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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

Une histoire d'amour (par Pierre Foglia)

''En guise d'avant-propos: le jeu consistait à résumer sa vie en six mots. J'avais rapporté dans cette chronique quelques réponses, dont celle, toute simple et lumineuse, de Magalie: Née en Haïti, élevée au Lac-Saint-Jean.''


Une histoire d'amour (par Pierre Foglia)
J'avais aussitôt reçu quelques courriels de lecteurs enthousiastes: une Magalie haïtienne élevée au Lac-Saint-Jean? Il faut que ce soit la magnifique, la spectaculaire Magalie Boutin. Un de mes collègues à La Presse en a rajouté: Hé, ta Magalie c'est la grande chum à ma blonde, elles ont nagé ensemble au Rouge et Or.

T'as dis lumineuse? Tu ne pouvais pas mieux la décrire. Je l'ai rencontrée chez elle quelques semaines plus tard. Elle m'a ouvert la porte et j'ai fait wow! Même si c'est pas poli. Ciel et pattes de gazelle, elle était bien plus grande encore que je l'imaginais, et bien plus noire. J'ai d'abord pensé au noir des poèmes d'Aimé Césaire, mais c'était juste parce que Césaire était mort la veille, en fait elle n'est pas de ce noir-là du tout, la poésie de Césaire est d'un noir offensé, alors que Magalie est d'un noir innocent, d'un noir qui ne sait même pas qu'il est nègre et qui s'en fout éperdument. Ses deux petits garçons jouaient dans le salon. Sa maman était là aussi. C'est son histoire que je raconte ici, l'histoire de Magalie, mais surtout de la maman de Magalie et de son papa et de ses frères, une histoire de famille, une histoire d'amour.

On est en 1978 à Alma. Danielle Beaumont est mariée à Raynald Boutin. Elle est institutrice. Lui est prof d'éducation physique. Elle a 28 ans, lui 29. Ils ont trois garçons. Le plus vieux, Yan, a 6 ans. Celui du milieu, Chad, 4 ans et demi. Le dernier, Dannick, 3 ans. Et voilà, c'est déjà tout réglé pour les enfants, de toute façon Danielle ne peut plus en avoir.

Danielle: Je n'étais pas du tout une «super maman». Pas question que je reste à la maison, pas question que je laisse l'enseignement, je faisais du théâtre amateur et c'était important aussi.

Le père, lui, était très impliqué dans les loisirs et les sports à Alma. Une gardienne à demeure s'occupait des enfants. Les Boutin vivaient dans une belle grande maison, dans le rang Scott, à cinq kilomètres d'Alma.

C'était réglé pour les enfants, mais pas tout à fait. Danielle avait un regret qui la taraudait de plus en plus: une fille. Et si on en adoptait une? Raynald s'est laissé convaincre assez facilement. Ils se sont adressés à une agence privée. Le 4 avril 1978, coup de téléphone de l'agence:

Vous voulez une fille? On en a deux. Des jumelles. Elles ont à peu près 4 mois, on ne sait pas exactement leur âge. Les couples qui vous précèdent sur la liste ont tous décliné.

Ils ont pris la nuit pour y penser. Le lendemain Danielle a rappelé l'agence: OK.

Ils ont annoncé aux garçons qu'ils allaient avoir deux petites soeurs d'une autre couleur. À Alma, en 1978, les enfants étaient d'une seule couleur. Alors un dimanche, toute la famille est allée à Chicoutimi chez un couple qui avait adopté une petite fille noire. Les garçons l'ont prise dans leurs bras, sauf Dannick qui, à 3 ans, était trop petit, mais pas fou, il a bien vu qu'elle avait les mains sales, il a essayé de les frotter: allons bon, ça ne partait pas.

Ils sont retournés à Alma, ils ont attendu deux mois.

Danielle: Ma pire grossesse. On nous avait dit qu'elles n'étaient pas en très bonne santé et que pour cela on accélérerait les démarches administratives, je trouvais que ça n'accélérait pas beaucoup. Je ne les portais pas dans mon ventre mais j'avais des crampes pareil, on nous avait envoyé une mauvaise photo que j'ai usée à force de la regarder et de la montrer à tout le monde. J'ai finalement accouché le 6 juin, je veux dire j'ai pris l'avion pour Port-au-Prince le 6 juin 1978, il y a tout juste 30 ans.

Raynald l'accompagnait. Les garçons étaient chez les grands-parents. Le monsieur de l'agence qui les attendait à l'aéroport de Port-au Prince les a conduits directement à l'orphelinat. Danielle se souvient qu'il y avait des poules dans la cour, que des enfants de tous les âges les entouraient, espérant qu'ils étaient venus pour eux. Les petites étaient couchées dans la même bassinette.

Danielle: Un bonheur fou nous a aussitôt envahis. On les a prises dans nos mains, elles ne pesaient rien, décharnées, minuscules, le ventre ballouné comme les enfants sous-alimentés. Elles avaient plein de bobos. Elles étaient vraiment très noires, de ce noir si noir qui fait dire aux Haïtiens qu'elles venaient probablement des montagnes. On n'a jamais su d'où exactement, les religieuses de l'orphelinat non plus. Quelqu'un les avait recueillies de quelqu'un qui les avait trouvées, elles avaient finalement échoué chez un curé qui les avait confiées à l'orphelinat.

Magalie et Sabrina.

Magalie pleurait. Sabrina avait le regard éteint. Les deux avaient la diarrhée. Danielle et Raynald ont quitté Port-au-Prince avec leurs petits paquets à 6h du matin. Ils avaient laissé leur auto à Dorval, sont arrivés à Alma à minuit. Sont allés chercher les trois garçons chez les grands-parents.

Voici vos petites soeurs, les garçons. Les deux plus grands en ont pris chacun une. Le plus petit a fait la baboune: Pourquoi t'en as pas acheté trois?

Tout s'est placé rapidement. Au bout de quelques jours, les bébés filles se sont mises à manger comme des défoncées, elles n'avaient pas de fond. Le visage de Sabrina s'est illuminé. Magalie ne pleurait plus. Elles s'endormaient en se tenant par la main. Et quand on les promenait dans la même double poussette, tout Alma s'ébaudissait: comme elles sont noires! Comme elles sont belles! Jamais rien de plate, sauf une fois, une terrible fois quand même, une voisine, voyant Danielle embrasser les jumelles, a fait la grimace en disant: Comment tu fais pour donner des becs à ça?

Pour le reste, que de la discrimination positive. Ce qui pose un autre genre de problème. Danielle toujours interpellée dans la rue et dans les allées de l'épicerie, toujours à raconter la même histoire, et forcément les petites qui deviennent des attractions. Danielle et Raynald ont vu à ce qu'elles ne deviennent pas des emmerdeuses, ce qui guette souvent les attractions. Une fois, Magalie a donné un coup de pied à un petit garçon qui venait de la traiter de négresse, c'était pendant le cours d'éducation physique, le prof - son le père en l'occurrence - l'a envoyée au coin...

Oui mais papa...

Tais-toi! Regarde le mur.

Elles ont été de très bonnes élèves. Puis des ados populaires auprès des garçons. Mais elles étaient aussi fort occupées à nager, imitant en cela deux de leurs frères déjà d'un bon niveau universitaire. Les jumelles les ont dépassés, atteignant le niveau national, Sabrina en brasse, Magalie comme sprinteuse. D'ailleurs quand on voit leurs épaules, on les croirait plutôt d'origine est-allemande que haïtienne. C'est une blague, bon.

Pour leur trentième anniversaire, Danielle et Raynald leur ont adressé une lettre pour les remercier de... de les avoir adoptés!

Merci les filles de nous avoir adoptés, d'avoir adopté vos frères et toute la famille, et nos amis, et notre environnement. Merci d'être aussi belles, aussi bien dans votre peau, aussi chaleureuses. Merci pour cette histoire d'amour. Merci à la vie. Signé: papa, maman.


Source: cyberpresse
(M)
Samedi 10 Mai 2008 - 15:27
Samedi 10 Mai 2008 - 15:46
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