Liste de liens

Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

Fatou, étudiante sénégalaise à Marseille : « Ma vie commence à changer, la précarité s’éloigne. Je peux envoyer de l’argent à ma mère »


« Mon année en France » (4/8). Chaque semaine cet été, « Le Monde » rencontre des étudiants étrangers. Quel regard portent-ils sur notre pays ? S’y sentent-ils bien accueillis ? Fatou Lo, 27 ans, s’est émancipée de la pression familiale en venant faire des études scientifiques en France.


Sur la terrasse ensoleillée d’un café du Vieux-Port, à Marseille, Fatou Lo, 27 ans, semble apaisée. Quand on lui demande de raconter son histoire, de ses premiers pas, à Dakar, jusqu’à sa prochaine remise du diplôme de master « instrumentation, mesure, métrologie », à Aix-Marseille Université, la jeune femme prend sa respiration et plonge plusieurs années en arrière dans sa mémoire. D’une voix dont le timbre tressaille, elle avoue : « Je n’ai pas réussi mon école primaire. »

Née cité Lamy, un quartier de la ville de Thiès, à l’est de la capitale sénégalaise, Fatou est la première-née d’une fratrie de quatre enfants – elle a deux frères et une sœur. Avec une mère infirmière et un père ingénieur en génie civil, la famille dispose de revenus mensuels très confortables (près de 1 000 euros). C’est à Pikine, près de Dakar, que Fatou, enfant, suit l’enseignement primaire. « J’étais une élève moyenne », se souvient-elle. La pression familiale ne tarde pas : « Ma mère me soulignait que j’avais les meilleures conditions pour réussir scolairement. Mon père me répétait que j’étais l’aînée, que j’avais le devoir de donner l’exemple à mes cadets. » L’injonction de réussite ne cessera jamais.

Au collège, puis au lycée d’excellence qu’elle rejoint, l’adolescente s’applique à répondre aux attentes familiales : « Mon père ne cesse de me répéter que je dois me démarquer des autres, être la meilleure dans un établissement où, déjà, tous les lycéens sont bons. » A l’heure où se profilent les épreuves du baccalauréat, le poids des siens est chaque jour plus lourd. « J’avais tellement peur d’un échec que je ne mangeais plus, se rappelle-t-elle. Un soir où j’ai oublié de nettoyer le sol de la salle de bains et que ma petite sœur a glissé, mon père m’a giflée au lieu de s’inquiéter de ce qui n’allait pas. Depuis, notre relation n’est plus la même. Etre parfaite est tellement compliqué ! »

« La pression baisse un peu »

La lycéenne obtient en 2016 un baccalauréat scientifique avec mention bien. Une performance, selon l’Etat sénégalais, qui accorde à ceux qui la décrochent une bourse d’étude et un logement à proximité de l’université Cheikh-Anta-Diop, à Dakar. « Je deviens autonome, je mène ma vie. Enfin, la pression baisse un peu », avoue-t-elle.

Trois ans plus tard, elle est licenciée en physique, chimie et sciences de la matière. La jeune femme a plus de 20 ans et des envies d’ailleurs. L’aventure américaine la tente, mais son père décide que c’est en France qu’elle poursuivra ses études. Il n’y a pas de débat.

En 2020, la pandémie de Covid-19 fait tressaillir le monde entier. Alors que des frontières se ferment, cinq universités françaises lui ouvrent leurs portes : Bordeaux, Amiens, Reims, Mulhouse et Orléans. « Je vois sur TikTok des images de la capitale girondine, la ville est belle et le BUT de mesures physiques de l’université figure parmi les meilleurs », reconnaît-elle.


Bien que titulaire d’une licence, elle se retrouve à la fac avec des jeunes bacheliers. Parmi ses cours de première année figure la métrologie. « Mais c’est quoi, ça ? », s’étonne-t-elle. « La science de la mesure », lui répond son professeur. Les règles, les normes qui s’appliquent à tous les éléments du quotidien, que cela soit dans les sciences, l’industrie, le commerce. « Au Sénégal, rien de comparable n’existe et les gens meurent parce qu’on ne respecte rien. J’ai trouvé ma voie dans l’instrumentation, la mesure et la métrologie », déclare-t-elle. La Néo-Bordelaise s’engouffre studieusement dans ce nouvel univers. Elle est de nouveau diplômée en 2022. Elle choisit de poursuivre ses études en licence de physique appliquée à Aix-Marseille Université en 2023.

« Après la douceur de Bordeaux, la vie à Marseille a été un choc, se remémore-t-elle. Ici, tout est bizarre, observe-t-elle. Des étudiants se font régulièrement agresser, le sentiment d’insécurité est constant. A l’université, certains étudiants n’ont même aucun respect. J’en ai vu certains se lever en plein cours pour dire frontalement à leur enseignant qu’il faisait de la merde. Je n’ai jamais vu ça. Au bled, le prof parle, tu fermes ta bouche. »

Puis l’étudiante doit aussi faire face à un adversaire d’une inertie spectaculaire : la préfecture. En 2023, son titre de séjour doit être renouvelé. L’ensemble de son projet de vie dépend d’un coup de tampon de l’administration afin de valider son stage en entreprise, indispensable à l’obtention de sa licence, ainsi que l’accès aux soutiens du Crous et de la Caisse d’allocations familiales. Après six mois de relance auprès des services concernés, elle ne reçoit aucune réponse, ni rendez-vous. « J’allais tout perdre ! », se souvient-elle.

« La précarité s’éloigne »

La jeune femme décide d’investir la préfecture de Marseille. Un matin, elle se présente à l’entrée du bâtiment. Un vigile la bloque. Elle lui répond qu’elle ne bougera pas de devant la porte. L’homme cède. « Je fais le forcing pour parler à un humain, sans un rendez-vous qu’on ne m’a jamais accordé, on me répète que c’est impossible », raconte-t-elle. Après des heures d’attente, elle parvient au bureau d’une fonctionnaire, elle expose de nouveau son parcours et l’urgence de sa situation. « La préfecture de Bordeaux n’a pas transféré votre dossier », lui répond-on en boucle. Le ton monte. Le chef de service intervient, elle s’explique encore. « Il fait alors un truc sur son ordinateur et me dit que j’allais recevoir un avis favorable, témoigne-t-elle. J’allais pouvoir faire mon stage, valider mon année. Pourquoi faut-il taper du poing pour la simple application du droit ? Cela restera mon plus mauvais souvenir de ce pays. »

Avec ses papiers en règle, l’étudiante poursuit en master en alternance auprès du Commissariat à l’énergie atomique, sur le site de Cadarache (Saint-Paul-lès-Durance, Bouches-du-Rhône) : « Dans le nucléaire, l’expertise en instrumentation est recherchée, explique la jeune scientifique. Elle signe un contrat de travail avec l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et touche un premier salaire de 1 190 euros. Ma vie commence à changer, la précarité s’éloigne. Je peux envoyer de l’argent à ma mère. Ce pays m’a donné une formation académique puis professionnalisante quasi gratuite. Jamais je n’aurais eu la même chose si j’avais opté pour le Canada. »

L’enseignement supérieur n’est pas la seule qualité qu’elle retient de son pays d’accueil. « Le système de santé est formidable », souligne-t-elle encore. Fatou souffre d’une maladie génétique, la drépanocytose, dont les crises sont très douloureuses. « Enfant, mon père, payait très cher des antalgiques pour seulement me stabiliser. Ici, moi, l’étrangère, on me soigne gratuitement. C’est énorme !, s’étonne-t-elle encore. La France est généreuse. »

Au sujet des tensions qui enveniment les relations avec son pays d’origine, l’étudiante veut prendre de la hauteur : « Si on s’enferme dans un discours qui consiste à répéter que tous les malheurs du Sénégal, c’est la faute de la France, on passe à côté de la réalité. Le chômage, le banditisme, les familles dans la rue après des inondations… Ce sont nos propres comportements qu’il faut revoir. »

Cet été, Fatou terminera ses cinq années d’études dans l’Hexagone. Son nouvel objectif : trouver un CDI. Les offres ne manquent pas dans de nombreux secteurs de l’industrie. Mais surtout, elle veut retourner, un temps, au Sénégal. « Lors de mes deux premières années à Bordeaux, je n’avais pas les moyens financiers de voyager, puis le stage en licence et enfin le travail en master m’ont pris tout mon temps », se rappelle-t-elle. Des larmes coulent. « Ma petite sœur est devenue une jeune fille et je ne l’ai pas vue grandir. Ma mère me manque beaucoup. J’ai tellement envie de la prendre dans mes bras. Cela fait maintenant cinq ans que je ne l’ai pas vue. » Le prix qu’elle a payé pour changer sa vie.

Eric Nunès (Marseille, envoyé spécial)



Source : Le Monde
Mercredi 23 Juillet 2025 - 17:14
Mercredi 23 Juillet 2025 - 17:19
INFOS AVOMM
Accueil | Envoyer à un ami | Version imprimable | Augmenter la taille du texte | Diminuer la taille du texte


Nouveau commentaire :


Dans la même rubrique :
1 2 3 4 5 » ... 601