
En ce moment où le Premier Ministre a installé la commission nationale chargée de préparer les Etats Généraux de l’éducation, je voudrai, à travers ces réflexions apporter ma contribution à la reconstruction de l’un des édifices majeurs de notre vie nationale.
Edifice majeur de notre vie, notre système éducatif l’est sans aucun doute et c'est pour cette raison que j'ai choisi d’en parler. Je vais en parler en tant que professionnel de l’éducation puisque étant un professeur mais cette qualification professionnelle n'est pas le critère décisif qui m’a amené à en parler puisque vous aurez des centaines d’autres professeurs mauritaniens qui ne vont jamais en parler. A cette qualification professionnelle, j’ajouterai mon engagement personnel pour la paix civile et la concorde nationale et je ne donnerai pour preuve de cet engagement que les efforts personnels que j’ai déployés l’année dernière pour éteindre le conflit à caractère racial au niveau de l’université. Je n’étais mandaté par personne pour le faire mais durant toute l’année, j ai conjointement avec le conseiller du recteur charge des professeurs et le syndicat des parents d’élèves participé à toutes les réunions avec les syndicats des étudiants pour les amener à déracialiser et à dés -ethniciser leurs syndicats et à s’orienter vers la mise en place d’un syndicat unique pour l’ensemble des étudiants pour que l’université soit définitivement débarrassée de ces heurts barbares .Cet engagement pour la paix sociale et la concorde nationale peut à lui seul expliquer ma prise de parole dans ce contexte où il est question de reconstruire l’édifice de l’éducation. Or pour reconstruire un édifice Descartes nous recommande « d’en rebâtir les fondations. »
1- Rebâtir les fondations du système : un système d enseignement plurilingue.
Pour rebâtir le système éducatif, il est essentiel de comprendre que le système éducatif d'un pays ne se pose pas comme un simple réaménagement technique d un système auquel cas, il suffirait simplement de le confier à des techniciens de l’éducation pour que le nouvel aménagement règle les problèmes et suscite l’adhésion du peuple. Rebâtir un système éducatif ce n'est pas comme rétablir l’electricite dans un quartier. Pour rétablir l’électricité dans un quartier, on fait appel à un technicien de la SOMELEC qui va inspecter soit le réseau, soit la machine qui génère le courant et lorsqu’ il détecte l’anomalie, il la corrige techniquement et l’électricité revient dans le quartier. Alors que pour un système éducatif en panne les choses sont un peu plus complexes qu’une panne d’électricité. Là, il ne s agit pas de faire des manipulations techniques sur des objets techniques pour que les choses marchent comme sur des roulettes. La mise en place d un système éducatif parfait est généralement dicté par des considérations qui se situent à l’extérieur du champ de l’éducation proprement dite. Ce sont toujours ces considérations qui, du dehors viennent dire au système éducatif lui-même ce qu’il doit être. Dans ce domaine, nous n avons jamais affaire qu’à ce qui doit être c est- a- dire les normes et non a ce qui est. Même quand on évoque ce qui est, c est généralement dans le but de mieux concevoir ce qui doit être. Dans cette perspective, nous aurions pu dire, étant donné que notre système éducatif moderne a été conçu pour nous par le colonialisme français, donc, conservons le tel quel et de cette manière, nous n’aurons pas de problèmes de clivage ethniques ou culturels et le Français va continuer a être la langue de ciment pour tous. Mais historiquement, cette orientation n’a pas été la nôtre. Nos dirigeants, pendant la période consécutive aux indépendances se sont donnés pour mission « la repersonnalisation de l’homme mauritanien » à travers la remise en question de l’héritage colonial. Cette mission de reconquête de notre identité a justifie tout au long de notre histoire les différentes réformes de notre système éducatif marquées essentiellement par l’arabisation progressive de ce système ce qui correspond à la reconquête de l’identité d’une seule composante nationale sans aucun mécanisme de compensation pour les autres composantes nationales. Cet état de fait alimentant les frustrations des autres composantes nationales crée des heurts et d’incessants clivages intercommunautaires. C'est seulement en 1979 qu’intervient pour la première fois une reforme du système éducatif comportant des mécanismes de compensation pour les autres composantes nationales à travers la création de -l’institut des langues nationales et l’introduction de ces langues dans le système éducatif.
Aujourd’ hui, nous sommes à un tournant décisif de notre histoire où , dans le cadre du dialogue entre la majorité présidentielle et l’ opposition démocratique, il a été réaffirme le principe de la consolidation de l ARABE comme langue officielle mais aussi la nécessite de promouvoir et de développer les langues nationales tout en inscrivant dans la constitution le droit à la différence. Par conséquent, ces options constitutionnelles majeures doivent se refléter forcement dans notre système éducatif.
2- L'ARABE comme langue d’enseignement principale et une langue nationale comme langue secondaire d enseignement.
Le caractère officiel de la langue arabe lui confère naturellement le statut de langue de ciment pour tous les enfants mauritaniens. Mais ce fait en lui-même, engage comme conséquence indéchirable le choix obligatoire d’une langue nationale secondaire pour tous les enfants mauritaniens.
L'impérieuse nécessite de s’ouvrir au monde extérieur nous amènera également à introduire le Français comme langue extérieure principale à côté de l’Anglais qui aura le statut de langue extérieure secondaire. La langue nationale secondaire peut par exemple avoir la primauté dans le système d enseignement sur la langue extérieure principale.
Cette façon d'organiser les choses aura l’avantage de procéder à l’unification du système éducatif c’est-à dire une seule école pour tous les fils de la Mauritanie et de procéder à la repersonnalisation de l’Homme mauritanien dans sa diversité. Aucune de nos composantes nationales ne se sentira lésée et par conséquent, on produira une réforme qui aura l’avantage de nous laisser avec notre paix civile et sociale. Or c est dans cette direction qu’il faut principalement envisager les choses puisque sans la paix civile, la science elle- même, n’est pas possible.
Une fois que le consensus et l’entente seront là, le reste ne sera alors plus qu’une question technique c est à dire comment organiser le système d’enseignement pour traduire dans la réalité ces options majeures ? Et c’ est en ce moment que les professionnels de l’ éducation pourront intervenir efficacement pour organiser les enseignements de telle sorte que l’élève mauritanien qui arrive au Baccalauréat puisse maitriser l’ Arabe et le pulaar ou le wolof ou le soninké et le Français ou l’Anglais et acquérir toutes les connaissances que doit posséder un élève de terminale dans les différentes matières d enseignement :maths, physique et chimie, sciences naturelles, histoire et géographie, philosophie ainsi que les grands textes littéraires. Ainsi, nos élèves pourront, après le Baccalauréat,, poursuivre leurs études supérieures dans nos facultés ou ailleurs avec l’assurance de bien se comporter parce que, ayant bénéficié à la base d'une bonne formation primaire et secondaire.
Certains pourront objecter qu’un tel système d’enseignement est lourd et que la Mauritanie n’a pas les moyens de le prendre en charge. A ceux la, je répondrai alors que pour alléger les charges de l’Etat inhérentes a ce système, ils n ont simplement qu’a décharger la nation de l’enseignement de leur propre langue et de permettre aux autres langues qui restent de se faire enseigner. C est la seule façon pour ces gens de prouver qu’ils sont sincères et soucieux du budget de leur pays et non pas rejeter simplement l’enseignement du patrimoine culturel de leurs propres concitoyens.
Je demeure toutefois convaincu que le défi qui se pose à nous est celui d'être à même d'inventer une école capable de former des hommes [au sens générique du terme ] à la mesure de la mondialisation qui est entrain de se dérouler sous nos yeux, c est- à dire des hommes qui, tout en étant fiers de leur ancrage national, peuvent apporter une contribution généreuse à la construction de la civilisation de l’ universel par la maîtrise de tous les secteurs du savoir dont la combinaison explique le progrès sans précédent qu’ enregistre notre humanité actuelle.
Puisse Allah guider nos pas dans le chemin de la clairvoyance et de la paix.
Nouakchott le 15 Novembre 2011.
Alpha Diallo
Professeur au département de philo- sociologie.
Université de Nouakchott. Mauritanie.
Source: ajd/mr
Edifice majeur de notre vie, notre système éducatif l’est sans aucun doute et c'est pour cette raison que j'ai choisi d’en parler. Je vais en parler en tant que professionnel de l’éducation puisque étant un professeur mais cette qualification professionnelle n'est pas le critère décisif qui m’a amené à en parler puisque vous aurez des centaines d’autres professeurs mauritaniens qui ne vont jamais en parler. A cette qualification professionnelle, j’ajouterai mon engagement personnel pour la paix civile et la concorde nationale et je ne donnerai pour preuve de cet engagement que les efforts personnels que j’ai déployés l’année dernière pour éteindre le conflit à caractère racial au niveau de l’université. Je n’étais mandaté par personne pour le faire mais durant toute l’année, j ai conjointement avec le conseiller du recteur charge des professeurs et le syndicat des parents d’élèves participé à toutes les réunions avec les syndicats des étudiants pour les amener à déracialiser et à dés -ethniciser leurs syndicats et à s’orienter vers la mise en place d’un syndicat unique pour l’ensemble des étudiants pour que l’université soit définitivement débarrassée de ces heurts barbares .Cet engagement pour la paix sociale et la concorde nationale peut à lui seul expliquer ma prise de parole dans ce contexte où il est question de reconstruire l’édifice de l’éducation. Or pour reconstruire un édifice Descartes nous recommande « d’en rebâtir les fondations. »
1- Rebâtir les fondations du système : un système d enseignement plurilingue.
Pour rebâtir le système éducatif, il est essentiel de comprendre que le système éducatif d'un pays ne se pose pas comme un simple réaménagement technique d un système auquel cas, il suffirait simplement de le confier à des techniciens de l’éducation pour que le nouvel aménagement règle les problèmes et suscite l’adhésion du peuple. Rebâtir un système éducatif ce n'est pas comme rétablir l’electricite dans un quartier. Pour rétablir l’électricité dans un quartier, on fait appel à un technicien de la SOMELEC qui va inspecter soit le réseau, soit la machine qui génère le courant et lorsqu’ il détecte l’anomalie, il la corrige techniquement et l’électricité revient dans le quartier. Alors que pour un système éducatif en panne les choses sont un peu plus complexes qu’une panne d’électricité. Là, il ne s agit pas de faire des manipulations techniques sur des objets techniques pour que les choses marchent comme sur des roulettes. La mise en place d un système éducatif parfait est généralement dicté par des considérations qui se situent à l’extérieur du champ de l’éducation proprement dite. Ce sont toujours ces considérations qui, du dehors viennent dire au système éducatif lui-même ce qu’il doit être. Dans ce domaine, nous n avons jamais affaire qu’à ce qui doit être c est- a- dire les normes et non a ce qui est. Même quand on évoque ce qui est, c est généralement dans le but de mieux concevoir ce qui doit être. Dans cette perspective, nous aurions pu dire, étant donné que notre système éducatif moderne a été conçu pour nous par le colonialisme français, donc, conservons le tel quel et de cette manière, nous n’aurons pas de problèmes de clivage ethniques ou culturels et le Français va continuer a être la langue de ciment pour tous. Mais historiquement, cette orientation n’a pas été la nôtre. Nos dirigeants, pendant la période consécutive aux indépendances se sont donnés pour mission « la repersonnalisation de l’homme mauritanien » à travers la remise en question de l’héritage colonial. Cette mission de reconquête de notre identité a justifie tout au long de notre histoire les différentes réformes de notre système éducatif marquées essentiellement par l’arabisation progressive de ce système ce qui correspond à la reconquête de l’identité d’une seule composante nationale sans aucun mécanisme de compensation pour les autres composantes nationales. Cet état de fait alimentant les frustrations des autres composantes nationales crée des heurts et d’incessants clivages intercommunautaires. C'est seulement en 1979 qu’intervient pour la première fois une reforme du système éducatif comportant des mécanismes de compensation pour les autres composantes nationales à travers la création de -l’institut des langues nationales et l’introduction de ces langues dans le système éducatif.
Aujourd’ hui, nous sommes à un tournant décisif de notre histoire où , dans le cadre du dialogue entre la majorité présidentielle et l’ opposition démocratique, il a été réaffirme le principe de la consolidation de l ARABE comme langue officielle mais aussi la nécessite de promouvoir et de développer les langues nationales tout en inscrivant dans la constitution le droit à la différence. Par conséquent, ces options constitutionnelles majeures doivent se refléter forcement dans notre système éducatif.
2- L'ARABE comme langue d’enseignement principale et une langue nationale comme langue secondaire d enseignement.
Le caractère officiel de la langue arabe lui confère naturellement le statut de langue de ciment pour tous les enfants mauritaniens. Mais ce fait en lui-même, engage comme conséquence indéchirable le choix obligatoire d’une langue nationale secondaire pour tous les enfants mauritaniens.
L'impérieuse nécessite de s’ouvrir au monde extérieur nous amènera également à introduire le Français comme langue extérieure principale à côté de l’Anglais qui aura le statut de langue extérieure secondaire. La langue nationale secondaire peut par exemple avoir la primauté dans le système d enseignement sur la langue extérieure principale.
Cette façon d'organiser les choses aura l’avantage de procéder à l’unification du système éducatif c’est-à dire une seule école pour tous les fils de la Mauritanie et de procéder à la repersonnalisation de l’Homme mauritanien dans sa diversité. Aucune de nos composantes nationales ne se sentira lésée et par conséquent, on produira une réforme qui aura l’avantage de nous laisser avec notre paix civile et sociale. Or c est dans cette direction qu’il faut principalement envisager les choses puisque sans la paix civile, la science elle- même, n’est pas possible.
Une fois que le consensus et l’entente seront là, le reste ne sera alors plus qu’une question technique c est à dire comment organiser le système d’enseignement pour traduire dans la réalité ces options majeures ? Et c’ est en ce moment que les professionnels de l’ éducation pourront intervenir efficacement pour organiser les enseignements de telle sorte que l’élève mauritanien qui arrive au Baccalauréat puisse maitriser l’ Arabe et le pulaar ou le wolof ou le soninké et le Français ou l’Anglais et acquérir toutes les connaissances que doit posséder un élève de terminale dans les différentes matières d enseignement :maths, physique et chimie, sciences naturelles, histoire et géographie, philosophie ainsi que les grands textes littéraires. Ainsi, nos élèves pourront, après le Baccalauréat,, poursuivre leurs études supérieures dans nos facultés ou ailleurs avec l’assurance de bien se comporter parce que, ayant bénéficié à la base d'une bonne formation primaire et secondaire.
Certains pourront objecter qu’un tel système d’enseignement est lourd et que la Mauritanie n’a pas les moyens de le prendre en charge. A ceux la, je répondrai alors que pour alléger les charges de l’Etat inhérentes a ce système, ils n ont simplement qu’a décharger la nation de l’enseignement de leur propre langue et de permettre aux autres langues qui restent de se faire enseigner. C est la seule façon pour ces gens de prouver qu’ils sont sincères et soucieux du budget de leur pays et non pas rejeter simplement l’enseignement du patrimoine culturel de leurs propres concitoyens.
Je demeure toutefois convaincu que le défi qui se pose à nous est celui d'être à même d'inventer une école capable de former des hommes [au sens générique du terme ] à la mesure de la mondialisation qui est entrain de se dérouler sous nos yeux, c est- à dire des hommes qui, tout en étant fiers de leur ancrage national, peuvent apporter une contribution généreuse à la construction de la civilisation de l’ universel par la maîtrise de tous les secteurs du savoir dont la combinaison explique le progrès sans précédent qu’ enregistre notre humanité actuelle.
Puisse Allah guider nos pas dans le chemin de la clairvoyance et de la paix.
Nouakchott le 15 Novembre 2011.
Alpha Diallo
Professeur au département de philo- sociologie.
Université de Nouakchott. Mauritanie.
Source: ajd/mr