
C’est un président de l’UFP que l’on ne présente plus. Mohamed Ould Maouloud est ouvert, accueillant, humble et, par-dessus le marché, un homme politique des plus fins. Nous l’avons rencontré dans son bureau pour débattre des grandes questions de l’heure.
L’opposition, reconnaît-elle le président élu ? Qu’attend-elle pour mettre la main à la pâte, la Mauritanie ayant, avec la présidentielle du 18 juillet dernier, dépassé la crise née du coup d’Etat et repris le chemin de la vie démocratique ?
Sur quoi bute le dialogue prôné par l’Accord de Dakar ? Comment voit-elle la lutte contre la gabegie, le règlement du passif humanitaire et quelle lecture fait le président de l’UFP de ce premier déplacement du président Aziz en France et en Espagne ? Des questions et bien d’autres auxquelles Mohamed Ould Maouloud s’est prêté sans en dévier aucune. Entretien :
Nouakchott Info : Monsieur le Président, bonjour.
Mohamed Ould Maouloud : Bonjour !
N.I. : Nous sommes heureux de cet entretien promis depuis quelque temps. La première question qui nous vient à l’esprit est de savoir, maintenant que l’élection présidentielle est terminée et que le président élu Mohamed Ould Abdel Aziz est en place depuis plus près de trois mois, si l’UFP reconnaît ce Président de la République et qu’attend-elle pour travailler avec lui ?
M.O.M : Comme je le dis souvent, le problème qui se pose est un problème de crise de confiance dans le système en place. Un rappel est nécessaire pour comprendre notre position actuelle. C’est vrai, un président a été élu le 18 juillet. Mais il a été mal élu aux yeux d’une grande partie de l’opinion publique ; les principaux challengers ont été unanimes à contester cette élection. Il était pourtant à notre portée de mettre fin à la crise politique si le camp du Général avait accepté de jouer la transparence et le respect des règles du jeu. C’est de très mauvaise grâce qu’il a signé l’accord de Dakar, et il a veillé soigneusement à en neutraliser toutes les clauses de transparence.
En commençant par le décret-coup d’Etat du 28 juin pris par un seul pôle à travers le Premier Ministre (malgré son engagement écrit et sur l’honneur d’observer une stricte neutralité entre les trois pôles). Or le principe cardinal de l’Accord de Dakar est la gestion consensuelle de tout le processus électoral par les trois pôles. Ensuite, le Premier Ministre bloquera illégalement le décret nommant les démembrements de la nouvelle CENI afin d’imposer ceux mis en place avant le 6/6.
Il bloquera également la mise sur pied de la commission interministérielle chargée de surveiller l’action des commissariats à la sécurité alimentaire et de l’action humanitaire, qui sans gène aucune ont procédé en pleine campagne à des distributions de vivres et de moyens à des fins électoralistes. Les membres de la haute hiérarchie militaire s’impliqueront directement dans la campagne électorale. Toutes ces violations et bien d’autres contreviennent à dispositions expresses de l’Accord de Dakar.
C’est dire que le scrutin du 18 juillet est le produit non pas de l’accord de Dakar, mais d’un nouveau coup d’Etat, civil cette fois, perpétré le 28 juin par le Premier Ministre, sans doute en exécution d’un ordre qui ne souffre pas la discussion. C’est donc dire que les règles du jeu avaient été faussées dès le départ. Pourtant l’opposition a pris le risque de participer à cette élection certaine qu’elle était que toutes ces violations ne pouvaient donner un avantage décisif au Général au premier tour et qu’il fallait donner au pays la chance de sortir de la crise de l’isolement international. Ce faisant elle a assurément péché par surestimation de ses forces et sous-estimation de l’adversaire. Mais ça, c’est une autre histoire.
Tout le monde allait être abasourdi par le résultat du scrutin ; non seulement l’opposition mais aussi les observateurs et les propres partisans du Général. Le recours introduit alors par les candidats de l’opposition ne réclamait rien d’autre qu’une enquête sur le fichier électoral et la validité des bulletins de vote. Il suffisait de contrôler le fichier informatique et un échantillon représentatif des urnes comme partout dans le monde où il y eut contestation électorale (Iran, Afghanistan, Gabon etc.).
Et on aurait ainsi mis un terme à la controverse et à une crise politique qui a épuisé le pays. Mais visiblement le camp «vainqueur» doutait de sa propre victoire, et ne voulait pas avoir à étaler les «preuves» de son triomphe ! L’opposition a décidé de prendre acte de la décision de la juridiction compétente en la matière, le Conseil Constitutionnel. Ce qui signifie accepter de se soumettre à la légalité du fait accompli institutionnel, de traiter, le cas échéant, avec le Général comme président de la République.
Mais pour autant elle continuera à lui contester toute légitimité. En d’autres termes l’opposition aujourd’hui, considère qu’un président a été élu, mais mal élu. Aujourd’hui, il est possible de surmonter cette crise qui empêche la normalisation de la scène politique. Mais il faut être deux à le vouloir et se mettre autour d’une table non pour refaire le passé mais pour donner des garanties et fixer des règles du jeu pour l’avenir.
N.I. : Au sortir de ces élections devait se poursuivre un dialogue inclusif national comme cela a été stipulé par l’Accord de Dakar. Vous semblez attendre que le pouvoir fasse le premier pas. Peut-être ce pouvoir attend aussi que vous fassiez ce premier pas. Où se situe le problème aujourd’hui pour que ce dialogue soit amorcé ?
M.O.M : Depuis le début, le camp dit UPR ne respecte que de mauvaise grâce et le plus souvent pas du tout, l’Accord de Dakar, comme je l’ai souligné plus haut. Même après le 18 juillet, il continue de fonctionner avec l’esprit et la pratique du 6/8/2008 ! il vit en permanence dans une atmosphère d’épreuve de force. Comme vous l’avez dit, ce camp a signé l’accord de Dakar qui prévoit la poursuite du dialogue post-électoral pour aboutir à un consensus pour la normalisation de la vie politique et notamment de s’entendre sur toutes les élections à venir, municipales ou parlementaires.
Malgré son engagement récent devant le Groupe de Contact International à Nouakchott, le pouvoir n’a encore émis aucun signe dans ce sens. Au contraire le pays continue d’être géré comme au temps du coup d’Etat : l’opposition est interdite d’accès aux médias officiels, la CENI a été dissoute à la veille des élections sénatoriales en cours actuellement, celles-ci sont l’occasion de toutes les violations de la loi de la part du parti au pouvoir.
Je pense qu’effectivement l’Accord de Dakar (paragraphe 4, alinéa 7) nous donne les moyens actuellement de surmonter la crise de la meilleure façon par un dialogue franc et constructif. Mais, bien sûr, c’est celui qui a le pouvoir qui peut décider si cette clause va être appliquée. En attendant, nous continuerons à nous battre pour la restauration de la démocratie et pour l’amélioration des conditions de vie de notre peuple.
N.I. : Sachant que ce statu quo joue en faveur du Pouvoir actuel que peut faire l’opposition pour changer les choses ?
M.O.M : Pas si sûr que le temps joue en sa faveur. C’est vrai il a vendu pas mal de mirages. Mais le cours de la vie est en train de dévoiler la réalité. Les prix montent de façon préoccupante et la baguette magique du Général tarde à se manifester, cette baguette à faire baisser les prix à volonté, à laquelle le Général doit son électorat. Les plus crédules risquent de penser que c’est par mauvaise volonté que le Général-Président ne veut pas faire baisser les prix. Le retour du bâton n’est donc pas si loin. Vous savez l’opposition est dans son rôle.
Elle va continuer à dénoncer les dérives du pouvoir, à critiquer, dévoiler, divulguer ce qui ne va pas et viendra le jour où il sera rattrapé par ses fautes et ses fausses promesses. Alors nous pourrons développer des initiatives de lutte populaire pour la restauration de la démocratie, tout en veillant à préserver la stabilité du pays et la paix civile.
C’est précisément par devoir patriotique que l’opposition a jusqu’à présent refusé de suivre le pouvoir dans sa surenchère. Elle aurait pu avoir une démarche négative, refuser toute solution de compromis et donc l’accord de Dakar ou refuser de participer aux élections du 18 juillet, rechercher la confrontation décisive comme l’y invitait le comportement provocateur de l’autre camp. Si cela avait été le cas, la Mauritanie ne serait pas dans la situation où le pire a été évité et où on caresse encore l’espoir de voir les choses s’arranger dans le bon sens.
N.I.: Ne pensez-vous pas que ce retard dans l’amorce du dialogue ne serait pas du au fait que le Président Aziz voit dans certains leaders de l’opposition, des hommes qui ont fait leur temps, voire associés à ce qu’il qualifiait lors de sa campagne électorale de «moufçidines», des «Roumouz-al-vessad» et qu’il se refuse à travailler avec eux ?
MOM : Bien sûr que s’il avait une attitude intransigeante et radicale contre les représentants de l’ancien régime et ceux qu’il considère comme des «Roumouz-al-vessad», on pourrait comprendre cela, au moins contre ceux de l’opposition qui ont appartenu à l’ancien régime. Mais son discours contre la gabegie, quoique positif dans le principe, ne se comprend pas pour deux raisons. D’abord, il assimile les «roumouz» honnis au régime renversé en 2005, et pourtant le cercle étroit sur lequel il s’appuie actuellement appartient tout entier à l’ancien régime.
Il a à ses côtés tous ses anciens premiers ministres ; les hommes d’affaires sur lesquels il s’appuie maintenant ont tous accumulé leur richesse sous l’ancien régime. Lui-même et certains des officiers supérieurs constituaient les hommes de confiance de l’ancien président. Le président-Général ne doit pas renier la filiation de son pouvoir : un pur produit de l’époque «des moufcidines». Ensuite, sa campagne pour faire passer l’opposition démocratique pour le camp des «moufcidines», de lui subtiliser son discours contre la gabegie et le retourner contre elle, tout cela relève des techniques de manipulations des foules et non de l’engagement sincère contre ce fléau.
Si, véritablement, il avait le souci de combattre la gabegie, il devait plutôt chercher à s’allier avec cette opposition. On a comme l’impression que chaque fois qu’il clignote vivement à gauche, c’est comme dit l’autre, qu’il se prépare à tourner à droite. La campagne officielle de lutte contre la gabegie a deux défauts majeurs. Elle est sélective : elle n’épargne personne, sauf les hommes d’affaires et fonctionnaires appartenant au cercle proche du Général-Président ; tous les autres y compris des fonctionnaires partisans du pouvoir sont bons à être sacrifiés sur l’autel de cette croisade. Deuxième défaut : elle est injuste dans sa mise en œuvre.
Le retour à l’ordre constitutionnel doit d’abord signifier la restauration de l’Etat de droit. Or si l’Inspection Général d’Etat peut accuser, elle n’a pas le droit de juger, et la présomption d’innocence doit être respectée et les droits de la défense garantie jusqu’à la pleine manifestation de la vérité. En dehors du respect des règles de droit en la matière, et jeter quelqu’un en pâture à la médisance publique sans défense relève plutôt d’un populisme dangereux qui pervertit une bonne chose (la lutte contre la gabegie) et la transforme en son contraire : un simple leurre pour dissimuler autre chose –des règlements de comptes contre les adversaires.
Nous avons une Cour des Comptes qui a été organisée, qui a les instruments et les compétences pour prendre en charge tous les cas de malversations. Et bien, que les dossiers de tous ceux qui sont accusés par l’Inspection générale d’Etat soient remis à la Cour des Comptes. S’il est établi que c’est un fait de mauvaise gestion, une procédure est applicable, si c’est un détournement, cela relève d’une autre et les accusés de toutes les façons auront les moyens de se défendre.
Par contre le fait que l’IGE qui est un instrument entre les mains du Premier Ministre, vise tel plutôt que tel et permet au gouvernement d’envoyer en prison qui il veut, est inacceptable. Un véritable souci d’assainissement des finances publiques doit conduire d’abord à inspecter les principaux réceptacles des ressources publiques : le Trésor, le Budget, la BCM ; à inspecter les grands portails d’arrivée : les ports, la douane, la délégation maritime, la Société Nationale des Hydrocarbures et le département du Pétrole ; les sociétés d’Etat qui ont une incidence directe sur la vie quotidienne des citoyens et qui sont défaillantes (Somelec, Somagaz, Sonimex par exemple).
Un audit sur la gestion de ces institutions depuis 2005 est la véritable entrée en matière d’une politique d’assainissement, suivie par l’inspection des secteurs de la police et de l’armée, gouffre insondable des finances publiques malgré la situation difficile des officiers et hommes de troupe, comme le Général l’a lui-même dénoncé plusieurs fois. Ce que nous, nous soutenons et soutiendrons totalement, c’est toute action de lutte contre la gabegie et pour le redressement de l’Etat, dans le cadre des lois et des règles de la République et dans le respect des institutions en place.
N.I: Le Président Ould Abdel Aziz vient de rentrer de France qui lui a reconfirmé son appui et d’Espagne, dans ce qui est le reflet de ce qui est un plus net rapprochement avec les grandes puissances, les Etats-Unis d’Amérique en tête. Quelle lecture en faites-vous ?
M.OM : nous voyons toujours d’un bon œil, dans les conditions normales, tout rapprochement avec tous les pays et tous les peuples du monde, en particulier ceux avec lesquels nous avons des intérêts communs comme la France. Nous devons toujours renforcer ces relations dans l’intérêt réciproque de nos deux pays. Par contre ce qui se passe depuis 2008 dans les rapports de la Mauritanie avec la France est relativement pollué par les agissements d’un certain réseau d’affairistes et d’intermédiaires, que l’on appelle généralement, le réseau de la Françafrique et qui déplace les rapports du niveau officiel, du niveau d’Etat bien étudié et suivant des intérêts bien compris, à celui des relations fondées sur les intérêts personnels et égoïstes des uns et des autres.
La Françafrique semble-t-il a sponsorisé le coup d’Etat du 6/8/08 et joué un rôle de premier plan pour orienter la politique officielle de la France dans le sens de l’adopter et de neutraliser les pressions intérieures et extérieures. L’application de l’Accord de Dakar a beaucoup souffert de ce parti pris de la France pour une victoire du Général.
Tout ceci m’amène à dire que le déplacement actuel du président vers Paris et Madrid aurait été une très bonne chose s’il n’y avait pas cette atmosphère polluée qui entoure les relations entre le Général-Président et certains milieux français. Et puis, dans le contexte actuel et après tout ce que l’on a vu, cela donne une impression très gênante : Pourquoi il se déplace prioritairement à Paris et Madrid ?
Pour les remercier de quoi ? Ce qui doit normalement créer un fort malaise pour le visiteur comme pour ses hôtes c’est la présence ostentatoire à l’accueil du général-Président à Paris d’individus connus pour leur appartenance aux réseaux louches de la Franceçafrique. Quels liens peut avoir un président de la république d’un Etat qui se respecte avec des personnages à la réputation sulfureuse et si décriés en France même. Tout cela nous fait craindre pour la souveraineté de la Mauritanie et ses intérêts supérieurs.
Qu’est ce qui s’est tramé en matière de défense, et en ce qui concerne la lutte contre la migration clandestine ? Le peuple mauritanien a le droit de savoir ce qui représente un engagement stratégique de nature à influencer durablement l’avenir de notre pays. Nous sommes un pays démocratique, nous avons un Parlement, des partis politiques, une opinion publique qui a le droit de savoir. Il ne faut pas qu’on nous fasse jouer sur ce plan un rôle de république bananière, et que notre peuple paye l’ardoise au profit des autres.
N.I. : Le Président a rencontré la communauté mauritanienne en France et leur a dit qu’il est temps de tourner la page et panser les plaies. Est-ce que vous pensez qu’après la prière de Kaédi en signe de règlement du passif humanitaire, le président Aziz est sur la bonne voie de la réconciliation des Mauritaniens entre eux ?
M.OM. : Voilà un problème qui a été pratiquement réglé du temps du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et dont la voie était balisée pour son règlement sans heurts. Ce qui vient d’être fait durant la période du pouvoir militaire est un bricolage fait en catimini et qui pourrait plutôt poser problème à l’avenir. La réconciliation est une affaire de consensus national. Tout le monde est prêt à s’y engager. Encore faut-il que l’on procède suivant les règles ; que cela ne soit pas à la dérobade et sans impliquer la société politique et la société civile dans leur diversité. La démarche pour réussir devait engager tout le monde.
Et puis tout en la matière se fonde sur la confiance. Comment avoir confiance dans une solution imposée sous la contrainte d’un pouvoir militaire. C’est une énorme maladresse. Je ne souhaite pas que ce problème soit relancé mais plutôt qu’on essaie de lui redonner cette dimension de réconciliation nationale et l’implication de tous les acteurs sans revenir sur des choses qui ont été dépassées mais en cherchant à consolider les acquis depuis la déclaration du président Sidi.
N.I. : Pour en revenir à l’ouverture politique, nous avons constaté au vu de la Résolution de votre bureau politique à l’UFP, tout comme chez le parti ADIL qui s’est félicité de la nomination de Mohamed Ould Rzeizim à Addis-Abeba, que vous êtes deux formations du FNDD qui ont moins de «rancune» vis-à-vis du Pouvoir actuel. Est-ce une manière de dire que vous prêts à composer avec lui dans un gouvernement s’il le proposait ? Et où en êtes-vous avec le RFD ?
M.O.M : Je pense que la chose que vous devez comprendre et communiquer à l’opinion publique, c’est que l’opposition est très unie. La première chose que nous avons faite à la veille de la rentrée politique, en septembre, c’était de nous retrouver au FNDD et d’accorder nos violons sur toutes les questions. Nous nous sommes mis d’accord sur la disponibilité au dialogue et sur la nature des rapports et la position que nous devons avoir vis-à-vis du pouvoir actuel.
Cela a fait l’objet d’une conférence de presse et d’une déclaration que vous avez eu à couvrir. Nous avons réaffirmé, au FNDD notre attachement à l’unité de l’opposition dans son ensemble et en particulier avec le RFD. Contrairement à ce que suggère votre question, nous avons décidé de faire des listes communes avec le RFD au niveau des élections sénatoriales que nous présentons à Barkéol, Aleg, Boutilimitt et Nouakchott et nous ne sommes en compétition dans aucune autre circonscription. C’est vous dire que l’opposition est très unie.
N.I. : Une dernière question sur la crise agricole. Nous avons pris connaissance de votre réaction sur ce sujet. Vous voyez d’un mauvais œil la manière par laquelle le Pouvoir actuel entend gérer cette crise. Qu’en est-il ?
M.O.M : La question de la crise du secteur agricole est une question complexe et chronique qui revient sans cesse depuis une vingtaine d’années. L’aborder pour la première fois en termes de mesures drastiques et intempestives, c’est mal s’y prendre et cela risquait d’entrainer des conséquences très graves. D’autant plus que cela n’émanait pas d’une vision claire par rapport à la question de l’agriculture dans un pays comme le nôtre et dans une conjoncture internationale où tout le monde se préoccupe de sa sécurité alimentaire. Les Européens dépensent des milliards pour soutenir leurs agriculteurs, des Américains qui font la même chose alors que leurs agriculteurs sont puissants, ont des moyens énormes.
Comment, dans ce cas, comprendre que le Pouvoir se réveille un beau jour et dise : «Ah bon, vous les agriculteurs vous avez des dettes, et bien, vous remboursez tout de suite sinon je vous jette en prison, je saisis vos biens. Cela ne répond à aucune logique, à aucune vision. Et puis, c’est très injuste. Est-ce que l’on a fait la même chose avec les autres secteurs de l’économie où l’endettement est autrement plus considérable ? Pour régler la crise actuelle du secteur agricole, il s’impose d’organiser un vaste débat national entre les opérateurs et les parties concernées pour aboutir à la définition de véritables stratégies de développement qui tiennent compte des liens avec le marché extérieur, des problèmes de crédits.
L’agriculture n’est pas très rentable peut-être, surtout quand elle est faite à une petite échelle et pourtant nous avons besoin de la petite agriculture, de l’agriculture villageoise. Donc l’Etat est obligé de soutenir ce secteur-là vital pour notre population, parce qu’il crée des emplois, retient énormément de monde.
C’est dire qu’il y a une dimension sociale, économique et on ne doit pas voir la question seulement d’un point de vue comptable comme pourrait le faire un politicien ou un technicien relativement myope. C’est ce qui a justifié notre réaction. Maintenant, on ne dit qu’ils sont en négociation avec les agriculteurs. C’est une bonne chose. S’ils aboutissent à un bon compromis, c’est très bien mais tant qu’il n’y a pas eu la redéfinition d’une stratégie d’ensemble, le problème reviendra d’une autre façon.
N.I. : Merci, monsieur le président.
M.O.M : Je vous remercie.
Propos recueillis par Mohamed Ould Khattat
source : Nouakchott Info
L’opposition, reconnaît-elle le président élu ? Qu’attend-elle pour mettre la main à la pâte, la Mauritanie ayant, avec la présidentielle du 18 juillet dernier, dépassé la crise née du coup d’Etat et repris le chemin de la vie démocratique ?
Sur quoi bute le dialogue prôné par l’Accord de Dakar ? Comment voit-elle la lutte contre la gabegie, le règlement du passif humanitaire et quelle lecture fait le président de l’UFP de ce premier déplacement du président Aziz en France et en Espagne ? Des questions et bien d’autres auxquelles Mohamed Ould Maouloud s’est prêté sans en dévier aucune. Entretien :
Nouakchott Info : Monsieur le Président, bonjour.
Mohamed Ould Maouloud : Bonjour !
N.I. : Nous sommes heureux de cet entretien promis depuis quelque temps. La première question qui nous vient à l’esprit est de savoir, maintenant que l’élection présidentielle est terminée et que le président élu Mohamed Ould Abdel Aziz est en place depuis plus près de trois mois, si l’UFP reconnaît ce Président de la République et qu’attend-elle pour travailler avec lui ?
M.O.M : Comme je le dis souvent, le problème qui se pose est un problème de crise de confiance dans le système en place. Un rappel est nécessaire pour comprendre notre position actuelle. C’est vrai, un président a été élu le 18 juillet. Mais il a été mal élu aux yeux d’une grande partie de l’opinion publique ; les principaux challengers ont été unanimes à contester cette élection. Il était pourtant à notre portée de mettre fin à la crise politique si le camp du Général avait accepté de jouer la transparence et le respect des règles du jeu. C’est de très mauvaise grâce qu’il a signé l’accord de Dakar, et il a veillé soigneusement à en neutraliser toutes les clauses de transparence.
En commençant par le décret-coup d’Etat du 28 juin pris par un seul pôle à travers le Premier Ministre (malgré son engagement écrit et sur l’honneur d’observer une stricte neutralité entre les trois pôles). Or le principe cardinal de l’Accord de Dakar est la gestion consensuelle de tout le processus électoral par les trois pôles. Ensuite, le Premier Ministre bloquera illégalement le décret nommant les démembrements de la nouvelle CENI afin d’imposer ceux mis en place avant le 6/6.
Il bloquera également la mise sur pied de la commission interministérielle chargée de surveiller l’action des commissariats à la sécurité alimentaire et de l’action humanitaire, qui sans gène aucune ont procédé en pleine campagne à des distributions de vivres et de moyens à des fins électoralistes. Les membres de la haute hiérarchie militaire s’impliqueront directement dans la campagne électorale. Toutes ces violations et bien d’autres contreviennent à dispositions expresses de l’Accord de Dakar.
C’est dire que le scrutin du 18 juillet est le produit non pas de l’accord de Dakar, mais d’un nouveau coup d’Etat, civil cette fois, perpétré le 28 juin par le Premier Ministre, sans doute en exécution d’un ordre qui ne souffre pas la discussion. C’est donc dire que les règles du jeu avaient été faussées dès le départ. Pourtant l’opposition a pris le risque de participer à cette élection certaine qu’elle était que toutes ces violations ne pouvaient donner un avantage décisif au Général au premier tour et qu’il fallait donner au pays la chance de sortir de la crise de l’isolement international. Ce faisant elle a assurément péché par surestimation de ses forces et sous-estimation de l’adversaire. Mais ça, c’est une autre histoire.
Tout le monde allait être abasourdi par le résultat du scrutin ; non seulement l’opposition mais aussi les observateurs et les propres partisans du Général. Le recours introduit alors par les candidats de l’opposition ne réclamait rien d’autre qu’une enquête sur le fichier électoral et la validité des bulletins de vote. Il suffisait de contrôler le fichier informatique et un échantillon représentatif des urnes comme partout dans le monde où il y eut contestation électorale (Iran, Afghanistan, Gabon etc.).
Et on aurait ainsi mis un terme à la controverse et à une crise politique qui a épuisé le pays. Mais visiblement le camp «vainqueur» doutait de sa propre victoire, et ne voulait pas avoir à étaler les «preuves» de son triomphe ! L’opposition a décidé de prendre acte de la décision de la juridiction compétente en la matière, le Conseil Constitutionnel. Ce qui signifie accepter de se soumettre à la légalité du fait accompli institutionnel, de traiter, le cas échéant, avec le Général comme président de la République.
Mais pour autant elle continuera à lui contester toute légitimité. En d’autres termes l’opposition aujourd’hui, considère qu’un président a été élu, mais mal élu. Aujourd’hui, il est possible de surmonter cette crise qui empêche la normalisation de la scène politique. Mais il faut être deux à le vouloir et se mettre autour d’une table non pour refaire le passé mais pour donner des garanties et fixer des règles du jeu pour l’avenir.
N.I. : Au sortir de ces élections devait se poursuivre un dialogue inclusif national comme cela a été stipulé par l’Accord de Dakar. Vous semblez attendre que le pouvoir fasse le premier pas. Peut-être ce pouvoir attend aussi que vous fassiez ce premier pas. Où se situe le problème aujourd’hui pour que ce dialogue soit amorcé ?
M.O.M : Depuis le début, le camp dit UPR ne respecte que de mauvaise grâce et le plus souvent pas du tout, l’Accord de Dakar, comme je l’ai souligné plus haut. Même après le 18 juillet, il continue de fonctionner avec l’esprit et la pratique du 6/8/2008 ! il vit en permanence dans une atmosphère d’épreuve de force. Comme vous l’avez dit, ce camp a signé l’accord de Dakar qui prévoit la poursuite du dialogue post-électoral pour aboutir à un consensus pour la normalisation de la vie politique et notamment de s’entendre sur toutes les élections à venir, municipales ou parlementaires.
Malgré son engagement récent devant le Groupe de Contact International à Nouakchott, le pouvoir n’a encore émis aucun signe dans ce sens. Au contraire le pays continue d’être géré comme au temps du coup d’Etat : l’opposition est interdite d’accès aux médias officiels, la CENI a été dissoute à la veille des élections sénatoriales en cours actuellement, celles-ci sont l’occasion de toutes les violations de la loi de la part du parti au pouvoir.
Je pense qu’effectivement l’Accord de Dakar (paragraphe 4, alinéa 7) nous donne les moyens actuellement de surmonter la crise de la meilleure façon par un dialogue franc et constructif. Mais, bien sûr, c’est celui qui a le pouvoir qui peut décider si cette clause va être appliquée. En attendant, nous continuerons à nous battre pour la restauration de la démocratie et pour l’amélioration des conditions de vie de notre peuple.
N.I. : Sachant que ce statu quo joue en faveur du Pouvoir actuel que peut faire l’opposition pour changer les choses ?
M.O.M : Pas si sûr que le temps joue en sa faveur. C’est vrai il a vendu pas mal de mirages. Mais le cours de la vie est en train de dévoiler la réalité. Les prix montent de façon préoccupante et la baguette magique du Général tarde à se manifester, cette baguette à faire baisser les prix à volonté, à laquelle le Général doit son électorat. Les plus crédules risquent de penser que c’est par mauvaise volonté que le Général-Président ne veut pas faire baisser les prix. Le retour du bâton n’est donc pas si loin. Vous savez l’opposition est dans son rôle.
Elle va continuer à dénoncer les dérives du pouvoir, à critiquer, dévoiler, divulguer ce qui ne va pas et viendra le jour où il sera rattrapé par ses fautes et ses fausses promesses. Alors nous pourrons développer des initiatives de lutte populaire pour la restauration de la démocratie, tout en veillant à préserver la stabilité du pays et la paix civile.
C’est précisément par devoir patriotique que l’opposition a jusqu’à présent refusé de suivre le pouvoir dans sa surenchère. Elle aurait pu avoir une démarche négative, refuser toute solution de compromis et donc l’accord de Dakar ou refuser de participer aux élections du 18 juillet, rechercher la confrontation décisive comme l’y invitait le comportement provocateur de l’autre camp. Si cela avait été le cas, la Mauritanie ne serait pas dans la situation où le pire a été évité et où on caresse encore l’espoir de voir les choses s’arranger dans le bon sens.
N.I.: Ne pensez-vous pas que ce retard dans l’amorce du dialogue ne serait pas du au fait que le Président Aziz voit dans certains leaders de l’opposition, des hommes qui ont fait leur temps, voire associés à ce qu’il qualifiait lors de sa campagne électorale de «moufçidines», des «Roumouz-al-vessad» et qu’il se refuse à travailler avec eux ?
MOM : Bien sûr que s’il avait une attitude intransigeante et radicale contre les représentants de l’ancien régime et ceux qu’il considère comme des «Roumouz-al-vessad», on pourrait comprendre cela, au moins contre ceux de l’opposition qui ont appartenu à l’ancien régime. Mais son discours contre la gabegie, quoique positif dans le principe, ne se comprend pas pour deux raisons. D’abord, il assimile les «roumouz» honnis au régime renversé en 2005, et pourtant le cercle étroit sur lequel il s’appuie actuellement appartient tout entier à l’ancien régime.
Il a à ses côtés tous ses anciens premiers ministres ; les hommes d’affaires sur lesquels il s’appuie maintenant ont tous accumulé leur richesse sous l’ancien régime. Lui-même et certains des officiers supérieurs constituaient les hommes de confiance de l’ancien président. Le président-Général ne doit pas renier la filiation de son pouvoir : un pur produit de l’époque «des moufcidines». Ensuite, sa campagne pour faire passer l’opposition démocratique pour le camp des «moufcidines», de lui subtiliser son discours contre la gabegie et le retourner contre elle, tout cela relève des techniques de manipulations des foules et non de l’engagement sincère contre ce fléau.
Si, véritablement, il avait le souci de combattre la gabegie, il devait plutôt chercher à s’allier avec cette opposition. On a comme l’impression que chaque fois qu’il clignote vivement à gauche, c’est comme dit l’autre, qu’il se prépare à tourner à droite. La campagne officielle de lutte contre la gabegie a deux défauts majeurs. Elle est sélective : elle n’épargne personne, sauf les hommes d’affaires et fonctionnaires appartenant au cercle proche du Général-Président ; tous les autres y compris des fonctionnaires partisans du pouvoir sont bons à être sacrifiés sur l’autel de cette croisade. Deuxième défaut : elle est injuste dans sa mise en œuvre.
Le retour à l’ordre constitutionnel doit d’abord signifier la restauration de l’Etat de droit. Or si l’Inspection Général d’Etat peut accuser, elle n’a pas le droit de juger, et la présomption d’innocence doit être respectée et les droits de la défense garantie jusqu’à la pleine manifestation de la vérité. En dehors du respect des règles de droit en la matière, et jeter quelqu’un en pâture à la médisance publique sans défense relève plutôt d’un populisme dangereux qui pervertit une bonne chose (la lutte contre la gabegie) et la transforme en son contraire : un simple leurre pour dissimuler autre chose –des règlements de comptes contre les adversaires.
Nous avons une Cour des Comptes qui a été organisée, qui a les instruments et les compétences pour prendre en charge tous les cas de malversations. Et bien, que les dossiers de tous ceux qui sont accusés par l’Inspection générale d’Etat soient remis à la Cour des Comptes. S’il est établi que c’est un fait de mauvaise gestion, une procédure est applicable, si c’est un détournement, cela relève d’une autre et les accusés de toutes les façons auront les moyens de se défendre.
Par contre le fait que l’IGE qui est un instrument entre les mains du Premier Ministre, vise tel plutôt que tel et permet au gouvernement d’envoyer en prison qui il veut, est inacceptable. Un véritable souci d’assainissement des finances publiques doit conduire d’abord à inspecter les principaux réceptacles des ressources publiques : le Trésor, le Budget, la BCM ; à inspecter les grands portails d’arrivée : les ports, la douane, la délégation maritime, la Société Nationale des Hydrocarbures et le département du Pétrole ; les sociétés d’Etat qui ont une incidence directe sur la vie quotidienne des citoyens et qui sont défaillantes (Somelec, Somagaz, Sonimex par exemple).
Un audit sur la gestion de ces institutions depuis 2005 est la véritable entrée en matière d’une politique d’assainissement, suivie par l’inspection des secteurs de la police et de l’armée, gouffre insondable des finances publiques malgré la situation difficile des officiers et hommes de troupe, comme le Général l’a lui-même dénoncé plusieurs fois. Ce que nous, nous soutenons et soutiendrons totalement, c’est toute action de lutte contre la gabegie et pour le redressement de l’Etat, dans le cadre des lois et des règles de la République et dans le respect des institutions en place.
N.I: Le Président Ould Abdel Aziz vient de rentrer de France qui lui a reconfirmé son appui et d’Espagne, dans ce qui est le reflet de ce qui est un plus net rapprochement avec les grandes puissances, les Etats-Unis d’Amérique en tête. Quelle lecture en faites-vous ?
M.OM : nous voyons toujours d’un bon œil, dans les conditions normales, tout rapprochement avec tous les pays et tous les peuples du monde, en particulier ceux avec lesquels nous avons des intérêts communs comme la France. Nous devons toujours renforcer ces relations dans l’intérêt réciproque de nos deux pays. Par contre ce qui se passe depuis 2008 dans les rapports de la Mauritanie avec la France est relativement pollué par les agissements d’un certain réseau d’affairistes et d’intermédiaires, que l’on appelle généralement, le réseau de la Françafrique et qui déplace les rapports du niveau officiel, du niveau d’Etat bien étudié et suivant des intérêts bien compris, à celui des relations fondées sur les intérêts personnels et égoïstes des uns et des autres.
La Françafrique semble-t-il a sponsorisé le coup d’Etat du 6/8/08 et joué un rôle de premier plan pour orienter la politique officielle de la France dans le sens de l’adopter et de neutraliser les pressions intérieures et extérieures. L’application de l’Accord de Dakar a beaucoup souffert de ce parti pris de la France pour une victoire du Général.
Tout ceci m’amène à dire que le déplacement actuel du président vers Paris et Madrid aurait été une très bonne chose s’il n’y avait pas cette atmosphère polluée qui entoure les relations entre le Général-Président et certains milieux français. Et puis, dans le contexte actuel et après tout ce que l’on a vu, cela donne une impression très gênante : Pourquoi il se déplace prioritairement à Paris et Madrid ?
Pour les remercier de quoi ? Ce qui doit normalement créer un fort malaise pour le visiteur comme pour ses hôtes c’est la présence ostentatoire à l’accueil du général-Président à Paris d’individus connus pour leur appartenance aux réseaux louches de la Franceçafrique. Quels liens peut avoir un président de la république d’un Etat qui se respecte avec des personnages à la réputation sulfureuse et si décriés en France même. Tout cela nous fait craindre pour la souveraineté de la Mauritanie et ses intérêts supérieurs.
Qu’est ce qui s’est tramé en matière de défense, et en ce qui concerne la lutte contre la migration clandestine ? Le peuple mauritanien a le droit de savoir ce qui représente un engagement stratégique de nature à influencer durablement l’avenir de notre pays. Nous sommes un pays démocratique, nous avons un Parlement, des partis politiques, une opinion publique qui a le droit de savoir. Il ne faut pas qu’on nous fasse jouer sur ce plan un rôle de république bananière, et que notre peuple paye l’ardoise au profit des autres.
N.I. : Le Président a rencontré la communauté mauritanienne en France et leur a dit qu’il est temps de tourner la page et panser les plaies. Est-ce que vous pensez qu’après la prière de Kaédi en signe de règlement du passif humanitaire, le président Aziz est sur la bonne voie de la réconciliation des Mauritaniens entre eux ?
M.OM. : Voilà un problème qui a été pratiquement réglé du temps du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et dont la voie était balisée pour son règlement sans heurts. Ce qui vient d’être fait durant la période du pouvoir militaire est un bricolage fait en catimini et qui pourrait plutôt poser problème à l’avenir. La réconciliation est une affaire de consensus national. Tout le monde est prêt à s’y engager. Encore faut-il que l’on procède suivant les règles ; que cela ne soit pas à la dérobade et sans impliquer la société politique et la société civile dans leur diversité. La démarche pour réussir devait engager tout le monde.
Et puis tout en la matière se fonde sur la confiance. Comment avoir confiance dans une solution imposée sous la contrainte d’un pouvoir militaire. C’est une énorme maladresse. Je ne souhaite pas que ce problème soit relancé mais plutôt qu’on essaie de lui redonner cette dimension de réconciliation nationale et l’implication de tous les acteurs sans revenir sur des choses qui ont été dépassées mais en cherchant à consolider les acquis depuis la déclaration du président Sidi.
N.I. : Pour en revenir à l’ouverture politique, nous avons constaté au vu de la Résolution de votre bureau politique à l’UFP, tout comme chez le parti ADIL qui s’est félicité de la nomination de Mohamed Ould Rzeizim à Addis-Abeba, que vous êtes deux formations du FNDD qui ont moins de «rancune» vis-à-vis du Pouvoir actuel. Est-ce une manière de dire que vous prêts à composer avec lui dans un gouvernement s’il le proposait ? Et où en êtes-vous avec le RFD ?
M.O.M : Je pense que la chose que vous devez comprendre et communiquer à l’opinion publique, c’est que l’opposition est très unie. La première chose que nous avons faite à la veille de la rentrée politique, en septembre, c’était de nous retrouver au FNDD et d’accorder nos violons sur toutes les questions. Nous nous sommes mis d’accord sur la disponibilité au dialogue et sur la nature des rapports et la position que nous devons avoir vis-à-vis du pouvoir actuel.
Cela a fait l’objet d’une conférence de presse et d’une déclaration que vous avez eu à couvrir. Nous avons réaffirmé, au FNDD notre attachement à l’unité de l’opposition dans son ensemble et en particulier avec le RFD. Contrairement à ce que suggère votre question, nous avons décidé de faire des listes communes avec le RFD au niveau des élections sénatoriales que nous présentons à Barkéol, Aleg, Boutilimitt et Nouakchott et nous ne sommes en compétition dans aucune autre circonscription. C’est vous dire que l’opposition est très unie.
N.I. : Une dernière question sur la crise agricole. Nous avons pris connaissance de votre réaction sur ce sujet. Vous voyez d’un mauvais œil la manière par laquelle le Pouvoir actuel entend gérer cette crise. Qu’en est-il ?
M.O.M : La question de la crise du secteur agricole est une question complexe et chronique qui revient sans cesse depuis une vingtaine d’années. L’aborder pour la première fois en termes de mesures drastiques et intempestives, c’est mal s’y prendre et cela risquait d’entrainer des conséquences très graves. D’autant plus que cela n’émanait pas d’une vision claire par rapport à la question de l’agriculture dans un pays comme le nôtre et dans une conjoncture internationale où tout le monde se préoccupe de sa sécurité alimentaire. Les Européens dépensent des milliards pour soutenir leurs agriculteurs, des Américains qui font la même chose alors que leurs agriculteurs sont puissants, ont des moyens énormes.
Comment, dans ce cas, comprendre que le Pouvoir se réveille un beau jour et dise : «Ah bon, vous les agriculteurs vous avez des dettes, et bien, vous remboursez tout de suite sinon je vous jette en prison, je saisis vos biens. Cela ne répond à aucune logique, à aucune vision. Et puis, c’est très injuste. Est-ce que l’on a fait la même chose avec les autres secteurs de l’économie où l’endettement est autrement plus considérable ? Pour régler la crise actuelle du secteur agricole, il s’impose d’organiser un vaste débat national entre les opérateurs et les parties concernées pour aboutir à la définition de véritables stratégies de développement qui tiennent compte des liens avec le marché extérieur, des problèmes de crédits.
L’agriculture n’est pas très rentable peut-être, surtout quand elle est faite à une petite échelle et pourtant nous avons besoin de la petite agriculture, de l’agriculture villageoise. Donc l’Etat est obligé de soutenir ce secteur-là vital pour notre population, parce qu’il crée des emplois, retient énormément de monde.
C’est dire qu’il y a une dimension sociale, économique et on ne doit pas voir la question seulement d’un point de vue comptable comme pourrait le faire un politicien ou un technicien relativement myope. C’est ce qui a justifié notre réaction. Maintenant, on ne dit qu’ils sont en négociation avec les agriculteurs. C’est une bonne chose. S’ils aboutissent à un bon compromis, c’est très bien mais tant qu’il n’y a pas eu la redéfinition d’une stratégie d’ensemble, le problème reviendra d’une autre façon.
N.I. : Merci, monsieur le président.
M.O.M : Je vous remercie.
Propos recueillis par Mohamed Ould Khattat
source : Nouakchott Info