
Coordination des Associations et Collectifs
Des réfugiés Mauritaniens au Sénégal et au Mali
Déclaration : l’Application, à partir de fin décembre 2010, de la clause de cessation aux
Réfugiés mauritaniens ne se justifie pas.
Au regard du droit international, toute demande, de la part de la Mauritanie, concernant l’application aux réfugiés mauritaniens du Sénégal de la Clause de cessation ne saurait être fondée juridiquement. Autrement dit, notre pays d’origine ne saurait justifier sa position, selon laquelle, à partir de fin décembre 2010 aucun réfugié mauritanien ne pourra se faire prévaloir de son statut de réfugié au Sénégal, comme peuvent en témoigner les propos récents de Binta Diagne la correspondante de RFI au Sénégal, lors d’un reportage sur les réfugiés mauritaniens. Veut-on jouer sur la stratégie du fait accompli, en préparant l’opinion nationale et internationale à cette idée ?
L’invitation de la Mauritanie aux rapatriements de milliers de réfugiés mauritaniens au Sénégal, dans le cadre d’un accord tripartite qu’elle a signé le 12 novembre 2007 avec le Sénégal et le HCR et qui a connu son début d’exécution avec la première opération de rapatriement en janvier 2008, suffit-elle à justifier sa demande aujourd’hui ? A supposer même que l’accord tripartite ait fixé l’arrêt des rapatriements à la date 31 décembre 2010 comme cela l’avait était, auparavant, une première fois pour la fin décembre 2009, est-ce que pour autant la demande de l’application de cette clause par la Mauritanie est fondée ?
Avant d’aborder les arguments juridiques mettant en cause l’infondé de la position mauritanienne, nous proposons avant tout de répondre à la question qui s’impose à nous de prime abord, dans le contexte qui nous intéresse ici, celle de savoir : est-ce que la Mauritanie a respecté tous les engagements quant aux garanties internationales de sécurité de tous ordres qui président à toutes les opérations de rapatriement et qui devront rassurer les personnes qui pourraient se porter candidates au retour dans leur pays ? Dans le cas des réfugiés mauritaniens, cette question revêt toute son importance puisque leurs situations de réfugiés au Sénégal et d’apatride de jure est le fait de la volonté des autorités mauritaniennes qui, lors des événements dits de 1989, les ont privés de leur citoyenneté avant de les déporter en masse au Sénégal et au Mali. Outre le déni de leur citoyenneté, ils seront victimes d’expropriations, d’humiliations de traitements inhumains et dégradants et d’aucuns perdront des membres de leurs familles victimes d’exécutions sommaires et ensevelis à jamais dans des fosses communes. Des crimes de sang, par rapport auxquelles les autorités mauritaniennes, jusqu’à aujourd’hui, n’ont pas fait la lumière et continuent à garder le silence et ceci malgré la reconnaissance de sa responsabilité concernant des violations massives et graves des droits de l’homme subies par une des composantes nationales du pays. Il faut souligner que la première réprimande internationale intervenue, certes tardivement, pour condamner ces violations massives des droits de l’homme et qui a demandé leurs réparations par la république islamique de Mauritanie, émane de la Session de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples en 2000, à Alger.
Par ailleurs, s’il est vrai que, sous le régime démocratiquement élu en 2007 du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, des mesures avaient été préconisées en vue de ces réparations et avec le soutien politique et la promesse d’un appui financier de la communauté internationale, il faut reconnaître que le putsch militaire contre son régime a découragé bon nombre de réfugiés mauritaniens au Sénégal à s’inscrire dans les opérations de rapatriement qu’il a initiées et cela malgré les promesses des putschistes de les continuer et d’en améliorer les conditions. Aujourd’hui, le constat est amère, les associations des rapatriés et plus particulièrement le Forum des Organisations Nationales des Droits de l’Homme en Mauritanie, ainsi que des ONG internationales comme la fondation Open Society font état des manquements liés aux rapatriements des réfugiés mauritaniens du Sénégal. Au cœur de leurs dénonciations reviennent toujours celles concernant d’une part, les réticences des autorités mauritaniennes d’établir aux rapatriés du Sénégal des documents d’état civil et civique faisant ainsi d’eux, dans leur propre pays, des apatrides de fait ; et d’autre part, le refus de ces mêmes autorités de restituer sur des bases légales aux rapatriés leurs terres agricoles sources de leur subsistance. Des terres qui leurs avaient confisquées lors de leurs déportations et qu’on a fait occuper illégalement par d’autres citoyens mauritaniens. D’ailleurs, des rapatriés récents du Sénégal ont déjà fait l’objet d’arrestations et de détentions par les forces mauritaniennes de sécurité, pour avoir tout bonnement revendiqué de façon pacifique leurs terres. On peut ajouter à tout cela les conditions de vie difficile auxquelles ces rapatriés font face.
On peut douter actuellement de la bonne foi des autorités mauritaniennes, quant à leur volonté réelle de continuer les opérations de rapatriement, dans la mesure où après une interruption unilatérale de onze mois, ces autorités ont décidé de rependre celles-ci le dix-huit octobre 2010 mais en n’acceptant officiellement que le retour de 2584 réfugiés du Sénégal, alors que le HCR a officiellement fixé à 8000 le nombre de réfugiés candidats inscrits pour le retour. Il n’est même pas assuré que le chiffre de 2584 réfugiés dont la Mauritanie a accepté le retour sera atteint d’ici fin décembre, pour des raisons qu’il va falloir élucider. Cette mauvaise foi est poussée à tel point que, par la voix de son ministère de l’intérieur, notre pays nie l’existence de dix mille réfugiés mauritaniens au Mali pourtant enregistrés grâce aux bons soins du HCR. Alors, au regard de tous ces constats amères, on comprend mieux pourquoi les près de 20.000 réfugiés mauritaniens au Sénégal enregistrés par le HCR ont décidé, contrairement à ceux aujourd’hui rapatriés, de surseoir à leurs rapatriements, en attendant un contexte plus favorable, plus rassurant.
Toutes ces considérations ainsi invoquées et n’encourageant pas de milliers de réfugiés mauritaniens au Sénégal d’envisager leurs rapatriements peuvent constituer logiquement une exception à l’application des clauses de cessation à tout « réfugié statuaire » et peut s’étendre du reste à tout autre réfugié. Cette exception est contenue dans le libellé du paragraphe 5 de la section C de l’article premier de la Convention de 1951 et plus précisément dans le second aliéna. Et dont le premier aliéna stipule que « Si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugié ayant cessé d’exister, elle ne peut plus continuer de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ». L’exception intervient ici, lorsqu’il est précisé dans le deuxième aliéna que « …Toutefois… les dispositions du présent paragraphe ne s’appliqueront pas à tout réfugié visé au paragraphe de la section A du présent article qui peut invoquer, pour refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures ».
Il convient d’abord de souligner que la référence au paragraphe 1 de la section A de l’article tient à spécifier que cette exception concerne « les réfugiés statuaires » ceux reconnus comme tels en application de certains arrangements internationaux ou conventions ou protocoles etc.
Mais, comme nous l’avons annoncé antérieurement cette exception peut être étendue à d’autres réfugiés. Le principe qui sous-tend cette exception est de façon générale de caractère humanitaire et qui conduit à admettre que très souvent par rapport à une personne qui a été victime ou dont la famille a été victime de formes atroces de persécutions, on ne saurait s’attendre de sa part qu’il accepte le rapatriement. Et, cela même à supposer qu’il ya eu changement de régime dans le pays, mais que celui-ci n’a pas nécessairement provoqué un changement complet dans l’attitude de la population ni dans l’état d’esprit du réfugié, en raison d’une expérience passée vécue encore douloureusement. A cet égard, nous pouvons affirmer sans nous tromper que l’état d’esprit des 20.000 réfugiés mauritaniens qui ont décidé de surseoir à leurs rapatriements n’a pas changé à l’endroit des autorités mauritaniennes en qu’ils ne font pas confiance, compte tenu du sort peu enviable réservé aux rapatriés du Sénégal et qui leur rappelle un passé douloureux . A ce titre, ils peuvent bien invoquer des raisons impérieuses contre toute demande de cessation de leur statut. A ce propos, ils ont fait part de leurs inquiétudes et de leurs préoccupations tant aux organisations internationales qu’aux ambassades étrangères. Les officiels du Département d’état des USA qui ont visité les camps de réfugiés de la vallée ou qui ont eu à rencontrer des associations de réfugiés mauritaniens au Sénégal peuvent le confirmer, car aux cours de leurs rencontres avec les réfugiés, ces derniers leur ont toujours fait part de leurs réelles préoccupations.
De ce qui précède, il est clair que la volonté de la Mauritanie ou son éventuelle demande visant à l’application des Clauses de cessation aux réfugiés mauritaniens du Sénégal ne se justifient pas.
Par ailleurs, concernant la question du changement de régime politique en Mauritanie, comme pourrait le traduire le respect des principes de bonne gouvernance et ceux des droits de l’homme, on ne peut pas dire que, suite au coup d’état militaire du 6 aout 2008, ces principes soient entièrement respectés. Le recyclage de ce coup d’état, contre le régime démocratiquement élu du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, par l’organistion d’une élection présidentielle consensuelle entre le camp putschiste et la coalition de l’opposition et telle que prévue dans les accords de Dakar signés en juin 2009 par les différents pôles politique, a échoué. Cet échec est dû au fait que non seulement ces élections sont controversées, mais aussi au fait que le Général Abdel Aziz qui s’est proclamé élu à cette présidentielle de juillet 2009 a rejeté le bien fondé des clauses des Accords de Dakar qui prônent, entre autres le « dialogue national inclusif » soutenu par la communauté internationale, en vue de la sortie de crise politique consécutive au coup d’état du 6 aout 2008. Un dialogue qui devait se poursuivre même après les élections et qui aurait permis de discuter sereinement de toutes les questions afférant à l’unité nationale ou à la place de l’armée dans notre pays ou à des questions institutionnelles. Au plan du respect des droits de l’homme, on ne peut pas dire que la Mauritanie s’en soucie vraiment au regard des arrestations, des brutalités et des détentions dont sont victimes Biram Dah Ould Abeid le leader du mouvement abolitionniste IRA-Mauritanie et ses camarades et ce de la part des forces de sécurité et de la justice mauritaniennes, ceci, simplement pour avoir tenu à apporter leur assistance à deux mineures victimes de pratiques esclavagistes lors de leur audition. Cela montre le peu d’égard que l’Etat mauritanien réserve à la lutte contre l’esclavage qu’une loi adoptée par l’assemblée nationale a pourtant criminalisé. Il n’y a aucun observateur sérieux qui puisse nier la persévérance de l’esclavage en Mauritanie ni de l’impunité qui en découle ni de celle qui fait suite aux violations massives des droits de l’homme de caractère raciste qui ont été perpétrées entre 1989 et 1991 contre les noirs mauritaniens et qui ont touché aussi bien des civils que des militaire. C’est à cet égard que l’officier mauritanien Ely oul Dah a été condamné par contumace en 2005, par la justice française pour crimes de torture, à dix ans de réclusion. Une condamnation dont la non exécution étonne encore plus d’un. Nous saluons la mobilisation sans faille des associations comme l’Association d’aides aux veuves et orphelins de Mauritanie (Avomm) et celle de l’Organisation contre la violation des droits humains (Ocvidh), pour que justice soit rendue aux victimes.
Aussi, nous profitons de l’occasion pour demander à la communauté internationale d’exiger au nom du droit international, à ce que la Mauritanie respecte ses engagements internationaux en matière de droit humanitaire et veille au respect des règles élémentaires de la démocratie et de la bonne gouvernance. Et, pour finir nous appelons à la libération du leader abolitionniste de l’Ira-Mauritanie à savoir Biram Dah ould Abeid et nous demandons à ce que la communauté internationale s’implique à cet effet.
Dakar, le 25 décembre 2010
Moustapha Touré
source: Moustapha Touré
Des réfugiés Mauritaniens au Sénégal et au Mali
Déclaration : l’Application, à partir de fin décembre 2010, de la clause de cessation aux
Réfugiés mauritaniens ne se justifie pas.
Au regard du droit international, toute demande, de la part de la Mauritanie, concernant l’application aux réfugiés mauritaniens du Sénégal de la Clause de cessation ne saurait être fondée juridiquement. Autrement dit, notre pays d’origine ne saurait justifier sa position, selon laquelle, à partir de fin décembre 2010 aucun réfugié mauritanien ne pourra se faire prévaloir de son statut de réfugié au Sénégal, comme peuvent en témoigner les propos récents de Binta Diagne la correspondante de RFI au Sénégal, lors d’un reportage sur les réfugiés mauritaniens. Veut-on jouer sur la stratégie du fait accompli, en préparant l’opinion nationale et internationale à cette idée ?
L’invitation de la Mauritanie aux rapatriements de milliers de réfugiés mauritaniens au Sénégal, dans le cadre d’un accord tripartite qu’elle a signé le 12 novembre 2007 avec le Sénégal et le HCR et qui a connu son début d’exécution avec la première opération de rapatriement en janvier 2008, suffit-elle à justifier sa demande aujourd’hui ? A supposer même que l’accord tripartite ait fixé l’arrêt des rapatriements à la date 31 décembre 2010 comme cela l’avait était, auparavant, une première fois pour la fin décembre 2009, est-ce que pour autant la demande de l’application de cette clause par la Mauritanie est fondée ?
Avant d’aborder les arguments juridiques mettant en cause l’infondé de la position mauritanienne, nous proposons avant tout de répondre à la question qui s’impose à nous de prime abord, dans le contexte qui nous intéresse ici, celle de savoir : est-ce que la Mauritanie a respecté tous les engagements quant aux garanties internationales de sécurité de tous ordres qui président à toutes les opérations de rapatriement et qui devront rassurer les personnes qui pourraient se porter candidates au retour dans leur pays ? Dans le cas des réfugiés mauritaniens, cette question revêt toute son importance puisque leurs situations de réfugiés au Sénégal et d’apatride de jure est le fait de la volonté des autorités mauritaniennes qui, lors des événements dits de 1989, les ont privés de leur citoyenneté avant de les déporter en masse au Sénégal et au Mali. Outre le déni de leur citoyenneté, ils seront victimes d’expropriations, d’humiliations de traitements inhumains et dégradants et d’aucuns perdront des membres de leurs familles victimes d’exécutions sommaires et ensevelis à jamais dans des fosses communes. Des crimes de sang, par rapport auxquelles les autorités mauritaniennes, jusqu’à aujourd’hui, n’ont pas fait la lumière et continuent à garder le silence et ceci malgré la reconnaissance de sa responsabilité concernant des violations massives et graves des droits de l’homme subies par une des composantes nationales du pays. Il faut souligner que la première réprimande internationale intervenue, certes tardivement, pour condamner ces violations massives des droits de l’homme et qui a demandé leurs réparations par la république islamique de Mauritanie, émane de la Session de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples en 2000, à Alger.
Par ailleurs, s’il est vrai que, sous le régime démocratiquement élu en 2007 du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, des mesures avaient été préconisées en vue de ces réparations et avec le soutien politique et la promesse d’un appui financier de la communauté internationale, il faut reconnaître que le putsch militaire contre son régime a découragé bon nombre de réfugiés mauritaniens au Sénégal à s’inscrire dans les opérations de rapatriement qu’il a initiées et cela malgré les promesses des putschistes de les continuer et d’en améliorer les conditions. Aujourd’hui, le constat est amère, les associations des rapatriés et plus particulièrement le Forum des Organisations Nationales des Droits de l’Homme en Mauritanie, ainsi que des ONG internationales comme la fondation Open Society font état des manquements liés aux rapatriements des réfugiés mauritaniens du Sénégal. Au cœur de leurs dénonciations reviennent toujours celles concernant d’une part, les réticences des autorités mauritaniennes d’établir aux rapatriés du Sénégal des documents d’état civil et civique faisant ainsi d’eux, dans leur propre pays, des apatrides de fait ; et d’autre part, le refus de ces mêmes autorités de restituer sur des bases légales aux rapatriés leurs terres agricoles sources de leur subsistance. Des terres qui leurs avaient confisquées lors de leurs déportations et qu’on a fait occuper illégalement par d’autres citoyens mauritaniens. D’ailleurs, des rapatriés récents du Sénégal ont déjà fait l’objet d’arrestations et de détentions par les forces mauritaniennes de sécurité, pour avoir tout bonnement revendiqué de façon pacifique leurs terres. On peut ajouter à tout cela les conditions de vie difficile auxquelles ces rapatriés font face.
On peut douter actuellement de la bonne foi des autorités mauritaniennes, quant à leur volonté réelle de continuer les opérations de rapatriement, dans la mesure où après une interruption unilatérale de onze mois, ces autorités ont décidé de rependre celles-ci le dix-huit octobre 2010 mais en n’acceptant officiellement que le retour de 2584 réfugiés du Sénégal, alors que le HCR a officiellement fixé à 8000 le nombre de réfugiés candidats inscrits pour le retour. Il n’est même pas assuré que le chiffre de 2584 réfugiés dont la Mauritanie a accepté le retour sera atteint d’ici fin décembre, pour des raisons qu’il va falloir élucider. Cette mauvaise foi est poussée à tel point que, par la voix de son ministère de l’intérieur, notre pays nie l’existence de dix mille réfugiés mauritaniens au Mali pourtant enregistrés grâce aux bons soins du HCR. Alors, au regard de tous ces constats amères, on comprend mieux pourquoi les près de 20.000 réfugiés mauritaniens au Sénégal enregistrés par le HCR ont décidé, contrairement à ceux aujourd’hui rapatriés, de surseoir à leurs rapatriements, en attendant un contexte plus favorable, plus rassurant.
Toutes ces considérations ainsi invoquées et n’encourageant pas de milliers de réfugiés mauritaniens au Sénégal d’envisager leurs rapatriements peuvent constituer logiquement une exception à l’application des clauses de cessation à tout « réfugié statuaire » et peut s’étendre du reste à tout autre réfugié. Cette exception est contenue dans le libellé du paragraphe 5 de la section C de l’article premier de la Convention de 1951 et plus précisément dans le second aliéna. Et dont le premier aliéna stipule que « Si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugié ayant cessé d’exister, elle ne peut plus continuer de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ». L’exception intervient ici, lorsqu’il est précisé dans le deuxième aliéna que « …Toutefois… les dispositions du présent paragraphe ne s’appliqueront pas à tout réfugié visé au paragraphe de la section A du présent article qui peut invoquer, pour refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures ».
Il convient d’abord de souligner que la référence au paragraphe 1 de la section A de l’article tient à spécifier que cette exception concerne « les réfugiés statuaires » ceux reconnus comme tels en application de certains arrangements internationaux ou conventions ou protocoles etc.
Mais, comme nous l’avons annoncé antérieurement cette exception peut être étendue à d’autres réfugiés. Le principe qui sous-tend cette exception est de façon générale de caractère humanitaire et qui conduit à admettre que très souvent par rapport à une personne qui a été victime ou dont la famille a été victime de formes atroces de persécutions, on ne saurait s’attendre de sa part qu’il accepte le rapatriement. Et, cela même à supposer qu’il ya eu changement de régime dans le pays, mais que celui-ci n’a pas nécessairement provoqué un changement complet dans l’attitude de la population ni dans l’état d’esprit du réfugié, en raison d’une expérience passée vécue encore douloureusement. A cet égard, nous pouvons affirmer sans nous tromper que l’état d’esprit des 20.000 réfugiés mauritaniens qui ont décidé de surseoir à leurs rapatriements n’a pas changé à l’endroit des autorités mauritaniennes en qu’ils ne font pas confiance, compte tenu du sort peu enviable réservé aux rapatriés du Sénégal et qui leur rappelle un passé douloureux . A ce titre, ils peuvent bien invoquer des raisons impérieuses contre toute demande de cessation de leur statut. A ce propos, ils ont fait part de leurs inquiétudes et de leurs préoccupations tant aux organisations internationales qu’aux ambassades étrangères. Les officiels du Département d’état des USA qui ont visité les camps de réfugiés de la vallée ou qui ont eu à rencontrer des associations de réfugiés mauritaniens au Sénégal peuvent le confirmer, car aux cours de leurs rencontres avec les réfugiés, ces derniers leur ont toujours fait part de leurs réelles préoccupations.
De ce qui précède, il est clair que la volonté de la Mauritanie ou son éventuelle demande visant à l’application des Clauses de cessation aux réfugiés mauritaniens du Sénégal ne se justifient pas.
Par ailleurs, concernant la question du changement de régime politique en Mauritanie, comme pourrait le traduire le respect des principes de bonne gouvernance et ceux des droits de l’homme, on ne peut pas dire que, suite au coup d’état militaire du 6 aout 2008, ces principes soient entièrement respectés. Le recyclage de ce coup d’état, contre le régime démocratiquement élu du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, par l’organistion d’une élection présidentielle consensuelle entre le camp putschiste et la coalition de l’opposition et telle que prévue dans les accords de Dakar signés en juin 2009 par les différents pôles politique, a échoué. Cet échec est dû au fait que non seulement ces élections sont controversées, mais aussi au fait que le Général Abdel Aziz qui s’est proclamé élu à cette présidentielle de juillet 2009 a rejeté le bien fondé des clauses des Accords de Dakar qui prônent, entre autres le « dialogue national inclusif » soutenu par la communauté internationale, en vue de la sortie de crise politique consécutive au coup d’état du 6 aout 2008. Un dialogue qui devait se poursuivre même après les élections et qui aurait permis de discuter sereinement de toutes les questions afférant à l’unité nationale ou à la place de l’armée dans notre pays ou à des questions institutionnelles. Au plan du respect des droits de l’homme, on ne peut pas dire que la Mauritanie s’en soucie vraiment au regard des arrestations, des brutalités et des détentions dont sont victimes Biram Dah Ould Abeid le leader du mouvement abolitionniste IRA-Mauritanie et ses camarades et ce de la part des forces de sécurité et de la justice mauritaniennes, ceci, simplement pour avoir tenu à apporter leur assistance à deux mineures victimes de pratiques esclavagistes lors de leur audition. Cela montre le peu d’égard que l’Etat mauritanien réserve à la lutte contre l’esclavage qu’une loi adoptée par l’assemblée nationale a pourtant criminalisé. Il n’y a aucun observateur sérieux qui puisse nier la persévérance de l’esclavage en Mauritanie ni de l’impunité qui en découle ni de celle qui fait suite aux violations massives des droits de l’homme de caractère raciste qui ont été perpétrées entre 1989 et 1991 contre les noirs mauritaniens et qui ont touché aussi bien des civils que des militaire. C’est à cet égard que l’officier mauritanien Ely oul Dah a été condamné par contumace en 2005, par la justice française pour crimes de torture, à dix ans de réclusion. Une condamnation dont la non exécution étonne encore plus d’un. Nous saluons la mobilisation sans faille des associations comme l’Association d’aides aux veuves et orphelins de Mauritanie (Avomm) et celle de l’Organisation contre la violation des droits humains (Ocvidh), pour que justice soit rendue aux victimes.
Aussi, nous profitons de l’occasion pour demander à la communauté internationale d’exiger au nom du droit international, à ce que la Mauritanie respecte ses engagements internationaux en matière de droit humanitaire et veille au respect des règles élémentaires de la démocratie et de la bonne gouvernance. Et, pour finir nous appelons à la libération du leader abolitionniste de l’Ira-Mauritanie à savoir Biram Dah ould Abeid et nous demandons à ce que la communauté internationale s’implique à cet effet.
Dakar, le 25 décembre 2010
Moustapha Touré
source: Moustapha Touré