
Gloosérisme…
En relisant mon papier de la semaine dernière, je me rends compte que j’ai fait preuve, encore une fois, de plein de méchanceté envers notre Raïs. D’accord, il avait dit dans son discours que le prix du pain était stable et j’en avais ainsi conclu que nous devions, pour nous en sortir manger du pain à toutes les sauces. Mouais.
Ce fut facile pour moi. Je suis méchante parfois. Je le reconnais volontiers. Mais la méchanceté étant un art, n’attendez pas que je m’excuse de quoi que ce soit. Cela posé, il me faut quand même tempérer mes propos passés. Car Sidioca a au moins le courage d’énoncer ces vérités qui font mal, à savoir : notre pays est en train de crever de faim. Et comme si cela ne suffisait pas, en plus de la famine, nous devons faire face au grand virage sécuritaro/terroriste de ce début de siècle. Ca fait beaucoup pour un estomac vide : crever la dalle et surveiller ses arrières.
Vous imaginez vous, non seulement il faut palabrer avec les gargouillements d’un estomac en manque et, en plus, éviter les balles perdues. Si avec ceci, les estomacs ne virent pas schizos d’office, c’est que nous sommes increvables. Cela nous console.
Il va bien falloir pourtant vous habituer à la nouvelle donne : apprendre à crever de faim de façon polie et survivre lors des prochaines chasses à l’homme.
Voyons en cela une chose positive : crevant de faim les corps sont plus sveltes donc plus aptes à courir. L’optimisme que vous lisez dans ces lignes est assez désespéré non? Car nous voilà peuple de crève misère promis à des entraînements de marathoniens. Et un estomac vide court encore plus vite que son propriétaire ne le suppose. Donc à tout malheur une chose est bonne : mangez moins et vous survivrez.
Ce raisonnement un peu tiré par les cheveux vous semble, je pense, légèrement out. Vous avez raison. Mais je ne peux vous consoler en vous disant que tout va s’arranger et que demain vous boufferez tellement que vous vous en éclaterez la panse. Que nenni mes amis. Le FMI, grand argentier et distributeur de bons points, vient de tirer la sonnette d’alarme et prévoit de nombreuses émeutes de la faim pour les années à venir. Un peu partout dans le monde, il y a déjà des émeutes contre l’augmentation des prix des denrées de base. Et les pays riches de s’alarmer. Ils doivent cauchemarder sec en imaginant toutes leurs politiques de refoulement des traîne savate mises à néant en quelques années et psychoter face aux prochains afflux de ventres vides partis à l’assaut des forteresses occidentales. Et tous les centres de rétention du monde, et tous les tests ADN et toutes les chasses aux sans papiers n’y feront rien. Les accros à la défense de l’Occident transpirent rien que d’y penser.
C’est leur problème, vous ne croyez pas? Le nôtre est celui de la politique du ventre.
Et revoilà, au milieu de cette chronique, la voix de mon petit frère, le grand, l’irremplaçable…j’ai nommé Karim, qui me susurre que tout ce que je viens d’écrire est la marque des Glooseurs, mélange de Looser et de Gloseur, subtile petite chose qui, entre la parole et son art et la rage des perdants, se trouve être un exercice de voltige acrobatique. Car le glooseur, enraciné dans ses échecs, ne voit le monde que comme une mélange de catastrophe et de tentatives de rebellions. Je suis une glooseur dans toute sa magnificence. Et comme tout bon glooseur qui se respecte, j’ai le c… bien enfoncé dans un fauteuil et je suis capable de gloser à l’infini de tout et de rien. Sans rien proposer de bien constructif je vous l’accorde.
Quand Karim m’a taxée de «gloosérisme», j’ai bien tenté de l’insulter haut et fort, le taxant «d’espèce d’abricot de Tanzanie» ; mais le docte frérot me retourna que pour qu’une insulte soit opérante, il lui faut un sens et qu’il ne voyait pas de sens à être traité d’abricot de Tanzanie : d’un, il n’était pas sûr qu’en Tanzanie poussent des abricots et que, de deux, un abricot tanzanien, s’il existait, méritait toutes ses lettres de noblesse. Soit. Mais faut-il vraiment qu’une insulte ait un sens pour toucher sa proie? Je me le demande encore. Ce qui fait de moi une vraie glooseur. Devant tant de mauvaise foi, il ne put que reculer et aller «dorlire» (c'est-à-dire se coucher, lire et dormir selon Karim). Forte de cette petite victoire à la Pyrrhus, je pouvais alors, faute de combattant, me mettre à la rédaction de cette chronique.
Et me consoler en cherchant tous les glooseurs de par chez nous à qui je proposerais bien de fonder un club privé où nous pourrions «gloose » entre soi. Car, en ces moments de panique pré, post et tout le tintouin de chasse aux extrémismes, tout ce qui compte s’en empressé de glooser en chœur : et tel ou tel parti soutient la lutte contre l’intégrisme assassin, et tel ou tel homme politique appelle à la mobilisation nationale. Comme si le péquin lambda pouvait se dire, entre 2 verres de thé et une tartine de pain, qu’il faut soutenir les terroristes barbus. Remarquez que plus il y a de ventres vides, plus les oreilles de ces mêmes estomacs se pencheraient complaisamment vers les discours dangereux des tueurs. D’où l’urgence de nourrir tout le monde, de faire du peuple un peuple heureux et ainsi couper l’herbe sous les pieds des prosélytes extrémismes et autres zélotes barbus.
Ce qui nous ramène au discours de Sidioca sur l’urgence de la mise en place d’un plan de sécurité alimentaire.
Et même si les calebasses de l’auto suffisance sont vides, ce discours a au moins l’avantage de rassurer les citoyens : le gouvernement travaille. Et même si dans l’urgence du moment, nous tentons de parer au plus pressé, c’est déjà un début.
Tout petit certes. Tellement petit que cette goutte d’eau dans l’océan de nos besoins peut paraître futile.
Et un vrai glooseur dirait alors : oui mais… Et après ?
Et bien après, quand nous aurons géré les premiers soins, que nous aurons survécu aux calamités futures (style le retour de Taya 1er), que nous aurons survécu aux traques far westiennes, que sera retrouvé une certaine sérénité de l’estomac, nous attendrons la prochaine catastrophe, vu que nous ne produisons pas assez, vu que nos paysans sont entassés dans nos bidonvilles, vu que nos terres ont été, depuis des décennies, exploitées de façon complètement stupides,vu que nous avons été habitués à de nouveaux modes de consommation qui nous ont rendus esclaves des autres et vu que nous ne produisons rien de mangeable à exporter ( sauf notre poisson qui va partout sauf dans nos assiettes), vu, vu, vu…Et bien nous aurons encore des décennies de «gloosérisation» devant nous. Et des futurs tout sauf sereins.
Il y aura d’autres émeutes de la faim et d’autres chacals barbus embusqués au coin des désespoirs attendant leurs heures sanglantes.
Et, comble du gloosérisme : que deviennent les vindicatifs estomacs vides dans ces galères annoncées? Je proposerais bien comme base de réflexion et préalable à toute action, une pensée de Bertolt BRECHT :
« Ne serait il pas plus simple
Que le gouvernement
Dissolve le peuple
Et en élise un autre?»
(1956)
Salut.
Mariem Mint Derwich
http://www.lecalame.mr/content/view/1357/31/
En relisant mon papier de la semaine dernière, je me rends compte que j’ai fait preuve, encore une fois, de plein de méchanceté envers notre Raïs. D’accord, il avait dit dans son discours que le prix du pain était stable et j’en avais ainsi conclu que nous devions, pour nous en sortir manger du pain à toutes les sauces. Mouais.
Ce fut facile pour moi. Je suis méchante parfois. Je le reconnais volontiers. Mais la méchanceté étant un art, n’attendez pas que je m’excuse de quoi que ce soit. Cela posé, il me faut quand même tempérer mes propos passés. Car Sidioca a au moins le courage d’énoncer ces vérités qui font mal, à savoir : notre pays est en train de crever de faim. Et comme si cela ne suffisait pas, en plus de la famine, nous devons faire face au grand virage sécuritaro/terroriste de ce début de siècle. Ca fait beaucoup pour un estomac vide : crever la dalle et surveiller ses arrières.
Vous imaginez vous, non seulement il faut palabrer avec les gargouillements d’un estomac en manque et, en plus, éviter les balles perdues. Si avec ceci, les estomacs ne virent pas schizos d’office, c’est que nous sommes increvables. Cela nous console.
Il va bien falloir pourtant vous habituer à la nouvelle donne : apprendre à crever de faim de façon polie et survivre lors des prochaines chasses à l’homme.
Voyons en cela une chose positive : crevant de faim les corps sont plus sveltes donc plus aptes à courir. L’optimisme que vous lisez dans ces lignes est assez désespéré non? Car nous voilà peuple de crève misère promis à des entraînements de marathoniens. Et un estomac vide court encore plus vite que son propriétaire ne le suppose. Donc à tout malheur une chose est bonne : mangez moins et vous survivrez.
Ce raisonnement un peu tiré par les cheveux vous semble, je pense, légèrement out. Vous avez raison. Mais je ne peux vous consoler en vous disant que tout va s’arranger et que demain vous boufferez tellement que vous vous en éclaterez la panse. Que nenni mes amis. Le FMI, grand argentier et distributeur de bons points, vient de tirer la sonnette d’alarme et prévoit de nombreuses émeutes de la faim pour les années à venir. Un peu partout dans le monde, il y a déjà des émeutes contre l’augmentation des prix des denrées de base. Et les pays riches de s’alarmer. Ils doivent cauchemarder sec en imaginant toutes leurs politiques de refoulement des traîne savate mises à néant en quelques années et psychoter face aux prochains afflux de ventres vides partis à l’assaut des forteresses occidentales. Et tous les centres de rétention du monde, et tous les tests ADN et toutes les chasses aux sans papiers n’y feront rien. Les accros à la défense de l’Occident transpirent rien que d’y penser.
C’est leur problème, vous ne croyez pas? Le nôtre est celui de la politique du ventre.
Et revoilà, au milieu de cette chronique, la voix de mon petit frère, le grand, l’irremplaçable…j’ai nommé Karim, qui me susurre que tout ce que je viens d’écrire est la marque des Glooseurs, mélange de Looser et de Gloseur, subtile petite chose qui, entre la parole et son art et la rage des perdants, se trouve être un exercice de voltige acrobatique. Car le glooseur, enraciné dans ses échecs, ne voit le monde que comme une mélange de catastrophe et de tentatives de rebellions. Je suis une glooseur dans toute sa magnificence. Et comme tout bon glooseur qui se respecte, j’ai le c… bien enfoncé dans un fauteuil et je suis capable de gloser à l’infini de tout et de rien. Sans rien proposer de bien constructif je vous l’accorde.
Quand Karim m’a taxée de «gloosérisme», j’ai bien tenté de l’insulter haut et fort, le taxant «d’espèce d’abricot de Tanzanie» ; mais le docte frérot me retourna que pour qu’une insulte soit opérante, il lui faut un sens et qu’il ne voyait pas de sens à être traité d’abricot de Tanzanie : d’un, il n’était pas sûr qu’en Tanzanie poussent des abricots et que, de deux, un abricot tanzanien, s’il existait, méritait toutes ses lettres de noblesse. Soit. Mais faut-il vraiment qu’une insulte ait un sens pour toucher sa proie? Je me le demande encore. Ce qui fait de moi une vraie glooseur. Devant tant de mauvaise foi, il ne put que reculer et aller «dorlire» (c'est-à-dire se coucher, lire et dormir selon Karim). Forte de cette petite victoire à la Pyrrhus, je pouvais alors, faute de combattant, me mettre à la rédaction de cette chronique.
Et me consoler en cherchant tous les glooseurs de par chez nous à qui je proposerais bien de fonder un club privé où nous pourrions «gloose » entre soi. Car, en ces moments de panique pré, post et tout le tintouin de chasse aux extrémismes, tout ce qui compte s’en empressé de glooser en chœur : et tel ou tel parti soutient la lutte contre l’intégrisme assassin, et tel ou tel homme politique appelle à la mobilisation nationale. Comme si le péquin lambda pouvait se dire, entre 2 verres de thé et une tartine de pain, qu’il faut soutenir les terroristes barbus. Remarquez que plus il y a de ventres vides, plus les oreilles de ces mêmes estomacs se pencheraient complaisamment vers les discours dangereux des tueurs. D’où l’urgence de nourrir tout le monde, de faire du peuple un peuple heureux et ainsi couper l’herbe sous les pieds des prosélytes extrémismes et autres zélotes barbus.
Ce qui nous ramène au discours de Sidioca sur l’urgence de la mise en place d’un plan de sécurité alimentaire.
Et même si les calebasses de l’auto suffisance sont vides, ce discours a au moins l’avantage de rassurer les citoyens : le gouvernement travaille. Et même si dans l’urgence du moment, nous tentons de parer au plus pressé, c’est déjà un début.
Tout petit certes. Tellement petit que cette goutte d’eau dans l’océan de nos besoins peut paraître futile.
Et un vrai glooseur dirait alors : oui mais… Et après ?
Et bien après, quand nous aurons géré les premiers soins, que nous aurons survécu aux calamités futures (style le retour de Taya 1er), que nous aurons survécu aux traques far westiennes, que sera retrouvé une certaine sérénité de l’estomac, nous attendrons la prochaine catastrophe, vu que nous ne produisons pas assez, vu que nos paysans sont entassés dans nos bidonvilles, vu que nos terres ont été, depuis des décennies, exploitées de façon complètement stupides,vu que nous avons été habitués à de nouveaux modes de consommation qui nous ont rendus esclaves des autres et vu que nous ne produisons rien de mangeable à exporter ( sauf notre poisson qui va partout sauf dans nos assiettes), vu, vu, vu…Et bien nous aurons encore des décennies de «gloosérisation» devant nous. Et des futurs tout sauf sereins.
Il y aura d’autres émeutes de la faim et d’autres chacals barbus embusqués au coin des désespoirs attendant leurs heures sanglantes.
Et, comble du gloosérisme : que deviennent les vindicatifs estomacs vides dans ces galères annoncées? Je proposerais bien comme base de réflexion et préalable à toute action, une pensée de Bertolt BRECHT :
« Ne serait il pas plus simple
Que le gouvernement
Dissolve le peuple
Et en élise un autre?»
(1956)
Salut.
Mariem Mint Derwich
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