
"Le Président de la République reçoit la Coordination des partis de la Majorité ". Le quotidien national "Horizon" en fait sa manchette le mardi 22 avril, avec en prime la photo de MM.Sidi Ould Cheikh Abdallahi et Yahya Ould Ahmed Waghvav à la UNE, souriants comme deux vieux complices qui fêtent ensemble une victoire. Le puzzle est en effet complet et on peut passer aux choses sérieuses. Une nouvelle équipe gouvernementale à consonance très politique où le parti ADIL que dirige Ould Waghev aura la plus belle partition. C'est en partenaire du pouvoir et en (principal) collaborateur qu'il compte d'ailleurs se positionner pour négocier le prochain virage.
Tout semble si rapide, si bien ordonné dans le temps, qu'on ne peut que s'émerveiller face à la tactique politique utilisée pour en arriver à cette grande Coordination de la majorité qui compte dorénavant peser sur l'échiquier.
Le système, au lendemain du putsch du 3 août 2005 où il se sentait mis sur le banc des accusés, s'était disloqué. Mais ce n'était qu'en apparence pour réussir la grande retrouvaille, après un coup de vernis. Le PRDS, véritable pilier de cette machine avait fait hara-kiri, sous le coup de boutoir des dissidences politiques et des procès juridico-politiques qui lui firent intentés par quelques uns de ses ouailles avec la bénédiction du pouvoir militaire qui cherchait coûte que coûte à lui faire avaler son acte de naissance. L'essentiel de ses mentors se dispersèrent qui, sous la bannière d'indépendants, qui sous le drapeau du PRDR qui avait repris le flambeau, ou sous d'autres étiquettes de passage. Aux élections législatives, les indépendants firent un tabac et s'emparèrent de la majorité des sièges au Parlement. Puis formèrent un parti, ADIL. Les morceaux du puzzle étaient trop éparpillés et il fallait regrouper tout ça pour la renaissance du Sphinx.
La naissance de la Coordination est annoncée au cours d'un point de presse le samedi 19 avril. Deux jours après, le lundi 21 avril, réception à la présidence de la République. La déclaration faite par M.Yahya Ould Ahmed Waghev, lue entre les lignes, est sans équivoque. Le compte à rebours pour la chute des technocrates est inéluctable. On soupçonne d'ailleurs la main de la Présidence derrière toute cette trame. En effet, M.Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui peine à réussir sa politique de lutte contre la pauvreté ne voit pas d'un mauvais œil, le retour des politiques aux commandes de l'Exécutif. Au moins, la manne publique descendra jusqu'à la base, si tant est qu'un ministre politique qui milite pour sa cause sait qu'il doit compter sur son électorat. Il est plus enclin à distribuer quelques dividendes. Ce qui n'est pas le cas des technocrates qui n'ont aucune base à honorer, leur cooptation relevant plus de leurs compétences techniques que de leur apport politique. C'est ce qui expliquerait quelque part, la grande dèche qui s'est emparée de la Mauritanie en douze mois de règne où les membres du gouvernement ne prêchèrent que pour leur compte en banque et leurs tirelires personnelles. Le débat sur la question est largement ouvert, pour savoir qui des deux systèmes est le meilleur, un gouvernement de technocrates ou celui des politiques ?
Les Mauritaniens ont déjà expérimenté les deux et souhaitent certainement le deuxième système, après le fiasco complet du premier, qui n'a rien fait ni pour le pays ni pour la plèbe. Même si le retour des politiques se traduira certainement par une rebelote dans les pratiques décriées jusque-là, détournement des deniers publics, sabordement des projets de développement, prébendes, occupations illégales du domaine public, recrutements et promotions de complaisance, bradage des ressources naturelles, caporalisation de la justice et du parlement, gabegie, corruption…ils sont au moins sûrs qu'ils auront leurs parts du gâteau au passage, comme au temps de l'ancien Hizboul Jemhour. Sauf que la Mauritanie en prendra un sacré coup de retard, après les belles perspectives et les beaux rêves que la transition militaire avait fait miroiter.
Écrit par Cheikh Aïdara
Source: lauthentique
(M)