
Que se passe t-il donc en Mauritanie ? La situation est assurément inédite. Le pays vit une vacance de pouvoir et se prépare à un nouveau suffrage pendant que le mandat de son président démocratiquement élu continue de courir…
Un peu plus de trois semaines après la démission du Général Mohamed ould Abdelaziz de la présidence du Haut Conseil d’Etat et de sa fonction de chef de l’Etat, simultanément la désignation du président du Sénat, Ba Mamadou Mbaré, à la présidence de la République, l’actualité politique semble marcher au ralenti, bien peu dopée par le caractère exceptionnel de l’intérim présidentiel (un Noir président en Mauritanie, tout de même…) ou par les actions de protestations du front anti-putsch (des actions quotidiennes et soutenues…).
S’agirait-il du calme qui précède la tempête ou de cette période de sérénité nécessaire au dialogue et à la concertation, dont seules les démocraties matures peuvent rêver à moins de quatre semaines d’une échéance capitale ?
Ou encore de l’indifférence de ceux qui considèrent que les jeux sont fais, et que les enjeux sont ailleurs, du côté de partenaires asiatiques ou arabes de la Mauritanie, moins attirés par le formalisme politique ?
Soyons positifs : le mouvement serait moins centrifuge qu’il ne paraît. Le durcissement du face à face entre les acteurs de la scène politique mauritanienne, avec d’un côté le chef de la junte et ses partisans, et de l’autre, ses opposants réunis sous la bannière du front anti-putsch, n’exclurait pas une certaine envie de dialogue, un besoin de s’entendre pour que les uns et les autres puissent sortir honorablement de la crise politique.
Pour le tombeur du Président Sidi ould Cheikh Abdallahi, le désormais candidat Abdelaziz, le défi est de gagner l’élection présidentielle en lui donnant un caractère suffisamment démocratique. La participation de ses adversaires et une mobilisation des électeurs sont donc souhaitables.
Pour le front anti-putsch, qui semble pouvoir évoluer et sortir du lourd carcan de conditions non négociables qu’il maintenait depuis le coup d’Etat, il s’agirait d’éviter de retomber dans le piège de la non participation à l’élection et de ne pas rééditer les expériences précédentes.
Si le front ne participe pas, son boycott s’ensablera et son échec sera cuisant, et ceci d’autant plus que l’ambigüité des positions des partenaires internationaux (beaucoup de bruit pour rien) conforte nécessairement le camp des putschistes. Mais comment revenir aux urnes alors que tout semble joué ?
L’analyse des informations de ces derniers jours nous pousse à considérer que l’on s’acheminerait, lentement mais sûrement, vers un report de la date de l’élection présidentielle, sur un accord des partis adverses.
Comment pourrait-on en arriver là demain, alors qu’hier encore, les autorités issues du coup d’Etat, fortes de leur pouvoir tout neuf et d’un populisme bien conduit, imposaient unilatéralement leur agenda ? Et que ce calendrier était unanimement rejeté par les principaux acteurs politiques nationaux.
La réponse est à rechercher dans l’analyse de la personnalité d’un homme, le Général Abdelaziz, qui aura réussi en fort peu de temps à lever contre lui une hostilité jamais observée auparavant chez les dirigeants politiques mauritaniens.
Comment le Front national pour la défense de la démocratie (FNDD), pour qui le rétablissement de la légalité passe par le retour du président élu en 2007, pourrait-il se contenter du report de quelques semaines d’une élection qu’il ne pouvait envisager avant la fin officielle du mandat de Sidi ?
La réponse se trouverait dans la posture des partenaires de la Mauritanie, telle qu’elle est apparue après le coup d’Etat : trop ambiguë, voire partisane, pour un pays comme la France, qui dans l’imaginaire des citoyens mauritaniens passe pour un faiseur de présidents.
La mollesse ou l’incohérence de ces positions étrangères favorisent le pouvoir en place au détriment d’une opposition maintenue dans l’impasse. Et cette opposition se doit d’improviser des solutions a priori incompatibles avec les règles du jeu d’une démocratie à la française, qui ne serait finalement pas si exportable qu’elle veut le dire…
Bref, l’attitude supposée de la France adoucirait les opposants au putsch et amorcerait un dialogue qui, par principe, n’était pas envisageable ; et l’attitude jusque là trop rigide du putschiste, qui le contraignait à l’isolement, serait revue, favorisant par contre coup une mutation inespérée pouvant le conduire à négocier avec ses adversaires. Miracle !
Peut-on alors envisager l’hypothèse d’une stratégie rénovée des acteurs de l’opposition, tablant sur la capacité du président du Sénat – Président par intérim de la Mauritanie – de faire jouer les leviers constitutionnels, en vue de prolonger l’intérim jusqu’au délai maximal ? La démocratie pourrait alors être sauvée par une élection crédible.
Mais si on suppose que Mamadou Ba, dit Mbaré, qui n’a jamais condamné le coup d’Etat, ne préside pas et ne décide de rien, comme semblent le dire certains observateurs, peut-on croire au contraire que la situation actuelle, figée dans l’absence de débats et de candidats crédibles à l’élection, puisse parfaitement convenir à un candidat Général Président qui restera fidèle à lui-même et n’aura jamais cédé aux pressions ?
Préférons la première hypothèse : le front aura avancé… mais en reculant ; et Aziz, après un « Non » tonitruant aurait tout de même fini par dire « Oui ». Un « Oui » à la démocratie qui pourrait lui rapporter gros… Même si le Général de Gaulle du 13 mai 1958, qui préféra convaincre les Socialistes français et revenir au pouvoir légalement plutôt que « dans le fourgon des paras », n’est guère, lui non plus, exportable en pièces détachés.
Paris, le 8 mai 2009,
Centre d’Information et d’Etudes Stratégiques sur la Mauritanie (CIESMA)
source : CIESMA (France) via cridem
Un peu plus de trois semaines après la démission du Général Mohamed ould Abdelaziz de la présidence du Haut Conseil d’Etat et de sa fonction de chef de l’Etat, simultanément la désignation du président du Sénat, Ba Mamadou Mbaré, à la présidence de la République, l’actualité politique semble marcher au ralenti, bien peu dopée par le caractère exceptionnel de l’intérim présidentiel (un Noir président en Mauritanie, tout de même…) ou par les actions de protestations du front anti-putsch (des actions quotidiennes et soutenues…).
S’agirait-il du calme qui précède la tempête ou de cette période de sérénité nécessaire au dialogue et à la concertation, dont seules les démocraties matures peuvent rêver à moins de quatre semaines d’une échéance capitale ?
Ou encore de l’indifférence de ceux qui considèrent que les jeux sont fais, et que les enjeux sont ailleurs, du côté de partenaires asiatiques ou arabes de la Mauritanie, moins attirés par le formalisme politique ?
Soyons positifs : le mouvement serait moins centrifuge qu’il ne paraît. Le durcissement du face à face entre les acteurs de la scène politique mauritanienne, avec d’un côté le chef de la junte et ses partisans, et de l’autre, ses opposants réunis sous la bannière du front anti-putsch, n’exclurait pas une certaine envie de dialogue, un besoin de s’entendre pour que les uns et les autres puissent sortir honorablement de la crise politique.
Pour le tombeur du Président Sidi ould Cheikh Abdallahi, le désormais candidat Abdelaziz, le défi est de gagner l’élection présidentielle en lui donnant un caractère suffisamment démocratique. La participation de ses adversaires et une mobilisation des électeurs sont donc souhaitables.
Pour le front anti-putsch, qui semble pouvoir évoluer et sortir du lourd carcan de conditions non négociables qu’il maintenait depuis le coup d’Etat, il s’agirait d’éviter de retomber dans le piège de la non participation à l’élection et de ne pas rééditer les expériences précédentes.
Si le front ne participe pas, son boycott s’ensablera et son échec sera cuisant, et ceci d’autant plus que l’ambigüité des positions des partenaires internationaux (beaucoup de bruit pour rien) conforte nécessairement le camp des putschistes. Mais comment revenir aux urnes alors que tout semble joué ?
L’analyse des informations de ces derniers jours nous pousse à considérer que l’on s’acheminerait, lentement mais sûrement, vers un report de la date de l’élection présidentielle, sur un accord des partis adverses.
Comment pourrait-on en arriver là demain, alors qu’hier encore, les autorités issues du coup d’Etat, fortes de leur pouvoir tout neuf et d’un populisme bien conduit, imposaient unilatéralement leur agenda ? Et que ce calendrier était unanimement rejeté par les principaux acteurs politiques nationaux.
La réponse est à rechercher dans l’analyse de la personnalité d’un homme, le Général Abdelaziz, qui aura réussi en fort peu de temps à lever contre lui une hostilité jamais observée auparavant chez les dirigeants politiques mauritaniens.
Comment le Front national pour la défense de la démocratie (FNDD), pour qui le rétablissement de la légalité passe par le retour du président élu en 2007, pourrait-il se contenter du report de quelques semaines d’une élection qu’il ne pouvait envisager avant la fin officielle du mandat de Sidi ?
La réponse se trouverait dans la posture des partenaires de la Mauritanie, telle qu’elle est apparue après le coup d’Etat : trop ambiguë, voire partisane, pour un pays comme la France, qui dans l’imaginaire des citoyens mauritaniens passe pour un faiseur de présidents.
La mollesse ou l’incohérence de ces positions étrangères favorisent le pouvoir en place au détriment d’une opposition maintenue dans l’impasse. Et cette opposition se doit d’improviser des solutions a priori incompatibles avec les règles du jeu d’une démocratie à la française, qui ne serait finalement pas si exportable qu’elle veut le dire…
Bref, l’attitude supposée de la France adoucirait les opposants au putsch et amorcerait un dialogue qui, par principe, n’était pas envisageable ; et l’attitude jusque là trop rigide du putschiste, qui le contraignait à l’isolement, serait revue, favorisant par contre coup une mutation inespérée pouvant le conduire à négocier avec ses adversaires. Miracle !
Peut-on alors envisager l’hypothèse d’une stratégie rénovée des acteurs de l’opposition, tablant sur la capacité du président du Sénat – Président par intérim de la Mauritanie – de faire jouer les leviers constitutionnels, en vue de prolonger l’intérim jusqu’au délai maximal ? La démocratie pourrait alors être sauvée par une élection crédible.
Mais si on suppose que Mamadou Ba, dit Mbaré, qui n’a jamais condamné le coup d’Etat, ne préside pas et ne décide de rien, comme semblent le dire certains observateurs, peut-on croire au contraire que la situation actuelle, figée dans l’absence de débats et de candidats crédibles à l’élection, puisse parfaitement convenir à un candidat Général Président qui restera fidèle à lui-même et n’aura jamais cédé aux pressions ?
Préférons la première hypothèse : le front aura avancé… mais en reculant ; et Aziz, après un « Non » tonitruant aurait tout de même fini par dire « Oui ». Un « Oui » à la démocratie qui pourrait lui rapporter gros… Même si le Général de Gaulle du 13 mai 1958, qui préféra convaincre les Socialistes français et revenir au pouvoir légalement plutôt que « dans le fourgon des paras », n’est guère, lui non plus, exportable en pièces détachés.
Paris, le 8 mai 2009,
Centre d’Information et d’Etudes Stratégiques sur la Mauritanie (CIESMA)
source : CIESMA (France) via cridem