Il est des récits que seule l’âme hassanienne peut entendre ; des récits qui ne s’écrivent ni avec l’encre ni avec le sang, mais avec l’endurance et la mémoire. Le nom du Colonel Habibatou Thiam, première femme mauritanienne à atteindre le grade de colonel dans l’histoire militaire du pays, ne résonne pas comme une simple nomination administrative. Non. Il s’agit là d’un basculement symbolique dans les strates mythologiques d’un pays pétri de traditions, où les femmes, longtemps cantonnées aux foyers, investissent désormais la verticalité des grades, et des fonctions d’État-major.
Si l’uniforme qu’elle porte n’est pas un costume, c’est parce qu’il est hérité. Non pas au sens banal d’une transmission professionnelle, mais comme on hérite d’une bayʿa — un pacte d’honneur avec la nation. Son père, le Colonel Thiam El Hadj, figure de proue de l’armée mauritanienne, n’était pas simplement un soldat. Il fut ce qu’on appelle dans la sagesse locale un érudit de la guerre, un lettré du drapeau. C’est lui qui, sans tapage, inscrivit dans la chair de sa descendance la dévotion au service de l’État. Son ambassade en Afrique Centrale ne fut qu’une autre forme de combat : celui de la parole, du lien, de la représentation digne.
La trajectoire de Habibatou Thiam ne s’est jamais contentée de défier la norme. Elle l’a redéfinie. De l’école Annexe de Nouakchott à l’université d’Abidjan, du collège de Libreville aux amphithéâtres de Dakar, son parcours épouse l’Afrique savante, l’Afrique soignante, l’Afrique résiliente. Docteure en gynécologue obstétricienne, elle aurait pu choisir la blancheur tranquille des blouses. Mais elle choisit l’uniforme. L’engagement. La rigueur d’Atar, l’austérité de l’École Militaire Interarmes, l'harmattan IRIVI de l'Adrar et l’épreuve — comme dans les récits des nobles femmes qui suivaient les caravanes pour panser les blessés, mais aussi pour exhorter au courage par la parole haute.
Dans une époque bruyante, où la moindre distinction devient prétexte à vacarme, elle est restée effacée, selon le mot noble que seuls les sages comprennent. Non pas absente — mais humble, digne, concentrée sur l’essentiel. Ce silence est l’armure des grandes figures, celles qui avancent, non pour elles-mêmes, mais pour ouvrir des brèches pour d'autres.
Elle est aujourd’hui directrice adjointe du Service des Affaires Sociales à l'État-major des armées, un poste qui n’est pas un lot de consolation mais un poste de pouvoir — là où se décide la condition des soldats, la politique sociale de la défense, la mémoire vivante de la solidarité militaire. Là où la République se rend visible non par le canon, mais par la dignité accordée à ceux qui servent.
Le Colonel Habibatou Thiam n’est pas seulement une femme qui brise le plafond de verre. Elle est une page neuve dans la geste nationale. Une "Mezouza" — fougueuse et indomptable — qui incarne, en treillis, le pur-sang des Oulad M'barek, une fille du Hodh et du Fouta-Toro, une sœur des princesses guerrières et des poétesses du désert, une descendante symbolique du 6ème prince de la dynastie des Oulad M'barek le Prince courageux Henoun une réponse contemporaine à toutes les exclusions.
Dans les veillées hassaniennes de demain, quand les iggāwen chanteront les hauts faits de la Nation, ils devront inclure son nom — non pour flatter une posture égalitaire, mais pour restituer une vérité : la Patrie se défend désormais aussi au féminin.
Mohamed Ould Echriv Echriv
Si l’uniforme qu’elle porte n’est pas un costume, c’est parce qu’il est hérité. Non pas au sens banal d’une transmission professionnelle, mais comme on hérite d’une bayʿa — un pacte d’honneur avec la nation. Son père, le Colonel Thiam El Hadj, figure de proue de l’armée mauritanienne, n’était pas simplement un soldat. Il fut ce qu’on appelle dans la sagesse locale un érudit de la guerre, un lettré du drapeau. C’est lui qui, sans tapage, inscrivit dans la chair de sa descendance la dévotion au service de l’État. Son ambassade en Afrique Centrale ne fut qu’une autre forme de combat : celui de la parole, du lien, de la représentation digne.
La trajectoire de Habibatou Thiam ne s’est jamais contentée de défier la norme. Elle l’a redéfinie. De l’école Annexe de Nouakchott à l’université d’Abidjan, du collège de Libreville aux amphithéâtres de Dakar, son parcours épouse l’Afrique savante, l’Afrique soignante, l’Afrique résiliente. Docteure en gynécologue obstétricienne, elle aurait pu choisir la blancheur tranquille des blouses. Mais elle choisit l’uniforme. L’engagement. La rigueur d’Atar, l’austérité de l’École Militaire Interarmes, l'harmattan IRIVI de l'Adrar et l’épreuve — comme dans les récits des nobles femmes qui suivaient les caravanes pour panser les blessés, mais aussi pour exhorter au courage par la parole haute.
Dans une époque bruyante, où la moindre distinction devient prétexte à vacarme, elle est restée effacée, selon le mot noble que seuls les sages comprennent. Non pas absente — mais humble, digne, concentrée sur l’essentiel. Ce silence est l’armure des grandes figures, celles qui avancent, non pour elles-mêmes, mais pour ouvrir des brèches pour d'autres.
Elle est aujourd’hui directrice adjointe du Service des Affaires Sociales à l'État-major des armées, un poste qui n’est pas un lot de consolation mais un poste de pouvoir — là où se décide la condition des soldats, la politique sociale de la défense, la mémoire vivante de la solidarité militaire. Là où la République se rend visible non par le canon, mais par la dignité accordée à ceux qui servent.
Le Colonel Habibatou Thiam n’est pas seulement une femme qui brise le plafond de verre. Elle est une page neuve dans la geste nationale. Une "Mezouza" — fougueuse et indomptable — qui incarne, en treillis, le pur-sang des Oulad M'barek, une fille du Hodh et du Fouta-Toro, une sœur des princesses guerrières et des poétesses du désert, une descendante symbolique du 6ème prince de la dynastie des Oulad M'barek le Prince courageux Henoun une réponse contemporaine à toutes les exclusions.
Dans les veillées hassaniennes de demain, quand les iggāwen chanteront les hauts faits de la Nation, ils devront inclure son nom — non pour flatter une posture égalitaire, mais pour restituer une vérité : la Patrie se défend désormais aussi au féminin.
Mohamed Ould Echriv Echriv