
Johannesburg. De notre correspondante
Préfacé par Barack Obama, Conversations avec moi-même, de Nelson Mandela, est publié aujourd'hui dans 22 éditions et 20 langues.
« Cancaner sur les autres est certainement un défaut, mais c'est une vertu quand c'est appliqué à soi-même », y dit le héros de la lutte anti-apartheid. Âgé de 92 ans, l'ancien président d'Afrique du Sud s'est toujours gardé de se comparer à un saint. « Je ne l'ai jamais été, même si l'on se réfère à la définition terre à terre selon laquelle un saint est un pécheur qui essaie de s'améliorer ».
« Faiblesse de jeunesse »
C'est donc un homme, avec ses souffrances et ses faiblesses, qui nous apparait dans ce volume de 410 pages, agrémenté de reproductions de lettres, pages manuscrites et calendriers annotés par l'auteur pendant ses vingt-sept années de prison.
Des éléments troubles de son passé sont évoqués, comme ses démêlés avec sa première épouse. Evelyn Mase avait accusé Mandela de l'avoir battue. Il s'en explique : « Je lui ai tordu le bras, juste pour lui faire lâcher cet objet (un tisonnier chauffé à blanc, qu'elle brandissait)... c'est tout ». Il y a toutefois peu de révélations fracassantes. Plutôt des souvenirs et des regrets... « Dans ma jeunesse, j'ai combiné la faiblesse à l'absence de discernement d'un garçon de la campagne [...] Je m'appuyais sur l'arrogance pour dissimuler mes lacunes », avoue-t-il.
En prison, il envoie des lettres éperdues d'amour à Winnie Mandela : « J'ai l'impression que toutes les parties de mon corps, chair, sang, os et âme ne sont plus que de la bile, tant mon impuissance absolue à te venir en aide dans les moments terribles que tu traverses me rend amer », lui écrit-il en 1970.
Dans sa correspondance transparaît aussi son énorme culpabilité à l'égard de sa famille, sacrifiée sur l'autel de la lutte politique. « Pendant des jours, j'ai été perturbé après avoir réalisé l'impact psychologique et le stress que mon absence de la maison a fait peser sur les enfants », écrit-il après la mort de son fils Thembi, en 1969.
Le recueil évoque davantage la vie quotidienne du Prix Nobel de la paix que ses réflexions politiques. Mais certaines de ses observations restent d'une étrange actualité : « Souvent, les révolutionnaires d'autrefois ont succombé à l'appât du gain, et se sont laissés prendre à la tentation de confisquer des ressources publiques pour leur enrichissement personnel ». À l'heure où la corruption et l'intolérance raciale s'exacerbent en Afrique du sud, la publication du recueil de Mandela n'est pas innocente...
Valérie HIRSCH.
OUEST-FRANCE
Préfacé par Barack Obama, Conversations avec moi-même, de Nelson Mandela, est publié aujourd'hui dans 22 éditions et 20 langues.
« Cancaner sur les autres est certainement un défaut, mais c'est une vertu quand c'est appliqué à soi-même », y dit le héros de la lutte anti-apartheid. Âgé de 92 ans, l'ancien président d'Afrique du Sud s'est toujours gardé de se comparer à un saint. « Je ne l'ai jamais été, même si l'on se réfère à la définition terre à terre selon laquelle un saint est un pécheur qui essaie de s'améliorer ».
« Faiblesse de jeunesse »
C'est donc un homme, avec ses souffrances et ses faiblesses, qui nous apparait dans ce volume de 410 pages, agrémenté de reproductions de lettres, pages manuscrites et calendriers annotés par l'auteur pendant ses vingt-sept années de prison.
Des éléments troubles de son passé sont évoqués, comme ses démêlés avec sa première épouse. Evelyn Mase avait accusé Mandela de l'avoir battue. Il s'en explique : « Je lui ai tordu le bras, juste pour lui faire lâcher cet objet (un tisonnier chauffé à blanc, qu'elle brandissait)... c'est tout ». Il y a toutefois peu de révélations fracassantes. Plutôt des souvenirs et des regrets... « Dans ma jeunesse, j'ai combiné la faiblesse à l'absence de discernement d'un garçon de la campagne [...] Je m'appuyais sur l'arrogance pour dissimuler mes lacunes », avoue-t-il.
En prison, il envoie des lettres éperdues d'amour à Winnie Mandela : « J'ai l'impression que toutes les parties de mon corps, chair, sang, os et âme ne sont plus que de la bile, tant mon impuissance absolue à te venir en aide dans les moments terribles que tu traverses me rend amer », lui écrit-il en 1970.
Dans sa correspondance transparaît aussi son énorme culpabilité à l'égard de sa famille, sacrifiée sur l'autel de la lutte politique. « Pendant des jours, j'ai été perturbé après avoir réalisé l'impact psychologique et le stress que mon absence de la maison a fait peser sur les enfants », écrit-il après la mort de son fils Thembi, en 1969.
Le recueil évoque davantage la vie quotidienne du Prix Nobel de la paix que ses réflexions politiques. Mais certaines de ses observations restent d'une étrange actualité : « Souvent, les révolutionnaires d'autrefois ont succombé à l'appât du gain, et se sont laissés prendre à la tentation de confisquer des ressources publiques pour leur enrichissement personnel ». À l'heure où la corruption et l'intolérance raciale s'exacerbent en Afrique du sud, la publication du recueil de Mandela n'est pas innocente...
Valérie HIRSCH.
OUEST-FRANCE