La Mauritanie ne cessera de livrer ses paradoxes tant que continuera à s’opérer dans ce pays un renversement des valeurs, tant que l’ordre normal des choses est encore hypothéqué par une volonté de reléguer la logique, le bon sens, le droit chemin au registre des obstacles et des absurdités.
En lieu et place de ces valeurs rétrogradées en contre-valeurs par des gens que le hasard de l’histoire a portés au sommet de la hiérarchie décisionnelle. Mille fois, l’histoire a bégayé. Mille fois, nous avons été entièrement livrés au supplice de l’éternel recommencement.
Cette réalité cauchemardesque ne semble pas près de s’arrêter. Jusqu’à quand nous continuerons d’être embarqués dans un bateau ivre qui nous mène vers une destination inconnue ? Le danger est d’autant plus grand et le précipice proche que nous sommes guidés par des forces aveugles qui ne comprennent pas le langage de la raison ni la voie du dialogue.
Normal, si les intellectuels démissionnent et qu’ils deviennent des lèche-bottes, c’est que le peuple n’a plus d’idéologues. Si les leaders politiques entretiennent le flou, la démagogie, la démocratie sombre. Si les érudits religieux soupent avec les hommes d’affaires, la bonne parole ne s’entend plus dans les prêches.
Un pays qui se construit sur les paradoxes obéira à la loi des contraires. Les changements viendront toujours de l’envers, le peuple en subira le revers. Si les militaires désertent les casernes, les terroristes reprennent du courage et sèment la terreur à Lemghéity, à Ghalawiya, à Tourine, à Aleg…
Quand un pays refuse la justice, les prisons ne seront destinées qu’aux pauvres. La Mauritanie vit toujours dans un état épileptique aux crises récurrentes. Riche de toutes les matières premières, peuplée de moins de 3 millions d’habitants, la Mauritanie est l’un des pays les plus pauvres du monde.
C’est là un autre paradoxe. A chaque fois que le pouvoir change de main, le destin du pays bascule terriblement. Le pouvoir d’achat du citoyen se dégrade à mesure que l’économie nationale s’étiole.
En Mauritanie et c’est là une règle, le principe de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut n’est jamais appliqué. Ce ne sont pas les méritants qui sont choisis, ni les compétences sollicitées.
Chacun cherche, par tous les moyens, à se hisser au sommet de l’Etat. Les meilleurs administrateurs sont marginalisés. Les bons économistes ignorés. Les vrais militaires isolés. Les magistrats honnêtes «déresponsabilisés ».
Dans cette logique illogique, les médiocres trouvent un terrain favorable pour s’installer. Depuis plusieurs années, cette situation bloque l’évolution du pays, annihile tous les efforts de construction, compromet l’unité nationale, affecte la sérénité.
Chaque coup d’Etat replonge le pays dans le désespoir et place les mauritaniens dans le doute et la perte de confiance en l’avenir de leur pays. Il n’est pas juste de continuer à bâtir ce pays dans le mensonge et la perfidie.
Les officiers intègres et patriotes doivent mettre en avant la noblesse de leur carrière non pas au service de coups d’Etat mais dans la défense de la patrie. L’armée a plus que jamais besoin d’une nouvelle élite militaire dépolitisée et dévouée.
Cheikh Tidjane Dia
Le renovateur