
Dans un message à la Nation, le 27 novembre dernier, le président Mohamed Ould Abdel Aziz appelait au dialogue entre toutes les forces politiques, dans l’intérêt supérieur du pays. Trois semaines après cette «ouverture» symbolique, synonyme de nouvel espoir de concertation, jusqu’alors étouffée dans l’œuf, depuis l’élection présidentielle du 18 juillet 2009, la Mauritanie court le risque d’être rattrapée par ses vieux démons.
Une réalité prégnante et têtue, attestée par les derniers développements, indirects, sur la scène politique nationale, avec, notamment, les dégâts collatéraux des «révélations» de Wikileaks sur la Mauritanie, qui suscitent une vive polémique.
Une des «fuites» des rapports diplomatiques américains, récoltées, par Wikileaks, et rapportées, par une partie de la presse privée nationale, présente le président de l’UFP, Mohamed Ould Maouloud, comme un comploteur ayant soutenu la thèse du retournement d’un haut responsable de la junte de l’époque, pour mettre Mohamed Ould Abdel Aziz dans le rôle de l’arroseur arrosé.
L’arrestation du président de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA-section Mauritanie) et de plusieurs militants de cette organisation ne va pas, non plus, dans le sens d’un apaisement des tensions sociales.
Sur fond de dénonciation de deux cas présumés d’esclavage, concernant des fillettes, le placement, en détention «préventive» – que s’agissait-il de prévenir? – des activistes des droits de l’Homme, accusés d’avoir «attaqué» le commissariat d’Arafat 1, sonne à ce point faux et mensonge policier qu’on ne peut que se faire du souci, devant une telle grossièreté politique.
Les bavures de certains sites d’informations en ligne sur ces deux affaires, combinées au flot de réactions de l’opposition, donnent le sentiment que les conditions de sérénité, pour un véritable dialogue, prennent, une nouvelle fois, le large.
Parallèlement, la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) resserre les rangs et fait bloc, avec la visite, mardi dernier, d’Ahmed Ould Daddah, président du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et chef de file institutionnel de l’opposition, à Mohamed Ould Maouloud, président de l’Union des Forces de Progrès (UFP).
Une rencontre qui a vu les deux grands leaders de l’opposition constater leur «parfaite identité de vue, sur tous les problèmes du pays».
La seule petite lucarne d’espoir encore ouverte, dans l’hypothèse où le pouvoir orchestrerait ces nouveaux tiraillements, serait qu’il avance masqué, parfaitement cagoulé, puisqu’aucune personnalité d’envergure, au sein du gouvernement ou de l’Union Pour La République (UPR), principale formation de la majorité, n’a fait de sortie publique, au sujet de ces nouvelles polémiques.
La théorie du complot.
C’est, en tout cas, au sein de certains milieux présentés comme proches du pouvoir qu’on communique, beaucoup, sur ces deux «affaires», pour montrer la «duplicité» de leurs adversaires politiques, à partir d’une lecture uniquement destinée à conforter la «justesse» de leurs vues depuis la «période bénite de la Rectification». Le très respectable leader de l’UFP est présenté comme un «faux démocrate», prêt à s’allier avec le diable, pour mettre en échec l’œuvre «salvatrice» de Mohamed Ould Abdel Aziz.
Au moment où l’on s’attendait à une dissipation, rapide, de la première polémique liée à Wikileaks –Les «révélations» présentées aux Mauritaniens ne sont, tout de même, que des traductions, plus ou moins correctes, de rapports, plus ou moins exacts, de diplomates américains: beaucoup d’approximations, donc, face à la nécessité, nationale, de s’accorder sur le minimum, pour engager un hypothétique dialogue – le malaise s’accentue, avec le problème entre les policiers d’Arafat et les militants des droits de l’Homme de l’ONG IRA.
A ce sujet, on s’étonne de la facilité avec laquelle une source «proche de la police», elle-même appendice du pouvoir – comme partout ailleurs dans le monde – a inondé les rédactions d’images d’agents des forces de l’ordre «blessés», suite à une «attaque» contre un commissariat, qu’aurait menée Biram Ould Dah Ould Abeid, à la tête de son «escadron».
Et quelques sites électroniques, hautement suspects, de rappeler les événements de 1989, en en attribuant l’exclusive responsabilité aux Forces de Libération Africaine de Mauritanie (FLAM).
Tout cela pour montrer que Biram Ould Dah Ould Abeid est un «danger» qui ne vise, en réalité, à travers son discours contre les pratiques de l’esclavage, qu’à «saper la cohésion» du peuple mauritanien. Un détour dans les nauséabondes poubelles des années 1989-1991, qui a, au moins, le triste mérite de rappeler que l’ancien chef de l’Etat, Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, ne saurait être tenu pour seul responsable des barbaries de l’époque. Les «Beydanistes» de l’époque sont toujours bien là et tiennent pignon sur rue, voire sur commissariat…
La COD en première ligne.
Face à ces événements, la COD, collectif de huit partis d’opposition, est monté au créneau, avec une déclaration produite la semaine dernière. La «République de l’opposition» livre son interprétation sur ces deux affaires, en accusant, explicitement, le pouvoir d’être derrière toute cette agitation contre Mohamed Ould Maouloud et certains militants des droits humains. Vieille tactique, clame-t-elle, du bouc émissaire pour détourner l’attention de l’opinion de la situation, «désastreuse», dans laquelle se débat la Mauritanie.
Campagne «mensongère», à l’encontre de tous ceux qui s’opposent à la dérive du pouvoir et relevant «d’une politique de diversion qui dénote un véritable mépris pour le peuple mauritanien». Stratégie dont le seul objectif est de masquer «les échecs» du régime, dans tous les domaines de la vie politique, économique et sociale. La déclaration s’achève, cependant, sur la réclamation d’un véritable dialogue inclusif, en place de «la politique de l’autruche».
La divergence d’interprétations, sur ces affaires, et la vive polémique qu’elles alimentent signalent la productivité, toujours soutenue, de notre pommier de discorde national. «Un pas en avant, deux en arrière», nouveau slogan de nos politiciens? A ce rythme, leur dialogue, faute de conditions de sérénité minimales, ne semble pas pour demain. Mais, en tout cas, si certains s’en frottent, probablement, les mains – les possédants, à coup sûr; les opposants, peut-être – il n’est pas sûr, loin de là, que le pouvoir gagne, longtemps, à cet interminable différé.
Amadou Seck
Le Calame
Une réalité prégnante et têtue, attestée par les derniers développements, indirects, sur la scène politique nationale, avec, notamment, les dégâts collatéraux des «révélations» de Wikileaks sur la Mauritanie, qui suscitent une vive polémique.
Une des «fuites» des rapports diplomatiques américains, récoltées, par Wikileaks, et rapportées, par une partie de la presse privée nationale, présente le président de l’UFP, Mohamed Ould Maouloud, comme un comploteur ayant soutenu la thèse du retournement d’un haut responsable de la junte de l’époque, pour mettre Mohamed Ould Abdel Aziz dans le rôle de l’arroseur arrosé.
L’arrestation du président de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA-section Mauritanie) et de plusieurs militants de cette organisation ne va pas, non plus, dans le sens d’un apaisement des tensions sociales.
Sur fond de dénonciation de deux cas présumés d’esclavage, concernant des fillettes, le placement, en détention «préventive» – que s’agissait-il de prévenir? – des activistes des droits de l’Homme, accusés d’avoir «attaqué» le commissariat d’Arafat 1, sonne à ce point faux et mensonge policier qu’on ne peut que se faire du souci, devant une telle grossièreté politique.
Les bavures de certains sites d’informations en ligne sur ces deux affaires, combinées au flot de réactions de l’opposition, donnent le sentiment que les conditions de sérénité, pour un véritable dialogue, prennent, une nouvelle fois, le large.
Parallèlement, la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) resserre les rangs et fait bloc, avec la visite, mardi dernier, d’Ahmed Ould Daddah, président du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et chef de file institutionnel de l’opposition, à Mohamed Ould Maouloud, président de l’Union des Forces de Progrès (UFP).
Une rencontre qui a vu les deux grands leaders de l’opposition constater leur «parfaite identité de vue, sur tous les problèmes du pays».
La seule petite lucarne d’espoir encore ouverte, dans l’hypothèse où le pouvoir orchestrerait ces nouveaux tiraillements, serait qu’il avance masqué, parfaitement cagoulé, puisqu’aucune personnalité d’envergure, au sein du gouvernement ou de l’Union Pour La République (UPR), principale formation de la majorité, n’a fait de sortie publique, au sujet de ces nouvelles polémiques.
La théorie du complot.
C’est, en tout cas, au sein de certains milieux présentés comme proches du pouvoir qu’on communique, beaucoup, sur ces deux «affaires», pour montrer la «duplicité» de leurs adversaires politiques, à partir d’une lecture uniquement destinée à conforter la «justesse» de leurs vues depuis la «période bénite de la Rectification». Le très respectable leader de l’UFP est présenté comme un «faux démocrate», prêt à s’allier avec le diable, pour mettre en échec l’œuvre «salvatrice» de Mohamed Ould Abdel Aziz.
Au moment où l’on s’attendait à une dissipation, rapide, de la première polémique liée à Wikileaks –Les «révélations» présentées aux Mauritaniens ne sont, tout de même, que des traductions, plus ou moins correctes, de rapports, plus ou moins exacts, de diplomates américains: beaucoup d’approximations, donc, face à la nécessité, nationale, de s’accorder sur le minimum, pour engager un hypothétique dialogue – le malaise s’accentue, avec le problème entre les policiers d’Arafat et les militants des droits de l’Homme de l’ONG IRA.
A ce sujet, on s’étonne de la facilité avec laquelle une source «proche de la police», elle-même appendice du pouvoir – comme partout ailleurs dans le monde – a inondé les rédactions d’images d’agents des forces de l’ordre «blessés», suite à une «attaque» contre un commissariat, qu’aurait menée Biram Ould Dah Ould Abeid, à la tête de son «escadron».
Et quelques sites électroniques, hautement suspects, de rappeler les événements de 1989, en en attribuant l’exclusive responsabilité aux Forces de Libération Africaine de Mauritanie (FLAM).
Tout cela pour montrer que Biram Ould Dah Ould Abeid est un «danger» qui ne vise, en réalité, à travers son discours contre les pratiques de l’esclavage, qu’à «saper la cohésion» du peuple mauritanien. Un détour dans les nauséabondes poubelles des années 1989-1991, qui a, au moins, le triste mérite de rappeler que l’ancien chef de l’Etat, Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, ne saurait être tenu pour seul responsable des barbaries de l’époque. Les «Beydanistes» de l’époque sont toujours bien là et tiennent pignon sur rue, voire sur commissariat…
La COD en première ligne.
Face à ces événements, la COD, collectif de huit partis d’opposition, est monté au créneau, avec une déclaration produite la semaine dernière. La «République de l’opposition» livre son interprétation sur ces deux affaires, en accusant, explicitement, le pouvoir d’être derrière toute cette agitation contre Mohamed Ould Maouloud et certains militants des droits humains. Vieille tactique, clame-t-elle, du bouc émissaire pour détourner l’attention de l’opinion de la situation, «désastreuse», dans laquelle se débat la Mauritanie.
Campagne «mensongère», à l’encontre de tous ceux qui s’opposent à la dérive du pouvoir et relevant «d’une politique de diversion qui dénote un véritable mépris pour le peuple mauritanien». Stratégie dont le seul objectif est de masquer «les échecs» du régime, dans tous les domaines de la vie politique, économique et sociale. La déclaration s’achève, cependant, sur la réclamation d’un véritable dialogue inclusif, en place de «la politique de l’autruche».
La divergence d’interprétations, sur ces affaires, et la vive polémique qu’elles alimentent signalent la productivité, toujours soutenue, de notre pommier de discorde national. «Un pas en avant, deux en arrière», nouveau slogan de nos politiciens? A ce rythme, leur dialogue, faute de conditions de sérénité minimales, ne semble pas pour demain. Mais, en tout cas, si certains s’en frottent, probablement, les mains – les possédants, à coup sûr; les opposants, peut-être – il n’est pas sûr, loin de là, que le pouvoir gagne, longtemps, à cet interminable différé.
Amadou Seck
Le Calame