Dans cette nouvelle édition de « Projecteurs » de l’AVOMM, nous recevons Monsieur Biram Dah Abeid, figure emblématique de la lutte contre l’esclavage dans notre pays.
Son engagement précoce pour la défense des droits de l’homme remonte à 1982, il avait à peine 19 ans quand il créa, avec d’autres jeunes, le Mouvement National Africain dédié à la lutte contre l'esclavage et la discrimination.
Il s’engagea à l'UFD qu’il quitta en 1993 pour se présenter en candidat indépendant aux municipales à Nouadhibou.
Puis il intégra le PRDS avant de décider de s'éloigner de la scène politique pour adhérer à SOS Esclaves en 2002, adhésion qui deviendra officielle en 2005.
Toutefois la tentation du retour à la vie politique prendra le dessus avec son adhésion à APP à la veille des élections municipales en 2006, il adhèrera officiellement au parti APP qui remplaçait AC dissous.
En 2007, Biram décida de claquer la porte de APP, il servira alors au sein de la direction de campagne de Zeine Ould Zeïdane en qualité de porte-parole du candidat à la présidentielle de 2007.
Toutes ces expériences conduiront Biram Dah Abeid à créer le mouvement Initiative de résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA-Mauritanie), qui constitue un instrument pour la défense des droits de l'Homme en Mauritanie et le fer de lance de la lutte contre l'esclavage.
Si Biram Dah Abeid, jouit d’une grande notoriété auprès des ONG de défense des droits de l’Homme dans le monde, il doit faire face à une véritable campagne de dénigrement orchestrée par les tenants du système féodal et tribale présents dans toutes les sphères de l’Etat, appuyé en cela par certains conservateurs religieux.
Le combat de Biram Dah Abeid irrite les plus hautes autorités de l’Etat qui ont utilisé, en vain, tous les moyens pour le faire taire ; surveillance, provocations, agressions, arrestation, procès et emprisonnement.
Notre invité Biram Dah Abeid, qui vient de sortir de prison, a accepté de répondre à nos questions, qu’il en soit remercié.
Med
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L'ENTRETIEN
Monsieur le président merci d’avoir accepté de répondre aux questions de «Projecteurs» du site avomm.com.
AVOMM : Président, si vous le permettez, commençons par une question sur vos sentiments, au lendemain de votre libération. Avez-vous l’impression d’avoir été victime d’un complot ou avez-vous été piégé par des provocations auxquelles vous avez répondu ?
BDA : Tout d’abord mes remerciements pour l’intérêt particulier que vous m’accordez et à travers moi pour le combat que nous menons contre l’esclavage, le racisme, l’exclusion et la marginalisation qui ruinent notre tissu social et qui malgré les nombreux efforts fournis çà et là buttent encore sur les pesanteurs de la tradition, à l’opportunisme des égocentriques et autres féodalismes insensibles à la roue de l’histoire.
Pour en venir à votre question mes sentiments sont un mélange de consternation et d’amertume. Le complot, auquel nous avons été l’objet mes camarades et moi, est une évidence que nul ne peut contester. L’unanimité sur la condamnation de la machination du régime au plan national et international, tant par les partis politiques, les organisations de la société civile mauritanienne, que les organismes et organisations internationaux des droits de l’homme, sont une preuve irrécusable que nous sommes irréprochables. Nous avions et le droit et la raison de notre côté. Toutes nos démarches dans la dénonciation, la démystification et la révélation des pratiques d’esclavage et des politiques de discrimination, ne souffrent d’aucune violation de la législation en vigueur dans le pays. C’est vrai que nous allons jusqu’au bout de l’épuisement de nos droits constitutionnels. Et c’est sans doute cette détermination et cette - témérité disent les autres - qui font paniquer les contrevenants et leur parrain, le pouvoir oligarchique en place dont les bévues se sont tellement répétées ces derniers temps. Alors dépassé et excédé par les événements Mohamed Ould Abdel Aziz, le serviteur du dernier retranchement du système esclavagiste et raciste en Mauritanie, a utilisé les forces de police, les organes de presse publique et l’appareil de justice, pour monter la mascarade de « l’affaire Arfar1 » de son vari nom « Affaire de la famille esclavagiste : Mounoumnine Mint Bacar Vall et frère ».
Ce n’était pas un piège sachant que notre longue expérience en matière de processus de libération des esclaves est grande et instructif au point que jamais les instruments du système policier ne sont capables de nous attirer vers l’erreur. Ensuite, connaissant les moyens vils susceptibles d’être utilisés en pareille circonstance par les ennemis du militantisme antiesclavagiste, nous savons être vigilants et prévoyants. Nous savons nous prémunir contre les provocations. Mais tout cela ne peut nous retenir de défendre nos droits que nous préservent les lois, fût-il au prix de l’oppression, la torture, l’incarcération ou la mort. Telle est l’engagement de mes camarades à IRA – Mauritanie.
Pour plus de précision je dis que la police a reçu l’ordre de nous empêcher d’assister à l’écoute des deux esclaves mineures, pour tenter de les intimider afin qu’elles dédisent. Ce scénario devenu classique, nous l’avons refusé. Nous nous sommes dressés physiquement et pacifiquement en rempart, exigeant que les esclaves ne soient plus écoutées, conformément à la loi, que par la brigade de police chargées des mineurs et en présence des avocats. Voilà l’essentiel, le reste vous l’avez lu dans la presse.
AVOMM : Beaucoup de Mauritaniens vous prêtent un penchant pour la violence ; appel à une insurrection armée, au soulèvement des officiers et hommes de troupes harratines contre le système. Êtes-vous vraiment pour une solution de l’esclavage par la violence ou êtes-vous plutôt un militant non violent d’une cause noble ?
BDA : La modeste personne que je suis est issue d’un milieu, autrement d’une composante, connu pour sa modestie, son altruisme et sa tolérance : je suis Hratin. Mes congénères ont servi les Beydhanes partout (sous leurs tentes, aux puits, aux prés, dans les oasis, dans les caravanes…) ; ils ont été également au service des Négro-africains, notamment, dans les champs de la vallée du fleuve Sénégal… Avez-vous jamais entendu que nous avons fait preuve de bellicisme. Nous avons toujours tenu à la coexistence pacifique et à l’interpénétration, en étant ouverts à tous les vents. Nous avons intériorisé les valeurs les plus variées et diverses. Parce que, tout en nous assumant, nous avons adopté les emprunts chez les uns et les autres. Nous n’avons jamais rien renié, ni blanc ni noir. Et ces courants, fût-il du Nord ou du Sud, ont participé, chacun à son niveau, à nous façonner. Vous comprendrez alors que s’il y a quelqu’un qui doit être pacifique c’est bien moi. Donc personne d’autres ne peut cristalliser et symboliser la non-violence plus que moi. La non-violence est la mamelle qui m’a allaité, l’école qui m'a formé, le souffle qui me tient en vie. C’est ma raison d’être.
Jamais je n’ai fait appel à la violence. Je sais que mes détracteurs, excédés par mes positions et ma détermination, notamment, en ce qui concerne les sujets qu’ils veulent bon an mal an taire au gré du tabou et les renvoyer comme pâture à l’idéologie du silence, déforment mes propos, mais je ne me suis jamais réclamé de la violence. Cependant j’ai demandé que les assujettis se révoltent à toutes les formes d’injustices ; qu’ils dénoncent leurs conditions de bêtes humaines. C’est vrai aussi que j’ai demandé la désobéissance civile. Je n’en prends pas ombrage. Je l’assume sans regret Mais dire désobéissance civile ce n’est pas réclamer la guerre ou parrainer les violences. Car la désobéissance civile est un moyen de lutte pacifique et non-violente pour revendiquer des droits légitimes, pour s’adjuger des droits bafoués et naturels. Nous y avons appeler parce que jamais le pouvoir en place n’a daigné mettre en œuvre l’application des lois en vigueur et se départir des pratiques d’esclavage et des politiques discriminatoires auxquelles se livrent l’ensemble de ses rouages administratifs, sécuritaires, militaires, judiciaires et théologiques.
D’ailleurs, que tout le monde sache que nous veillons plus que n’importe qui sur la stabilité et la sécurité de ce pays. Si je suis en train de braver tous les dangers au péril de ma vie, c’est parce que je n’ai que la Mauritanie et la Mauritanie seule pour patrie. Le destin des Hratin, celui de ma progéniture et le mien, sont inextricables. Ils sont liés à cette terre. Ce n’est pas moi qui lui en voudrais de la violence. Au contraire! Mon combat vise de le sauver des griffes des charognards. Car je suis plus que jamais convaincu des termes de l’adage local qui dit « On peut bâtir un état sur l’hérésie. Mais on en saurait bâtir sur l’injustice ». A vous d’apprécier cette vérité.
Je crois dur comme fer à une solution pacifique de la question d’esclavage, du racisme et des autres maux dont souffre la Mauritanie. Si je croyais le contraire, j’allais le dire sans complaisance. L’issue est irréversible. Il est imminent ce jour où nos enfants, libres de tout engagement à un quelconque maître ou supposé tel, affranchis des stigmates et brimades à caractère raciste, ne viendront plus chaque matin plier l’échine et se prêter aux corvées les plus bestiales, les plus inhumaines et les plus odieuses ou accepter l’infériorité qu’on leurs assigne au quotidien. Il est imminent le jour où nos filles se baladeront en ville ou en brousses en toute sécurité, sans l’ombre de la moindre contrainte ou la psychose de subir le viol par un maître sexuellement obsédé, pédophile. Je dis encore qu’il est imminent ce jour où on ne verra plus dans notre couleur la marque de damnation où le pêcher originel de notre prétendu ancêtre Ham, ce fils d’Adam que Dieu en guise de malédiction aurait mis au service de son frère blanc. Mais on y verra l’expression humaine de l’attachement aux valeurs de liberté, de l’amour et du respect.
Notre cause est juste et noble. La preuve en est l’adhésion de larges couches naguère conservatrices à notre combat. Tous les partis politiques viables, notamment de l’opposition, s’accordent aujourd’hui sur l’impérieuse nécessité de restituer les esclaves et les anciens esclaves (Hratin) dans leurs droits étant donné que c’est cela la soupape de sécurité et la garantie pour une stabilité durable.
AVOMM : Pouvez-vous revenir sur vos conditions de détention ?
BDA : Nous avons subi durant notre détention toutes les formes de pratiques dégradantes qui sont les preuves d’un acharnement prémédité. Notre séjour au commissariat d’Arfat1 où, pendant plusieurs jours, nous avons été à la merci de notre principal bourreau le commissaire Mohamed Ould Jaafar, s’est distingué par notre placement dans une cellule insalubre avec les voleurs et autres criminels. Quelques policiers n’avaient pas caché leur amertume et leur refus de prendre part aux sévices que nous subissions. Ces derniers étaient écartés de notre service pour nous confier à de véritables geôliers dont le zèle allait jusqu’à m’empêcher de prendre nos médicaments ou de faire nos ablutions pour prier. Ce temps passé au commissariat fit l’occasion, pour une hiérarchie sécuritaire sans scrupules, de nous ravaler au rang des bêtes. Parfois, indignés, les policiers n’hésitent pas à s’excuser et dire, se confiant à nous, qu’ils sont contraints d’agir faute de quoi ils s’exposeraient aux sanctions.
Arrivée à la gendarmerie, on nous a séparés, mes camarades et moi. Nous ne nous reverrons qu’au palais de la justice lors des séances du procès. Tandis que l’on nous accusait, selon les instruments du pouvoir pour agression sur un commissariat ; l’ensemble des questions qu’on m’a posées étaient purement politiques. Elles portaient sur mes positions personnelles sur la version mauritanienne du rite malékite, essence de l’esclavage et de l’esclavagisme dans le segment beydhane. On m’a reproché d’inciter la démobilisation des militaires hratin qui se cantonnent dans les postes subalternes (hommes de troupes, ordonnance et ses officiers) ; de considérer le lycée militaire, une école crée pour asseoir la domination blanche, un sanctuaire d’oligarchie et de racisme ; d’encourager le peuple pour déposer le pouvoir en place. La gendarmerie m’a demandé aussi si je soutiens le rejet de la tribu, institution qui est un instrument d’endoctrinement des esclaves et anciens esclaves, par leur maitres et ou/anciens maitres…
Pendant mon séjour à la gendarmerie, j’ai hélas pu me rendre à l’évidence que l’arrestation au commissariat était un épisode d’un feuilleton dont le scénario a été écrit par le régime de Ould Abdel Aziz et le système féodal qu’il représente et dont les appareils sécuritaires, judicaires et les organes de presse publique n’étaient, en fait que des outils d’exécution. Il était sûr que les différents faits que je n’ai cessé de dénoncer constituent des réalités immuables. Et leur démystification dérange à plus d’un titre. Fort de cela, je dis à la coalition des forces qui gangrènent tout le tissu social et les rouages institutionnels, judicaires, sécuritaires, paramilitaires, et militaires que les couches naguères écrasés, ces damnés de la terre ne se laissent plus faire et braveront tous les dangers pour une Mauritanie multiraciale, plurilingue, forte et unie. Il est fini le temps où le régime et ses inspirateurs qui végètent dans les conspirations et la division parvenaient à jeter les Beydhanes sur les Hratin ou les Hratin sur les Noirs. Il est révolu le temps où la diabolisation des Négro-africains faisait d’eux une bête à immoler sur l’autel du chauvinisme.
L’arrestation de mes amis et moi était une occasion précieuse où toutes les forces progressistes nationales se sont réconciliées avec elles-mêmes et se sont dressées contres les pratiques ignobles. Les marches, les séances de débats parlementaires, les colonnes des journaux, les déclarations et communiqués, ont porté un démenti catégorique aux prétentions velléitaires du pouvoir honni, devenu l’ombre de lui-même.
AVOMM : Comment expliquez-vous le refus des autorités de reconnaître votre mouvement l’Initiative de résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) ?
BDA : Le refus des autorités de reconnaître IRA – Mauritanie n’a pas besoin d’explication. Elles ne veulent pas de l’existence d’une organisation sincère dans son combat contre les vrais problèmes sous lesquels ploie la majorité de la population. Leurs objectifs sont clairs. Il s’agit du maintien des pratiques anachroniques de l’esclavage, de la discrimination raciale, de la ghettoïsation et leurs nombreux autres corollaires : exclusion, marginalisation. Il s’agit aussi de garantir un développement social, culturel, économique et politique à deux vitesses ; créer deux types de citoyens différents devant la loi et dans les droits.
Mais je saisis cette occasion pour rappeler que pour exister nous n’avons pas besoin de leur avis mais d’être conforme aux dispositions des lois en vigueur dans le pays. Connaissant les textes qui disent que nous sommes dans un régime démocratique, nous sommes donc dans la légalité parfaite que les autorités nous livrent officiellement ou non notre récépissé de reconnaissance.
Je sais par ailleurs que nous dérangeons fort de part notre engagement, nos moyens de lutte et notre franc-parler qui n’acceptent pas le compromis ou la compromission. Surtout que IRA – Mauritanie se singularise par la synergie des efforts de ses nombreux militants, entre autres, une intelligentsia clairvoyante, patriotique, et consciencieusement efficiente. Voilà qui met en valeur notre diversité mais celle aussi de nos atouts. Dans notre mouvement, il y a les mauritaniens de toutes les communautés et cela nous procure de la fierté, de la force et la confiance dans l’avenir. Nous savons que ces qualités gênent le régime qui s’évertue à vouloir préserver le privilège du segment dominant, qui s’est tout accaparé : richesses, postes, terres… Il nous reconnaîtra malgré lui. Car nous sommes bien engagés dans la lutte pour la reconnaissance qui est un droit fondamental au sein de toute démocratie digne de ce nom. Et nous nous sommes remplis toutes les conditions requises par les textes en vigueur.
AVOMM : Si la loi criminalisant l’esclavage et le fond pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage ne sont pas suffisants pour régler ce problème quelles sont, selon vous, les décisions urgentes que les autorités doivent prendre pour éradiquer cette tare ?
BDA : La loi si l’on arrive à l’appliquer et orienter l’argent pour la lutte contre ce que le pouvoir appelle à tort « les séquelles de l’esclavage, cela contribuera certainement à éradiquer l’esclavage. Mais le problème est qu’en plus de l’absence de toute volonté de combattre ces pratiques d’un autre temps, le régime protège les esclavagistes et s’en prend aux défenseurs des droits humains, accusés tantôt d’intelligence avec l’étranger, tantôt de vouloir diviser les mauritaniens.
Les résultats obtenus sont le fruit de la détermination et l’engagement des hommes libres décidés à ne pas se taire sur ces injustices qui consacre l’idéologie de la race et les préséances de naissance.
Cependant, si l’on veut vraiment venir à bout de cette horreur multiséculaire, il va falloir mettre fin au tabou. L’Etat doit quant à lui cesser de se présenter comme partie défendant de la sorte les criminelles. En effet toutes les victoires obtenues sont malheureusement remportées contre le pouvoir et non contre les contrevenants. Quel est cet Etat qui se plaît à ce que son nom se lie à ceux des esclavagistes et des iniques ?
Si l’on tient à éradiquer définitivement ce fléau, il faut que les autorités initient des campagnes médiatiques de sensibilisations et d’explication. Il faut aussi donner des consignes claires à l’administration, à l’appareil judiciaire et aux forces de polices de ne plus participer à la dissimilation des faits avérés. Des mesures draconiennes méritent d’êtres prises à l’encontre de tous ceux qui manifestent une quelconque complaisance vis-à-vis des pratiques d’esclavages.
Mais il est inconcevable que l’Etat mauritanien, sous sa direction actuelle, puisse opérer cette prise de conscience nécessaire à un début de solution de cette dangereuse question de l’esclavage. Le discours du général Aziz le 29 avril passé à Kaédi et ses allusions et diatribes contre les activités d’IRA-Mauritanie, démontre que l’homme est très en retard par rapport à l’ampleur et à l’impact de l’action de notre organisation ; que le général est pris en otage, et par son ignorance et par le discours des franges esclavagistes du système que son entourage pourris, lui fait répéter.
AVOMM : Diriez-vous, comme certains, Aziz =Taya?
BAD : Je suis tenté de dire oui pour ne pas dire pire ! Nous connaissons tous les abominables crimes d’épuration perpétrés par Taya. Nous savons, par ailleurs, à quel niveau cet homme était-il barbare et sanguinaire. Mais nul n’ignore le blocage du processus de réconciliation nationale enclenché, et qui reposait à la fois sur le règlement de façon absolue et unanime du passif humanitaire et de l’esclavage. Alors que tous les mauritaniens y étaient impliqués à la conception, le contrôle et le suivi conformément à la dynamique collective, le coup d’Etat de Mohamed Ould Abdel Aziz est venu tout décapoter. D’abord par l’arrêt systématique des concertations, puis la récupération politique au nom de son humeur et un programme populiste qui vide tout le processus de son sens et ses objectifs. L’objectif non avoué c’est la dissimilation et la protection des auteurs de l’épuration ethnique pour des raisons que lui et ses camarades d’armes du système discriminatoire et eux seuls en connaissent les secrets. Tout fut masqué par la parade l’artifice de la prière de l’absent à Kaédi, doublée d’un achat de conscience ou corruption baptisé « réparation » tandis que la vérité tant attendue par les parents des victimes n’est pas connue. Pourquoi ? Qu’est-ce qui peut motiver ce sabordage de la volonté nationale ! Qu’est-ce que le système discriminatoire dont Ould Abdel Aziz est l’incarnation veut cacher. Rien que les crimes de Taya et ses complices, dont il n’est pas du tout propre tant qu’il se comporte de la sorte.
Quant à l’esclavage, nous signalons qu’il y a eu une loi qui avait été promulgué en 2007 avec une unanimité sans précèdent dans l’histoire du pays. Elle exprime la volonté des mauritaniens libres et l’échec de l’oligarchie à continuer à masquer cette réalité qui saute à l’œil. Par la même occasion, il a été décidé de créer une structure publique pour s’occuper des esclaves avec le vote d’un budget. Quoique toutes ces décisions étaient insuffisantes. Mohamed Ould Abdel Aziz est venu faire table rase de ces acquis dont on espérait plus. Il a commencé par faire black-out sur l’esclavage qu’il ne nommait jamais revenant à la dénégation du fait. Ensuite, il s’est acharné sur le chapitre du budget alloué à la lutte contre l’esclavage et l’a réduit. Géré par un groupe de maîtres et anciens maîtres d’esclaves, il est objet de détournement dans un pays détenu par des prévaricateurs de renom et des mafiosi. Enfin, avec les révélations des cas d’esclavage avérés et l’adhésion de larges couches nationales parmi les Hratin, les Arabo-berbères et les Négro-africains et face à la menace de disparition des arcanes du système constituant l’essence et la raison d’être de son pouvoir, Ould Abdel Aziz n’a pas hésité à prendre clairement la défense des esclavagistes à chaque fois qu’ils sont démasqués, traînés devant la police ou déferré devant le parquet. Il n’hésite pas à faire intervenir ses ministres pour influencer la décision de la juste afin de blanchir les présumés esclavagistes. Ces crimes sont couronnés pendant la première semaine de ce mois par une campagne de licenciement des travailleurs domestiques de couche hratin, n’épargnant ni villes ni villages. Pour la première fois on assiste, non seulement à une campagne de chasse à la sorcière, mais de diète collective tout simplement parce que les victimes sont des Hratin et que leurs congénères parmi les défenseurs des droits de l’homme se sont engagés à libérer ceux qui ploient encore sous le poids écrasant de l’esclavage séculaire. Parce que ces derniers tiennent par-dessus tout à militer pour les droits civiques susceptibles de préparer l’émergence d’un Etat de droits qui régirait le principe un homme une voix.
J’espère que vous comprenez maintenant pourquoi je dis que Aziz est pire que Taya.
AVOMM : Quels sont vos rapports avec les organisations de la diaspora, notamment l’AVOMM ?
BAD : Notre organisation et mon humble personne, doivent beaucoup de chose à AHME que dirige Mohamed Yahya ould Ciré et l’OCVIDH que dirige Mamadou Diagana dit Ibnou ; ils ont toujours été les plus proches dans les moments difficiles. D’autre part, je suis en très bon rapports avec les cadres et personnalités des FLAM en Europe. Et je suis fier d’avoir eu l’occasion de tisser des relations avec l’AVOMM depuis quelque temps, et je suis très reconnaissant à son égard, et à l’égard de son président Ousmane Sarr et ses cadres qui m’ont rendu visite et soutenu à ma sortie de prison.
AVOMM : Que pensez-vous de : la cohabitation ? Du passif humanitaire ? De la lutte contre l’impunité que mène l’AVOMM ?
BAD : La cohabitation est fatale. Elle est irréversible. Le destin de toutes les communautés nationales qui composent ce peuple est lié. Un Etat dit la Mauritanie existe envers et contre tout. Tout comme le tapis du tisserand, il tire sa beauté de notre diversité si riche, nos races, nos langues et cultures variées. Dans notre histoire commune il y a l’œuvre de chacun malgré la volonté de réduction du groupe dominant. L’hégémonie des intellectuels organique du système en désuétude ne résistera pas aux vents du changement qui soufflent et la volonté de la majorité dès lors que celle-ci a des revendications légitimes et justes.
La position de l’Initiative de Résurrection du mouvement Abolitionniste sur le passif humanitaire n’accepte point de compromission. Elle est claire et inaliénable. Le passif humanitaire doit être inexorablement réglé de façon transparente et sans équivoque qui respecte les sentiments des ayant droit. Cependant tout doit commencer par le droit à la vérité. Il faut que les criminels responsables des exactions sommaires soient connus et jugés. Il faut que les fosses communes soient localisées et ouvertes ; les corps des victimes soient identifiés et restitués dans la plus grande dignité à leurs proches pour que leur soient organisés tous les rituels religieux requis. Les parents ont le droit de recouvrer la paix de l’âme après des décennies de supplice et de souffrance de toute sorte.
Nous avons engagé ce que nous concevons comme la lutte contre l’impunité. Et notre combat est frontal. Les sit-in, les conférences animés à travers le monde, les écrits, interviews, conférences et points de presse de nos intellectuels sont nos parmi les instruments de lutte dont nous avons usés et qui nous ont valu la haine des forces du mal et conduit à la prison. Notre raison d’être est l’éradication de toutes les formes d’injustices quelles qu’elles soient et quelles qu’en soient les victimes. Nous ne distinguons pas entre ces dernières car l’iniquité reste l’iniquité qu’elle soit subie par des hratin, des Négro-africains ou des Arabo-berbères. Elles ont le même goût amer.
Notre combat de vocation national. Il ne s’inscrit pas dans les considérations sectaires comme d’aucuns voudraient le présenter par dédain. Mais une chose est sûre : nous n’avons de problème avec une ethnie, ni race, ni langue. Notre problème c’est avec tout bourreau, tout assassin, injuste ; bref tout auteurs des dénis… Notre désir nous l’avons dit, c’est l’œuvre pour le rétablissement de la justice et l’égalité pour tous dans un pays qui en a besoin, tant pour sa stabilité, sa sécurité et sa pérennité.
Nous pensons que notre devoir est aussi de soutenir AVOMM dans ses efforts inlassables de faire juger le dictateur déchu Maawiya ould Sid’Ahmed Taya et toute la chaine de responsables qui ont perpétré l’épuration ethnique contre les Négros-Mauritaniens pendant les années de braises. Nous apprécions spécialement les tentatives inlassables de cette ong, qui visent à enclencher des poursuites judicaires contre l’ex-chef d’Etat à partir de Bruxelles ; aussi nous pensons que ces efforts finiront par payer.
AVOMM : Selon nos informations vous connaissez les FLAM, pourriez-vous soutenir leur demande d’autonomie du Sud Mauritanien ?
BAD : Je tiens d’abord à préciser que les FLAM, de notre point de vue, est un mouvement national mauritanien dont la lutte est noble et légitime. Je souligne que ses revendications, ont très tôt été déformées aux yeux et aux oreilles des populations mauritaniennes par un pouvoir qui voulait légitimer, non seulement la décapitation des FLAM, mais aussi l’extermination des cadres civils et militaires de la communauté halpoularen en Mauritanie. Et je ne sais pas exactement qu’est ce que la revendication d’autonomie représente dans le projet politique des FLAM, mais je suis sur de trois choses au moins :
- la première est que les communautés négro-mauritaniennes qui vivent dans la vallée du fleuve Sénégal ont des spécificités culturelles, linguistiques qui ne sont pas prises en compte ni prises en charge par l’Etat mauritanien qui continu à sombrer dans sa dérive ethnique dangereuse ;
- La deuxième est que l’autonomie dans pareil cas d’oppression culturelle et d’écrasement ethnique à toujours été expérimentée comme solution juste et équitable, dans beaucoup de pays et ce n’est pas l’apocalypse, ce ne sera pas la fin du monde en Mauritanie au cas ou ;
- La troisième est que la revendication minimale des populations noires du sud, en ce qui concerne la structure de gestion de l’Etat, doit être un redécoupage administratif capable d’introduire une d’équité entre le sud et le reste de la Mauritanie ; car il est clair que le découpage actuel est conçu pour réduire les élus parlementaires négro-mauritanien à la ponction congrue.
AVOMM : Biram, le monde arabe bouge : Tunisie, Egypte, Libye, on note aussi une timide tentative en Mauritanie (pays arabe et africain), quelle est votre lecture de ces soulèvements?
BAD : Le monde arabe bouge effectivement. C’est une vague de soulèvement inédite tant par sa contagion que par sa vitesse et ses surprises. Nous en avons senti les marées chez nous. S’agit-il de simples balbutiements ou bien seraient-ce les signes annonciateurs du printemps de jasmins. Quoiqu’il arrive la Mauritanie n’est pas à l’abri de révolte. Les choses ne se limitent pas aux mouvements des jeunes du 25 février qui semblent avoir déstabilisé le régime autoritaire de Nouakchott et dont la pression continue encore.
Aujourd’hui c’est tout le pays qui est en proie aux contestations de tout ordre. On voit les sit-in partout : devant le palais présidentiel, les ministères, les sociétés publiques, la grogne des travailleurs, l’absence de dialogue social avec les syndicalistes, les grèves, la crise politique, la banqueroute, la prévarication, l’insécurité, voilà autant de problèmes qui sont un vivier d’instabilité et un terrain propice à une révolution du genre de celles secouant le Maghreb et l’Arabie.
Je pense que ces changements doivent servir de leçon pour mettre le pays pendant qu’il est temps sur la bonne voie. Je sais que ce ne sera pas facile. Car ce sont des généraux félons, des prévaricateurs, c’est-à-dire des personnes sans expérience et dont les décisions sont dictées par les humeurs et l’improvisation qui veillent hélas sur le destin du pays. C’est regrettable. En un mot, la Mauritanie court malheureusement les mêmes conséquences, voire pire.
AVOMM : Un dernier mot à nos lecteurs.
BAD : Je dis que les Mauritaniens sont confiants dans l’avenir de ce pays. Celui-ci ne sera que ce que nous voudrions qu’il soit. J’entends par nous tous nos concitoyens. La volonté existe chez les hommes libres dont le cercle s’élargit de jour en jour. Quant au régime nous l’avons contraint par notre combat à reculer sur quelques points, sachant que nous ne craignons pas l’oppression. Il a cédé et continuera à céder grâce à notre détermination. Nous les pousserons jusqu’à le dégager ou se corriger.
Je vous remercie au nom de notre organisation. Nous sommes, en fait sensibles à votre apport à ce combat multidimensionnel. La diaspora où qu’elle soit, à l’esprit en Mauritanie. J’en sais quelque chose, moi qui ai la chance de la rencontrer dans mes voyages à travers les continents. Ses expériences et contributions seront toujours les bienvenues.
Je vous remercie infiniment pour l’honneur et la considération que vous m’accordez.
C'est nous qui vous remercions très sincèrement d'avoir accepté cette invitation.
Entretien réalisé par Mireille Hamelin et Mohamed Dogui
Pour avomm.com
Son engagement précoce pour la défense des droits de l’homme remonte à 1982, il avait à peine 19 ans quand il créa, avec d’autres jeunes, le Mouvement National Africain dédié à la lutte contre l'esclavage et la discrimination.
Il s’engagea à l'UFD qu’il quitta en 1993 pour se présenter en candidat indépendant aux municipales à Nouadhibou.
Puis il intégra le PRDS avant de décider de s'éloigner de la scène politique pour adhérer à SOS Esclaves en 2002, adhésion qui deviendra officielle en 2005.
Toutefois la tentation du retour à la vie politique prendra le dessus avec son adhésion à APP à la veille des élections municipales en 2006, il adhèrera officiellement au parti APP qui remplaçait AC dissous.
En 2007, Biram décida de claquer la porte de APP, il servira alors au sein de la direction de campagne de Zeine Ould Zeïdane en qualité de porte-parole du candidat à la présidentielle de 2007.
Toutes ces expériences conduiront Biram Dah Abeid à créer le mouvement Initiative de résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA-Mauritanie), qui constitue un instrument pour la défense des droits de l'Homme en Mauritanie et le fer de lance de la lutte contre l'esclavage.
Si Biram Dah Abeid, jouit d’une grande notoriété auprès des ONG de défense des droits de l’Homme dans le monde, il doit faire face à une véritable campagne de dénigrement orchestrée par les tenants du système féodal et tribale présents dans toutes les sphères de l’Etat, appuyé en cela par certains conservateurs religieux.
Le combat de Biram Dah Abeid irrite les plus hautes autorités de l’Etat qui ont utilisé, en vain, tous les moyens pour le faire taire ; surveillance, provocations, agressions, arrestation, procès et emprisonnement.
Notre invité Biram Dah Abeid, qui vient de sortir de prison, a accepté de répondre à nos questions, qu’il en soit remercié.
Med
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L'ENTRETIEN
Monsieur le président merci d’avoir accepté de répondre aux questions de «Projecteurs» du site avomm.com.
AVOMM : Président, si vous le permettez, commençons par une question sur vos sentiments, au lendemain de votre libération. Avez-vous l’impression d’avoir été victime d’un complot ou avez-vous été piégé par des provocations auxquelles vous avez répondu ?
BDA : Tout d’abord mes remerciements pour l’intérêt particulier que vous m’accordez et à travers moi pour le combat que nous menons contre l’esclavage, le racisme, l’exclusion et la marginalisation qui ruinent notre tissu social et qui malgré les nombreux efforts fournis çà et là buttent encore sur les pesanteurs de la tradition, à l’opportunisme des égocentriques et autres féodalismes insensibles à la roue de l’histoire.
Pour en venir à votre question mes sentiments sont un mélange de consternation et d’amertume. Le complot, auquel nous avons été l’objet mes camarades et moi, est une évidence que nul ne peut contester. L’unanimité sur la condamnation de la machination du régime au plan national et international, tant par les partis politiques, les organisations de la société civile mauritanienne, que les organismes et organisations internationaux des droits de l’homme, sont une preuve irrécusable que nous sommes irréprochables. Nous avions et le droit et la raison de notre côté. Toutes nos démarches dans la dénonciation, la démystification et la révélation des pratiques d’esclavage et des politiques de discrimination, ne souffrent d’aucune violation de la législation en vigueur dans le pays. C’est vrai que nous allons jusqu’au bout de l’épuisement de nos droits constitutionnels. Et c’est sans doute cette détermination et cette - témérité disent les autres - qui font paniquer les contrevenants et leur parrain, le pouvoir oligarchique en place dont les bévues se sont tellement répétées ces derniers temps. Alors dépassé et excédé par les événements Mohamed Ould Abdel Aziz, le serviteur du dernier retranchement du système esclavagiste et raciste en Mauritanie, a utilisé les forces de police, les organes de presse publique et l’appareil de justice, pour monter la mascarade de « l’affaire Arfar1 » de son vari nom « Affaire de la famille esclavagiste : Mounoumnine Mint Bacar Vall et frère ».
Ce n’était pas un piège sachant que notre longue expérience en matière de processus de libération des esclaves est grande et instructif au point que jamais les instruments du système policier ne sont capables de nous attirer vers l’erreur. Ensuite, connaissant les moyens vils susceptibles d’être utilisés en pareille circonstance par les ennemis du militantisme antiesclavagiste, nous savons être vigilants et prévoyants. Nous savons nous prémunir contre les provocations. Mais tout cela ne peut nous retenir de défendre nos droits que nous préservent les lois, fût-il au prix de l’oppression, la torture, l’incarcération ou la mort. Telle est l’engagement de mes camarades à IRA – Mauritanie.
Pour plus de précision je dis que la police a reçu l’ordre de nous empêcher d’assister à l’écoute des deux esclaves mineures, pour tenter de les intimider afin qu’elles dédisent. Ce scénario devenu classique, nous l’avons refusé. Nous nous sommes dressés physiquement et pacifiquement en rempart, exigeant que les esclaves ne soient plus écoutées, conformément à la loi, que par la brigade de police chargées des mineurs et en présence des avocats. Voilà l’essentiel, le reste vous l’avez lu dans la presse.
AVOMM : Beaucoup de Mauritaniens vous prêtent un penchant pour la violence ; appel à une insurrection armée, au soulèvement des officiers et hommes de troupes harratines contre le système. Êtes-vous vraiment pour une solution de l’esclavage par la violence ou êtes-vous plutôt un militant non violent d’une cause noble ?
BDA : La modeste personne que je suis est issue d’un milieu, autrement d’une composante, connu pour sa modestie, son altruisme et sa tolérance : je suis Hratin. Mes congénères ont servi les Beydhanes partout (sous leurs tentes, aux puits, aux prés, dans les oasis, dans les caravanes…) ; ils ont été également au service des Négro-africains, notamment, dans les champs de la vallée du fleuve Sénégal… Avez-vous jamais entendu que nous avons fait preuve de bellicisme. Nous avons toujours tenu à la coexistence pacifique et à l’interpénétration, en étant ouverts à tous les vents. Nous avons intériorisé les valeurs les plus variées et diverses. Parce que, tout en nous assumant, nous avons adopté les emprunts chez les uns et les autres. Nous n’avons jamais rien renié, ni blanc ni noir. Et ces courants, fût-il du Nord ou du Sud, ont participé, chacun à son niveau, à nous façonner. Vous comprendrez alors que s’il y a quelqu’un qui doit être pacifique c’est bien moi. Donc personne d’autres ne peut cristalliser et symboliser la non-violence plus que moi. La non-violence est la mamelle qui m’a allaité, l’école qui m'a formé, le souffle qui me tient en vie. C’est ma raison d’être.
Jamais je n’ai fait appel à la violence. Je sais que mes détracteurs, excédés par mes positions et ma détermination, notamment, en ce qui concerne les sujets qu’ils veulent bon an mal an taire au gré du tabou et les renvoyer comme pâture à l’idéologie du silence, déforment mes propos, mais je ne me suis jamais réclamé de la violence. Cependant j’ai demandé que les assujettis se révoltent à toutes les formes d’injustices ; qu’ils dénoncent leurs conditions de bêtes humaines. C’est vrai aussi que j’ai demandé la désobéissance civile. Je n’en prends pas ombrage. Je l’assume sans regret Mais dire désobéissance civile ce n’est pas réclamer la guerre ou parrainer les violences. Car la désobéissance civile est un moyen de lutte pacifique et non-violente pour revendiquer des droits légitimes, pour s’adjuger des droits bafoués et naturels. Nous y avons appeler parce que jamais le pouvoir en place n’a daigné mettre en œuvre l’application des lois en vigueur et se départir des pratiques d’esclavage et des politiques discriminatoires auxquelles se livrent l’ensemble de ses rouages administratifs, sécuritaires, militaires, judiciaires et théologiques.
D’ailleurs, que tout le monde sache que nous veillons plus que n’importe qui sur la stabilité et la sécurité de ce pays. Si je suis en train de braver tous les dangers au péril de ma vie, c’est parce que je n’ai que la Mauritanie et la Mauritanie seule pour patrie. Le destin des Hratin, celui de ma progéniture et le mien, sont inextricables. Ils sont liés à cette terre. Ce n’est pas moi qui lui en voudrais de la violence. Au contraire! Mon combat vise de le sauver des griffes des charognards. Car je suis plus que jamais convaincu des termes de l’adage local qui dit « On peut bâtir un état sur l’hérésie. Mais on en saurait bâtir sur l’injustice ». A vous d’apprécier cette vérité.
Je crois dur comme fer à une solution pacifique de la question d’esclavage, du racisme et des autres maux dont souffre la Mauritanie. Si je croyais le contraire, j’allais le dire sans complaisance. L’issue est irréversible. Il est imminent ce jour où nos enfants, libres de tout engagement à un quelconque maître ou supposé tel, affranchis des stigmates et brimades à caractère raciste, ne viendront plus chaque matin plier l’échine et se prêter aux corvées les plus bestiales, les plus inhumaines et les plus odieuses ou accepter l’infériorité qu’on leurs assigne au quotidien. Il est imminent le jour où nos filles se baladeront en ville ou en brousses en toute sécurité, sans l’ombre de la moindre contrainte ou la psychose de subir le viol par un maître sexuellement obsédé, pédophile. Je dis encore qu’il est imminent ce jour où on ne verra plus dans notre couleur la marque de damnation où le pêcher originel de notre prétendu ancêtre Ham, ce fils d’Adam que Dieu en guise de malédiction aurait mis au service de son frère blanc. Mais on y verra l’expression humaine de l’attachement aux valeurs de liberté, de l’amour et du respect.
Notre cause est juste et noble. La preuve en est l’adhésion de larges couches naguère conservatrices à notre combat. Tous les partis politiques viables, notamment de l’opposition, s’accordent aujourd’hui sur l’impérieuse nécessité de restituer les esclaves et les anciens esclaves (Hratin) dans leurs droits étant donné que c’est cela la soupape de sécurité et la garantie pour une stabilité durable.
AVOMM : Pouvez-vous revenir sur vos conditions de détention ?
BDA : Nous avons subi durant notre détention toutes les formes de pratiques dégradantes qui sont les preuves d’un acharnement prémédité. Notre séjour au commissariat d’Arfat1 où, pendant plusieurs jours, nous avons été à la merci de notre principal bourreau le commissaire Mohamed Ould Jaafar, s’est distingué par notre placement dans une cellule insalubre avec les voleurs et autres criminels. Quelques policiers n’avaient pas caché leur amertume et leur refus de prendre part aux sévices que nous subissions. Ces derniers étaient écartés de notre service pour nous confier à de véritables geôliers dont le zèle allait jusqu’à m’empêcher de prendre nos médicaments ou de faire nos ablutions pour prier. Ce temps passé au commissariat fit l’occasion, pour une hiérarchie sécuritaire sans scrupules, de nous ravaler au rang des bêtes. Parfois, indignés, les policiers n’hésitent pas à s’excuser et dire, se confiant à nous, qu’ils sont contraints d’agir faute de quoi ils s’exposeraient aux sanctions.
Arrivée à la gendarmerie, on nous a séparés, mes camarades et moi. Nous ne nous reverrons qu’au palais de la justice lors des séances du procès. Tandis que l’on nous accusait, selon les instruments du pouvoir pour agression sur un commissariat ; l’ensemble des questions qu’on m’a posées étaient purement politiques. Elles portaient sur mes positions personnelles sur la version mauritanienne du rite malékite, essence de l’esclavage et de l’esclavagisme dans le segment beydhane. On m’a reproché d’inciter la démobilisation des militaires hratin qui se cantonnent dans les postes subalternes (hommes de troupes, ordonnance et ses officiers) ; de considérer le lycée militaire, une école crée pour asseoir la domination blanche, un sanctuaire d’oligarchie et de racisme ; d’encourager le peuple pour déposer le pouvoir en place. La gendarmerie m’a demandé aussi si je soutiens le rejet de la tribu, institution qui est un instrument d’endoctrinement des esclaves et anciens esclaves, par leur maitres et ou/anciens maitres…
Pendant mon séjour à la gendarmerie, j’ai hélas pu me rendre à l’évidence que l’arrestation au commissariat était un épisode d’un feuilleton dont le scénario a été écrit par le régime de Ould Abdel Aziz et le système féodal qu’il représente et dont les appareils sécuritaires, judicaires et les organes de presse publique n’étaient, en fait que des outils d’exécution. Il était sûr que les différents faits que je n’ai cessé de dénoncer constituent des réalités immuables. Et leur démystification dérange à plus d’un titre. Fort de cela, je dis à la coalition des forces qui gangrènent tout le tissu social et les rouages institutionnels, judicaires, sécuritaires, paramilitaires, et militaires que les couches naguères écrasés, ces damnés de la terre ne se laissent plus faire et braveront tous les dangers pour une Mauritanie multiraciale, plurilingue, forte et unie. Il est fini le temps où le régime et ses inspirateurs qui végètent dans les conspirations et la division parvenaient à jeter les Beydhanes sur les Hratin ou les Hratin sur les Noirs. Il est révolu le temps où la diabolisation des Négro-africains faisait d’eux une bête à immoler sur l’autel du chauvinisme.
L’arrestation de mes amis et moi était une occasion précieuse où toutes les forces progressistes nationales se sont réconciliées avec elles-mêmes et se sont dressées contres les pratiques ignobles. Les marches, les séances de débats parlementaires, les colonnes des journaux, les déclarations et communiqués, ont porté un démenti catégorique aux prétentions velléitaires du pouvoir honni, devenu l’ombre de lui-même.
AVOMM : Comment expliquez-vous le refus des autorités de reconnaître votre mouvement l’Initiative de résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) ?
BDA : Le refus des autorités de reconnaître IRA – Mauritanie n’a pas besoin d’explication. Elles ne veulent pas de l’existence d’une organisation sincère dans son combat contre les vrais problèmes sous lesquels ploie la majorité de la population. Leurs objectifs sont clairs. Il s’agit du maintien des pratiques anachroniques de l’esclavage, de la discrimination raciale, de la ghettoïsation et leurs nombreux autres corollaires : exclusion, marginalisation. Il s’agit aussi de garantir un développement social, culturel, économique et politique à deux vitesses ; créer deux types de citoyens différents devant la loi et dans les droits.
Mais je saisis cette occasion pour rappeler que pour exister nous n’avons pas besoin de leur avis mais d’être conforme aux dispositions des lois en vigueur dans le pays. Connaissant les textes qui disent que nous sommes dans un régime démocratique, nous sommes donc dans la légalité parfaite que les autorités nous livrent officiellement ou non notre récépissé de reconnaissance.
Je sais par ailleurs que nous dérangeons fort de part notre engagement, nos moyens de lutte et notre franc-parler qui n’acceptent pas le compromis ou la compromission. Surtout que IRA – Mauritanie se singularise par la synergie des efforts de ses nombreux militants, entre autres, une intelligentsia clairvoyante, patriotique, et consciencieusement efficiente. Voilà qui met en valeur notre diversité mais celle aussi de nos atouts. Dans notre mouvement, il y a les mauritaniens de toutes les communautés et cela nous procure de la fierté, de la force et la confiance dans l’avenir. Nous savons que ces qualités gênent le régime qui s’évertue à vouloir préserver le privilège du segment dominant, qui s’est tout accaparé : richesses, postes, terres… Il nous reconnaîtra malgré lui. Car nous sommes bien engagés dans la lutte pour la reconnaissance qui est un droit fondamental au sein de toute démocratie digne de ce nom. Et nous nous sommes remplis toutes les conditions requises par les textes en vigueur.
AVOMM : Si la loi criminalisant l’esclavage et le fond pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage ne sont pas suffisants pour régler ce problème quelles sont, selon vous, les décisions urgentes que les autorités doivent prendre pour éradiquer cette tare ?
BDA : La loi si l’on arrive à l’appliquer et orienter l’argent pour la lutte contre ce que le pouvoir appelle à tort « les séquelles de l’esclavage, cela contribuera certainement à éradiquer l’esclavage. Mais le problème est qu’en plus de l’absence de toute volonté de combattre ces pratiques d’un autre temps, le régime protège les esclavagistes et s’en prend aux défenseurs des droits humains, accusés tantôt d’intelligence avec l’étranger, tantôt de vouloir diviser les mauritaniens.
Les résultats obtenus sont le fruit de la détermination et l’engagement des hommes libres décidés à ne pas se taire sur ces injustices qui consacre l’idéologie de la race et les préséances de naissance.
Cependant, si l’on veut vraiment venir à bout de cette horreur multiséculaire, il va falloir mettre fin au tabou. L’Etat doit quant à lui cesser de se présenter comme partie défendant de la sorte les criminelles. En effet toutes les victoires obtenues sont malheureusement remportées contre le pouvoir et non contre les contrevenants. Quel est cet Etat qui se plaît à ce que son nom se lie à ceux des esclavagistes et des iniques ?
Si l’on tient à éradiquer définitivement ce fléau, il faut que les autorités initient des campagnes médiatiques de sensibilisations et d’explication. Il faut aussi donner des consignes claires à l’administration, à l’appareil judiciaire et aux forces de polices de ne plus participer à la dissimilation des faits avérés. Des mesures draconiennes méritent d’êtres prises à l’encontre de tous ceux qui manifestent une quelconque complaisance vis-à-vis des pratiques d’esclavages.
Mais il est inconcevable que l’Etat mauritanien, sous sa direction actuelle, puisse opérer cette prise de conscience nécessaire à un début de solution de cette dangereuse question de l’esclavage. Le discours du général Aziz le 29 avril passé à Kaédi et ses allusions et diatribes contre les activités d’IRA-Mauritanie, démontre que l’homme est très en retard par rapport à l’ampleur et à l’impact de l’action de notre organisation ; que le général est pris en otage, et par son ignorance et par le discours des franges esclavagistes du système que son entourage pourris, lui fait répéter.
AVOMM : Diriez-vous, comme certains, Aziz =Taya?
BAD : Je suis tenté de dire oui pour ne pas dire pire ! Nous connaissons tous les abominables crimes d’épuration perpétrés par Taya. Nous savons, par ailleurs, à quel niveau cet homme était-il barbare et sanguinaire. Mais nul n’ignore le blocage du processus de réconciliation nationale enclenché, et qui reposait à la fois sur le règlement de façon absolue et unanime du passif humanitaire et de l’esclavage. Alors que tous les mauritaniens y étaient impliqués à la conception, le contrôle et le suivi conformément à la dynamique collective, le coup d’Etat de Mohamed Ould Abdel Aziz est venu tout décapoter. D’abord par l’arrêt systématique des concertations, puis la récupération politique au nom de son humeur et un programme populiste qui vide tout le processus de son sens et ses objectifs. L’objectif non avoué c’est la dissimilation et la protection des auteurs de l’épuration ethnique pour des raisons que lui et ses camarades d’armes du système discriminatoire et eux seuls en connaissent les secrets. Tout fut masqué par la parade l’artifice de la prière de l’absent à Kaédi, doublée d’un achat de conscience ou corruption baptisé « réparation » tandis que la vérité tant attendue par les parents des victimes n’est pas connue. Pourquoi ? Qu’est-ce qui peut motiver ce sabordage de la volonté nationale ! Qu’est-ce que le système discriminatoire dont Ould Abdel Aziz est l’incarnation veut cacher. Rien que les crimes de Taya et ses complices, dont il n’est pas du tout propre tant qu’il se comporte de la sorte.
Quant à l’esclavage, nous signalons qu’il y a eu une loi qui avait été promulgué en 2007 avec une unanimité sans précèdent dans l’histoire du pays. Elle exprime la volonté des mauritaniens libres et l’échec de l’oligarchie à continuer à masquer cette réalité qui saute à l’œil. Par la même occasion, il a été décidé de créer une structure publique pour s’occuper des esclaves avec le vote d’un budget. Quoique toutes ces décisions étaient insuffisantes. Mohamed Ould Abdel Aziz est venu faire table rase de ces acquis dont on espérait plus. Il a commencé par faire black-out sur l’esclavage qu’il ne nommait jamais revenant à la dénégation du fait. Ensuite, il s’est acharné sur le chapitre du budget alloué à la lutte contre l’esclavage et l’a réduit. Géré par un groupe de maîtres et anciens maîtres d’esclaves, il est objet de détournement dans un pays détenu par des prévaricateurs de renom et des mafiosi. Enfin, avec les révélations des cas d’esclavage avérés et l’adhésion de larges couches nationales parmi les Hratin, les Arabo-berbères et les Négro-africains et face à la menace de disparition des arcanes du système constituant l’essence et la raison d’être de son pouvoir, Ould Abdel Aziz n’a pas hésité à prendre clairement la défense des esclavagistes à chaque fois qu’ils sont démasqués, traînés devant la police ou déferré devant le parquet. Il n’hésite pas à faire intervenir ses ministres pour influencer la décision de la juste afin de blanchir les présumés esclavagistes. Ces crimes sont couronnés pendant la première semaine de ce mois par une campagne de licenciement des travailleurs domestiques de couche hratin, n’épargnant ni villes ni villages. Pour la première fois on assiste, non seulement à une campagne de chasse à la sorcière, mais de diète collective tout simplement parce que les victimes sont des Hratin et que leurs congénères parmi les défenseurs des droits de l’homme se sont engagés à libérer ceux qui ploient encore sous le poids écrasant de l’esclavage séculaire. Parce que ces derniers tiennent par-dessus tout à militer pour les droits civiques susceptibles de préparer l’émergence d’un Etat de droits qui régirait le principe un homme une voix.
J’espère que vous comprenez maintenant pourquoi je dis que Aziz est pire que Taya.
AVOMM : Quels sont vos rapports avec les organisations de la diaspora, notamment l’AVOMM ?
BAD : Notre organisation et mon humble personne, doivent beaucoup de chose à AHME que dirige Mohamed Yahya ould Ciré et l’OCVIDH que dirige Mamadou Diagana dit Ibnou ; ils ont toujours été les plus proches dans les moments difficiles. D’autre part, je suis en très bon rapports avec les cadres et personnalités des FLAM en Europe. Et je suis fier d’avoir eu l’occasion de tisser des relations avec l’AVOMM depuis quelque temps, et je suis très reconnaissant à son égard, et à l’égard de son président Ousmane Sarr et ses cadres qui m’ont rendu visite et soutenu à ma sortie de prison.
AVOMM : Que pensez-vous de : la cohabitation ? Du passif humanitaire ? De la lutte contre l’impunité que mène l’AVOMM ?
BAD : La cohabitation est fatale. Elle est irréversible. Le destin de toutes les communautés nationales qui composent ce peuple est lié. Un Etat dit la Mauritanie existe envers et contre tout. Tout comme le tapis du tisserand, il tire sa beauté de notre diversité si riche, nos races, nos langues et cultures variées. Dans notre histoire commune il y a l’œuvre de chacun malgré la volonté de réduction du groupe dominant. L’hégémonie des intellectuels organique du système en désuétude ne résistera pas aux vents du changement qui soufflent et la volonté de la majorité dès lors que celle-ci a des revendications légitimes et justes.
La position de l’Initiative de Résurrection du mouvement Abolitionniste sur le passif humanitaire n’accepte point de compromission. Elle est claire et inaliénable. Le passif humanitaire doit être inexorablement réglé de façon transparente et sans équivoque qui respecte les sentiments des ayant droit. Cependant tout doit commencer par le droit à la vérité. Il faut que les criminels responsables des exactions sommaires soient connus et jugés. Il faut que les fosses communes soient localisées et ouvertes ; les corps des victimes soient identifiés et restitués dans la plus grande dignité à leurs proches pour que leur soient organisés tous les rituels religieux requis. Les parents ont le droit de recouvrer la paix de l’âme après des décennies de supplice et de souffrance de toute sorte.
Nous avons engagé ce que nous concevons comme la lutte contre l’impunité. Et notre combat est frontal. Les sit-in, les conférences animés à travers le monde, les écrits, interviews, conférences et points de presse de nos intellectuels sont nos parmi les instruments de lutte dont nous avons usés et qui nous ont valu la haine des forces du mal et conduit à la prison. Notre raison d’être est l’éradication de toutes les formes d’injustices quelles qu’elles soient et quelles qu’en soient les victimes. Nous ne distinguons pas entre ces dernières car l’iniquité reste l’iniquité qu’elle soit subie par des hratin, des Négro-africains ou des Arabo-berbères. Elles ont le même goût amer.
Notre combat de vocation national. Il ne s’inscrit pas dans les considérations sectaires comme d’aucuns voudraient le présenter par dédain. Mais une chose est sûre : nous n’avons de problème avec une ethnie, ni race, ni langue. Notre problème c’est avec tout bourreau, tout assassin, injuste ; bref tout auteurs des dénis… Notre désir nous l’avons dit, c’est l’œuvre pour le rétablissement de la justice et l’égalité pour tous dans un pays qui en a besoin, tant pour sa stabilité, sa sécurité et sa pérennité.
Nous pensons que notre devoir est aussi de soutenir AVOMM dans ses efforts inlassables de faire juger le dictateur déchu Maawiya ould Sid’Ahmed Taya et toute la chaine de responsables qui ont perpétré l’épuration ethnique contre les Négros-Mauritaniens pendant les années de braises. Nous apprécions spécialement les tentatives inlassables de cette ong, qui visent à enclencher des poursuites judicaires contre l’ex-chef d’Etat à partir de Bruxelles ; aussi nous pensons que ces efforts finiront par payer.
AVOMM : Selon nos informations vous connaissez les FLAM, pourriez-vous soutenir leur demande d’autonomie du Sud Mauritanien ?
BAD : Je tiens d’abord à préciser que les FLAM, de notre point de vue, est un mouvement national mauritanien dont la lutte est noble et légitime. Je souligne que ses revendications, ont très tôt été déformées aux yeux et aux oreilles des populations mauritaniennes par un pouvoir qui voulait légitimer, non seulement la décapitation des FLAM, mais aussi l’extermination des cadres civils et militaires de la communauté halpoularen en Mauritanie. Et je ne sais pas exactement qu’est ce que la revendication d’autonomie représente dans le projet politique des FLAM, mais je suis sur de trois choses au moins :
- la première est que les communautés négro-mauritaniennes qui vivent dans la vallée du fleuve Sénégal ont des spécificités culturelles, linguistiques qui ne sont pas prises en compte ni prises en charge par l’Etat mauritanien qui continu à sombrer dans sa dérive ethnique dangereuse ;
- La deuxième est que l’autonomie dans pareil cas d’oppression culturelle et d’écrasement ethnique à toujours été expérimentée comme solution juste et équitable, dans beaucoup de pays et ce n’est pas l’apocalypse, ce ne sera pas la fin du monde en Mauritanie au cas ou ;
- La troisième est que la revendication minimale des populations noires du sud, en ce qui concerne la structure de gestion de l’Etat, doit être un redécoupage administratif capable d’introduire une d’équité entre le sud et le reste de la Mauritanie ; car il est clair que le découpage actuel est conçu pour réduire les élus parlementaires négro-mauritanien à la ponction congrue.
AVOMM : Biram, le monde arabe bouge : Tunisie, Egypte, Libye, on note aussi une timide tentative en Mauritanie (pays arabe et africain), quelle est votre lecture de ces soulèvements?
BAD : Le monde arabe bouge effectivement. C’est une vague de soulèvement inédite tant par sa contagion que par sa vitesse et ses surprises. Nous en avons senti les marées chez nous. S’agit-il de simples balbutiements ou bien seraient-ce les signes annonciateurs du printemps de jasmins. Quoiqu’il arrive la Mauritanie n’est pas à l’abri de révolte. Les choses ne se limitent pas aux mouvements des jeunes du 25 février qui semblent avoir déstabilisé le régime autoritaire de Nouakchott et dont la pression continue encore.
Aujourd’hui c’est tout le pays qui est en proie aux contestations de tout ordre. On voit les sit-in partout : devant le palais présidentiel, les ministères, les sociétés publiques, la grogne des travailleurs, l’absence de dialogue social avec les syndicalistes, les grèves, la crise politique, la banqueroute, la prévarication, l’insécurité, voilà autant de problèmes qui sont un vivier d’instabilité et un terrain propice à une révolution du genre de celles secouant le Maghreb et l’Arabie.
Je pense que ces changements doivent servir de leçon pour mettre le pays pendant qu’il est temps sur la bonne voie. Je sais que ce ne sera pas facile. Car ce sont des généraux félons, des prévaricateurs, c’est-à-dire des personnes sans expérience et dont les décisions sont dictées par les humeurs et l’improvisation qui veillent hélas sur le destin du pays. C’est regrettable. En un mot, la Mauritanie court malheureusement les mêmes conséquences, voire pire.
AVOMM : Un dernier mot à nos lecteurs.
BAD : Je dis que les Mauritaniens sont confiants dans l’avenir de ce pays. Celui-ci ne sera que ce que nous voudrions qu’il soit. J’entends par nous tous nos concitoyens. La volonté existe chez les hommes libres dont le cercle s’élargit de jour en jour. Quant au régime nous l’avons contraint par notre combat à reculer sur quelques points, sachant que nous ne craignons pas l’oppression. Il a cédé et continuera à céder grâce à notre détermination. Nous les pousserons jusqu’à le dégager ou se corriger.
Je vous remercie au nom de notre organisation. Nous sommes, en fait sensibles à votre apport à ce combat multidimensionnel. La diaspora où qu’elle soit, à l’esprit en Mauritanie. J’en sais quelque chose, moi qui ai la chance de la rencontrer dans mes voyages à travers les continents. Ses expériences et contributions seront toujours les bienvenues.
Je vous remercie infiniment pour l’honneur et la considération que vous m’accordez.
C'est nous qui vous remercions très sincèrement d'avoir accepté cette invitation.
Entretien réalisé par Mireille Hamelin et Mohamed Dogui
Pour avomm.com