
Commençons par le plus inquiétant. La répression des manifestations est venue nous rappeler que les relents totalitaires sont encore vivaces. Que la police est toujours prête à frapper. Que l’Autorité a encore tendance à distribuer des coups.
Le limogeage du directeur de la télévision à la suite des «(d)ébats» de l’autre soir vient rappeler qu’on n’a pas le droit à l’erreur en termes d’allégeance.
Les épisodes d’Accra et du Luxembourg indiquent jusqu’où le ridicule peut amener une classe politique – visiblement insouciante - à exporter le linge sale de chez eux.
Toutes ces raisons d’inquiéter découlent des déviances et des insuffisances de la transition. Notre classe politique a cru qu’elle pouvait faire l’économie d’une remise à niveau, s’éviter la remise en cause et tout avoir gratuitement, sans effort. Les auteurs du 3 août et du changement qui en a découlé ont cru, eux, que la rupture n’était pas nécessaire et qu’ils pouvaient faire le neuf avec le… vieux. Nos partenaires se sont vus parrainer et s’approprier un modèle à bas prix.
Les raisons d’espérer, c’est d’abord cette sortie politique de Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée nationale, président de l’APP qui a présentement la direction du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD). Jusque-là, le front n’a pas clairement exprimé de propositions mise à part celle que personne ne croit sincère : le retour de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Jusque-là il a manqué une voix qui a assez de légitimité et assez d’envergure pour faire des propositions à même d’avoir force de base de travail. Confrontée à la délibération adoptée par les parlementaires qui soutiennent le putsch, la proposition de Ould Boulkheir est une sérieuse avancée sur la voie du dialogue nationale autour de la sortie de crise. Elle ne peut être refusée que par une seule personne : Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui s’estime encore bénéficier de la légitimité et de l’envergure dont il a été investi le 19 avril 2007, et qui, pour cela, est en droit de refuser le rôle qu’on lui donne dans la proposition.
C’est aussi les propos du Général Mohamed Ould Abdel Aziz sur les ondes de VOA et qui confirment les préjugés favorables dont il bénéficiait dans certains milieux. Il est difficile de croire qu’un homme qui a eu le pouvoir entre les mains en juin 2003, août 2004, août 2005 et depuis avril 2007, et qui n’en a pas profité, il est difficile de le prendre pour un assoiffé de pouvoir. Non, le Général Ould Abdel Aziz a bien un souci qui se dessine aujourd’hui autour d’un projet semblable à celui de 2005. Avec cette différence de taille : en 2005, le projet a été proposé par la junte, aujourd’hui, c’est aux Mauritaniens représentés par l’ensemble des acteurs de la vie publique de concevoir ce projet et de l’adopter.
Nous avons besoin de réhabiliter la politique en s’abstenant de chercher systématiquement des raisons cachées aux positionnements exprimés des uns et des autres. Pour cela faire adopter par les politiques un comportement transparent et exigeant. Rompre avec la tricherie, les manœuvres dilatoires, la rétention de l’information, les fausses lectures, la manipulation… la transparence commence par là. L’obligation de résultat, la loyauté envers l’électorat, le respect des engagements pris, la recherche continuelle de l’intérêt général… le renouveau politique commence par ces exigences.
Nous avons besoin de dirigeants qui pensent à nous comme un chef d’entreprise penserait à ses employés. Comment les rendre heureux pour travailler mieux et produire plus. Comment les amener à le servir avec plaisir et loyauté. Comment leur améliorer leurs conditions de vie et les tranquilliser sur leur prise en charge par une compétence réelle… Non pas chercher continuellement à régler des comptes ici, à faire des blocages là ; ne pas être aveuglé par l’intérêt particulier (personnel ou partisan), ne pas chercher à venger une frustration, une attitude… s’occuper du bien et non de faire mal.
Nous avons besoin de discuter, de nous écouter les uns les autres et d’imaginer par nous-mêmes une issue de secours autre que celle qui risque de nous être imposée. De la gestion passée, nous avons hérité l’émiettement et la pauvreté (dans tous les sens). Combien de partis ? de journaux ? d’ONG’s ? de syndicats ? sur tous les chiffres combien sont réellement actifs ? Pensez-y. Pensez aussi que nous sommes le seul pays qui a trois présidents : le mandat de Ould Taya, interrompu en août 2005, court toujours (décembre 2008) ; le mandat de Ould Cheikh Abdallahi court toujours (mars 2012) ; en plus du Général Ould Abdel Aziz qui est le chef d’Etat actuel. Alors ?
L’évidence est l’impossibilité du retour en arrière. L’opinion publique l’exprime tant bien que mal. Qui veut faire souffrir la Mauritanie et les Mauritaniens pour le retour de Sidi Ould Cheikh Abdallahi ou Moawiya Ould Taya pour ne parler que de ceux qui peuvent prétendre à la légitimité des urnes ?
La démocratie sans ce retour est possible. Elle est même plus probable et plus jouable. Reconstruire sur des bases plus saines ce qui a été tenté en 2005.
Mohamed Fall O Oumère
_______________________
Source : La Tribune n° 419
(M) avomm
Le limogeage du directeur de la télévision à la suite des «(d)ébats» de l’autre soir vient rappeler qu’on n’a pas le droit à l’erreur en termes d’allégeance.
Les épisodes d’Accra et du Luxembourg indiquent jusqu’où le ridicule peut amener une classe politique – visiblement insouciante - à exporter le linge sale de chez eux.
Toutes ces raisons d’inquiéter découlent des déviances et des insuffisances de la transition. Notre classe politique a cru qu’elle pouvait faire l’économie d’une remise à niveau, s’éviter la remise en cause et tout avoir gratuitement, sans effort. Les auteurs du 3 août et du changement qui en a découlé ont cru, eux, que la rupture n’était pas nécessaire et qu’ils pouvaient faire le neuf avec le… vieux. Nos partenaires se sont vus parrainer et s’approprier un modèle à bas prix.
Les raisons d’espérer, c’est d’abord cette sortie politique de Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée nationale, président de l’APP qui a présentement la direction du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD). Jusque-là, le front n’a pas clairement exprimé de propositions mise à part celle que personne ne croit sincère : le retour de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Jusque-là il a manqué une voix qui a assez de légitimité et assez d’envergure pour faire des propositions à même d’avoir force de base de travail. Confrontée à la délibération adoptée par les parlementaires qui soutiennent le putsch, la proposition de Ould Boulkheir est une sérieuse avancée sur la voie du dialogue nationale autour de la sortie de crise. Elle ne peut être refusée que par une seule personne : Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui s’estime encore bénéficier de la légitimité et de l’envergure dont il a été investi le 19 avril 2007, et qui, pour cela, est en droit de refuser le rôle qu’on lui donne dans la proposition.
C’est aussi les propos du Général Mohamed Ould Abdel Aziz sur les ondes de VOA et qui confirment les préjugés favorables dont il bénéficiait dans certains milieux. Il est difficile de croire qu’un homme qui a eu le pouvoir entre les mains en juin 2003, août 2004, août 2005 et depuis avril 2007, et qui n’en a pas profité, il est difficile de le prendre pour un assoiffé de pouvoir. Non, le Général Ould Abdel Aziz a bien un souci qui se dessine aujourd’hui autour d’un projet semblable à celui de 2005. Avec cette différence de taille : en 2005, le projet a été proposé par la junte, aujourd’hui, c’est aux Mauritaniens représentés par l’ensemble des acteurs de la vie publique de concevoir ce projet et de l’adopter.
Nous avons besoin de réhabiliter la politique en s’abstenant de chercher systématiquement des raisons cachées aux positionnements exprimés des uns et des autres. Pour cela faire adopter par les politiques un comportement transparent et exigeant. Rompre avec la tricherie, les manœuvres dilatoires, la rétention de l’information, les fausses lectures, la manipulation… la transparence commence par là. L’obligation de résultat, la loyauté envers l’électorat, le respect des engagements pris, la recherche continuelle de l’intérêt général… le renouveau politique commence par ces exigences.
Nous avons besoin de dirigeants qui pensent à nous comme un chef d’entreprise penserait à ses employés. Comment les rendre heureux pour travailler mieux et produire plus. Comment les amener à le servir avec plaisir et loyauté. Comment leur améliorer leurs conditions de vie et les tranquilliser sur leur prise en charge par une compétence réelle… Non pas chercher continuellement à régler des comptes ici, à faire des blocages là ; ne pas être aveuglé par l’intérêt particulier (personnel ou partisan), ne pas chercher à venger une frustration, une attitude… s’occuper du bien et non de faire mal.
Nous avons besoin de discuter, de nous écouter les uns les autres et d’imaginer par nous-mêmes une issue de secours autre que celle qui risque de nous être imposée. De la gestion passée, nous avons hérité l’émiettement et la pauvreté (dans tous les sens). Combien de partis ? de journaux ? d’ONG’s ? de syndicats ? sur tous les chiffres combien sont réellement actifs ? Pensez-y. Pensez aussi que nous sommes le seul pays qui a trois présidents : le mandat de Ould Taya, interrompu en août 2005, court toujours (décembre 2008) ; le mandat de Ould Cheikh Abdallahi court toujours (mars 2012) ; en plus du Général Ould Abdel Aziz qui est le chef d’Etat actuel. Alors ?
L’évidence est l’impossibilité du retour en arrière. L’opinion publique l’exprime tant bien que mal. Qui veut faire souffrir la Mauritanie et les Mauritaniens pour le retour de Sidi Ould Cheikh Abdallahi ou Moawiya Ould Taya pour ne parler que de ceux qui peuvent prétendre à la légitimité des urnes ?
La démocratie sans ce retour est possible. Elle est même plus probable et plus jouable. Reconstruire sur des bases plus saines ce qui a été tenté en 2005.
Mohamed Fall O Oumère
_______________________
Source : La Tribune n° 419
(M) avomm