
Rétro :
Dix ans après les événements Sénégalo-mauritaniens de 1989, les Négro-mauritaniens déportés sont quasiment oubliés dans leurs camps de fortune le long de la vallée du fleuve Sénégal. Sans assistance du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (Hcr) depuis décembre 1995, et livrés à eux mêmes, leur onzième hivernage au Sénégal est comme les autres, un véritable calvaire. La lutte contre la précarité des conditions d'existence et le paludisme est loin d'être gagnée par ces personnes déplacées.
Dans ce poste de santé situé au centre du camp des déportés de Ndioum, surnommé " Base ", un enfant de 11 ans est couché à même le sol dans la cour envahie très tôt le matin par des patients. Malade, il tremble de tout son corps. Sa mère, le visage gonflé, les yeux au fond des orbites, la mine triste, cherche vainement à le maintenir assis. Impossible. Le paludisme l'a vaincu. Soudain, il se lève et comme étranglé, se dirige vers un coin pour vomir. Les yeux grands ouverts on aurait cru que son estomac allait sortir par sa bouche. Mais seul un liquide jaunâtre est rejeté par l'enfant. Tourmentée, sa mère lui donne de l'eau pour se rincer la bouche.
Dans la cour une trentaine de personnes attendent. Venant du camp de Ndioum pour certains et des campements environnant situés sur le chemin du Ferlo, par le biais des calèches, pour les autres, les malades n'ont pas tous la possibilité de s'acheter des médicaments.
Hamidou Diouldé Bâ, âgé de 42 ans, un ancien riche éleveur à Boyngel Thilé (prés de Boghé en Mauritanie) avant les déportations, témoigne : " Des fois, nous tombons malades et nous n'avons même pas les moyens de nous soigner et de nous acheter des médicaments. En cette période hivernale, nos enfants tombent souvent malades du fait des moustiques. La situation est devenue plus précaire en 1995 quand le Hcr a suspendu son aide. Depuis, nous nous livrons à des travaux qui couvrent à peine les repas. "
Abondant dans le même sens, l'infirmier et responsable du poste de santé, Amadou Tidjane Diallo surnommé par les réfugiés "Doktor Diallo", déporté lui même, ancien agent à l'hôpital Koweïtien de Tikjikja où il exerçait confie : " dès fois nous consultons des malades qui n'ont pas du tout les moyens de s'acheter des médicaments pour se soigner. Surtout en cette période hivernale où nous consultons jusqu'à plus de 50 malades par jour. La plupart des malades souffrent de paludisme du fait de l'abondance des moustiques dans ce Fouta en période hivernale. Une fois la nuit tombée nous ne dormons plus. Les moustiques et autres insectes nous envahissent ".
A Bokidiawé, dans le département de Matam, dans un camp situé derrière le marché du village le scénario est le même. Des moustiques qui attendent la tombée de la nuit pour se ruer sur hommes et bêtes provoquant ainsi le paludisme chez certains. Le jour c'est la faim qui fait sa loi. Sans ressources certains ne sont pas sûrs de manger à leur faim. Ils ne sont pas sûr d'assurer le repas à leur famille. C'est le cas de D. S qui se confie : " hier je n'avais pas de quoi nourrir ma famille. J'ai passé toute la journée à chercher de l'argent impossible. J'ai proposé mes services à un propriétaire terrien, mais il n'avait pas de travail pour moi et sans un sou j'ai regagné chez moi. "
Dans ce camp appelé "Bokidiawé1" l'une des difficultés rencontrées par les déportés est l'accès à l'eau. Le robinet situé à 250 mètres du site n'offre qu'un faible débit. Une des femmes se lamente : " Pour remplir un seau il faut beaucoup de temps. S'il y a beaucoup de femmes pour puiser de l'eau au robinet, les dernières à venir peuvent rester toute la journée sans avoir une goutte. "
Dans ces camps, on se souvient encore du malheureux événement de 1989 comme si c'était hier.
Les femmes et les plus âgés, passent leurs journées à se remémorer le film de leur déportation. Comme Sidiki Ciré Bâ, âgé de 77 ans, précédemment chef de village en Mauritanie et aujourd'hui chef de site de Bokidiawé 1, déroule le film de sa déportation :
" le 9 Mai 1989, des véhicules militaires sont entrés dans notre village. A leurs bords, le commandant de la Brigade de gendarmerie, accompagné d'un Capitaine Militaire à la tête d'une armée. Dés leur descente, le Commandant donna l'ordre d'encercler notre village, ordonna aux militaires de se mettre 3 par maison. Le Commandant, en ma qualité de chef de village me demanda de faire venir tous les villageois. Regroupés au centre du village on nous informa que nous sommes des Sénégalais et que nous devons être déportés au Sénégal. "
Comme s'il allait pleurer, le chef du site, borgne, s'arrête un moment avant d'ajouter : " ainsi nous fûmes déshabillés et fouillés avant d'être embarqués manu-militari dans des véhicules qui nous transportèrent à Kaëdi où nous fûmes déportés avec sous des injures au Sénégal. ".
En attendant leur retour en Mauritanie, les déportés luttent pour leur survie.
Abdarrahmane WONE
Envoyé spécial du Sud Quotidien
(Senegal)
Source: sudquotidien
Dix ans après les événements Sénégalo-mauritaniens de 1989, les Négro-mauritaniens déportés sont quasiment oubliés dans leurs camps de fortune le long de la vallée du fleuve Sénégal. Sans assistance du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (Hcr) depuis décembre 1995, et livrés à eux mêmes, leur onzième hivernage au Sénégal est comme les autres, un véritable calvaire. La lutte contre la précarité des conditions d'existence et le paludisme est loin d'être gagnée par ces personnes déplacées.
Dans ce poste de santé situé au centre du camp des déportés de Ndioum, surnommé " Base ", un enfant de 11 ans est couché à même le sol dans la cour envahie très tôt le matin par des patients. Malade, il tremble de tout son corps. Sa mère, le visage gonflé, les yeux au fond des orbites, la mine triste, cherche vainement à le maintenir assis. Impossible. Le paludisme l'a vaincu. Soudain, il se lève et comme étranglé, se dirige vers un coin pour vomir. Les yeux grands ouverts on aurait cru que son estomac allait sortir par sa bouche. Mais seul un liquide jaunâtre est rejeté par l'enfant. Tourmentée, sa mère lui donne de l'eau pour se rincer la bouche.
Dans la cour une trentaine de personnes attendent. Venant du camp de Ndioum pour certains et des campements environnant situés sur le chemin du Ferlo, par le biais des calèches, pour les autres, les malades n'ont pas tous la possibilité de s'acheter des médicaments.
Hamidou Diouldé Bâ, âgé de 42 ans, un ancien riche éleveur à Boyngel Thilé (prés de Boghé en Mauritanie) avant les déportations, témoigne : " Des fois, nous tombons malades et nous n'avons même pas les moyens de nous soigner et de nous acheter des médicaments. En cette période hivernale, nos enfants tombent souvent malades du fait des moustiques. La situation est devenue plus précaire en 1995 quand le Hcr a suspendu son aide. Depuis, nous nous livrons à des travaux qui couvrent à peine les repas. "
Abondant dans le même sens, l'infirmier et responsable du poste de santé, Amadou Tidjane Diallo surnommé par les réfugiés "Doktor Diallo", déporté lui même, ancien agent à l'hôpital Koweïtien de Tikjikja où il exerçait confie : " dès fois nous consultons des malades qui n'ont pas du tout les moyens de s'acheter des médicaments pour se soigner. Surtout en cette période hivernale où nous consultons jusqu'à plus de 50 malades par jour. La plupart des malades souffrent de paludisme du fait de l'abondance des moustiques dans ce Fouta en période hivernale. Une fois la nuit tombée nous ne dormons plus. Les moustiques et autres insectes nous envahissent ".
A Bokidiawé, dans le département de Matam, dans un camp situé derrière le marché du village le scénario est le même. Des moustiques qui attendent la tombée de la nuit pour se ruer sur hommes et bêtes provoquant ainsi le paludisme chez certains. Le jour c'est la faim qui fait sa loi. Sans ressources certains ne sont pas sûrs de manger à leur faim. Ils ne sont pas sûr d'assurer le repas à leur famille. C'est le cas de D. S qui se confie : " hier je n'avais pas de quoi nourrir ma famille. J'ai passé toute la journée à chercher de l'argent impossible. J'ai proposé mes services à un propriétaire terrien, mais il n'avait pas de travail pour moi et sans un sou j'ai regagné chez moi. "
Dans ce camp appelé "Bokidiawé1" l'une des difficultés rencontrées par les déportés est l'accès à l'eau. Le robinet situé à 250 mètres du site n'offre qu'un faible débit. Une des femmes se lamente : " Pour remplir un seau il faut beaucoup de temps. S'il y a beaucoup de femmes pour puiser de l'eau au robinet, les dernières à venir peuvent rester toute la journée sans avoir une goutte. "
Dans ces camps, on se souvient encore du malheureux événement de 1989 comme si c'était hier.
Les femmes et les plus âgés, passent leurs journées à se remémorer le film de leur déportation. Comme Sidiki Ciré Bâ, âgé de 77 ans, précédemment chef de village en Mauritanie et aujourd'hui chef de site de Bokidiawé 1, déroule le film de sa déportation :
" le 9 Mai 1989, des véhicules militaires sont entrés dans notre village. A leurs bords, le commandant de la Brigade de gendarmerie, accompagné d'un Capitaine Militaire à la tête d'une armée. Dés leur descente, le Commandant donna l'ordre d'encercler notre village, ordonna aux militaires de se mettre 3 par maison. Le Commandant, en ma qualité de chef de village me demanda de faire venir tous les villageois. Regroupés au centre du village on nous informa que nous sommes des Sénégalais et que nous devons être déportés au Sénégal. "
Comme s'il allait pleurer, le chef du site, borgne, s'arrête un moment avant d'ajouter : " ainsi nous fûmes déshabillés et fouillés avant d'être embarqués manu-militari dans des véhicules qui nous transportèrent à Kaëdi où nous fûmes déportés avec sous des injures au Sénégal. ".
En attendant leur retour en Mauritanie, les déportés luttent pour leur survie.
Abdarrahmane WONE
Envoyé spécial du Sud Quotidien
(Senegal)
Source: sudquotidien