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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

Entretien d'Ousmane Sarr, président AVOMM : Walf Fadjri

Ousmane Abdoul SARR, président de l'association d'aides aux veuves et orphelins de militaires mauritaniens (Avomm) : Nous réclamons une commission d’enquête indépendante’


Les réfugiés mauritaniens en France ont célébré, samedi dernier, le 26 avril, l’anniversaire des tortures et des déportations dont ont été victimes leurs parents par le régime de Ould Taya. La manifestation s'est déroulée au Parvis des Droits de l’homme situé à la Place Trocadéro à Paris. A l’occasion de la manifestation, le président de l’Association des veuves et orphelins des militaires mauritaniens (Avomm), Ousmane Abdoul Sarr, nous a accordé un entretien dans lequel il réclame une commission d’enquête indépendante pour faire la lumière sur les assassinats et les tortures perpétrés par l’ancien régime d’Ould Mohamed Taya. Il en a aussi profité pour rappeler à Sidi Ould Cheikh Abdallahi ses engagements pris durant la campagne électorale présidentielle : le retour des réfugiés et le règlement du passif humanitaire. Quant à la plainte déposée à Bruxelles par son association, le président de l’Avomm dit qu’elle suit son court. D’ailleurs, il sera lui-même entendu dans les prochains jours par le juge bruxellois.

Wal Fadjri : Vous avez manifesté à la place Trocadéro à Paris pour commémorer les déportations qui ont eu lieu en avril 1989…

Ousmane Abdoul Sarr : Oui, cela fait 18 ans déjà. Cela a été l’occasion de faire le point d’un an du régime du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et de lui rappeler les engagements qu’il avait pris lors de la campagne électorale qui a vu son couronnement et son avènement à la tête du pays.

Wal Fadjri : Et quel bilan tirez-vous de l’exercice du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi ?

Ousmane Abdoul Sarr : Pour ne pas être sévère, je dirai que c’est un bilan mitigé parce qu’il avait pris l’engagement de régler le retour des réfugiés, le passif humanitaire et la question de la cohabitation. Certes, il a marqué un bon point en organisant les journées de concertation nationale les 20 et 21 novembre 2007, en s’engageant pour le retour des réfugiés. Ces journées de concertation ont permis aux acteurs politiques et à la société civile de s’exprimer sur le passif humanitaire, sur les violations des droits de l’homme pendant les années de braises (1986-1992). Des engagements ont été pris pour le retour des réfugiés et le règlement du passif humanitaire. Il faut rappeler que 516 militaires négro-mauritaniens ont été assassinés dans les casernes militaires par des officiers qui sont aujourd’hui à la tête de l’armée mauritanienne. Ce n’est pas dans la vallée du fleuve ni ailleurs, mais dans les casernes militaires. Sidi Ould Cheikh Abdallahi avait pris l’engagement de régler tous ces problèmes. Entre 2 000 et 3 000 réfugiés sont revenus des camps du Sénégal. Ce qui n’est pas énorme si l’on sait que ce sont 24 000 qui vivent au Sénégal et 6 000 au Mali. Ce qui fait au total 30 000. Ceux qui sont revenus, ne sont pas dans des conditions idéales. Ils vivent sous des tentes, sous le soleil et dans des conditions très difficiles. Ce qui n’encourage pas les autres à revenir. Alors que, pour nous, il fallait mobiliser tous les réfugiés pour le retour. Parce qu’il s’agit d’abord d’un enjeu national et ensuite d’un droit simplement de vivre chez soi. Cependant, les organisations qui se battent pour le retour ne sont pas soutenues dans ce travail de mobilisation. Ainsi, beaucoup de camps n’ont pas reçu la visite du Haut commissariat aux réfugiés (Hcr). C’est dire que ce retour pose vraiment des problèmes.

Wal Fadjri : Quels sont-ils ?

Ousmane Abdoul Sarr : Ceux qui retournent, n’intègrent pas leurs villages d’origine. Ils sont dispersés un peu partout, éparpillés le long de la vallée. Ils ne retrouvent pas leurs biens confisqués par les Maures. On ne va pas cautionner un retour alors que les gens ne retrouvent pas leurs maisons, encore moins leurs biens. Cela n’a pas de sens de revenir en Mauritanie et vivre encore dans les camps du Hcr sans savoir pour combien de temps ; ce n’est pas acceptable. Alors qu’ils sont à côté leurs champs, de leurs habitations qu’ils devraient retrouver. L’autre problème, ce sont les enfants scolarisés. Avant de ramener ces gens, l’on doit faire l’état des lieux des enfants scolarisés au Sénégal. Le système éducatif mauritanien privilégie l’arabe alors que celui du Sénégal, c’est le français. Quand ces enfants reviennent en Mauritanie, ils vont perdre des années pour apprendre l’arabe. Il faut donc prendre des dispositions pour ne pas sacrifier ces enfants. Un autre aspect de la question concerne ceux qui sont revenus avant l’arrivée au pouvoir de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Ils n’ont pas retrouvé leur citoyenneté et n’ont pas été intégrés dans leur travail. Ils grossissent le rang des chômeurs à Nouakchott. La plupart d’entre eux sont fonctionnaires et on peut retrouver facilement leurs dossiers. Il y a tellement de problèmes qui font que ce retour est mal engagé, même si la volonté du chef de l’Etat est indéniable. En matière de droits de l’homme, depuis que Sidi Ould Cheikh Abdallahi est à la tête du pays, il n’y a pas eu d’incarcération, de massacre, de torture à notre connaissance. Mais les droits de l’homme commandent de régler le passif humanitaire parce que nous avons des veuves, des orphelins qui réclament justice. Le président lui-même sait que, dans l’armée, se pavanent des criminels, des tortionnaires. Il a eu le mérite de reconnaître les violations des droits de l’homme. Mais une fois cela fait, il faut situer les responsabilités pour savoir qui a fait quoi. Une fois identifiés, ces gens doivent répondre devant la justice. Nous n’accepterons pas que les gens soient indemnisés sans savoir ce qui s’est passé. C’est un problème de droits de l’homme et nous voulons qu’il donne des signaux forts dans ce domaine.

Wal Fadjri : En quoi faisant ?

Ousmane Abdoul Sarr : D’abord, nous voulons qu’il mette en place une commission indépendante qui va enquêter sur ce qui s’est passé et faire des propositions pour que les auteurs des assassinats et des tortures répondent de leurs actes. Surtout au moment où des rumeurs courent que Mohamed Ould Taya veut revenir au pays. Cela ne nous gêne pas qu’il revienne en Mauritanie. C’est tant mieux et, comme ça, il répondra de ses actes. Il y a aussi la question du partage du pouvoir. Là, je parle non pas en tant que président de l’Avomm, mais en tant que Mauritanien tout court. Depuis que Sidi Ould Cheikh Abdallahi est là, nous avons constaté qu’à chaque Conseil des ministres, c’est une série de Ould Ould qui sont nommés. C’est comme si les Négro-Africains ne font pas partie du pays. N’ont-il pas été à l’école ? Ne sont-ils pas des universitaires ? C’est le même système, avec son quota de ministres qui était là, qui continue. Taya nommait trois ministres négro-afrcains, Sidi fait pareil. Même si le président de l’Assemblée nationale est Haratine et que le président du Sénat un Haalpulaar, cela ne change rien. C’est toujours le même nombre de ministres. Pourquoi cela ? Le problème de la Mauritanie est donc complexe. Nous ne voulons pas que le régime se débine et nous l’encourageons à aller de l’avant. Il a pris des engagements devant la nation, il doit les tenir. Pour nous, il ne s’agit pas de marchander quoi que ce soit.

Wal Fadjri : La Mauritanie a-t-elle les moyens de résorber tout le passif humanitaire dont vous parlez ?

Ousmane Abdoul Sarr : La Mauritanie a ces moyens parce que les 30 000 réfugiés et plus sont dans leur majorité des paysans. Il suffit seulement de leur redonner leurs terres, leurs champs, leur bétail pour ceux qui en avaient. En Mauritanie, tout le monde sait qui est qui. Au niveau des villages, c’est facile de reconnaître que ça, c’est la maison de Yéro, que là se trouve le champ de Samba, etc. Pour ces gens-là, les réintégrer, c’est déjà leur redonner leurs biens. Ensuite, pour ceux qui étaient fonctionnaires, c’est aussi facile de les identifier parce qu’ils avaient des bulletins de salaires, ils payaient des impôts répertoriés au niveau de la Fonction publique ou dans les sociétés où ils travaillaient. Ceux qui n’ont pas atteint l’âge de la retraite, doivent être réintégrés ; ceux qui en ont et qui ont déjà travaillé, doivent être régularisés dans leur situation et les autres indemnisés. Cela est possible avec l’appui du Hcr, de la communauté internationale. Cela se fait dans d’autres pays.

Wal Fadjri : Mais n’est-il pas contradictoire de vouloir la réconciliation et d’exiger en même temps que soient traduits en justice ceux que vous accusez ?

Ousmane Abdoul Sarr : La réconciliation nationale n’exclut pas la justice. C’est un faux débat que de dire que l’appel à la barre des criminels mettrait en péril la cohabitation pacifique entre Mauritaniens. L’unité nationale ne peut que se bâtir sur la vérité, sur le droit. On ne peut pas bâtir un Etat viable sans faire appel à la justice. C’est une question de droit qui ne peut pas mettre en cause la nation mauritanienne.

Wal Fadjri : N’y a-t-il pas d’autres moyens pour les Mauritaniens pour transcender cette question de justice, à l’image de l’Afrique du Sud, du Rwanda ?

Ousmane Abdoul Sarr : Si c’est comment régler ce problème, nous restons ouverts. Nous ne disons pas qu’il faut prendre les gens et les mettre en prison. Nous disons qu’il faut mettre en place une commission indépendante qui va mener ses enquêtes et dire qui a fait quoi. Ensuite, on pourra s’inspirer des cas de l’Afrique du Sud, du Maroc ou du Rwanda. Mais il faut que l’on mette cela en chantier. Seulement, nous ne comprenons pas qu’on veuille indemniser les veuves et orphelins sans régler la question judiciaire. Pour quoi indemniser ? Sur quelle base ? Et comment ? Il faut que les victimes et les familles des victimes siègent dans cette commission pour défendre leurs intérêts. Nous n’excluons aucune démarche.

Wal Fadjri : Etes-vous contre les indemnisations des victimes et des orphelins ?

Ousmane Abdoul Sarr : Non, c’est à prendre ! Les gens qui ont été assassinés, soutenaient leurs familles. A l’époque, ils avaient laissé des enfants de très bas-âge, des femmes. Mais nous disons qu’avant l’indemnisation, il y a un travail à faire. En tant qu’organisation de défense des victimes, il faut que ces gens répondent de leurs actes.

Wal Fadjri : Combien de victimes militaires ayant échappé à la torture et à la prison compte votre association ?

Ousmane Abdoul Sarr : Ce n'est pas facile de donner un chiffre d'autant plus que c'est en grand nombre aujourd'hui que nos compatriotes viennent adhérer à notre organisation. Ce qui me permet de dire que l’Avomm se porte très bien. Incontestablement, c’est en Europe l'organisation mauritanienne qui compte le plus grand nombre de militants victimes du régime de Taya. C'est la plus dynamique sur le front de l'humanitaire à destination des réfugiés mauritaniens au Sénégal. L'Avomm continue de se battre surtout pour la justice en Mauritanie. D’ailleurs, le succès de nos activités a fini de nous attirer du monde, y compris des occidentaux intéressés par l'humanitaire et qui ne sont pas des victimes. Aussi me donnez-vous l'occasion de rappeler notre volonté de rendre visite, avec des médecins et des infirmiers français, à nos compatriotes qui sont rentrés des camps de réfugiés du Sénégal.

Wal Fadjri : Vous faites partie des militaires qui avaient été arrêtés en 1987. Quels genres de tortures aviez-vous subis ?

Ousmane Abdoul Sarr : D’abord, je vous rappelle que je suis ancien sous-officier de l’armée nationale. J’étais à l’Etat-major national au moment de mon arrestation en 1987. Ensuite, j’ai été condamné à 20 ans de travaux forcés. J’ai fait la prison de Walata. J’ai souffert ; j’ai été torturé. C’est de la torture physique. J’ai subi le jaguar, c’est-à-dire qu’on vous attache et vous suspend. Après, ce sont des coups de cravache, de barre de fer qui pleuvent sur vous jusqu’à ce que vous vous évanouissiez. Il y a d’autres formes de tortures, comme le fait qu’on plonge votre tête dans une bassine d’eau jusqu’à étouffement. Il y a aussi le feu avec des cigarettes que l’on écrase sur toutes les parties du corps. Il y a une autre forme de torture qui est de tuer par la faim. Ceux qui sont mort à Walata, c’est à cause de la faim. Ils refusaient de donner à boire et à manger. Il y a aussi le manque d’hygiène combiné avec des conditions déplorables. Ce sont des tortures à la fois physiques et morales.

Wal Fadjri : Et les repas amenés par les familles, étaient-ils refusés ?

Ousmane Abdoul Sarr : Mais il n’y a pas de repas de famille. Elles n’en amenaient même pas parce qu’elles ne savaient pas où l’on se trouvait. On n’avait pas de droit de visite ; on n’avait pas de droit à l’information. Pendant un an, on avait des chaînes cadenassées aux pieds et aux mains comme du temps de l’esclavage. Nous n’avions pas droit de nous doucher. Sans compter les corvées et les travaux forcés. On cassait des pierres, bâtissait des gîtes dans le désert qui ne servaient à rien. Ça nous épuisait. Nous avions des rations alimentaires minables : un bol de riz pour plus de 24 heures avec un tout petit peu d’eau. C’est pourquoi les gens sont morts de béribéri, de maladies qu’on ne retrouve qu’au moyen âge. On voyait des gens qui enflaient, qui gonflaient.

Wal Fadjri : Comment avez-vous recouvré la liberté ?

Ousmane Abdoul Sarr : J’ai retrouvé la liberté par une grâce présidentielle du 7 mars 1991. C’est le président Taya qui m’a gracié un beau matin de mars 1991.

Wal Fadjri : Etes-vous prêt à tout pardonner ?

Ousmane Abdoul Sarr : Bien sûr que oui, parce qu’on n’est pas du tout rancunier, mais on voudrait savoir le pourquoi de tout cela. Mes compatriotes torturés qui sont restés au pays, rencontrent dès fois leurs tortionnaires. Mais ils ne disent rien parce qu’ils pensent, peut-être, que ces minables ont agi sous des ordres. C’est pourquoi nous voulons savoir parce que ce qui s’est passé, ne peut pas être passé sous silence. Car ce sont des massacres qui ont eu lieu dans les casernes militaires.

Wal Fadjri : Comment êtes-vous venu en France ?

Ousmane Abdoul Sarr : Je ne voulais pas venir parce que, tout au début, Taya avait appelé à la démocratisation. Mais finalement, j’ai réalisé que c’était un effet d’annonce. Il fallait donc partir d’autant que telle était la volonté de ma famille qui avait peur pour moi. C’est ma famille qui m’a aidé à trouver le billet et le reste.

Wal Fadjri : Où en êtes-vous avec la plainte que vous avez déposée à Bruxelles ?

Ousmane Abdoul Sarr : Notre plainte à Bruxelles suit son cours. Je dois être auditionné dans quelques jours, au courant de ce mois, ainsi que d’autres qui sont membres ou pas de notre association. J’ai reçu aussi ma convocation pour cela. C’est le procureur fédéral qui l’a ordonné. Il y a un juge qui a été désigné. Nous sommes à la phase des auditions. Sur ce plan, je peux dire que ça avance. C’est le seul moyen que nous avons pour le moment. Il n’est pas exclu qu’on engage, en Mauritanie, d’autres démarches.

Wal Fadjri : Etes-vous soutenus par les organisations de défense des droits de l’homme ?

Ousmane Abdoul Sarr : Nous le pensons, même si c’est un soutien timoré. Mais nous les sentons. Chaque fois que nous en aurons besoin, nous ferons appel à leur soutien. C’est l’occasion de leur rappeler qu’il ne faut qu’elles oublient le problème Taya.



Propos recueillis à Paris par Moustapha BARRY

http://www.walf.sn/international/

Mardi 29 Avril 2008 - 15:37
Dimanche 21 Décembre 2008 - 23:16
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