Campagne présidentielle 2009 : Au ras des pâquerettes!

Entre khaïmés vides, fausses rumeurs savamment distillées, discours populistes et insultes, la campagne actuelle pour la présidentielle du 18 juillet 2009 vole littéralement au ras des pâquerettes. Une défaite pour le combat des idées. Une maison de Tevragh Zeïna: une grande villa avec deux garages.

Dans la cohue générée par les khaïmés de ce pâté de maison, pas grand monde ne remarque que les deux entrées de voitures qui font office de mini sièges de campagne, représentent les affiches et slogans de deux candidats à la Présidence. Une aberration qui n'en est pas vraiment une dans ce pays.

«La plupart des khaïmés que vous voyez en ville, croyez-vous que les gens qui les plantent le font par conviction ou militantisme? Ou les actes de sympathie de ce genre dans des garages transformés? Pas du tout.C'est un véritable business; selon la ville, le quartier, la place que vous occupez, on peut vous débloquer une enveloppe éventuelle de plus d'un million d'ouguiyas!» souligne un des jeunes animateurs de la place.

Et dans les luxueuses villas de Tevragh Zeina (dont la plupart ont été bâties sur la gabegie) cette campagne n'est que l'opportunité de profiter du business lucratif des khaïmés; une extension d'un système dont ils ont largement profité. «Ce n'est pas un hasard si vous avez peu ou pas de khaïmés d'importance dans les quartiers périphériques, particulièrement dans la zone 6ème/5ème/Basra: les enveloppes se partagent entre certaines personnes, dans certains endroits: tout est à Tevragh Zeina.

À Nouakchott il y a un embouteillage de khaïmés dans Tevragh Zeina. On a l'impression que tout se joue là-bas» explique un journaliste sur le terrain. Dans ce cadre, le débat, une campagne au porte à porte, plus efficace n'a plus de sens. Les gens sont dans les khaimés, trainent le soir car «il y a enfin un programme pour les jeunes» mais «on s'en fout du reste» s'emporte un jeune pro-Messaoud, près du palais des Congrès.

Et les candidats n'élèvent pas les choses.

C'est dans ce décor, proche du théâtre que les candidats font leurs discours, tous adeptes du changement et de l'unité, et de la croissance, mais sans jamais préciser comment dans leurs meetings. Le citoyen est approché comme un demeuré sans mémoire. «Certes, nous sommes dans un pays ou presque une personne sur deux est pauvre, et plus de la moité d'entre nous analphabètes, mais tout de même, il faut respecter le citoyen.».

«Mais c'est le fonctionnement de notre société qui est ainsi: on ne croit qu'au rapport de force.Alors un candidat menaçant et qui prend les devant est plus respecté; les gens veulent d'abord savoir si c'est un dur qu'ils ont en face.» dit un jeune dépité, qui promet de voter blanc.La démocratie au sens «débat d'idées» ne fonctionne donc pas vraiment; car «c'est en connaissance de cause que le citoyen conscient prend une décision. Une fois éclairé sur les alternatives qui lui sont offertes».

Alors, comme certains le prétendent, la pauvreté peut-elle empêcher la démocratie de fonctionner correctement? Ce n’est pas une loi immuable et partout vérifiée, mais force est de constater qu’il y a des tendances de fond. Non seulement l’illettrisme alimenté par la misère empêche une participation informée au débat démocratique, mais lorsque la priorité de populations entières est de pouvoir manger le lendemain, la démocratie – outre qu’elle devient un luxe – génère un effet pervers:

La lutte des clans ou ethnies pour le contrôle d’une partie de la rente que procure le pouvoir politique «démocratique» n’est que plus féroce dans un monde de rareté. La tradition démocratique a émergé avec la richesse: la réduction de la rareté par la croissance économique a permis de pacifier les relations humaines et d’instaurer le dialogue et la culture démocratiques modernes. Ils ne sont d’ailleurs que très récents en occident.

MLK
Source : La Tribune n°458