
En Mauritanie, des centaines de milliers de Noirs sont toujours réduits en servitude. Biram Dah Abeid, militant de l’ONG SOS-Esclaves dénonce un phénomène largement sous-estimé.
La Mauritanie a interdit l’esclavage en 1980, mais aucun maître n’a encore été condamné à des peines de prison. Biram Dah Abeid, un affranchi, donnait récemment une conférence au titre provocateur : « L’esclavage et l’islam ».
Rencontre à Genève.
Quelles formes prend l’esclavage dans la Mauritanie d’aujourd’hui ?
L’esclave domestique est rattaché au maître et à sa famille. Il accomplit toutes les tâches ménagères pénibles, sans rétribution. Il n’a aucun droit sur ses enfants, ne peut accéder à la propriété, ni aller à l’école. Il est privé d’état civil et peut être cédé, loué, gagé ou prêté. Cette condition se transmet de génération en génération et les enfants, qui doivent travailler dès leur plus jeune âge, sont partagés entre les membres de la famille du maître. 300’000 – 500’000 personnes sont concernées [100’000 selon Le Monde], dans un pays de 4 millions d’habitants.
Il y a aussi l’esclavage sexuel. Le code musulman malékite, version locale de la sharia islamique, donne au maître le droit de cuissage sur ses femmes, indépendamment de leur nombre, leur âge et leur consentement. Toutes les filles en servitude sont mères très jeunes et leur progéniture n’est pas affranchie de ce joug. 80% de la population d’esclaves est composée de femmes et d’enfants parce que les garçons, dès l’adolescence, s’enfuient pour aller grossir les rangs des bidonvilles. Chaque responsable mauritanien possède des esclaves - certaines familles en ont des milliers – et il y en a même dans les ambassades et les missions diplomatiques mauritaniennes à l’étranger.
Enfin, il y a les esclaves agricoles. Ils cultivent les terres, mais n’ont aucun droit à la propriété.
L’Etat ne fait-il rien pour lutter contre ce fléau ?
Il a criminalisé l’esclavage en 2007. Mais le code malékite est la source de la législation et aucune loi ne peut le contredire. En 2008, notre ONG a déposé 143 plaintes, mais elles ont toutes été déboutées. Les lois sont destinées seulement à l’Occident.
Un esclave peut-il s’affranchir ?
Oui, son maître peut l’affranchir, mais il ne devient jamais un homme libre. Les affranchis subissent une « castification », une discrimination comparable à celle des Intouchables en Inde. Il y a entre 1’200’000 et 1’600’000 affranchis. Moi-même, j’en suis un, ce qui ne m’évite pas les stigmates.
La brève parenthèse démocratique n’a-t-elle donc rien changé ?
Non ! L’ossature du système de domination, esclavage et discrimination raciale érigée par les Maures est restée intact. Le génocide perpétré contre les Noirs, entre 1986 et 1992, et l’esclavage sont restés impunis et leurs auteurs sont toujours les vrais dirigeants du système.
Source: Isolda Agazzi/Infosud/Tribune des droits humains
(avomm.com)
La Mauritanie a interdit l’esclavage en 1980, mais aucun maître n’a encore été condamné à des peines de prison. Biram Dah Abeid, un affranchi, donnait récemment une conférence au titre provocateur : « L’esclavage et l’islam ».
Rencontre à Genève.
Quelles formes prend l’esclavage dans la Mauritanie d’aujourd’hui ?
L’esclave domestique est rattaché au maître et à sa famille. Il accomplit toutes les tâches ménagères pénibles, sans rétribution. Il n’a aucun droit sur ses enfants, ne peut accéder à la propriété, ni aller à l’école. Il est privé d’état civil et peut être cédé, loué, gagé ou prêté. Cette condition se transmet de génération en génération et les enfants, qui doivent travailler dès leur plus jeune âge, sont partagés entre les membres de la famille du maître. 300’000 – 500’000 personnes sont concernées [100’000 selon Le Monde], dans un pays de 4 millions d’habitants.
Il y a aussi l’esclavage sexuel. Le code musulman malékite, version locale de la sharia islamique, donne au maître le droit de cuissage sur ses femmes, indépendamment de leur nombre, leur âge et leur consentement. Toutes les filles en servitude sont mères très jeunes et leur progéniture n’est pas affranchie de ce joug. 80% de la population d’esclaves est composée de femmes et d’enfants parce que les garçons, dès l’adolescence, s’enfuient pour aller grossir les rangs des bidonvilles. Chaque responsable mauritanien possède des esclaves - certaines familles en ont des milliers – et il y en a même dans les ambassades et les missions diplomatiques mauritaniennes à l’étranger.
Enfin, il y a les esclaves agricoles. Ils cultivent les terres, mais n’ont aucun droit à la propriété.
L’Etat ne fait-il rien pour lutter contre ce fléau ?
Il a criminalisé l’esclavage en 2007. Mais le code malékite est la source de la législation et aucune loi ne peut le contredire. En 2008, notre ONG a déposé 143 plaintes, mais elles ont toutes été déboutées. Les lois sont destinées seulement à l’Occident.
Un esclave peut-il s’affranchir ?
Oui, son maître peut l’affranchir, mais il ne devient jamais un homme libre. Les affranchis subissent une « castification », une discrimination comparable à celle des Intouchables en Inde. Il y a entre 1’200’000 et 1’600’000 affranchis. Moi-même, j’en suis un, ce qui ne m’évite pas les stigmates.
La brève parenthèse démocratique n’a-t-elle donc rien changé ?
Non ! L’ossature du système de domination, esclavage et discrimination raciale érigée par les Maures est restée intact. Le génocide perpétré contre les Noirs, entre 1986 et 1992, et l’esclavage sont restés impunis et leurs auteurs sont toujours les vrais dirigeants du système.
Source: Isolda Agazzi/Infosud/Tribune des droits humains
(avomm.com)