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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

Boulet de plomb dans le gosier d'un mourant : Posologie de la désillusion


Boulet de plomb dans le gosier d'un mourant : Posologie de la désillusion

Ce jour de fin novembre 2006, à la sortie de l’aéroport de Ouagadougou, une impression de gêne et de culpabilité conjointes lestait mon pas. Mon inhospitalité fruste me procurait une sensation de mal-être, aux confins imprécis de la honte.




J’ai trop dit, sans retenue et le regrettais. Par la patience et un fonds sans doute immémorial de courtoisie, l’interlocuteur m’avait confondu. Il écoutait mes griefs acerbes, opinant du chef si quelque note moins véhémente du propos convenait à son univers de sens d’où semblait aboli le vocable de la rupture, credo de ma verve lors de ces 40 minutes d’un entretien improvisé sur le fil de la frontière, en contrée d’exil.

J’achevais un échange – disons un monologue alternatif – avec le futur candidat à la Présidence de la Mauritanie. Sans accompagnateur, sandale de cuir sous le pied, le boubou l’enveloppant dans le péril aigu de la gravitation, cet homme chenu me semblait bien seul avec sa serviette entre deux gris et un cuir d’outre-tombe, une carte d’accès au salon d’honneur qu’il tenait, de l’autre main, un peu à la façon d’un écolier honnête qui respecte sa position dans le file d’attente du dispensaire et s’en sert comme d’un viatique.

Les verres épais comme une loupe à reflets, accentuaient, de sa personne, le sérieux, l’absence intrinsèque de la plus infinitésimale aptitude à la fantaisie ; ce lui seyait assez, en devais-je convenir.

La surprise, parfois un soupçon de frayeur, me sollicitait, le long de l’entretien d’où un début d’empathie envers la ténacité immobile du voyageur. Comment – m’indignais-je in petto - pouvait-on laisser le futur président de mon pays, battre campagne diplomatique, d’aéronef en hôtel, selon ses facultés propres, dépourvu du moindre concours et de la plus indispensable des apparences, celle du collaborateur qualifié, à la fois protocole, déchiffreur de vadémécum et béquille élégante au besoin!

Loin d’éprouver l’obstacle, il argumentait sur le ton d’une certitude paisible, soucieux – car inquiet- de me convaincre qu’il portait un projet, en était l’auteur et n’obéissait à l’instruction de quiconque. Je lui rétorquais la tutelle ontologique des militaires et rappelait la part du bloc de la notabilité prédatrice maure dans sa victoire alors acquise ; je lui en exposais les preuves, alors profuses mais peu visibles du quidam puis l’assurait de ma détermination à lui barrer la route et compliquer l’élection.

« Monsieur, lui asséné-je, vous êtes le candidat du statu quo et de l’impunité et ce nous est devoir de vous combattre, mes amis et moi, néanmoins dans le respect et selon les standards de bienséance ». Il se félicita de l’assurance et risqua une question dont l’humilité et la perspective trahissaient le désir, sinon l’ardeur, d’accéder à la magistrature suprême ; dubitatif, quasiment sur la défensive avant que ma réponse ne le soulageât de je ne sais quelle appréhension, il osa, sur le mode allusif - à sa culture si familier- un timide entrebâillement de la porte, en dépit de la violence avec quoi je la refermais, au terme de notre dissentiment : « et si votre perception de mon ambition évoluait en toute objectivité, changeriez-vous d’avis ? « Bien sûr, Monsieur, puisque seule la conviction nous guide rétorquai-je, par l’imprudence de l’orgueil. Il me prenait au mot.

Le surlendemain, 30 novembre 2006, je recevais de l’hôte, à son retour au bercail, un message de remerciement, pour la « franchise » et le vœu « de nous retrouver bientôt dans une Mauritanie plus apaisée et plus égalitaire ».

Des semaines plus tard, nous nous revoyions, en tête-à-tête, au domicile d’un ami, compagnon de route, à qui je devais survie et pugnacité durant ma traversée de misère le long de ces années d’effort ingrat. Mon pourvoyeur d’asile, entretemps devenu favorable à l’hôte, souhaitait notre rapprochement mais affectait une dose d’indifférence pour ne sembler me contraindre au soutien par procuration.

Le remords d’avoir froissé un vieux inoffensif, modeste et sincère, m’obligeait à adoucir l’abord et, en conséquence, abdiquer quelques préventions. Aussi, d’emblée, nous discutions, au sens pacifique du terme, enfin à l’abri du préjugé. Evasif sur la lute contre les crimes économiques, il plaida, finalement, le danger de faire « rendre gorge » aux voleurs, voire même de les exclure de la conduite de l’Etat.

A son regard d’une inexcusable ingénuité, il suffisait que la loi se dressât raide dans la solennité de sa détermination, pour que les vicieux « cleptopathes » se rendissent à l’évidence de la vertu et y trouvassent matière à régénérescence éthique, sous le contrôle des représentants du peuple, et la menace du glaive dissuasif de la foi en dieu. Il n’effleurait l’esprit du prochain premier magistrat que nos populations accorderaient leurs suffrages à des parfaits gredins, par ailleurs assidus en fréquentation de mosquées, le bras droit habile au larcin quand la main se repose d’égrener le rosaire du faux semblant.

Non, sur le défi du gouvernement intègre, l’interlocuteur ne parvenait à nous tenir un prône enthousiasmant et j’atténue l’euphémisme. Nous le sentîmes vulnérable en ce chapitre ; je perçus le désenchantement, par anticipation, dans le silence obstiné de mon ami ; ses yeux cherchant un peu de réconfort dans la pilosité chétive de la moquette fuyaient les miens qui fuyaient les siens. Nous nous demandions, de concert mais sans coordination pour l’Instant, pourquoi donc, notre vieux tenait-il tant à ménager cette classe de parasites tribalistes au lieu d’en arrêter la nuisance, d’un coup de chômage technique.

Le contexte de la compétition nous offrait un alibi et nous nous en satisfaisions. Une fois élu, le Président allait sévir, oui, il ne saurait différer l’arrêt fatal de la réforme ni décevoir l’aspiration légitime à la purge. En somme, il n’avait d’autre choix que d’aller dans le sens mécanique de l’histoire.

Ainsi, du moins, nous encouragions nous, d’autant plus enclins à l’exercice que sur des dossiers autrement plus ardus des discriminations ethniques et de l’esclavage, son propos coulait de source, concis et jamais à court d’audace. Oui, là, il emportait l’adhésion ; il fallait bien une rançon à notre optimisme : nous foncions tête baissée, confiant la pertinence de notre engagement à la mansuétude de la providence ; après tout, avec un chef d’Etat d’une trempe aussi sobre, la mise ne nous appauvrirait ; le jeu a priori aisé, valait la chandelle au prix modique. Nous allions franchir une étape, certes mesurée, sur la voix du meilleur.

A la fin de l’entretien, j’abdiquais devant le cumul du calme, de la bonne foi et des atours de la sagesse: « Monsieur, selon les Français, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis ; aujourd’hui, je veux sortir du lot. En conséquence, je vous apporte mon soutien discret mais sans le bulletin car non inscrit parmi les électeurs ; je ne garantis, pour autant, l’aval de mes camarades ». Il s’accommodait du ralliement relatif et me couvrit de remerciements.

A distance, je me lançais dans une bataille passionnante au service d’un homme dont je savais peu. J’expérimentais, sur le mode de la fixation horizontale par torticolis, le dilemme quotidien de tirer dans la même direction, que mes pires ennemis sans admettre, de leur encombrement, le partage de la munition ni une syllabe d’encouragement. Et, cahin-caha, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi accéda à la magistrature suprême. Nous avions gagné, croyais-je ; mon dieu quelle sottise d’angélisme primaire ne commettais-je alors ! Très tôt, je me retrouvai pris en flagrant délit de naïveté.

Lors de l’audience en son Palais de Président, dans la simplicité et la frugalité du repas, je m’aperçus de la mise proto-clocharde du protocole et la mit sur le compte commode du cafouillage consécutif au déménagement. Après tout, en fils de nomade, je connaissais la dicté des ordres de priorité au lendemain de la caravane autant que le désordre consécutif à l’orage sous la tente. Dans son rôle d’aîné à l’écoute de frères qui ne lui apportaient aucun CV à promouvoir, il écoutait, formulait les questions pénétrantes, concédait quelques erreurs d’allumage mais, curieusement, ne s’engageait sur rien.

Nous convînmes de la meilleure façon de lui faire parvenir des alertes et des propositions. Certaines l’inspirèrent sans doute, le reste, volumineux, se perdait ; le découragement eut raison de mon zèle de scribe. Je désertais mon poste de consultant dans le vide et comme de bien entendu, ni le destinataire ni l’auteur auto congédié n’en prirent ombrage, sans doute faute d’y croire assez, dès le début.

Les mesures inaugurales eurent, sur moi, l’effet d’une douche suédoise contre un rescapé de la Géhenne. Au cabinet insipide de Zeïne Ould Zeïdane, succéda la liste des secrétaires généraux de ministères à majorité incompétents, voire de moralité cautionnable. Ensuite, au risque de l’étouffement, j’avalais la réintégration des juges d’un autre âge que la rigueur du bâtonnier Mahfoudh Ould Bettah chassait un jour de la fonction publique, à l’époque caniveau de toutes les turpitudes, comme elle incline à le redevenir aujourd’hui.

De la désignation du chef d’état-major adjoint de l’Armée en dépit de la présomption de crimes racistes, je conçus, dans l’insomnie, des nuits durant, l’atroce morsure de la trahison. De l’assassinat de touristes français, en passant par la promotion monstrueuse de Deddahi Ould Abdallahi, la semaine des fusillades à Nouakchott et sa série d’ « accidents » mortels, la difficulté de la respiration évoluait vers la syncope cardiaque.

J’ai un peu contribué à faire élire le Président de la République et le Président de la République me rendait malade. Le pire, ici, c’est le néant de délibération dans l’enchainement de cause à effet. Le Chef de l’Etat sévit par défaut ; figé dans la crainte de toute mobilité, l’aiguille de sa boussole se fixe sur l’aimant de l’inertie. Quand le monde oisif bouge un tantinet autour de lui, le bilan des réalisations enfle dans la bonté de son imaginaire.

Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est Suisse, oui. Il se révèle dans la neutralité. Il ne vous occasionnera aucun mal, excepté la bavure et ne dispensera nul bienfait sinon par inadvertance. Parce qu’il subit, à vif, la phobie du scandale, il préfère garder des collaborateurs incapables au lieu les renvoyer, couvrir un meurtre si le cadavre sous le lit ne sent trop; de même, tant qu’il s’agit de voler en cachette, de trafiquer de l’influence, de se servir de sa position pour régler des comptes subtilement, sa défaveur ne vous atteindrait. Commettez le pire mais, de grâce, faites-le en silence et catimini, convenablement. Notre président n’est pas déshonnête, je le crois intègre, vraiment.

Seulement voilà, sa probité lui suffit de repère au point de le conduire à exempter la canaille alentour.

Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi souffre de devoir prendre une décision, de trancher une alternative, le dilemme lui est insupportable. Son jour préféré est demain, l’instant de l’élasticité, donc extensible à l’infini de l’attente en soi ; il tient du prophète Job auquel Godot aurait promis d’apporter un élixir de bonheur. Nos têtes supportent le faix de la scène ; elle se joue sur nos échines.

Le lendemain de l’audience, je rendais visite à mon adversaire idéologique, Mohamed Yehdhih Ould BreIdelleïl ; paradoxalement, il me lie, à l’auteur d’ « Où va la Mauritanie », le scrupule de l’honneur aux fins, communes, d’’ « Eviter l’infamie » ; lorsque je l’incitai à s’entretenir avec le nouveau Président, il esquissa un sourire d’ironie et de bienveillance blasée sous l’opacité de ses perpétuelles lunettes. Sa perspicacité lui dicta la sentence du désenchantement : « Sidi est un homme de convenances », rajoul moujamalat. A ce moment, je le trouvais sévère, non, plutôt injuste. Qu’il m’excuse la méprise. Mea culpa, maxima, bats-je désormais ma coulpe.

Oui, la Mauritanie qui agonise de faim et de soif a Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi en travers de la gorge. L’expulse-elle et la déglutition épuiserait le reliquat de son souffle ; l’ingurgite-t-elle que l’indigestion mortelle s’ensuivrait ; que faire, s’exclamerait, du fond de son sépulcre de glace, l’ancêtre caucasien de Lénine ?!!!!!

Contre la logique du crescendo dans la désaffection, je suggère de traîner le faix quatre ans encore ; notre démocratie le vaut bien et je ne tire la conclusion par le cheveu. Le Président doit achever son mandat, pour que s’enracine, en nous, cette liberté dont l’insatisfaction du jour oblitère les atouts. Sans la faculté de choisir, de critiquer et de sanctionner le gouvernant, nous régresserions au stade de l’arabité autoritaire d’où un coup d’état nous extrayait, par miracle, un certain 3 août 2005 ; que le sauveur soit remercié et aille consommer, au loin, le fruit de des forfaitures antérieures à la réhabilitation de notre dignité.

Néanmoins, le vœu de continuité ne vaut exonération ; veiller à l’achèvement du quinquennat va de pair avec l’exigence de la qualité. Aussi, ce pouvoir ne mérite-t-il de trêve. En politique, une année renseigne bien sur le crédit de l’intention et l’économie des moyens ; Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a démontré des facultés singulières à la paraplégie par choix ainsi qu’une propension record au recyclage du déchet organique.

Ecologiste du pire, il n’y a qu’à observer la matière quadrumane dont il façonne son décor, à commencer par les conseilleurs - principaux fussent-ils ou secondaires - dont j’excepte un ou deux, à peine et sursaut de complaisance.

Alors, poussons-le à bout de politesse, sortons-le de sa timidité, sauvons-le de ses tabous pour, qu’enfin, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi se persuade de la crédibilité de son statut de Président. Au moins, nous faciliterait-il la patience de le tolérer jusqu’en avril 2012.

En guise de conclusion, qu’il me soit permis de réitérer l’irréductibilité de la ligne rouge. Tant que la loi d’amnistie de 1993 reste en vigueur, le retour du Colonel Ould Taya impliquerait, de la part de l’Etat mauritanien, un acte de recel dont l’immoralité nous déliera de toute obligation. Lui offrir un passeport diplomatique sonnerait le clairon de la mésentente. Un président averti vaut, exactement, 3 généraux prématurés. Il est des relevailles qui vous terrassent.

Othman Assanhaji Albarberi


La Tribune (Nouakchott), N°397 du 28 avril 2008
(M)
Mardi 29 Avril 2008 - 18:42
Mardi 29 Avril 2008 - 18:49
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