Moustapha: L’homme qui ressuscita le cinéma

En cherchant à réaliser du profit, Moustapha a décidé d’utiliser un projecteur et un écran en lieu et place du téléviseur et du lecteur DVD qu’on trouve habituellement chez les gérants de salles de vidéo. Il permet du coup aux cinéphiles de Medina R de renouer avec l’ambiance des salles obscures.

Vu de loin, le local situé à quelques encablures de l’école 5, ressemble à une salle de vidéo. Mais vu de près, on ne saurait la qualifier de telle. Son gérant, Moustapha, la vingtaine révolue, en lieu et place de téléviseur et d’un lecteur de DVD, utilise un projecteur et un mur comme écran. En quelque sorte, il a ressuscité le cinéma aussi bien pour les habitants de Médina R que ceux de l’Ilot G ou encore de Socim qui n’en avaient plus depuis la fermeture des salles obscures au niveau des quartiers populaires de Nouakchott.

Cela fait longtemps que l’idée de faire revivre le cinéma lui trotte derrière la tête, mais ce n’est que l’année dernière qu’il s’en est ouvert à son patron, nigérian de son état. Sachant que cela rapporte mieux qu’une salle de vidéo, ce dernier a suivi les conseils de son employé, et a acquis un projecteur de son Nigeria natal.

Le succès est au rendez-vous aujourd’hui. La salle gérée par Moustapha est actuellement le réceptacle des cinéphiles de Médina R et des quartiers situés aux alentours, des férus de grand écran et des nostalgiques qui ont connu les salles obscures qui ont mis la clef sous le paillasson depuis belle lurette, comme le cinéma Oasis, El Mouna, Mina Elven, Saada, entres autres. À la clientèle qu’il était parvenu à fidéliser du temps où il utilisait «un lecteur DVD et un téléviseur, est venue s’ajouter une autre, des gens qu’il ne connaissait pas auparavant». On paye un ticket d’entrée chez Moustapha parce qu’on a envie de voir un film que l’on n’a pas encore vu. On paye un ticket chez Moustapha parce qu’on veut voir sur grand écran un film qu’on déjà visionné sur petit écran.

«Tapha est un type correct vous ne le verrez jamais projeter un film prohibé», assure quelqu’un qui le connaît bien. En somme les films qu’il a l’habitude de passer sont surtout les films d’action, américains et chinois». «Il se limite à projeter les films qu’il affiche sur le tableau situé devant son local, c’est-à-dire les films de guerre, policiers…», confirme un client fidèle. Il pratique un commerce propre. Son projecteur lui fait recette. «J’ai rehaussé mes prix. Avant l’entrée en exploitation du projecteur, le ticket s’élevait à 50 UM. Actuellement, il s’élève à 60 UM. Ainsi, je peux réaliser jusqu’à 4.000 UM de recette quotidienne», confie l’intéressé et de poursuivre que «les gains générés par une salle munie d’un projecteur sont plus importants que celle équipée d’un simple téléviseur».
Moustapha a réussi son challenge, à savoir offrir des images sur un grand écran et en retour réaliser du profit tout en réhaussant son salaire mensuel.

Comme toute activité, le métier de gérant de salle de projection a aussi des bas. «Je ne dirais pas que tout va mal, mais tout de même je rencontre des difficultés en ce qui concerne l’exploitation de la salle que je gère», souligne l’intéressé. L’impôt prélevé (injustement) par la police à hauteur de 2.000 UM tous les quinze jours ne fait pas l’affaire de Moustapha. Tout comme l’exigüité de sa salle. Elle est si petite qu’elle n’arrive pas à contenir ses clients. Si certains peuvent rester deux heures durant devant la porte d’une salle pour regarder des images défiler sur un écran, d’autres ne sont pas capables d’en faire autant. Il m’arrive de voir des clients rentrer chez eux parce qu’ils n’ont pas eu de place. La conjoncture économique aussi lui est défavorable. «Certains clients aujourd’hui refusent de payer le ticket à 60 UM, je suis obligé parfois de rabattre le tarif d’entrée à 50 UM, car les gens n’ont pas d’argent», remarque l’intéressé. Son locataire, peu tendre, lui pose problème tant du point de vue du loyer, qu’il a fortement rehaussé d’un coup, que des factures d’électricité. «Au temps où mon compteur divisionnaire était installé dans ma boîte, je payais habituellement 4.000 voire 5.000 UM tous les deux mois, mais depuis que mon locataire a transféré mon compteur dans son domicile, il me fait payer entre 12.000 et 13.000 UM tous les deux mois», se plaint Moustapha. «Mais je suis obligé de me soumettre» renchérit-il «parce qu’il est difficile de quitter une salle qui nous permet d’avoir des clients». Malgré les difficultés qu’il rencontre, Moustapha garde tout de même l’espoir. «Actuellement, nous sommes en train d’économiser pour louer une maison, afin d’ouvrir une salle de PlayStation, un Canal et une salle de projection de films. Le carrefour est l’endroit idéal. Dans ce quartier, les enfants adorent la PlayStation, les passionnés de football font légion et le projecteur ne manquera pas d’attirer de la clientèle», affirme-t-il, sûr de lui.

S. Camara

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Source: biladi
(M) avomm