
Dans une intervention, brillante comme d’habitude, à la journée de l’AVOMM du 29 juin 2010, Hamdou Rabbi SY affirme que « l’enjeu de notre combat n’est plus la question de la cohabitation entre les communautés, mais la question de la démocratie ». Avant de quitter cette réunion, je suis intervenu pour manifester mon désaccord principiel et politique avec une telle affirmation. Et en réponse au président de l’AJD/MR qui expliquait, en substance, qu’« On ne peut instaurer la démocratie en Mauritanie sans régler la question nationale », Hamdou affirme qu’en « l’absence d’une perspective démocratique, il est difficile de construire les bases du vivre ensemble », une façon de confirmer, selon lui, la primauté, ou à tout le moins, la priorité de la démocratie sur la question nationale. Il va de soi que je ne peux être d’accord avec lui ni sur le plan théorique, ni sur le plan conceptuel, ni sur le plan philosophique encore moins sur le plan politique.
La démocratie, si elle est un système moins pire, peut être un outil d’oppression et d’hégémonie
Sans vouloir tomber dans une « querelle épistémologique » de la notion de démocratie, il convient, pour camper le débat, d’essayer de circonscrire ce concept qui, s’il est le système le moins pire n’en est pas forcément la meilleure ; surtout quand un pouvoir peut s’en servir pour asservir davantage ceux qu’il a toujours opprimés, auquel cas il devient carrément le contraire de son sens commun généralement admis dans la plupart des sociétés humaines contemporaines.
La démocratie est, selon un dictionnaire juridique, le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple (principe de souveraineté), sans qu'il y ait de distinctions dues à la naissance, à la richesse, à la compétence... (Principe d'égalité). C’est ce qu’Abraham LINCOLN a appelé « le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple ». Nul besoin de confronter cette définition avec la situation que nous vivons chez nous car il me semble qu’il n’est pas décent de parler de souveraineté du peuple ou de principe d’égalité tant la réalité vient démentir les faits.
Outre ces principes de souveraineté et d’égalité, il en existe d’autres, que l’on peut considérer comme des fondements de la démocratie dont la liberté des individus ; la règle de la majorité ; l'existence d'une "constitution" et d'une juridiction associée; la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) ; la consultation régulière du peuple (élection et référendum) ; la pluralité des partis politiques ; l'indépendance de la justice.
En ce qui concerne la règle de la majorité, elle n’a pas de sens chez nous car elle suppose que les élections soient libres et transparentes pour déterminer une majorité et une minorité. Par ailleurs, une majorité, d’une manière générale, n’a de sens que si les droits de la minorité sont respectés. Or, chez nous, cette nuance n’existe pas. Et pour être plus juste, même dans certains pays occidentaux où cette forme de démocratie est admise, la minorité parlementaire subit la dictature de la majorité ; expression que j’emprunte volontiers à certains penseurs comme Benjamin CONSTANT qui, dans ses Principes politiques, tout en défendant la nécessite d'un régime représentatif, dénonce quand même « L'erreur de ceux qui, de bonne foi dans leur amour de la liberté, ont accordé à la souveraineté du peuple un pouvoir sans bornes… » .
De son côté, si Alexis de Tocqueville considère la marche vers la démocratie comme immuable, il note le risque à accorder tous les pouvoirs au peuple ou à un organe représentatif. Voici ce qu’il écrit dans De la démocratie en Amérique : « je regarde comme impie et détestable cette maxime, qu'en matière de gouvernement la majorité d'un peuple a le droit de tout faire, et pourtant je place dans les volontés de la majorité l'origine de tous les pouvoirs (...). Lors donc que je vois accorder le droit et la faculté de tout faire à une puissance quelconque, qu'on appelle peuple ou roi, démocratie ou aristocratie, qu'on l'exerce dans une monarchie ou dans une république, je dis : là est le germe de la tyrannie, et je cherche à aller vivre sous d'autres lois. Ce que je reproche le plus au gouvernement démocratique, tel qu'on l'a organisé aux États-Unis, ce n'est pas, comme beaucoup de gens le prétendent en Europe, sa faiblesse, mais au contraire sa force irrésistible». Ces auteurs semblent donc relativiser les vertus de la démocratie. Je crois que des exemples concrets et multiples, par le passé, ont pu montrer les abus commis, sous couvert de démocratie.
En ce qui concerne l’existence d’une constitution, certes notre pays semble avoir une depuis 1991, inspirée du système semi-parlementaire français de la 5ème République mais il comporte, selon nous, un pêché originel, notamment en refusant de reconnaître clairement le soninké, le pulaar et le wolof comme identités à part entière à côté de l’identité arabe et islamique. Qu’on ne vienne surtout pas nous divertir avec le vocable « africain » accolé après arabe car il désigne, ni plus ni moins, une identité commune à tous les Mauritaniens qui sont africains car vivant en Afrique comme la Tunisie, le Maroc, l’Algérie ou encore le pays du roi des rois africains : la Libye. Si l’on juge utile et nécessaire de préciser que la Mauritanie est un pays arabe, en quoi cela gêne-t-il que l’on ajoute que des Soninkés, de Halpulaar'en et Wolofs y habitent également.
Quant à la juridiction associée; la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) ou l'indépendance de la justice, autres fondements de la démocratie, notre pays est très loin du compte. Notre parlement a toujours été une caisse d’enregistrement automatique des décisions de l’exécutif, notre appareil judiciaire est incapable de prendre ses distances d’avec l’exécutif… Notre démocratie a encore du chemin à parcourir.
La démocratie, outil d’exclusion
Si l’on conçoit la démocratie au sens athénien du terme, on est obligé, en effet, de relativiser, la critique de la nôtre. En effet, dans l'assemblée des citoyens (Ecclésia), exemple type de la démocratie directe, tous les citoyens athéniens avaient le droit de prendre la parole et de voter à l'Ecclésia, où étaient votées les lois de la cité, mais aucun droit politique ni citoyenneté n'étaient accordés aux femmes, aux esclaves,aux métèques. Pourtant, la démocratie, au sens moderne, s’est inspirée de celle d’Athènes. Et plutôt que d’affaiblir mon raisonnement, cet exemple montre que même à Athènes, la démocratie n’est pas forcément un système juste. Cette forme de démocratie discriminatoire n’a de démocratie que de nom et c’est celle-ci que nous dénonçons chez nous.
Sur ce plan, si j’ai bien compris Hamdou, je pense que nous ne sommes pas, et ne pouvons pas être en désaccord car il dit lui-même : « soyons au clair, la démocratie n’existe et n’a jamais existé en Mauritanie ». Notre différence, on le verra, se situera au niveau des conséquences qu’il faut tirer de cet état de fait.
Alors Cohabitation/démocratie ou bien démocratie/cohabitation ?
Abordant le paradigme cohabitation/démocratie, Hamdou s’interroge en ces termes : « Comment aujourd’hui poser les bases d’une cohabitation des deux communautés sans construction d’une société démocratique ?» et puis « Comment aboutir à l’instauration d’une communauté nationale apaisée dans sa diversité sans la gouvernance démocratique et sans la constitution fondatrice d’un Etat de droit » ?
A mon humble avis, le problème est mal posé. Il me semble plus logique, compte tenu des arguments développés par l’auteur lui-même, fondés sur l’oppression, l’injustice, la discrimination, le racisme d’état, voire le génocide (terme utilisé par lui pour qualifier les évènements de 1987 à 1991), de poser les questions de cette manière : Comment poser les jalons et les fondements d’une société et d’un Etat démocratiques, c’est-à-dire d’un Etat où les citoyens sont égaux, sans s’attaquer d’abord à la question de la cohabitation ? La non résolution de cette question, source de toutes les inégalités et injustices, ne constitue-t-elle pas un frein à l’émergence de la démocratie véritable?
En ce qui concerne la deuxième interrogation de l’auteur, je la reformulerai ainsi : Comment aboutir à l’instauration d’une démocratie apaisée, d’une gouvernance démocratique, de la constitution fondatrice d’un Etat de droit en niant à une partie de la composante nationale sa citoyenneté, au travers du déni de reconnaissance constitutionnelle de l’identité d’une partie du peuple ? Comment peut-on parler de société démocratique en laissant persister des inégalités aussi criantes qui constituent une négation même de la démocratie ?
L’histoire politique de la Mauritanie nous a habitués, depuis les indépendances, à un système de domination et d’oppression qui, de façon méthodiquement perverse et subreptice, a toujours détourné des véritables préoccupations nationales.
La démocratie, outil de diversion en Mauritanie comme d’autres questions, jadis !
Autrefois, au nom de l’unité nationale, certains défendaient la primauté d’une communauté en nous expliquant qu’il fallait choisir « une langue de ciment », en l’occurrence, l’arabe au détriment des autres langues nationales dont la diversité créerait, par définition, une division de notre peuple. D’autres, y allaient de leurs arguments religieux : tous les Mauritaniens étant musulmans, l’arabe doit être le vecteur de notre unité. Très récemment, dans une interview accordée à un journal mauritanien, M. Bodiel OULD HOUMEID nous ressasse encore la même antienne. D’autres enfin prétendaient que l’arabe devait s’imposer, au nom du principe démocratique du nombre soi-disant plus élevé des arabes en Mauritanie.
Il va donc ainsi de l’arabisation progressive de l’enseignement dans le but pervers d’écarter la composante négro-africaine des pouvoirs de décision. On remarquera d’ailleurs que les Soninkés, les Pulaars ou les Wolofs qui sont du même niveau de formation et de diplôme en arabe n’ont pas forcément la même fortune quand il s’agit de nommer des fonctionnaires de l’Etat. Que dire des pauvres qui ne connaissent que le français ? Ensuite, les arrestations, les emprisonnements, les assassinats, la mise à l’index d’une communauté entière, la déchéance de mauritaniens de leur nationalité, la déportation vers le Sénégal et le Mali d’une communauté à cause de sa couleur de peau, l’esclavage, etc … sont autant de crimes que se doit d’abord de régler l’Etat avant de s’intéresser à une prétendue démocratisation.
De la même manière que progressivement, le système nous a détournés de questions importantes liées à l’unité nationale, de la même manière, il essaie de nous divertir avec sa démocratie.
Quand nous sommes sortis du cauchemar TAYA, les militaires du CMJD, en expert en tromperie et en manipulation de la classe politique, nous ont vendu une démocratie taillée sur mesure, avec un homme de paille qui y a cru lui-même, et nous tous avec. Quelques rares personnes, dont Ibrahima Moctar SARR, avaient appelé la classe politique à la retenue, à la vigilance et à faire attention à la supercherie dans sa transition en dérive de mai 2006 publié sur CRIDEM. Ce qui devait arriver arriva. Et la fin de la « parenthèse démocratique de SIDIOCA », pourtant prédit par le président de l’AJD/MR et jugé inéluctable par le bureau politique de l’AJD/MR lorsque le bras de fer a commencé entre le locataire de la maison brune et ses députés d’une part, et avec les officiers supérieurs d’autre part finit par démasquer et montrer la duplicité et la cruauté du système qui ne faisait que divertir les Mauritaniens.
Cette parenthèse de SIDIOCA qui, selon moi, a empêché une véritable alternance de voir le jour, et peut-être par la même occasion éloigner les militaires de la chose politique et publique, constitue une énième farce politique et démocratique que nos hommes politiques ont offerte aux soldats.
A l’AJD/MR, nous sommes plus que vigilants désormais sur les priorités nationales. C’est pourquoi, contrairement à Hamdou, je ne peux plus accepter, sauf si je n’y peux rien, une démocratie issue de la manipulation. Et je ne suis pas convaincu du tout, contrairement à Hamdou que « même une démocratie issue de la manipulation a plus d’intérêt que les coups de forces des militaires » : l’exemple nigérien de Mouhamadou TANDIA renversé par ses soldats pour restaurer la démocratie a été salué unanimement par la communauté internationale. Je ne vois pas en quoi, par exemple, il est plus recommandable de se maintenir par la force au pouvoir, quand bien même on avait été « élu démocratiquement », quand on procède au tripatouillage de la constitution pour se pérenniser infiniment au pouvoir. Je crois, par ailleurs que nous étions nombreux à être soulagés que TAYA et son système sanguinaire disparaisse par un coup d’état.
Lorsque Hamdou reconnaît lui-même « la capacité d’adaptation démagogique des dirigeants politiques mauritaniens… qui ont su brouiller les cartes au niveau international afin de valider les protocoles de coopération qui permettent d’entretenir le système raciste qui peut varier, mais qui conserve les fondamentaux pour sa perpétuation », et qu’il ajoute que « Ce dont il est question, c’est la survie de l’hégémonie d’une seule composante sur les autres entités de la Mauritanie, dont la plus martyrisée est la communauté africaine qui, depuis plus de trois décennies, vit une tragédie innommable et méconnue ou volontairement ignorée par la communauté internationale » ; il admet, involontairement, et inconsciemment peut-être, l’impérieuse urgence de cesser cette hégémonie et d’inverser les priorités entre cohabitation et démocratie.
La meilleure illustration, par l’auteur lui-même, de cette primauté de la cohabitation sur la démocratie, c’est lorsqu’il affirme que « si la démocratie se réduit à la démagogie, personne ne peut affirmer que celle-ci peut résoudre la question épineuse de la cohabitation ». Or, pire que de la démagogie, notre démocratie est une farce, un malice, une cruauté d’un système qui prospère sur la fragilité, l’ignorance, la peur, la dépendance, la négation d’une partie de son peuple pour mieux l’asservir encore, et durablement. La démocratie, c’est la nouvelle trouvaille du système pour endormir, divertir, détourner des vrais problèmes comme le règlement de la question nationale toujours relégué au dernier plan et se rendre fréquentable auprès de la communauté internationale. Il est, dès lors, surprenant que Hamdou, au lieu d’aboutir à cette conclusion logique et évidente, croie devoir affirmer qu’en « l’absence d’une perspective démocratique, il est difficile de construire les bases du vivre ensemble ». Eh non ! C’est en l’absence d’une résolution définitive et durable de la question de la cohabitation qu’il est difficile, voire impossible, de construire une société démocratique respectueuse de la diversité culturelle, linguistique, ethnique de notre peuple multiculturel, multiethnique et multilinguistique, comme il est d’ailleurs écrit dans le coran : « Nous vous avons crées, avec vos différences ethniques, linguistiques…. afin que vous vous acceptiez ».
La primauté et la priorité de la cohabitation c’est d’abord une exigence de justice !
Régler en priorité la question de la cohabitation, c’est d’abord une exigence de justice dans la mesure où une société démocratique suppose rendre justice à ses propres fils déchus injustement de leur citoyenneté, par la déportation et la destruction de toute trace d’état-civil d’eux dans les archives nationales. C’est également rendre justice à des citoyens maintenus dans l’esclavage et qui, en cas de vote, sont obligés d’obéir aux injonctions de leurs maîtres. Rendre justice dans un état démocratique, c’est d’abord rétablir ces personnes dans leurs droits.
A contrario, rendre justice, c’est également, comme dans toute société démocratique, sanctionner ceux qui sont à l’origine des forfaits commis à l’encontre de mauritaniens, y compris en retirant temporairement le droit de vote aux bourreaux. Or, non seulement les bourreaux sont impunis, ils sont mêmes promus et se promènent gaillardement, ostensiblement au vu et au su des victimes, sous la protection de l’Etat qui aurait dû protéger d’abord les victimes.
L’AJD/MR ne s’est pas trompée de priorité. En maintenant dans cet ordre, les anciens sigles de l’AJD, elle a entendu signifier aux Mauritaniens qu’il faut s’attaquer d’abord à l’injustice qui touche une partie de notre peuple sur le plan politique, social, économique et culturel ; rétablir la justice pour que chacun se sente considéré à sa juste valeur par l’Etat censé être indépendant. Mais la primauté de la cohabitation est aussi une exigence d’égalité.
La primauté et la priorité de la cohabitation c’est ensuite une exigence d’égalité
Régler en priorité la question de la cohabitation, c’est ensuite une exigence d’égalité dans la mesure où une société démocratique suppose une égalité entre les citoyens. Il n’est pas normal que l’Etat qui est lui-même garant de l’égalité entre ses fils crée les conditions de la promotion politique, économique, sociale et culturelle d’une partie au détriment d’une autre.
Donner à tous les Mauritaniens une égale chance, c’est leur permettre de compétir démocratiquement dans les mêmes conditions, avec les mêmes chances de succès ; c’est mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Or, les fonctions électives, administratives semblent réservées à une CASTE d’affairistes, seule capable de gagner des élections à coup de millions, voire de milliards d’ouguiyas généralement soustraits des caisses de l’Etat ; et qui, après un achat des consciences et des voix trace la VOIE à suivre en plaçant ses hommes de confiance dans l’administration. Il suffit, aujourd’hui, d’observer la composition de l’administration, des nominations hebdomadaires en conseil de ministres pour être édifié.
Dans son intervention à la journée de l’AVOMM, Hamdou conclut avec cette citation de Nelson MANDELA : « J'ai consacré ma vie à cette lutte du peuple africain. J'ai combattu la domination blanche, j'ai combattu la domination noire. J'ai œuvré pour une société démocratique, éprise de liberté, où chacun puisse vivre en harmonie, dans le respect de l'égalité des chances. Je veux vivre pour cet idéal et le réaliser. Je suis prêt, s'il le faut, à mourir pour cet idéal. »
Je voudrais saisir l’occasion pour rappeler que MANDELA n’a jamais cru en la démocratie manipulée ni à un semblant de démocratie. Son idée de la démocratie a toujours été fondée, entre autres, sur l’égalité des chances comme il est d’ailleurs indiqué dans ce court passage. Et la démocratie fondée sur l’égalité de chances était un idéal pour lequel il était et demeure toujours prêt à mourir. Cet idéal démocratique n’a rien à voir avec ce que l’on nous propose en Mauritanie. Si encore en Mauritanie, l’imperfection de la démocratie était une question de pauvreté ou de sous développement, on pourrait l’entendre, mais c’est simplement la nouvelle trouvaille pour endormir le peuple.
Enfin, je voudrais rappeler que MANDELA a toujours refusé de sortir de prison ou de s'engager dans quelque discussion que ce soit avec le pouvoir blanc en place si les fondements juridiques de l'apartheid n’étaient pas complètement détruits ; ce que DECLERCK n’avait pas d’autre choix que d’accepter après avoir consulté le peuple blanc. L'AJD/MR ne demande pas autre chose dans ce que son président, Ibrahima Moctar SARR, a posé comme conditions aux candidats du 2ème tour de l’élection présidentielle de 2007 et à AZIZ depuis 2008 jusqu'aujourd'hui, pour l'accompagner sans jamais faire la chaise pour conquérir un petit espace de liberté "démocratique".
La primauté de la cohabitation, c’est enfin une exigence de la démocratie même
Régler en priorité la question de la cohabitation, c’est enfin une exigence démocratique car des mauritaniens déchus de leur nationalité parce que Pulaars, soninkés ou wolofs et déportés vers le Sénégal et le Mali ne peuvent prendre part librement au choix de leurs représentants ou se présenter eux-mêmes à des élections, c’est contraire à la démocratie. Des tribus qui dictent la conduite à tenir lors des élections, les pesanteurs sociales qui empêchent les électeurs de voter librement, la féodalité abjecte et rétrograde qui pousse des électeurs à voter contre leurs choix personnels constituent des handicaps liés à la non résolution de la question de la cohabitation entre les Mauritaniens. Et ces questions ne peuvent trouver de solution que lorsque l’on se décide à s’asseoir, sans hypocrisie, sans faux semblant, autour de la table pour régler ces questions de COHABITATION. Après cela, la démocratie pourrait suivre, et encore !!!!! En tout cas, il ne peut pas, en toute logique, et en tout bon sens être autrement.
Au-delà de ces questions relatives à la réconciliation nationale et à la cohabitation, les achats de vote et de conscience qui sont légion chez nous n’autorisent pas, selon moi, à préconiser aujourd’hui la primauté de la « démocratie » sur le règlement de la question nationale. Quand tous les Mauritaniens se sentiront citoyens à part entière, quand le système se décidera à se saborder ou quand les hommes politiques se décideront à s’attaquer sérieusement, définitivement et durablement à la résolution de la question de la COHABITATION, on pourra penser à l’instauration de la vraie démocratie, et non le contraire.
Il est clair que nous n’avons pas forcément les mêmes préoccupations qu’une grande partie de la classe politique. Tous ceux qui pensaient par le passé et qui pensent encore aujourd’hui que faire de la question nationale une priorité relève du particularisme et de l’étroitesse d’esprit n’ont jamais considéré cette question comme importante. Ne se souvient-on pas quand on nous expliquait, un moment, que la contradiction principale en Mauritanie était la lutte contre l’impérialisme ? Cette contradiction principale, entendez priorité absolue, reléguait, du coup, au second plan, la question nationale dont les défenseurs étaient affublés du qualificatif de « nationalistes étroits » ou « NE » tantôt, de « particularistes », voire de « racistes ». Aujourd’hui que la lutte contre l’impérialisme (une autre façon de détourner les mauritaniens des vraies questions dont la cohabitation) ne semble plus prospérer ou ne semble plus être une préoccupation principale des tenants de cette thèse, la primauté de la fausse démocratie est une nouvelle trouvaille pour amuser la galerie et détourner des vraies préoccupations nationales.
Oui à un système démocratique véritable consécutive au règlement de la question nationale !
Je dis, ici, sans ambigüité, et sans ambages, que l’ AJD/MR est pour une société véritablement démocratique. Si dans le sigle de l’ AJD/MR, le D de Démocratie vient après le J de la J ustice, c’est bien parce que les priorités sont bien agencées dans cet ordre dans notre conception. Nous ne sommes pas hélas au pouvoir pour remettre les choses dans leur ordre normal. Quand l’ AJD/MR conquerra le pouvoir, elle s’y attaquera comme son président Ibrahima Moctar SARR l’a toujours rappelé, notamment lors des compétitions électorales. Et malgré les imperfections du système actuel, l’ AJD/MR saisira toutes les occasions qui lui seront données pour conquérir de nouveaux espaces d’expression, pour défendre ses idées, ses propositions, ses préoccupations d’une Mauritanie réconciliée avec elle-même, unie, juste, égalitaire et solidaire.
En conclusion et en citant Hamdou, je dirai que si « la démocratie est un paradigme, un concept, une idée, un principe, un esprit, dont l’effectuation ne peut occulter les réalités spécifiques à chaque communauté nationale » ; elle doit, en tant que paradigme, et pour être crédible, procéder de la résolution de question de la cohabitation et non le contraire. En tant que concept, elle doit épouser ses fondements (liberté, égalité, tolérance, acceptation de la différence…) ; en tant qu’idée, elle doit se faire accepter par tous ; en tant que principe, elle doit refuser l’inégalité et l’injustice entre les Mauritaniens et en tant qu’esprit, elle doit insuffler la tolérance indispensable à sa réalisation effective.
Ousmane DIAGANA
Secrétaire National de l’AJD/MR chargé des Relations Extérieures
La démocratie, si elle est un système moins pire, peut être un outil d’oppression et d’hégémonie
Sans vouloir tomber dans une « querelle épistémologique » de la notion de démocratie, il convient, pour camper le débat, d’essayer de circonscrire ce concept qui, s’il est le système le moins pire n’en est pas forcément la meilleure ; surtout quand un pouvoir peut s’en servir pour asservir davantage ceux qu’il a toujours opprimés, auquel cas il devient carrément le contraire de son sens commun généralement admis dans la plupart des sociétés humaines contemporaines.
La démocratie est, selon un dictionnaire juridique, le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple (principe de souveraineté), sans qu'il y ait de distinctions dues à la naissance, à la richesse, à la compétence... (Principe d'égalité). C’est ce qu’Abraham LINCOLN a appelé « le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple ». Nul besoin de confronter cette définition avec la situation que nous vivons chez nous car il me semble qu’il n’est pas décent de parler de souveraineté du peuple ou de principe d’égalité tant la réalité vient démentir les faits.
Outre ces principes de souveraineté et d’égalité, il en existe d’autres, que l’on peut considérer comme des fondements de la démocratie dont la liberté des individus ; la règle de la majorité ; l'existence d'une "constitution" et d'une juridiction associée; la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) ; la consultation régulière du peuple (élection et référendum) ; la pluralité des partis politiques ; l'indépendance de la justice.
En ce qui concerne la règle de la majorité, elle n’a pas de sens chez nous car elle suppose que les élections soient libres et transparentes pour déterminer une majorité et une minorité. Par ailleurs, une majorité, d’une manière générale, n’a de sens que si les droits de la minorité sont respectés. Or, chez nous, cette nuance n’existe pas. Et pour être plus juste, même dans certains pays occidentaux où cette forme de démocratie est admise, la minorité parlementaire subit la dictature de la majorité ; expression que j’emprunte volontiers à certains penseurs comme Benjamin CONSTANT qui, dans ses Principes politiques, tout en défendant la nécessite d'un régime représentatif, dénonce quand même « L'erreur de ceux qui, de bonne foi dans leur amour de la liberté, ont accordé à la souveraineté du peuple un pouvoir sans bornes… » .
De son côté, si Alexis de Tocqueville considère la marche vers la démocratie comme immuable, il note le risque à accorder tous les pouvoirs au peuple ou à un organe représentatif. Voici ce qu’il écrit dans De la démocratie en Amérique : « je regarde comme impie et détestable cette maxime, qu'en matière de gouvernement la majorité d'un peuple a le droit de tout faire, et pourtant je place dans les volontés de la majorité l'origine de tous les pouvoirs (...). Lors donc que je vois accorder le droit et la faculté de tout faire à une puissance quelconque, qu'on appelle peuple ou roi, démocratie ou aristocratie, qu'on l'exerce dans une monarchie ou dans une république, je dis : là est le germe de la tyrannie, et je cherche à aller vivre sous d'autres lois. Ce que je reproche le plus au gouvernement démocratique, tel qu'on l'a organisé aux États-Unis, ce n'est pas, comme beaucoup de gens le prétendent en Europe, sa faiblesse, mais au contraire sa force irrésistible». Ces auteurs semblent donc relativiser les vertus de la démocratie. Je crois que des exemples concrets et multiples, par le passé, ont pu montrer les abus commis, sous couvert de démocratie.
En ce qui concerne l’existence d’une constitution, certes notre pays semble avoir une depuis 1991, inspirée du système semi-parlementaire français de la 5ème République mais il comporte, selon nous, un pêché originel, notamment en refusant de reconnaître clairement le soninké, le pulaar et le wolof comme identités à part entière à côté de l’identité arabe et islamique. Qu’on ne vienne surtout pas nous divertir avec le vocable « africain » accolé après arabe car il désigne, ni plus ni moins, une identité commune à tous les Mauritaniens qui sont africains car vivant en Afrique comme la Tunisie, le Maroc, l’Algérie ou encore le pays du roi des rois africains : la Libye. Si l’on juge utile et nécessaire de préciser que la Mauritanie est un pays arabe, en quoi cela gêne-t-il que l’on ajoute que des Soninkés, de Halpulaar'en et Wolofs y habitent également.
Quant à la juridiction associée; la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) ou l'indépendance de la justice, autres fondements de la démocratie, notre pays est très loin du compte. Notre parlement a toujours été une caisse d’enregistrement automatique des décisions de l’exécutif, notre appareil judiciaire est incapable de prendre ses distances d’avec l’exécutif… Notre démocratie a encore du chemin à parcourir.
La démocratie, outil d’exclusion
Si l’on conçoit la démocratie au sens athénien du terme, on est obligé, en effet, de relativiser, la critique de la nôtre. En effet, dans l'assemblée des citoyens (Ecclésia), exemple type de la démocratie directe, tous les citoyens athéniens avaient le droit de prendre la parole et de voter à l'Ecclésia, où étaient votées les lois de la cité, mais aucun droit politique ni citoyenneté n'étaient accordés aux femmes, aux esclaves,aux métèques. Pourtant, la démocratie, au sens moderne, s’est inspirée de celle d’Athènes. Et plutôt que d’affaiblir mon raisonnement, cet exemple montre que même à Athènes, la démocratie n’est pas forcément un système juste. Cette forme de démocratie discriminatoire n’a de démocratie que de nom et c’est celle-ci que nous dénonçons chez nous.
Sur ce plan, si j’ai bien compris Hamdou, je pense que nous ne sommes pas, et ne pouvons pas être en désaccord car il dit lui-même : « soyons au clair, la démocratie n’existe et n’a jamais existé en Mauritanie ». Notre différence, on le verra, se situera au niveau des conséquences qu’il faut tirer de cet état de fait.
Alors Cohabitation/démocratie ou bien démocratie/cohabitation ?
Abordant le paradigme cohabitation/démocratie, Hamdou s’interroge en ces termes : « Comment aujourd’hui poser les bases d’une cohabitation des deux communautés sans construction d’une société démocratique ?» et puis « Comment aboutir à l’instauration d’une communauté nationale apaisée dans sa diversité sans la gouvernance démocratique et sans la constitution fondatrice d’un Etat de droit » ?
A mon humble avis, le problème est mal posé. Il me semble plus logique, compte tenu des arguments développés par l’auteur lui-même, fondés sur l’oppression, l’injustice, la discrimination, le racisme d’état, voire le génocide (terme utilisé par lui pour qualifier les évènements de 1987 à 1991), de poser les questions de cette manière : Comment poser les jalons et les fondements d’une société et d’un Etat démocratiques, c’est-à-dire d’un Etat où les citoyens sont égaux, sans s’attaquer d’abord à la question de la cohabitation ? La non résolution de cette question, source de toutes les inégalités et injustices, ne constitue-t-elle pas un frein à l’émergence de la démocratie véritable?
En ce qui concerne la deuxième interrogation de l’auteur, je la reformulerai ainsi : Comment aboutir à l’instauration d’une démocratie apaisée, d’une gouvernance démocratique, de la constitution fondatrice d’un Etat de droit en niant à une partie de la composante nationale sa citoyenneté, au travers du déni de reconnaissance constitutionnelle de l’identité d’une partie du peuple ? Comment peut-on parler de société démocratique en laissant persister des inégalités aussi criantes qui constituent une négation même de la démocratie ?
L’histoire politique de la Mauritanie nous a habitués, depuis les indépendances, à un système de domination et d’oppression qui, de façon méthodiquement perverse et subreptice, a toujours détourné des véritables préoccupations nationales.
La démocratie, outil de diversion en Mauritanie comme d’autres questions, jadis !
Autrefois, au nom de l’unité nationale, certains défendaient la primauté d’une communauté en nous expliquant qu’il fallait choisir « une langue de ciment », en l’occurrence, l’arabe au détriment des autres langues nationales dont la diversité créerait, par définition, une division de notre peuple. D’autres, y allaient de leurs arguments religieux : tous les Mauritaniens étant musulmans, l’arabe doit être le vecteur de notre unité. Très récemment, dans une interview accordée à un journal mauritanien, M. Bodiel OULD HOUMEID nous ressasse encore la même antienne. D’autres enfin prétendaient que l’arabe devait s’imposer, au nom du principe démocratique du nombre soi-disant plus élevé des arabes en Mauritanie.
Il va donc ainsi de l’arabisation progressive de l’enseignement dans le but pervers d’écarter la composante négro-africaine des pouvoirs de décision. On remarquera d’ailleurs que les Soninkés, les Pulaars ou les Wolofs qui sont du même niveau de formation et de diplôme en arabe n’ont pas forcément la même fortune quand il s’agit de nommer des fonctionnaires de l’Etat. Que dire des pauvres qui ne connaissent que le français ? Ensuite, les arrestations, les emprisonnements, les assassinats, la mise à l’index d’une communauté entière, la déchéance de mauritaniens de leur nationalité, la déportation vers le Sénégal et le Mali d’une communauté à cause de sa couleur de peau, l’esclavage, etc … sont autant de crimes que se doit d’abord de régler l’Etat avant de s’intéresser à une prétendue démocratisation.
De la même manière que progressivement, le système nous a détournés de questions importantes liées à l’unité nationale, de la même manière, il essaie de nous divertir avec sa démocratie.
Quand nous sommes sortis du cauchemar TAYA, les militaires du CMJD, en expert en tromperie et en manipulation de la classe politique, nous ont vendu une démocratie taillée sur mesure, avec un homme de paille qui y a cru lui-même, et nous tous avec. Quelques rares personnes, dont Ibrahima Moctar SARR, avaient appelé la classe politique à la retenue, à la vigilance et à faire attention à la supercherie dans sa transition en dérive de mai 2006 publié sur CRIDEM. Ce qui devait arriver arriva. Et la fin de la « parenthèse démocratique de SIDIOCA », pourtant prédit par le président de l’AJD/MR et jugé inéluctable par le bureau politique de l’AJD/MR lorsque le bras de fer a commencé entre le locataire de la maison brune et ses députés d’une part, et avec les officiers supérieurs d’autre part finit par démasquer et montrer la duplicité et la cruauté du système qui ne faisait que divertir les Mauritaniens.
Cette parenthèse de SIDIOCA qui, selon moi, a empêché une véritable alternance de voir le jour, et peut-être par la même occasion éloigner les militaires de la chose politique et publique, constitue une énième farce politique et démocratique que nos hommes politiques ont offerte aux soldats.
A l’AJD/MR, nous sommes plus que vigilants désormais sur les priorités nationales. C’est pourquoi, contrairement à Hamdou, je ne peux plus accepter, sauf si je n’y peux rien, une démocratie issue de la manipulation. Et je ne suis pas convaincu du tout, contrairement à Hamdou que « même une démocratie issue de la manipulation a plus d’intérêt que les coups de forces des militaires » : l’exemple nigérien de Mouhamadou TANDIA renversé par ses soldats pour restaurer la démocratie a été salué unanimement par la communauté internationale. Je ne vois pas en quoi, par exemple, il est plus recommandable de se maintenir par la force au pouvoir, quand bien même on avait été « élu démocratiquement », quand on procède au tripatouillage de la constitution pour se pérenniser infiniment au pouvoir. Je crois, par ailleurs que nous étions nombreux à être soulagés que TAYA et son système sanguinaire disparaisse par un coup d’état.
Lorsque Hamdou reconnaît lui-même « la capacité d’adaptation démagogique des dirigeants politiques mauritaniens… qui ont su brouiller les cartes au niveau international afin de valider les protocoles de coopération qui permettent d’entretenir le système raciste qui peut varier, mais qui conserve les fondamentaux pour sa perpétuation », et qu’il ajoute que « Ce dont il est question, c’est la survie de l’hégémonie d’une seule composante sur les autres entités de la Mauritanie, dont la plus martyrisée est la communauté africaine qui, depuis plus de trois décennies, vit une tragédie innommable et méconnue ou volontairement ignorée par la communauté internationale » ; il admet, involontairement, et inconsciemment peut-être, l’impérieuse urgence de cesser cette hégémonie et d’inverser les priorités entre cohabitation et démocratie.
La meilleure illustration, par l’auteur lui-même, de cette primauté de la cohabitation sur la démocratie, c’est lorsqu’il affirme que « si la démocratie se réduit à la démagogie, personne ne peut affirmer que celle-ci peut résoudre la question épineuse de la cohabitation ». Or, pire que de la démagogie, notre démocratie est une farce, un malice, une cruauté d’un système qui prospère sur la fragilité, l’ignorance, la peur, la dépendance, la négation d’une partie de son peuple pour mieux l’asservir encore, et durablement. La démocratie, c’est la nouvelle trouvaille du système pour endormir, divertir, détourner des vrais problèmes comme le règlement de la question nationale toujours relégué au dernier plan et se rendre fréquentable auprès de la communauté internationale. Il est, dès lors, surprenant que Hamdou, au lieu d’aboutir à cette conclusion logique et évidente, croie devoir affirmer qu’en « l’absence d’une perspective démocratique, il est difficile de construire les bases du vivre ensemble ». Eh non ! C’est en l’absence d’une résolution définitive et durable de la question de la cohabitation qu’il est difficile, voire impossible, de construire une société démocratique respectueuse de la diversité culturelle, linguistique, ethnique de notre peuple multiculturel, multiethnique et multilinguistique, comme il est d’ailleurs écrit dans le coran : « Nous vous avons crées, avec vos différences ethniques, linguistiques…. afin que vous vous acceptiez ».
La primauté et la priorité de la cohabitation c’est d’abord une exigence de justice !
Régler en priorité la question de la cohabitation, c’est d’abord une exigence de justice dans la mesure où une société démocratique suppose rendre justice à ses propres fils déchus injustement de leur citoyenneté, par la déportation et la destruction de toute trace d’état-civil d’eux dans les archives nationales. C’est également rendre justice à des citoyens maintenus dans l’esclavage et qui, en cas de vote, sont obligés d’obéir aux injonctions de leurs maîtres. Rendre justice dans un état démocratique, c’est d’abord rétablir ces personnes dans leurs droits.
A contrario, rendre justice, c’est également, comme dans toute société démocratique, sanctionner ceux qui sont à l’origine des forfaits commis à l’encontre de mauritaniens, y compris en retirant temporairement le droit de vote aux bourreaux. Or, non seulement les bourreaux sont impunis, ils sont mêmes promus et se promènent gaillardement, ostensiblement au vu et au su des victimes, sous la protection de l’Etat qui aurait dû protéger d’abord les victimes.
L’AJD/MR ne s’est pas trompée de priorité. En maintenant dans cet ordre, les anciens sigles de l’AJD, elle a entendu signifier aux Mauritaniens qu’il faut s’attaquer d’abord à l’injustice qui touche une partie de notre peuple sur le plan politique, social, économique et culturel ; rétablir la justice pour que chacun se sente considéré à sa juste valeur par l’Etat censé être indépendant. Mais la primauté de la cohabitation est aussi une exigence d’égalité.
La primauté et la priorité de la cohabitation c’est ensuite une exigence d’égalité
Régler en priorité la question de la cohabitation, c’est ensuite une exigence d’égalité dans la mesure où une société démocratique suppose une égalité entre les citoyens. Il n’est pas normal que l’Etat qui est lui-même garant de l’égalité entre ses fils crée les conditions de la promotion politique, économique, sociale et culturelle d’une partie au détriment d’une autre.
Donner à tous les Mauritaniens une égale chance, c’est leur permettre de compétir démocratiquement dans les mêmes conditions, avec les mêmes chances de succès ; c’est mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Or, les fonctions électives, administratives semblent réservées à une CASTE d’affairistes, seule capable de gagner des élections à coup de millions, voire de milliards d’ouguiyas généralement soustraits des caisses de l’Etat ; et qui, après un achat des consciences et des voix trace la VOIE à suivre en plaçant ses hommes de confiance dans l’administration. Il suffit, aujourd’hui, d’observer la composition de l’administration, des nominations hebdomadaires en conseil de ministres pour être édifié.
Dans son intervention à la journée de l’AVOMM, Hamdou conclut avec cette citation de Nelson MANDELA : « J'ai consacré ma vie à cette lutte du peuple africain. J'ai combattu la domination blanche, j'ai combattu la domination noire. J'ai œuvré pour une société démocratique, éprise de liberté, où chacun puisse vivre en harmonie, dans le respect de l'égalité des chances. Je veux vivre pour cet idéal et le réaliser. Je suis prêt, s'il le faut, à mourir pour cet idéal. »
Je voudrais saisir l’occasion pour rappeler que MANDELA n’a jamais cru en la démocratie manipulée ni à un semblant de démocratie. Son idée de la démocratie a toujours été fondée, entre autres, sur l’égalité des chances comme il est d’ailleurs indiqué dans ce court passage. Et la démocratie fondée sur l’égalité de chances était un idéal pour lequel il était et demeure toujours prêt à mourir. Cet idéal démocratique n’a rien à voir avec ce que l’on nous propose en Mauritanie. Si encore en Mauritanie, l’imperfection de la démocratie était une question de pauvreté ou de sous développement, on pourrait l’entendre, mais c’est simplement la nouvelle trouvaille pour endormir le peuple.
Enfin, je voudrais rappeler que MANDELA a toujours refusé de sortir de prison ou de s'engager dans quelque discussion que ce soit avec le pouvoir blanc en place si les fondements juridiques de l'apartheid n’étaient pas complètement détruits ; ce que DECLERCK n’avait pas d’autre choix que d’accepter après avoir consulté le peuple blanc. L'AJD/MR ne demande pas autre chose dans ce que son président, Ibrahima Moctar SARR, a posé comme conditions aux candidats du 2ème tour de l’élection présidentielle de 2007 et à AZIZ depuis 2008 jusqu'aujourd'hui, pour l'accompagner sans jamais faire la chaise pour conquérir un petit espace de liberté "démocratique".
La primauté de la cohabitation, c’est enfin une exigence de la démocratie même
Régler en priorité la question de la cohabitation, c’est enfin une exigence démocratique car des mauritaniens déchus de leur nationalité parce que Pulaars, soninkés ou wolofs et déportés vers le Sénégal et le Mali ne peuvent prendre part librement au choix de leurs représentants ou se présenter eux-mêmes à des élections, c’est contraire à la démocratie. Des tribus qui dictent la conduite à tenir lors des élections, les pesanteurs sociales qui empêchent les électeurs de voter librement, la féodalité abjecte et rétrograde qui pousse des électeurs à voter contre leurs choix personnels constituent des handicaps liés à la non résolution de la question de la cohabitation entre les Mauritaniens. Et ces questions ne peuvent trouver de solution que lorsque l’on se décide à s’asseoir, sans hypocrisie, sans faux semblant, autour de la table pour régler ces questions de COHABITATION. Après cela, la démocratie pourrait suivre, et encore !!!!! En tout cas, il ne peut pas, en toute logique, et en tout bon sens être autrement.
Au-delà de ces questions relatives à la réconciliation nationale et à la cohabitation, les achats de vote et de conscience qui sont légion chez nous n’autorisent pas, selon moi, à préconiser aujourd’hui la primauté de la « démocratie » sur le règlement de la question nationale. Quand tous les Mauritaniens se sentiront citoyens à part entière, quand le système se décidera à se saborder ou quand les hommes politiques se décideront à s’attaquer sérieusement, définitivement et durablement à la résolution de la question de la COHABITATION, on pourra penser à l’instauration de la vraie démocratie, et non le contraire.
Il est clair que nous n’avons pas forcément les mêmes préoccupations qu’une grande partie de la classe politique. Tous ceux qui pensaient par le passé et qui pensent encore aujourd’hui que faire de la question nationale une priorité relève du particularisme et de l’étroitesse d’esprit n’ont jamais considéré cette question comme importante. Ne se souvient-on pas quand on nous expliquait, un moment, que la contradiction principale en Mauritanie était la lutte contre l’impérialisme ? Cette contradiction principale, entendez priorité absolue, reléguait, du coup, au second plan, la question nationale dont les défenseurs étaient affublés du qualificatif de « nationalistes étroits » ou « NE » tantôt, de « particularistes », voire de « racistes ». Aujourd’hui que la lutte contre l’impérialisme (une autre façon de détourner les mauritaniens des vraies questions dont la cohabitation) ne semble plus prospérer ou ne semble plus être une préoccupation principale des tenants de cette thèse, la primauté de la fausse démocratie est une nouvelle trouvaille pour amuser la galerie et détourner des vraies préoccupations nationales.
Oui à un système démocratique véritable consécutive au règlement de la question nationale !
Je dis, ici, sans ambigüité, et sans ambages, que l’ AJD/MR est pour une société véritablement démocratique. Si dans le sigle de l’ AJD/MR, le D de Démocratie vient après le J de la J ustice, c’est bien parce que les priorités sont bien agencées dans cet ordre dans notre conception. Nous ne sommes pas hélas au pouvoir pour remettre les choses dans leur ordre normal. Quand l’ AJD/MR conquerra le pouvoir, elle s’y attaquera comme son président Ibrahima Moctar SARR l’a toujours rappelé, notamment lors des compétitions électorales. Et malgré les imperfections du système actuel, l’ AJD/MR saisira toutes les occasions qui lui seront données pour conquérir de nouveaux espaces d’expression, pour défendre ses idées, ses propositions, ses préoccupations d’une Mauritanie réconciliée avec elle-même, unie, juste, égalitaire et solidaire.
En conclusion et en citant Hamdou, je dirai que si « la démocratie est un paradigme, un concept, une idée, un principe, un esprit, dont l’effectuation ne peut occulter les réalités spécifiques à chaque communauté nationale » ; elle doit, en tant que paradigme, et pour être crédible, procéder de la résolution de question de la cohabitation et non le contraire. En tant que concept, elle doit épouser ses fondements (liberté, égalité, tolérance, acceptation de la différence…) ; en tant qu’idée, elle doit se faire accepter par tous ; en tant que principe, elle doit refuser l’inégalité et l’injustice entre les Mauritaniens et en tant qu’esprit, elle doit insuffler la tolérance indispensable à sa réalisation effective.
Ousmane DIAGANA
Secrétaire National de l’AJD/MR chargé des Relations Extérieures