Domestique, sexuel ou agricole, l'esclavage perdure en Mauritanie. LEXPRESS.fr a assisté à une conférence de presse animée, mardi au Grand Palais à Paris, autour de la question.
"Je suis esclave depuis ma naissance. J'ai été séparé de mes parents, de mon frère et de ma soeur. Je travaillais dur pour mon maître, sans rétribution et toute la journée. Quand celui-ci me battait, il me disait de ne pas crier car ça pourrait gêner les voisins".
Il n'est pas besoin de beaucoup de mots pour comprendre que la jeunesse de Yahiya Ould Brahim n'a rien de comparable à celle de ses contemporains occidentaux. Un récit anachronique. Le quotidien, pourtant, de centaines de milliers de Mauritaniens. Combien d'années d'asservissement? Il n'en a aucune idée, il n'avait pas d'état civil. Suffisamment longtemps, en tout cas, pour qu'un jour de 1999, il prenne son courage à deux mains, et s'enfuit, se "libère".
Mardi, Yahiya Ould Brahim participait à une conférence de presse, au Centre d'Accueil de la Presse Etrangère à Paris, à l'intitulé sensible: "L'esclavage en terre d'Islam. Pourquoi les maîtres mauritaniens n'affranchissent pas leurs esclaves".
Ce titre ne doit rien au hasard: il s'inspire pour partie du nom donné par l'anthropologue Malek Chebel, à un de ses ouvrages publié voici deux ans (L'esclavage en terre d'Islam, Fayard, 2007). L'auteur était d'ailleurs présent aux côté de l'ex-esclave. Avec eux, Biram Ould Dah Ould Abeid. Membre de SOS esclaves en Mauritanie, il sillonne le pays pour faire connaître, et surtout reconnaître ce fléau.
Trois types d'esclavage
"Il persiste toujours un esclavage traditionnel, explique-t-il, la voix empreinte de colère. Celui-ci prend trois formes. Tout d'abord, domestique, par laquelle l'esclave est attaché au maître durant toute sa vie, sans contact avec sa famille d'origine. Ensuite, sexuelle, permettant au maître d'avoir un droit de cuissage sur toute les femmes travaillant pour lui. Enfin, agricole, les esclaves étant chargés des travaux les plus durs, des tâches considérées comme les plus avilissantes par le groupe dominant arabo-berbère".
Ainsi en Mauritanie, la population est répartie en deux groupes: les Maures et les Négro-Mauritaniens. C'est au sein du premier ensemble, composé d'arabo-berbère ("Blancs") et de "Maures noirs", que les cas d'esclavage sont relevés en nombre, même si cette pratique existe dans quasiment toutes les ethnies du pays.
Si l'on n'est pas esclave par condition, on l'est de toute manière par statut. "Plusieurs de mes amis, qui ont fait de grandes écoles, et occupent actuellement des postes importants dans la société mauritanienne, sont en fait encore des esclaves, explique Biram Ould Dah Ould Abeid. Chaque année, leur "ancien" maître passe les voir, et récupère des offrandes de toutes sortes. Les victimes de ce racket craignent que leur statut ne soit révélé et obtempèrent sans sourciller".
Esclave et haut responsable, ne sont pas des termes antinomiques. Beaucoup d'asservis ont été envoyés dans les écoles françaises durant la colonisation à la place des fils de familles arabo-berbères, le français étant synonyme de chrétienté, selon la thèse développée par Mohamed Yahya Ould Ciré, président de l'association des Haratine d'Europe.
On appelle Haratine, les affranchis. Chanceux? Pas tout à fait. "Là encore, souligne Mohamed Yahya Ould Ciré, les liens entre maître et esclave perdurent. Il est souvent alors question d'une dette, dont l'ancien esclave doit s'acquitter pour avoir recouvré la liberté."
La responsabilité de l'Islam?
Reste la question controversé de la responsabilité de l'Islam? Pour Biram Ould Dah Ould Abeid, le code malékite (courant nord-africain du sunnisme), "foncièrement obscurantiste", est instrumentalisé par le groupe dominant: "L'esclave ne peut gagner le paradis que si le maître le lui permet, grâce à une vie avilissante". En n'interdisant pas formellement la pratique de l'esclavage, l'Islam l'a admis de fait, constate pour sa part Mohamed Yahya Ould Ciré, bien que "des pistes aient été formulées pour inciter à l'affranchissement".
La tension monte d'un cran. Malek Chebel se désolidarise de cette vision. "J'estime que c'est avant tout la structure féodale de la société mauritanienne qui entretient cette pratique. On ne peut pas faire de généralité. L'Islam n'est pas en faveur de l'esclavage, c'est une interprétation erronée qui en fait un instrument de domination". Une question qui demeure visiblement difficile à trancher.
Depuis 1981, date de l'abolition de l'esclavage en Mauritanie, aucune poursuite n'a été entreprise à l'égard des maîtres. En août 2007, une loi criminalisant la pratique esclavagiste a pourtant été promulguée. Pour Yahiya Ould Brahim, plus question de faire confiance à l'Etat mauritanien, il se sait désormais bien plus en sécurité en Europe.
Source: lexpress
"Je suis esclave depuis ma naissance. J'ai été séparé de mes parents, de mon frère et de ma soeur. Je travaillais dur pour mon maître, sans rétribution et toute la journée. Quand celui-ci me battait, il me disait de ne pas crier car ça pourrait gêner les voisins".
Il n'est pas besoin de beaucoup de mots pour comprendre que la jeunesse de Yahiya Ould Brahim n'a rien de comparable à celle de ses contemporains occidentaux. Un récit anachronique. Le quotidien, pourtant, de centaines de milliers de Mauritaniens. Combien d'années d'asservissement? Il n'en a aucune idée, il n'avait pas d'état civil. Suffisamment longtemps, en tout cas, pour qu'un jour de 1999, il prenne son courage à deux mains, et s'enfuit, se "libère".
Mardi, Yahiya Ould Brahim participait à une conférence de presse, au Centre d'Accueil de la Presse Etrangère à Paris, à l'intitulé sensible: "L'esclavage en terre d'Islam. Pourquoi les maîtres mauritaniens n'affranchissent pas leurs esclaves".
Ce titre ne doit rien au hasard: il s'inspire pour partie du nom donné par l'anthropologue Malek Chebel, à un de ses ouvrages publié voici deux ans (L'esclavage en terre d'Islam, Fayard, 2007). L'auteur était d'ailleurs présent aux côté de l'ex-esclave. Avec eux, Biram Ould Dah Ould Abeid. Membre de SOS esclaves en Mauritanie, il sillonne le pays pour faire connaître, et surtout reconnaître ce fléau.
Trois types d'esclavage
"Il persiste toujours un esclavage traditionnel, explique-t-il, la voix empreinte de colère. Celui-ci prend trois formes. Tout d'abord, domestique, par laquelle l'esclave est attaché au maître durant toute sa vie, sans contact avec sa famille d'origine. Ensuite, sexuelle, permettant au maître d'avoir un droit de cuissage sur toute les femmes travaillant pour lui. Enfin, agricole, les esclaves étant chargés des travaux les plus durs, des tâches considérées comme les plus avilissantes par le groupe dominant arabo-berbère".
Ainsi en Mauritanie, la population est répartie en deux groupes: les Maures et les Négro-Mauritaniens. C'est au sein du premier ensemble, composé d'arabo-berbère ("Blancs") et de "Maures noirs", que les cas d'esclavage sont relevés en nombre, même si cette pratique existe dans quasiment toutes les ethnies du pays.
Si l'on n'est pas esclave par condition, on l'est de toute manière par statut. "Plusieurs de mes amis, qui ont fait de grandes écoles, et occupent actuellement des postes importants dans la société mauritanienne, sont en fait encore des esclaves, explique Biram Ould Dah Ould Abeid. Chaque année, leur "ancien" maître passe les voir, et récupère des offrandes de toutes sortes. Les victimes de ce racket craignent que leur statut ne soit révélé et obtempèrent sans sourciller".
Esclave et haut responsable, ne sont pas des termes antinomiques. Beaucoup d'asservis ont été envoyés dans les écoles françaises durant la colonisation à la place des fils de familles arabo-berbères, le français étant synonyme de chrétienté, selon la thèse développée par Mohamed Yahya Ould Ciré, président de l'association des Haratine d'Europe.
On appelle Haratine, les affranchis. Chanceux? Pas tout à fait. "Là encore, souligne Mohamed Yahya Ould Ciré, les liens entre maître et esclave perdurent. Il est souvent alors question d'une dette, dont l'ancien esclave doit s'acquitter pour avoir recouvré la liberté."
La responsabilité de l'Islam?
Reste la question controversé de la responsabilité de l'Islam? Pour Biram Ould Dah Ould Abeid, le code malékite (courant nord-africain du sunnisme), "foncièrement obscurantiste", est instrumentalisé par le groupe dominant: "L'esclave ne peut gagner le paradis que si le maître le lui permet, grâce à une vie avilissante". En n'interdisant pas formellement la pratique de l'esclavage, l'Islam l'a admis de fait, constate pour sa part Mohamed Yahya Ould Ciré, bien que "des pistes aient été formulées pour inciter à l'affranchissement".
La tension monte d'un cran. Malek Chebel se désolidarise de cette vision. "J'estime que c'est avant tout la structure féodale de la société mauritanienne qui entretient cette pratique. On ne peut pas faire de généralité. L'Islam n'est pas en faveur de l'esclavage, c'est une interprétation erronée qui en fait un instrument de domination". Une question qui demeure visiblement difficile à trancher.
Depuis 1981, date de l'abolition de l'esclavage en Mauritanie, aucune poursuite n'a été entreprise à l'égard des maîtres. En août 2007, une loi criminalisant la pratique esclavagiste a pourtant été promulguée. Pour Yahiya Ould Brahim, plus question de faire confiance à l'Etat mauritanien, il se sait désormais bien plus en sécurité en Europe.
Source: lexpress