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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

SEMINAIRE INTERNATIONAL « Histoire, mémoires et actualité de l’esclavage en Afrique »


SEMINAIRE INTERNATIONAL « Histoire, mémoires et actualité de l’esclavage en Afrique »
Conférence inaugurale :
Confluences et Fêlures des Discours Autour de l’Esclavage
Dr. Abderrahmane NGAÏDÉ
Maître Assistant au Département d’histoire FLSH/UCAD

« La vérité que les groupes prétendent délivrer au travers des mémoires revendiquées devient […] explicitement compréhensible : il s’agit d’introduire, par la médiation d’un discours thématisé sur un passé donné, un ordre de discours qui dépasse l’objet. Si la mémoire collective sert à établir l’identité des groupes, elle se présente également comme un instrument politique de reconnaissance permettant d’introduire un rapport de pouvoir entre les groupes sociaux ». Jean Viaud « Contribution à l’actualisation de la notion de mémoire collective », in Stéphane Laurens et Nicolas Roussiau 2002 La mémoire sociale. Identités et représentations sociales, PUR, Rennes, p. 29.

Il me revient la lourde tâche d’introduire ce séminaire qui porte sur « Histoire, mémoires et actualité de l’esclavage en Afrique » et qui rassemble chercheurs, « hommes des terroirs » et « militants abolitionnistes ».

Cette diversité des acteurs mérite une attention particulière car elle détermine et déterminera durant les deux jours l’esprit qui sous-tend nos intentions.

***

Avant toute chose, je me permets, ici, de revenir sur trois anecdotes révélatrices d’un dilemme, de mon dilemme. La première s’inspire d’un mail envoyé par le doyen Boubacar Messaoud [Première anecdote : Boubacar Messaoud m’avouait ne pas être un intellectuel et je lui répondis qu’aucune formalité académique n’est exigée au militant qu’il est. Il lui sera seulement demandé de témoigner de son expérience sur l’actualité de l’esclavage en Mauritanie], la seconde d’un échange oral sans médium interposé avec le professeur Ibrahima Thioub et la troisième d’une conversation téléphonique avec Biram Dah Abeid je reparlerai des deux dernières dans le « discours » que je vais dérouler tout de suite.

***

Je pense, aujourd’hui, que mon droit à la parole ne m’autorise pas à user du langage académique réputé hermétique voire inaccessible.

Mon propos sera souple et tournera autour du discours et des usages qu’on peut en faire. Ce propos peut paraître étrange. Un historien prétendant parler du discours, cela peut sembler être hors du champ de l’histoire proprement dite. Et pourtant l’historien fonde l’ensemble de son travail sur l’exploitation de plusieurs discours qu’ils soient écrits, oraux ou qu’ils soient basés sur l’exégèse d’objets révélés par les fouilles archéologiques. C’est la première matière qui donne à sa posture sa vitalité scientifique et donc sa légitimité. Il est dès lors difficile pour ceux qui sont formés dans le moule de l’académie de se dépouiller, si facilement, de cette carapace d’intellectuels dont on les affuble très souvent. Mais nous essayerons d’en sortir tellement le sujet qui nous réunit est d’une actualité qui complexifie davantage nos appréhensions du phénomène, de son histoire, ses mutations et les discours qu’on construit tout autour. On ne compte plus le nombre de colloques, de séminaires et d’expositions qui se tiennent et les livres ou articles scientifiques qui se publient ces dernières années sur le thème de l’esclavage. Il préoccupe un ensemble d’acteurs qui investissent leurs forces intellectuelles voire leur vie pour que l’histoire de cette pratique soit connue afin qu’elle soit éradiquée dans les pays où elle coexiste à côté des lois qui la criminalisent.

***

Quand j’ai lu le format du programme et découvert mon rôle et le titre associé à mon nom : « Conférence inaugurale », j’ai pris un peu peur [Deuxième anecdote : En effet, je me suis ouvert à Thioub avec une petite « bibliographie savante » : L’ordre du discours de Michel Foucault et Leçon sur la leçon de Pierre Bourdieu. Il me dit d’un ton docte « surtout pas d’érudition. Il ne faut pas parler comme Derrida pour nous permettre de bien traduire en wolof ». Il venait sans le vouloir d’allonger ma bibliographie. En effet, Derrida me semblait incontournable dans la mesure où il est l’un des théoriciens de la déconstruction, théorie indispensable pour tenir un propos analytique sur le discours]. Je pensais au maître d’une cérémonie dirigeant un rite initiatique et qui est dans l’obligation de prononcer un discours incantatoire, de décliner les termes d’usage et de tracer les canaux que doivent suivre ceux qui parleront après lui. Alors, qu’il ne s’agit point de tout cela. Au contraire, il s’agit dans ce séminaire de donner à la parole toute sa valeur interrogative, toute sa dimension de nous informer mutuellement sur nos expériences respectives afin que nous puissions en tirer les leçons nécessaires pour mieux appréhender notre sujet. C’est donc d’un sujet qu’il s’agit. Un sujet complexe, entouré de tabous s’il n’est couvert d’un voile noir. Un sujet qui encore aujourd’hui continue d’irriguer les veines de nos sociétés qu’il soit pratiqué ouvertement ou qu’il soit sous la forme de réminiscences qui se déclinent dans les stigmatisations et les métaphores que nos sociétés utilisent en bonne conscience. C’est sur ce sujet que nous devons discourir. C’est sur ce sujet que nous dévons croiser nos regards. C’est sur ces discours que nos tenteront de projeter une lumière, une toute petite lumière. Nous souhaitons lire cette fêlure profonde, celle non documentée mais qui pourtant est inscrite si profondément dans nos consciences et nos comportements quotidiens.

Enfin de compte nous voulons affronter, dans nos discours, ce qu’Édouard Glissant[1] appelle « notre réel contemporain » (2010 : 83). C’est ce réel si contemporain, qui pose à nos mémoires le problème de cette histoire transversale continue encore mal informée des esclavages dans nos sociétés respectives, que nous souhaitons comprendre. C’est cette mémoire dissimulée dans cette histoire globale, qui ne l’annule pas et qui aussi paradoxalement que cela puisse paraître lui donne tout son relief, que nous questionnerons deux jours durant. Nous serons donc amenés jusqu’à la confluence de ces différents discours pour en tirer les conséquences les plus utiles et produire la Science.

***

Dans ce séminaire qui s’ouvre aujourd’hui, il s’agit d’écouter des discours, de multiples discours que chacun d’entre nous aura à prononcer selon sa position, son activité, sa discipline, son appréhension et son origine ethnique et géographique. Ces discours tourneront autour d’une question qui mobilise un arsenal de subtilités langagières, de méthodes, de concepts et de disciplines. En effet, la complexité de l’esclavage, de ce qu’il en reste ne peut échapper au piège que nous tend sa narration. Déjà cette variété des discours détermine nos approches et décrit les contours flous de nos usages respectifs de leur contenu supposé, des zones d’ombre qui les jalonnent, des plages de silence qu’ils comportent et finalement de tous ces non-dits qui cachent et livrent en même temps les multiples visages de cette pratique millénaire. C’est pour dire que finalement, les discours que nous allons entendre ne seront « pas de la même nature » mais qu’ils porteront sur le même sujet, d’où leur intérêt et l’attention que nous devons leur prêter.

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Je tiens à souligner :

1- Premièrement, que les informateurs tiennent un discours à eux transmis et qu’ils s’approprient avant de les transmettre eux-mêmes à d’autres et ainsi de suite... Ils en deviennent presque les maîtres avec tout ce que cela sous-entend comme autorité voire prestance.

2- Deuxièmement, que les scientifiques, qui passons pour des incompréhensibles nous ne faisons que réutiliser les discours entendus et connus mais en leur appliquant les méthodes que nous avons apprises pour les éprouver. Donc nous analysons les faits tels qu’ils se sont constitués en suivant leur parcours, en surprenant leur bifurcation pour proposer notre lecture.

3- Troisièmement les activistes quant eux utilisent le côté pratique des différents discours pour agir afin de provoquer ou d’accompagner les mutations qu’ils souhaitent voir se réaliser au sein de leur société.

Ce sont ces trois acteurs complémentaires - je crois - qui sont réunis pour s’éprouver « amicalement » sur la base de leur compréhension de ce que c’est que l’esclavage et ses conséquences sur l’organisation « moderne » de nos sociétés respectives. Il s’agit de profiter de cette possibilité qui nous est offerte pour découvrir de manière simultanée soit du nouveau, soit de renforcer ce que, à peine, nous connaissons ou que nous connaissons, afin d’affiner nos hypothèses et nos approches par rapport à l’écriture de cette histoire et des mémoires qui la structurent.

Notre attitude consistera donc à nous écouter pour comprendre que l’image et la plus réelle de notre vie est celle qui nous permet de changer de « certitude » à chaque fois qu’une nouvelle découverte s’offre à nous. C’est cela notre objectif : susciter en nous de nouvelles interrogations qui rendront finalement compte de nos expériences respectives et de leurs limites. Il n’y a pas meilleure posture que celle-là : apprendre à apprendre. C’est comme si on se prêtait ici à la critique de l’Histoire. Il ne s’agit pas bien sûr d’un tribunal de l’histoire où nous devons nous confesser et/ou exorciser ce mal qu’est l’esclavage. Il s’agit de faire la critique de nos sociétés à travers les mémoires qu’elles rendent et qu’elles perpétuent de génération en génération jusqu’à en faire une histoire presque officielle.

Finalement, il s’agit aussi et surtout de comprendre comment, dans la durée, cette structuration sociale a façonné notre psychique au point qu’elle est devenue comme une loi naturelle immuable et dès qu’abordée les « tenants de l’histoire officielle » montent aux créneaux et/ou que les descendants de cette couche sociale stigmatisée se dissimulent en tentant de se vider de « leur soi ».

Dès lors, comment appréhender, à travers ces différents exemples qui seront exposés, les mécanismes de production d’un homme/déchet (dans le sens social) auquel on refuse le minimum humain : son caractère majeur. L’image n’est pas si forte car la déshumanisation de l’homme s’observe dans la structure même qui conduit à ce statut et à cette place qu’on assigne à un être humain, à sa descendance et finalement à sa communauté toute entière et à perpétuité. C’est ce long couloir sombre qui le conduit vers sa désacralisation que nous souhaitons emprunter pour comprendre comment au XXIe siècle le débat tourne encore autour de l’infantilisation des hommes et de leur marginalisation sur la base de leur extraction et de leur position sociales dans les communautés qui les ont produits.

Et là, les discours des activistes prennent en charge cette partie redoutable de la critique (de la lutte pour les droits civiques) avec leurs propres canons d’appréhension, mais leurs discours trouvent, nécessairement, un lieu ou un moment de jonction avec les autres. [Troisième anecdote : Dans un échange téléphonique récent Biram Dah Abeid me disait à peu près ceci : « Le discours militant aura besoin du discours académique et vice versa »]. Cette interdépendance évidente des discours est indispensable même si leurs objectifs et leur cheminement diffèrent.

***

Nous avons la lourde charge durant les deux jours de discourir mais aussi de porter des regards critiques sur ces discours croisés. Cette attitude éminemment épistémologique nous permettra de produire des « leçons ». Croiser les discours revient donc à confronter nos démarches et les analyses auxquelles nous aboutissons. Pour utiliser le terme savant de Bourdieu, il s’agira ici des les « objectiver ». Nous tenterons ainsi de surprendre les différents discours afin de comprendre l’ordre auquel ils convient les chercheurs, les détenteurs de savoirs « indigènes » et les défenseurs du droit à la dignité humaine. Finalement, nous cherchons à tirer de multiples leçons de tous ces discours.

***

Ce que je viens de faire n’est qu’un simple discours dit d’usage, par conséquent il ne peut tenir lieu de leçon[2]. Car le discours est l’une de ces multiples sources/ressources sur lesquelles tous, ici, travaillons pour produire la science, ancrer une tradition ou mener des actions.
Je pense fermement que nos écrits nous scientifiques sont les reliques intelligentes (prétention !) des discours que nous recueillons après tant d’années de recherche, tant de sollicitations administratives, tant de parcours à travers nos terrains et tant d’heures de veille. Mais ne prenons pas ici le statut de reliques dans le sens de vieilleries qu’il peut recouvrer, mais dans le sens de témoins de quelque chose que vous hommes de terroir, activistes abolitionnistes ou tout autre « usager » validez ou non. Sans cette validation ou ce rejet, notre discours restera à la marge de l’ensemble et son impact sera en-deçà de sa vocation : susciter des débats, convoquer d’autres discours. Le pouvoir et les conséquences de nos écrits ne peuvent être reconnus que quand ils servent ou pire quand ils desservent. Nous avons une redoutable mission : écrire et l’écriture met en danger. Car le caractère « transitoire » de l’écriture la rend finalement dangereuse. C’est dire que nous sommes engagés dans le combat même si nous n’apparaissons pas physiquement. Mais la parole donnée est aussi redoutable d’où la posture presque mythique ou mystique que peut avoir un informateur, quant aux activistes l’espoir de porter ce discours de lutte les met sur un chemin dont l’aboutissement normal est de rendre à l’humaine existence toute sa valeur en prenant sur eux tous les risques qu’ils encourent.

***

Voilà donc arrivé le moment de suspendre ce discours d’usage et pour cela j’emprunte à Michel Foucault[3] ces/ses mots érudits : « Je ne voudrais pas avoir à entrer moi-même dans cet ordre hasardeux du discours ; je ne voudrais pas avoir affaire à lui dans ce qu’il a de tranchant et de décisif ; je voudrais qu’il soit tout autour de moi comme une transparence calme, profonde, indéfiniment ouverte, où les autres répondraient à mon attente, et d’où les vérités, une à une, se lèveraient ; je n’aurais qu’à me laisser porter, en lui et par lui, comme une épave heureuse » (2010 : 9).

Enfin, je serais enchanté de constater qu’au moment de clôturer notre séminaire que nous soyons tous des épaves heureuses échouées à la confluence fertile de ces discours que nous aurons entendus.

Je vous remercie de votre attention.


Dakar, le 29/03/2011

[1] Edouard Glissant, Mémoires des esclavages, Paris, Gallimard, 2010, 176 p.

[2] Pierre Bourdieu, Leçon sur la leçon, Paris, les Editions de Minuit, 2003, 55 p.

[3] Michel Foucault, L’ordre du discours, Paris, Gallimard, 2010, 81 p.


Dr. Abderrahmane NGAÏDÉ
Samedi 9 Avril 2011 - 20:03
Samedi 9 Avril 2011 - 20:12
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1.Posté par ousd le 10/04/2011 18:01
Pour vous dire voila un kalladio pas comme ceux qui ne cherche qu' s'accrocher au pouvoir par tout les moyens ce ngaidé a marqué son empreinte ds l' histoire de la communauté pular pas comme ses ainés qui ontaccepté de criser les face au pouvoir des ignorant
bravo voila la place d' un intellectuel non chercher un poste

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