Saul Itzhayek, photographié à son retour à Montréal le 28 mars dernier, tente de se remettre de ses émotions après avoir passé 10 mois dans une prison indienne.
Que vaut au juste le passeport canadien? Pas grand-chose si vous atterrissez injustement dans une prison étrangère et attendez de l’aide de l’ambassade canadienne. Des Canadiens qui ont vécu un tel cauchemar reprochent à leur pays le manque d’empressement à les aider dans leurs démêlés avec un système de justice étranger. Et ce, même s’ils se trouvent entre les mains d’un régime dictatorial qui recourt systématiquement à la torture.
«Je ne m’attendais pas à ce que les diplomates canadiens viennent secourir mon frère en hélicoptère. Je m’attendais seulement à ce qu’ils prennent son histoire à cœur.»
Quand elle a su que son frère Saul avait été arrêté à la frontière entre le Népal et l’Inde pour une histoire de visa, Sylvia Itzhayek a cru que l’affaire se réglerait facilement, avec une intervention rapide de l’ambassade du Canada.
Erreur. «Le premier représentant canadien venu de Katmandou s’est montré très accusateur à l’endroit de Saul», raconte Sylvia Itzhayek.
Saul Itzhayek avait besoin d’un avocat. Les représentants canadiens ont fourni une liste de juristes à la famille, mais sans les qualifier. «Je regardais la liste et je me sentais comme un bébé: je me demandais lequel d’entre eux allait me rouler.»
«Le réveil a été brutal», se rappelle Sylvia Itzhayek, qui n’en revient pas encore qu’aucun représentant consulaire n’ait assisté au procès de son frère, en octobre. Finalement, Saul Itzhayek a vu sa sentence réduite en appel et a pu rentrer chez lui, à Montréal, la semaine dernière.
Depuis, il tente de se remettre de ses émotions et refuse toute demande d’entrevue. Et sa sœur, qui s’est battue pendant 10 mois pour obtenir sa libération, en a gros sur le cœur contre le Canada qui, selon elle, a mis bien du temps avant de lui donner un vrai coup de main.
Il y a sept ans, William Sampson s’était lui aussi senti abandonné par le Canada alors qu’il croupissait dans une geôle en Arabie Saoudite où il a été torturé, accusé de meurtre et condamné à la décapitation.
Des représentants du Canada lui avaient bien rendu visite en prison, mais à trois reprises, ils lui avaient carrément dit qu’ils le croyaient coupable.
Joint à Londres, ce biochimiste à la double citoyenneté britannique et canadienne se rappelle que des compagnons d’infortune accusés du même crime que lui avaient réussi à s’entretenir en privé avec leurs représentants consulaires pour recevoir un tout autre message. «Ils se sont fait dire que la Grande-Bretagne les savait innocents et qu’elle ferait tout pour les sortir de là. Vous n’avez pas idée comme ça peut remonter le moral d’entendre ça!» dit William Sampson.
Des exceptions
Les Canadiens qui, par un hasard du destin, échouent par erreur dans une prison étrangère sont-ils donc condamnés à se battre, seuls, contre des régimes qui n’offrent qu’une parodie de justice?
Des cas comme celui de Saul Itzhayek constituent «des exceptions davantage que la règle générale», soutient Dan McTeague, critique libéral canadien en matière de relations consulaires.
Au cours des derniers mois, M. McTeague a suivi de près une de ces «exceptions»: Brenda Martin, une quinquagénaire canadienne dont l’ancien patron purge une peine de 10 ans pour fraude aux États-Unis. Emprisonnée depuis deux ans au Mexique, Mme Martin clame son innocence et l’ex-patron a confirmé sa version des faits dans une lettre.
Connaissant mal l’espagnol, Mme Martin a été contrainte de signer des documents qu’elle ne comprenait pas. «Le gouvernement canadien a mis 16 mois avant de s’adresser au tribunal mexicain pour s’enquérir de sa situation légale», s’étonne l’avocat de l’Ontarienne, Guillermo Cruz Rico, joint à Mexico. «Nous avons perdu un an et demi», déplore Dan McTeague.
Encore récemment, l’histoire de Mme Martin a fait des vagues lorsque la secrétaire d’État responsable des relations consulaires, Helena Guergis, s’est rendue à Guadalajara, au Mexique, pour assister à une fête – et qu’elle n’a même pas pris la peine de rendre visite à la prisonnière, détenue à 20 minutes de l’endroit où elle se trouvait. Mme Guergis, qui avait été nommée à ce poste avec le mandat d’améliorer les services aux Canadiens à l’étranger, a refusé toutes les demandes d’entrevue de La Presse à ce sujet.
Mettre le poing sur la table
Des cas isolés? L’ancien ministre de la Justice libéral Irwin Cotler pense au contraire que si ces dérives sont possibles, c’est parce qu’il y a un problème de fond.
Et ce problème, c’est que le Canada n’ose pas intervenir dans un processus judiciaire qui n’est pas le sien. Même dans le cas de régimes dictatoriaux qui ont l’habitude de maltraiter leurs prisonniers.
«Le Canada ne devrait même pas consentir à ce que ses citoyens subissent un procès dans de tels pays», plaide M. Cotler. Selon lui, le Canada doit définir une politique claire pour ces situations. Par exemple, en exigeant de pouvoir assister aux procès tenus dans des conditions douteuses ou en protestant pour que ses citoyens reçoivent une aide légale efficace. Le cas échéant, le Canada devrait menacer de sanctions les pays qui maltraitent ses citoyens. Bref, le Canada ne devrait plus craindre de mettre le poing sur la table.
On est loin d’une telle fermeté. Et en attendant, Sylvia Itzhayek songe à tous les autres Canadiens coincés dans un cauchemar semblable à celui qu’a vécu son frère Saul. «Mais où est donc passé notre gouvernement?» se désole-t-elle.
Source: cyberpresse
(M)
«Je ne m’attendais pas à ce que les diplomates canadiens viennent secourir mon frère en hélicoptère. Je m’attendais seulement à ce qu’ils prennent son histoire à cœur.»
Quand elle a su que son frère Saul avait été arrêté à la frontière entre le Népal et l’Inde pour une histoire de visa, Sylvia Itzhayek a cru que l’affaire se réglerait facilement, avec une intervention rapide de l’ambassade du Canada.
Erreur. «Le premier représentant canadien venu de Katmandou s’est montré très accusateur à l’endroit de Saul», raconte Sylvia Itzhayek.
Saul Itzhayek avait besoin d’un avocat. Les représentants canadiens ont fourni une liste de juristes à la famille, mais sans les qualifier. «Je regardais la liste et je me sentais comme un bébé: je me demandais lequel d’entre eux allait me rouler.»
«Le réveil a été brutal», se rappelle Sylvia Itzhayek, qui n’en revient pas encore qu’aucun représentant consulaire n’ait assisté au procès de son frère, en octobre. Finalement, Saul Itzhayek a vu sa sentence réduite en appel et a pu rentrer chez lui, à Montréal, la semaine dernière.
Depuis, il tente de se remettre de ses émotions et refuse toute demande d’entrevue. Et sa sœur, qui s’est battue pendant 10 mois pour obtenir sa libération, en a gros sur le cœur contre le Canada qui, selon elle, a mis bien du temps avant de lui donner un vrai coup de main.
Il y a sept ans, William Sampson s’était lui aussi senti abandonné par le Canada alors qu’il croupissait dans une geôle en Arabie Saoudite où il a été torturé, accusé de meurtre et condamné à la décapitation.
Des représentants du Canada lui avaient bien rendu visite en prison, mais à trois reprises, ils lui avaient carrément dit qu’ils le croyaient coupable.
Joint à Londres, ce biochimiste à la double citoyenneté britannique et canadienne se rappelle que des compagnons d’infortune accusés du même crime que lui avaient réussi à s’entretenir en privé avec leurs représentants consulaires pour recevoir un tout autre message. «Ils se sont fait dire que la Grande-Bretagne les savait innocents et qu’elle ferait tout pour les sortir de là. Vous n’avez pas idée comme ça peut remonter le moral d’entendre ça!» dit William Sampson.
Des exceptions
Les Canadiens qui, par un hasard du destin, échouent par erreur dans une prison étrangère sont-ils donc condamnés à se battre, seuls, contre des régimes qui n’offrent qu’une parodie de justice?
Des cas comme celui de Saul Itzhayek constituent «des exceptions davantage que la règle générale», soutient Dan McTeague, critique libéral canadien en matière de relations consulaires.
Au cours des derniers mois, M. McTeague a suivi de près une de ces «exceptions»: Brenda Martin, une quinquagénaire canadienne dont l’ancien patron purge une peine de 10 ans pour fraude aux États-Unis. Emprisonnée depuis deux ans au Mexique, Mme Martin clame son innocence et l’ex-patron a confirmé sa version des faits dans une lettre.
Connaissant mal l’espagnol, Mme Martin a été contrainte de signer des documents qu’elle ne comprenait pas. «Le gouvernement canadien a mis 16 mois avant de s’adresser au tribunal mexicain pour s’enquérir de sa situation légale», s’étonne l’avocat de l’Ontarienne, Guillermo Cruz Rico, joint à Mexico. «Nous avons perdu un an et demi», déplore Dan McTeague.
Encore récemment, l’histoire de Mme Martin a fait des vagues lorsque la secrétaire d’État responsable des relations consulaires, Helena Guergis, s’est rendue à Guadalajara, au Mexique, pour assister à une fête – et qu’elle n’a même pas pris la peine de rendre visite à la prisonnière, détenue à 20 minutes de l’endroit où elle se trouvait. Mme Guergis, qui avait été nommée à ce poste avec le mandat d’améliorer les services aux Canadiens à l’étranger, a refusé toutes les demandes d’entrevue de La Presse à ce sujet.
Mettre le poing sur la table
Des cas isolés? L’ancien ministre de la Justice libéral Irwin Cotler pense au contraire que si ces dérives sont possibles, c’est parce qu’il y a un problème de fond.
Et ce problème, c’est que le Canada n’ose pas intervenir dans un processus judiciaire qui n’est pas le sien. Même dans le cas de régimes dictatoriaux qui ont l’habitude de maltraiter leurs prisonniers.
«Le Canada ne devrait même pas consentir à ce que ses citoyens subissent un procès dans de tels pays», plaide M. Cotler. Selon lui, le Canada doit définir une politique claire pour ces situations. Par exemple, en exigeant de pouvoir assister aux procès tenus dans des conditions douteuses ou en protestant pour que ses citoyens reçoivent une aide légale efficace. Le cas échéant, le Canada devrait menacer de sanctions les pays qui maltraitent ses citoyens. Bref, le Canada ne devrait plus craindre de mettre le poing sur la table.
On est loin d’une telle fermeté. Et en attendant, Sylvia Itzhayek songe à tous les autres Canadiens coincés dans un cauchemar semblable à celui qu’a vécu son frère Saul. «Mais où est donc passé notre gouvernement?» se désole-t-elle.
Source: cyberpresse
(M)