrutement de militants sincères et engagés et capables, avec discernement, de faire entendre la voix de ceux qui sont à l’extérieur du mouvement sans être des ennemis irréductibles. Ils peuvent jouer le relais au discours dont le mouvement est porteur.
En écrivant tout cela j’étais convaincu et reste encore aujourd’hui convaincu que le mouvement a atteint un âge de maturité dont l’importance n’est pas encore bien évaluée à sa juste valeur même si « l’aile traditionnelle » reste encore solide et obsessionnellement intransigeante. C’est tant mieux pour elle ai-je envie de dire. Mais la nécessité de changer se fait sentir de jour en jour, d’année en année, de congrès en congrès et d’événements en événements. C’est cela qui vivifie un mouvement. Ce n’est point un danger. Et ceux qui pensent que le mouvement est en danger sont seulement en retard par rapport à leur monde et aux idéaux qui l’alimentent aujourd’hui. Ils redoutent la « nouveauté » alors qu’ils combattent pour l’émergence d’un monde tout nouveau en Mauritanie. Ce paradoxe mérite des réflexions.
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Depuis lors quelques uns d’entre eux ont participé à des discussions en Mauritanie avec la bénédiction du pouvoir. Donc l’histoire nous a donné raison même si les résultats ne sont pas à la hauteur de l’attente.
C’était une évidence et je pense l’avoir dit dans une interview accordée à Flamnet.
Même si dans ce dernier cas nous pouvons douter encore. Mais la démocratie est irréversible sur le continent africain. Elle marche à son rythme (Lire L’état de la démocratie en Afrique de l’Ouest, Gorée Institute).
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Que le débat interne aux flamistes intéresse tout le monde, c’est tout à fait naturel. Cette attitude de croire que les FLAM ne sont intéressantes, pour les autres, qu’aujourd’hui est une vision extrêmement naïve du politique et de l’exercice de la politique. Sauf si ceux qui le pensent se jouent aux naïfs en essayant de détourner observateurs et tout simplement des chasseurs de militants. On s’intéresse à la vie intérieure du mouvement et de tous les mouvements d’ailleurs car ils négocient tout le temps pour nous gouverner demain. Mais ce repli sur soi-même en dit long sur le manque d’adaptation à un monde dont le maître mot est le changement de la trajectoire politico-sociale de la Mauritanie. Ce pays voit émerger de nouvelles réalités extrêmement complexes. Je rêve ! Le rêve est l’attitude la plus intéressante de la vie. Qui n’a jamais rêvé d’un monde meilleur ?
Au cœur de leur sixième congrès, les FLAM ont vu émerger deux tendances fortes qui renseignent plus sur les débats francs autour desquels se sont focalisés les esprits. Un mouvement en vie doit se soumettre à la naissance des courants de pensées en son sein et des plus revendicatifs. Il doit s’y résoudre et compter avec ceux qui les animent afin que des différentes contradictions bourgeonnent des leçons pour l’avenir. Ces courants sont porteurs de changements par les idées qu’ils proposent, les critiques formulent et les différentes innovations qu’ils tentent « d’inoculer » sans arrières pensées de dissidence ou de détournement des objectifs. Les hommes qui les animent e doivent pas être considérés comme de simples frondeurs ou des commanditaires d’un « coup d’état politique rampant » ou comme des infiltrés, des pestiférés ! Mis que non ! Ils sont, je pense, tout simplement animés par une volonté de modernisation de leur mouvement, de ses structures et de surtout de son discours. Ils appellent à une professionnalisation de la politique. Ce à quoi je crois profondément. Je me surprends penser que le professionnel politique est celui qui sait lire les signes, les interpréter afin de s’inscrire sur la liste des compromis.
Je prétends aussi penser que la modernisation du discours politique des FLAM appelle des bouleversements, un véritable tremblement (pour ne pas dire un tsunami politique) aussi bien dans le vocabulaire que dans celui du changement des hommes : comme une mutation profonde.
Mais, il faut aussi compter, sans les combattre frontalement, avec les gardiens du temple. Je pense que ces derniers souhaitent des changements, mais ont comme une peur de voir le mouvement perdre son âme. Cette attitude me semble alimenter une peur injustifiée au moment où le mouvement a besoin d’un sang tout nouveau afin qu’il « redécolle » au milieu du champ politique mauritanien. Il ne peut pas être en dehors de ce champ de manière éternelle. Le mouvement regorge de jeunes qui sont porteurs d’un discours de rupture créatrice. Il me semble, de très loin, qu’ils sont acquis à une révision des fondements et à la reformulation du discours et de la réorganisation profonde de ses cadres d’expression. Mais sont-ils suffisamment compris ? Ont-ils suffisamment d’arguments pour infléchir la trajectoire historique du mouvement ? Ont-ils les bases nécessaires pour investir leurs talents ? Est-ce que la dispersion n’est pas, dans ce cas, un véritable handicap au changement souhaité par quelques uns d’entre eux ?
A mon avis cette dispersion ne permet pas de mesurer l’influence réelle des animateurs de ces courants sur les militants. Et puis je ne suis pas dans le secret du mouvement pour en comprendre l’ensemble des mécanismes. Il me semble que la vie des ces courants se résume à des cercles d’amis qui partagent des convictions nobles qui peinent à pénétrer la conscience des militants fortement diasporisés. Le militantisme téléphonique et virtuel rend difficile la mobilisation dans le sens pratique du terme. Un mouvement a besoin d’une existence physique afin que ses différents symboles rayonnent et se consolident dans les esprits : un lieu, un espace de mobilisation…. Cette idée ne relève pas d’une simple critique de ma part, mais s’alimente à mes observations et aux échos qui me parviennent du mouvement. En tant que mauritanien, je suis convaincu qu’une partie de son discours est indépassable. Voilà pourquoi buna s’invite très souvent à la réunion entre gniiri et kossam. Mais buna n’a jamais été un tireur embusqué car il avance démasqué avec son nom, son prénom voire avec le sobriquet qu’il affectionne. Buna défend ses idées, critique et propose ses vues sans vanité, ni prétentions. Nous qui sommes à l’extérieur du mouvement, n’avons que nos plumes et nos langues. Nous ne pouvons rien changer, mais nous proposons des idées et ça s’arrête là . Nous écoutons, nous observons et tentons de dire un petit mot afin d’influencer les débats et y participer de loin. C’est cela peut-être notre vocation de « marginaux » politiques. Prétentieuse vocation ou fuite ? Je le concède à ceux qui voient dans les efforts des autres une sorte de vanité sociale inutile ou d’usurpation d’intelligence inopérante. Astuces et ruses… En tout cas, il me semble que je n’ai pas besoin de ces attitudes qui risquent de me détourner de ma vocation réelle et de mes soucis quotidiens : penser mon monde. Celui qui tente toujours de s’échapper quand on le poursuit avec des idéaux arrêtés et immuables. Je suis contre l’idéologie statique et improductive. Je suis pour un renouvellement permanent de nos cadres de pensées. Il faut tenter d’être au cœur de l’information intelligente tirer d’elle le meilleur afin qu’à défaut de surnager nager au moins. L’île habitée de la conscience le recommande et l’exige de nous.
Comment me permettrai-je de vivre dans le « luxe égoïste » de l’insularité ? Non je ne peux pas me désintéresser de ce qui se passe dans mon pays et dans la diaspora mauritanienne. Non je ne me laisserai point piégé par des considérations fallacieuses, injustes et calomnieuses au point de démissionner de tout et surtout de ces échanges exaltants. Ils démontrent, malgré tout, que nous avançons vers quelque chose : l’ancrage du débat contradictoire et la nécessité, presque naturelle, que chacun d’entre nous puisse proposer ses vues à travers ses multiples expériences. Etre syndiqué ou non n’a pas d’importance. L’essentiel est de jouir de toutes ses facultés mentales et intellectuelles afin de proposer une lecture et de recevoir en retour quelques critiques fondatrices. C’est ma démarche.
En tout, je peux dire que de nouvelles tendances sont apparues à l’horizon de ce congrès de Cincinnati. Le débat flamo-flamiste est d’une importance capitale pour tout monde. La cause doit être entendue. Les militants n’ont pas la primauté sur les autres sinon ils faussent cette démocratie qu’ils appellent tous les jours. Ce débat détermine une volonté et marque de son sceau une véritable mutation interne qui tarde à se concrétiser. Mais les changements de perspectives – sans reniement des fondements – s’imposeront au mouvement et à ces militants qui ont peur d’avancer. On ne reconnaît la grandeur d’un mouvement que quand il s’impose un devoir de critique interne, d’introspection et de sacrifice en fonction des sensibilités qui le traversent et les nécessités de modernisation de son discours. Malgré les réticences et les lobbyings « culturalistes » internes, les changements viendront comme dans une prévision têtue.
Toutes ces discussions, au travers desquelles on aperçoit un terrible manque de recul, de déférence, de respect de la différence, conduisent à des considérations « insultantes » qui alimentent ce que j’appelle, ici, le mécontentement philosophique.
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Et pourtant nous sommes toujours taxés par les détracteurs du mouvement d’être des membres cachés. Il faut que les animateurs du mouvement le sachent, ils le savent d’ailleurs et ne nous rendent pas service en passant tout leur temps à penser que notre attitude, justement, est liée à ce que jeu d’équilibriste pour paraître « sain » politiquement. Non, je ne pense pas une seule seconde devoir me justifier par rapport à cette attitude néfaste et « insérieuse » de la part des deux camps entre lesquels on se retrouve comme par hasard. C’est très agaçant. Je ne suis pas un centriste. Je prétends agir à la marge des discours pour mieux voir ce qui se passe et ce qu’on pense faire de moi demain par tous les mouvements qui luttent. C’est ça qui me démange. Je veux savoir dans quel, moi, mes enfants, mes petits enfants et les autres pays devrons-nous vivre nos passions.
Abderahmane NGAEDE