
En 1980, Me Diabira Maroufa, avec d’autres avocats, prend la défense des militants anti-esclavagiste d’El Hor. Il avait 35 ans. Le 03 juillet 2002, il obtient, avec Me francois Roux du barreau de Montpellier, le premier acquittement d’un accusé au TPIR. Le parcours de ce soixante-huitard de Nanterre, ex bâtonnier de l’ordre national des avocats mauritanien, est l’histoire du refus de toutes les injustices.
En 1987, Me Maroufa assure, au sein d’un collectif d’avocats, la défense des militaires négroa-fricains de Mauritanie, accusés de complot contre la sûreté de l’Etat. Une année après, il est membre de la coordination d’un collectif d’avocats chargé de la défense des bahthistes poursuivis pour complot contre la sûreté intérieure et extérieure de la Mauritanie.
A la question : passer du camp des militants negroafricain à celui des batthistes, est-ce cohérent ? Il répond : « A chaque fois qu’un homme est accusé devant une juridiction, il doit bénéficier de la meilleure défense possible pour que sa cause soit entendue. Idéologiquement, je n’adhère pas aux causes de mes clients. Ils ont un besoin de justice. Il doit être satisfait.
C’est le seul moyen de rendre crédible et acceptable la décision qui sera prise. Le conflit né quand mon client essaye de me faire adhérer à sa cause. Je ne suis pas dans une logique de sympathie ou d’antipathie. Je suis dans une logique de défense technique. »
C’est certainement ce « fondamentalisme judiciaire » qui a conduit Me Diabira à prendre la défense des présumés génocidaires à la barre du TPIR. Il n’a pas fait le voyage d’Arusha pour rien. Avec un confrère français, Me François Roux du barreau de Montpellier, il a obtenu l’acquittement en appel, le 04 juillet 2002, de l’ancien bourgmestre de Mabanza, préfecture de Kibuye (Rwanda). C’est le premier acquitté du TPIR.
Pour sauver Le bourgmestre, les deux avocats ont démontré, avec des preuves recueillies sur le terrain au Rwanda (en dépit l’hostilité des autorité à aider à l’établissement d’éléments à décharge) qu’il n’a pas trempé dans génocide. Et que, mieux : il a risqué sa vie pour sauver des tutsis de la folie meurtrière. Des justes comme lui (le bourgmestre), il y en a eu, rive gauche et rive droite, pendant les pogroms de 89.
Quelles leçons la Mauritanie, qui traîne un lourd passif humanitaire, peut-elle tirer de l’expérience du TPIR ? Une seule, selon Me Maroufa : On ne peut pas durablement construire la paix sur l’impunité. La Mauritanie doit, selon lui, ratifier les statuts de la cour pénale internationale (CPI) pour se prémunir contre les dysfonctionnements internes, obstacles à la traduction des présumés auteurs de crimes contre l’humanité devant les juridiction nationales.
Me Diabira, membre fondateur de l’ONG anti-esclavagiste SOS Esclaves est né à Diaguily (Guidimagha) en 1945. Comment un homme issu d’une ethnie (Soninké) réputée esclavagiste vit-il son militantisme auprès des siens ? « Tous les esclavages sont hideux, qu’ils soient soninké, maure ou autres » Répond Me Diabira.
C’était bestial
La période la plus douloureuse de la longue carrière d’avocat de Me diabira : l’exécution de 03 militaires negroafricain, accusés de complot en 1987. Paupière baisées sur ses yeux habituellement largement ouverts, il dit « j’ai eu le sentiment d’accompagner un assassinat. Ca m’a rendu triste » Me Diabira, un des rares avocat mauritanien à afficher sa position de principe contre la peine capitale, parle d’assassinat des trois jeunes lieutenants.
Maaouya Ould Sid Ahmed Taya, président de la république, avait refusé la dernière plaidoirie pour un recours en grâce. Trois jours après le verdict, malgré cette privation du dernier recours, ils ont été passés aux armes. Pour Me Diabira, « toute exécution d’une condamnation à mort est un échec de l’intelligence de l’Humanité » et « si de surcroît, le condamné n’était as passible de mort, c’est un assassinat. »
Comme dans une cour d’assise, il explique que la loi, en cas de complot démasqué au stade de la préparation intellectuelle, ne prévoie pas la peine capitale, mais un maximum de dix ans de réclusion. Le complot de 1987 n’a pas connu de début d’exécution. Me Diabira qui a assisté aux exécutions des trois lieutenants, reste peu loquace sur les conditions dans lesquelles elles se sont déroulées. Sa seule description est « c’était bestiale. »
Ce que le soixante-huitard a perdu en fougue, il l’a gagné en sagesse au fil des ans et des combats.
En dépit de ces souvenirs douloureux, Me diabira va au-delà des ressentiments. Ce que le soixante-huitard a perdu en fougue, il l’a gagné en sagesse au fil des ans et des combats. Pour lui, les trois militaires doivent être réhabilités et leurs ayants droit considérés comme des victimes des crimes commis dans la période 90-91 en Mauritanie par un régime sanguinaire.
Me Diabira, malgré son amour des prétoires, n’a pas résisté à la tentation de la participation politique. En 1984, il entre dans le gouvernement de Haidalla comme ministre des mines de l’industrie et du tourisme et ministre de la culture de la jeunesse et des sports. Il a été également membre fondateur de la commission de supervision des structures d’éducation des masses dans le Brakna. A la question : que retenez-vous de cette période, nostalgique, il répond « c’était l’une des périodes les plus propices à la construction d’une Mauritanie plurielle »
La période Haidalla, c’était aussi celle des flagellations, des amputations de mains et des exécutions capitales. Comment le soixante-huitard de Nanterre, l’abolitionniste se sentait-il dans cette ambiance ? « L’erreur principale de Haidalla a été l’application de la charia en matière pénale. Je le lui ai dit » affirme-t-il. Il ajoute « pendant tout le temps que j’ai passé au gouvernement, il n’y a pas eu d’exécution capitale, de flagellation ou d’amputation et comme avocat, je me suis battu contre l’application de ces peines dégradantes et handicapantes. »
En 1991, Me Diabira Maroufa revient à la politique comme membre fondateur de l’UFD et du FDUC. Cette deuxième parenthèse sera vite fermée. Il prend la tête du GERDES en 1993 et rendosse sa robe noire.
Le soixante-huitard de Nanterre revient à ses moutons : la société civile et les prétoires. Le militantisme pur s’accommode mal de la stratégie, des calculs politiciens.
Khalilou Diagana
khalioubi@yahoo.fr
source:cridem
En 1987, Me Maroufa assure, au sein d’un collectif d’avocats, la défense des militaires négroa-fricains de Mauritanie, accusés de complot contre la sûreté de l’Etat. Une année après, il est membre de la coordination d’un collectif d’avocats chargé de la défense des bahthistes poursuivis pour complot contre la sûreté intérieure et extérieure de la Mauritanie.
A la question : passer du camp des militants negroafricain à celui des batthistes, est-ce cohérent ? Il répond : « A chaque fois qu’un homme est accusé devant une juridiction, il doit bénéficier de la meilleure défense possible pour que sa cause soit entendue. Idéologiquement, je n’adhère pas aux causes de mes clients. Ils ont un besoin de justice. Il doit être satisfait.
C’est le seul moyen de rendre crédible et acceptable la décision qui sera prise. Le conflit né quand mon client essaye de me faire adhérer à sa cause. Je ne suis pas dans une logique de sympathie ou d’antipathie. Je suis dans une logique de défense technique. »
C’est certainement ce « fondamentalisme judiciaire » qui a conduit Me Diabira à prendre la défense des présumés génocidaires à la barre du TPIR. Il n’a pas fait le voyage d’Arusha pour rien. Avec un confrère français, Me François Roux du barreau de Montpellier, il a obtenu l’acquittement en appel, le 04 juillet 2002, de l’ancien bourgmestre de Mabanza, préfecture de Kibuye (Rwanda). C’est le premier acquitté du TPIR.
Pour sauver Le bourgmestre, les deux avocats ont démontré, avec des preuves recueillies sur le terrain au Rwanda (en dépit l’hostilité des autorité à aider à l’établissement d’éléments à décharge) qu’il n’a pas trempé dans génocide. Et que, mieux : il a risqué sa vie pour sauver des tutsis de la folie meurtrière. Des justes comme lui (le bourgmestre), il y en a eu, rive gauche et rive droite, pendant les pogroms de 89.
Quelles leçons la Mauritanie, qui traîne un lourd passif humanitaire, peut-elle tirer de l’expérience du TPIR ? Une seule, selon Me Maroufa : On ne peut pas durablement construire la paix sur l’impunité. La Mauritanie doit, selon lui, ratifier les statuts de la cour pénale internationale (CPI) pour se prémunir contre les dysfonctionnements internes, obstacles à la traduction des présumés auteurs de crimes contre l’humanité devant les juridiction nationales.
Me Diabira, membre fondateur de l’ONG anti-esclavagiste SOS Esclaves est né à Diaguily (Guidimagha) en 1945. Comment un homme issu d’une ethnie (Soninké) réputée esclavagiste vit-il son militantisme auprès des siens ? « Tous les esclavages sont hideux, qu’ils soient soninké, maure ou autres » Répond Me Diabira.
C’était bestial
La période la plus douloureuse de la longue carrière d’avocat de Me diabira : l’exécution de 03 militaires negroafricain, accusés de complot en 1987. Paupière baisées sur ses yeux habituellement largement ouverts, il dit « j’ai eu le sentiment d’accompagner un assassinat. Ca m’a rendu triste » Me Diabira, un des rares avocat mauritanien à afficher sa position de principe contre la peine capitale, parle d’assassinat des trois jeunes lieutenants.
Maaouya Ould Sid Ahmed Taya, président de la république, avait refusé la dernière plaidoirie pour un recours en grâce. Trois jours après le verdict, malgré cette privation du dernier recours, ils ont été passés aux armes. Pour Me Diabira, « toute exécution d’une condamnation à mort est un échec de l’intelligence de l’Humanité » et « si de surcroît, le condamné n’était as passible de mort, c’est un assassinat. »
Comme dans une cour d’assise, il explique que la loi, en cas de complot démasqué au stade de la préparation intellectuelle, ne prévoie pas la peine capitale, mais un maximum de dix ans de réclusion. Le complot de 1987 n’a pas connu de début d’exécution. Me Diabira qui a assisté aux exécutions des trois lieutenants, reste peu loquace sur les conditions dans lesquelles elles se sont déroulées. Sa seule description est « c’était bestiale. »
Ce que le soixante-huitard a perdu en fougue, il l’a gagné en sagesse au fil des ans et des combats.
En dépit de ces souvenirs douloureux, Me diabira va au-delà des ressentiments. Ce que le soixante-huitard a perdu en fougue, il l’a gagné en sagesse au fil des ans et des combats. Pour lui, les trois militaires doivent être réhabilités et leurs ayants droit considérés comme des victimes des crimes commis dans la période 90-91 en Mauritanie par un régime sanguinaire.
Me Diabira, malgré son amour des prétoires, n’a pas résisté à la tentation de la participation politique. En 1984, il entre dans le gouvernement de Haidalla comme ministre des mines de l’industrie et du tourisme et ministre de la culture de la jeunesse et des sports. Il a été également membre fondateur de la commission de supervision des structures d’éducation des masses dans le Brakna. A la question : que retenez-vous de cette période, nostalgique, il répond « c’était l’une des périodes les plus propices à la construction d’une Mauritanie plurielle »
La période Haidalla, c’était aussi celle des flagellations, des amputations de mains et des exécutions capitales. Comment le soixante-huitard de Nanterre, l’abolitionniste se sentait-il dans cette ambiance ? « L’erreur principale de Haidalla a été l’application de la charia en matière pénale. Je le lui ai dit » affirme-t-il. Il ajoute « pendant tout le temps que j’ai passé au gouvernement, il n’y a pas eu d’exécution capitale, de flagellation ou d’amputation et comme avocat, je me suis battu contre l’application de ces peines dégradantes et handicapantes. »
En 1991, Me Diabira Maroufa revient à la politique comme membre fondateur de l’UFD et du FDUC. Cette deuxième parenthèse sera vite fermée. Il prend la tête du GERDES en 1993 et rendosse sa robe noire.
Le soixante-huitard de Nanterre revient à ses moutons : la société civile et les prétoires. Le militantisme pur s’accommode mal de la stratégie, des calculs politiciens.
Khalilou Diagana
khalioubi@yahoo.fr
source:cridem