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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

« En Afrique, plus personne ne comprend la politique de la France »


Pour le député Bruno Fuchs, auteur avec Michèle Talbot d’un rapport parlementaire sur l’état des relations franco-africaines, Paris doit sortir d’une vision missionnaire et moralisatrice dépassée.


Comment ne pas être emporté par ce qui ressemble à une lame de fond contestatrice ? C’est l’objet du rapport des députés Bruno Fuchs (MoDem) et Michèle Tabarot (Les Républicains, LR) sur l’état des relations franco-africaines.

Alors que Paris a dû encaisser le départ forcé de ses soldats du Mali, du Burkina Faso et enfin du Niger, que le discours hostile à sa politique africaine bénéficie d’un écho toujours plus large dans les opinions et que de nouveaux concurrents viennent contester des positions que les décideurs français pensaient établies, les deux élus préconisent plus de clarté et de cohérence dans les actes et les discours vis-à-vis du continent.

Vous plaidez pour une « juste distance » dans les relations entre la France et les pays africains. Qu’entendez-vous par là ?

Bruno Fuchs : Il faut sortir d’une vision missionnaire et moralisatrice qui nous met à dos les Africains. Cette approche, ancrée dans la culture française, n’a jamais fonctionné. Nous défendons un modèle de société fondé sur la démocratie, le respect de l’Etat de droit et l’attachement aux libertés publiques, mais nous ne sommes pas moralisateurs vis-à-vis du Qatar, de l’Arabie saoudite et de la Chine. Pourquoi le serions-nous avec la RDC, la Guinée équatoriale ou la Côte d’Ivoire ? Nous devons être cohérents dans notre approche du monde et tenir nos positions.


Quand on va à l’encontre de nos valeurs comme on l’a fait au Tchad [où après la mort d’Idriss Déby, Emmanuel Macron a soutenu la solution d’une transition dirigée par le fis du défunt], il faut être transparent et expliquer que le principe de sécurité dans la région prime sur le reste. La question se pose aussi avec l’Egypte : préfère-t-on avoir au pouvoir un maréchal Sissi, qui n’est pas un démocrate reconnu, ou les Frères musulmans ?

Il faut également régler ce paradoxe qui consiste à défendre une vision multipolaire du monde tout en privilégiant, en Afrique, un mode d’action unilatérale.

La France n’est-elle pas coincée dans une polarisation des idées entre une nostalgie de puissance coloniale et une remise en cause frontale de la politique africaine depuis la décolonisation ?

La France vit dans une contradiction liée à la doctrine vertueuse, mais périmée, élaborée sous François Mitterrand. Alors que, sous le général de Gaulle, Paris assurait les pays africains décolonisés d’une protection en échange d’une loyauté lors des votes à l’ONU, depuis Mitterrand, on prétend soutenir les régimes démocratiques en garantissant la sécurité des Etats. Le trouble vient de là, car nous avons institué une politique à géométrie variable. Nous sommes intransigeants vis-à-vis du président Obiang au pouvoir en Guinée équatoriale depuis 1979, mais nous avons développé des relations étroites avec le Gabon voisin qui était sur une trajectoire similaire. Au Liban, nous appelons à lutter contre les politiciens corrompus mais on adoube le fils Déby au Tchad. Il faut régénérer la doctrine Mitterrand car, contrairement à ce qu’on a cru naïvement dans les années 1990, le développement économique n’a pas suffi à imposer la démocratie partout.


Depuis, chaque président français propose un embryon de doctrine. Comme l’a dit Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017, la politique africaine doit devenir plus lisible car en Afrique plus personne ne la comprend. La France est-elle en Afrique pour défendre la démocratie ? Assurer la sécurité ? Assurer ses intérêts économiques ? Il faut clarifier notre position pour ne plus alimenter les fantasmes d’un double agenda. Au Mali, on a entendu que la France est intervenue pour s’approprier les mines d’or. Pourtant quand on regarde les opérateurs actifs sur le site même du ministère malien des mines, on constate que les opérateurs sont canadiens, sud-africains, pas français.

Au Niger, la détermination de la France à ne pas reconnaître les autorités putschistes a-t-elle été une erreur ?

Une approche fondée sur la real politik, et en appliquant une juste distance, aurait pu nous pousser à agir autrement. Le Niger incarnait pour la France un nouveau modèle de partenariat plus équitable. Nous avions radicalement changé notre façon d’opérer : avant d’y déployer nos soldats, un débat avait été organisé au Parlement, contrairement à ce qui s’était fait pour l’opération « Barkhane » au Mali. Les militaires français étaient placés sous commandement nigérien et intervenaient en appoint et à leur demande. Nous avons été guidés par la relation de proximité tissée avec le président Bazoum.

Comment sortir de l’hyper-centralisation de la politique africaine ?

Cela fait trente ans que la politique africaine est faite à l’Elysée. C’est dans les gênes de la Ve République. A l’inverse, en Allemagne, le ministre de la coopération ou son représentant discute toutes les semaines au Parlement de la politique africaine de Berlin. Il échange, débat, explique. Il faut retrouver, en France, un équilibre entre le Parlement, la population et les décisions prises par l’Elysée et le Quai d’Orsay.

Très peu d’élus étaient présents le 22 novembre à l’Assemblée pour débattre de la politique africaine de la France. Comment l’expliquez-vous ?

Il y a peu d’experts et d’appétence pour l’Afrique d’une manière générale chez les décideurs français. Beaucoup pensent connaître ce continent, alors qu’il a changé. Nous continuons d’agir en Afrique francophone comme il y a vingt ans. Or aujourd’hui, l’âge médian y est de 19 ans. La moitié des Africains n’a donc jamais entendu parler de la France, autrement que de façon négative par les réseaux sociaux.


C’est à nous de dire ce qu’on fait en Afrique. Aujourd’hui, on est dans un rôle subi. C’est l’opposition en France qui parle du franc CFA, des visas, des choses qui ne vont pas. Avec une stratégie claire, on reviendra dans un rôle choisi. On réglera une partie du problème de désamour des Africains et on videra de sa substance le discours politique anti-francais.

Pensez-vous que la loi sur l’immigration va un peu plus brouiller l’image de la France sur le continent ?

Ce qui est certain, c’est que nous ne sommes pas conscients en France que nos débats ont un impact immédiat sur les diasporas et en Afrique via les réseaux sociaux. Et sur l’image qu’ils ont de la France. Je note par ailleurs une contradiction totale dans les discours des LR et du Rassemblement national (RN) qui veulent favoriser le rayonnement de la France en Afrique et qui réduisent les Africains à un problème migratoire, souvent humiliant dans les propos. On ne peut pas vouloir réenchanter les relations avec l’Afrique et avoir un discours aussi dur. Il faut contrôler les flux migratoires, mais aussi avoir du respect.

En Afrique, on nous dit : « Pourquoi devrions-nous faire une place à la France alors que nos semblables ne sont pas considérés malgré leur contribution à la richesse économique du pays et à sa sécurité lors des guerres mondiales ? »

Comment faudrait-il réformer la politique des visas qui suscite beaucoup de ressentiment ?

Il faut déjà faire preuve de considération envers les demandeurs. Ils attendent des heures dans nos consulats, ne savent pas s’ils obtiendront leur visa. Ils ne demandent pas l’aumône, mais le droit de venir en France, de dépenser en France, de voir leurs familles.

Il faut aussi fixer des règles claires. En Côte d’Ivoire, un entrepreneur me rapportait qu’il avait obtenu son visa neuf fois mais que, la dixième, il lui a été refusé au motif qu’il ne fallait pas qu’il s’y habitue.


Enfin, il ne faut pas voir la question des visas uniquement d’un point de vue migratoire, mais depuis que le ministère de l’intérieur en a la charge, c’est la vision qui prédomine. Si nous voulons contribuer au rayonnement de la France, il faut voir les visas comme une opportunité.

Vous considérez qu’il n’existe pas de sentiment antifrancais en Afrique. Alors comment caractérisez-vous l’hostilité actuelle ?

Nulle part les Français ne sont ciblés en Afrique. Ils ne sont pas attaqués, insultés. En revanche, il existe une défiance vis-à-vis de la politique française. Pour nous, Français, nous sommes sortis de la Françafrique : on ne met plus de chefs d’Etat en place, on intervient plus pendant un coup d’Etat ; en revanche, quand on se place du côté des Africains, il y a des comportements qui les ramènent à ce qu’on faisait avant. On a identifié dans notre rapport un certain nombre de chiffons rouges qui nourrissent cette défiance et tant que ceux-ci n’auront pas été supprimés, ils seront agités pour dire que nous n’avons pas changé.


C’est d’ailleurs ce qui anime ce que nous n’avons pas vu venir, à savoir toute l’agitation des panafricanistes qui sont le plus souvent utilisés par notre concurrent russe. Nous avons mis en place des outils pour répondre mais pas encore à la hauteur du mal fait par les Russes.

Vous dénoncez une méconnaissance de l’Afrique au sein des institutions diplomatiques. Comment s’explique-t-elle ?

Elle est notamment liée à la suppression du ministère de la coopération en 1999. Il y a trente ans, la France comptait 10 000 coopérants en Afrique. Ils sont 750 aujourd’hui. Quant aux 9 000 coopérants militaires, dont la grande partie opérait sous uniforme des armées nationales, ils menaient les mêmes missions que leurs camarades africains. Ils vivaient, dormaient ensemble. Cette connaissance du terrain a reculé car ils ne sont plus que 340 aujourd’hui.

Vous appelez à un retour du ministère de la coopération alors que l’Agence française de développement (AFD) souffre, selon vous, d’une absence de pilotage politique ?

Je ne critique pas le travail de l’AFD. L’agence a soutenu la construction de routes et d’écoles en Afrique. La question est de savoir en quoi cela sert les intérêts de la France. L’AFD injecte 15 milliards d’euros d’encours par an. Pour mémoire, c’était 10 milliards d’euros en 2017. Or, en Afrique, on nous dit qu’on ne voit pas cet argent. Cette aide doit servir la stratégie française de rayonnement et d’influence. Il faut que la France soit plus visible dans ces projets. On ne sait pas ce que la France veut faire en Afrique. Elle doit dire ce qu’elle veut y faire. Il faut afficher une stratégie globale, que chaque acteur serve la stratégie française. C’est l’absence de vision et de pilotage politique par la tutelle de l’AFD qui fait que son action n’est pas suffisamment valorisée au crédit de la France.

Votre rapport aura-t-il une traduction politique ?

Nous avons reçu de nombreux retours positifs d’Afrique où beaucoup souffrent de voir une relation qui se dégrade. Il y a tant de souffrances dans ce déchirement et même derrière ceux qui critiquent le plus fortement la France, souvent issus de la diaspora, il y a la souffrance de ne pas être reconnus.


Le seul qui peut changer les choses, c’est Emmanuel Macron. Je sais qu’il a conscience de l’intérêt du rapport. On verra si, lors du prochain remaniement, la question africaine aura sa place. La dégradation du lien avec l’Afrique est telle qu’il faut que notre relation avec le continent devienne prioritaire pour la renouer.

Coumba Kane et Cyril Bensimon


Source : Le Monde
Samedi 23 Décembre 2023 - 12:14
Samedi 23 Décembre 2023 - 12:22
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