
Une sorte de terrorisme intellectuel et de chantage odieux pour faire taire hommes politiques, journalistes et membres de la société civile qui exercent leur sens critique. Un droit élémentaire dans une démocratie. Le pays avait pourtant connu pire, lors des «sombres années du régime militaire», expression qui fâche, apparemment. Or, il se trouva toujours, à l’époque, quelqu’un, ici ou à l’extérieur, pour dire non, dénoncer et aspirer à mieux pour son pays et son peuple.
La démocratie ne signifie-t-elle pas, d’abord et avant tout, liberté d’expression? Le pouvoir du peuple, c’est le forum, l’agora, le débat public. Ça peut faire des étincelles. Et les étincelles, ça éclaire. Quand le pays est décapité, on n’en a particulièrement besoin. Mais si l’on ne peut plus s’exprimer, en sus d’avoir perdu la tête, sans être voué aux gémonies… livré en pâture à des chiens dont la seule raison de vivre est de lécher les bottes des puissants du moment, en éternels mercenaires. De la plume et de bien d’autres choses. Personnages insignifiants, agissant toujours à couvert, plus que jamais anonymes. Que faut-il faire alors? Baisser les bras, applaudir, rentrer dans le moule pour ne pas devenir la cible de ces snipers, prompts à tout pour justifier leur misérable existence?
Lors des années tayeuses, des journaux étaient saisis et des titres, parfois, interdits. Cela se faisait au grand jour. Sans gêne ni honte aucune. Mais les journalistes, les professionnels, les vrais, n’étaient, ni envoyés en prison, ni jetés à la vindicte des laudateurs. Ils étaient même respectés, pour leur constance et le respect de leurs principes.
Aujourd’hui, la donne semble avoir changé. La flagornerie, qui avait, plus ou moins, hiberné sous la transition et durant les quinze mois du régime de Sidioca, revient à grandes enjambées. N’hésite pas à utiliser les nouvelles technologies pour se faire entendre. Et tomber encore plus bas dans la déchéance. Les pires sicaires de la parole se drapent dans des toges de tribun, clament : démocratie, démocratie! Avec des poignards pleins les manches, prêts à égorger tout contradicteur. Pure rhétorique, exagération de style? On n’en est pas là, me dites-vous? A peine et les plus grands malheurs nous attendent à entretenir la confusion sur le sens de la citoyenneté, la valeur du suffrage populaire, ses droits et ses devoirs. Ould Abdel Aziz a peut-être voté, lors de la dernière élection présidentielle, il n’en a, en tout cas, manifestement pas compris la règle.
C’est cela que lui reproche la communauté internationale, c’est cela que pointe du doigt Louis Michel. Il ne s’agit pas de prendre partie pour ou contre Sidioca, son premier ministre, ses soutiens variablement démocrates. Il s’agit de défendre, farouchement, sans détour, l’engagement pris, pour cinq ans, par le peuple. Que, malgré la crise, grave, qui secouait l’édifice et notre quotidien, celui-ci assumait. En se rendant, par l’exercice de cette dure responsabilité, pleinement adulte. Un quarteron de colonels et de généraux, aidé en cela par quelques cohortes de politiques, aussi immatures qu’eux, ont cru devoir réinfantiliser la Nation. Le citoyen ne doit pas l’admettre, c’est sa parole qui est en jeu. Et c’est, notamment, le devoir de tout journaliste consciencieux que de témoigner, résolument, contre cet anachronisme. Sans crainte des chiens, qui n’aboient jamais qu’après leurs propres frayeurs. Tôt ou tard, et, certainement, beaucoup plus tôt qu’ils ne le craignent, la Mauritanie sera adulte.
Ahmed Ould Cheikh
Le Calame N° 663, du mardi 11 novembre 2008
© Le Calame - Novembre 2008 (via Maréga Baba)
La démocratie ne signifie-t-elle pas, d’abord et avant tout, liberté d’expression? Le pouvoir du peuple, c’est le forum, l’agora, le débat public. Ça peut faire des étincelles. Et les étincelles, ça éclaire. Quand le pays est décapité, on n’en a particulièrement besoin. Mais si l’on ne peut plus s’exprimer, en sus d’avoir perdu la tête, sans être voué aux gémonies… livré en pâture à des chiens dont la seule raison de vivre est de lécher les bottes des puissants du moment, en éternels mercenaires. De la plume et de bien d’autres choses. Personnages insignifiants, agissant toujours à couvert, plus que jamais anonymes. Que faut-il faire alors? Baisser les bras, applaudir, rentrer dans le moule pour ne pas devenir la cible de ces snipers, prompts à tout pour justifier leur misérable existence?
Lors des années tayeuses, des journaux étaient saisis et des titres, parfois, interdits. Cela se faisait au grand jour. Sans gêne ni honte aucune. Mais les journalistes, les professionnels, les vrais, n’étaient, ni envoyés en prison, ni jetés à la vindicte des laudateurs. Ils étaient même respectés, pour leur constance et le respect de leurs principes.
Aujourd’hui, la donne semble avoir changé. La flagornerie, qui avait, plus ou moins, hiberné sous la transition et durant les quinze mois du régime de Sidioca, revient à grandes enjambées. N’hésite pas à utiliser les nouvelles technologies pour se faire entendre. Et tomber encore plus bas dans la déchéance. Les pires sicaires de la parole se drapent dans des toges de tribun, clament : démocratie, démocratie! Avec des poignards pleins les manches, prêts à égorger tout contradicteur. Pure rhétorique, exagération de style? On n’en est pas là, me dites-vous? A peine et les plus grands malheurs nous attendent à entretenir la confusion sur le sens de la citoyenneté, la valeur du suffrage populaire, ses droits et ses devoirs. Ould Abdel Aziz a peut-être voté, lors de la dernière élection présidentielle, il n’en a, en tout cas, manifestement pas compris la règle.
C’est cela que lui reproche la communauté internationale, c’est cela que pointe du doigt Louis Michel. Il ne s’agit pas de prendre partie pour ou contre Sidioca, son premier ministre, ses soutiens variablement démocrates. Il s’agit de défendre, farouchement, sans détour, l’engagement pris, pour cinq ans, par le peuple. Que, malgré la crise, grave, qui secouait l’édifice et notre quotidien, celui-ci assumait. En se rendant, par l’exercice de cette dure responsabilité, pleinement adulte. Un quarteron de colonels et de généraux, aidé en cela par quelques cohortes de politiques, aussi immatures qu’eux, ont cru devoir réinfantiliser la Nation. Le citoyen ne doit pas l’admettre, c’est sa parole qui est en jeu. Et c’est, notamment, le devoir de tout journaliste consciencieux que de témoigner, résolument, contre cet anachronisme. Sans crainte des chiens, qui n’aboient jamais qu’après leurs propres frayeurs. Tôt ou tard, et, certainement, beaucoup plus tôt qu’ils ne le craignent, la Mauritanie sera adulte.
Ahmed Ould Cheikh
Le Calame N° 663, du mardi 11 novembre 2008
© Le Calame - Novembre 2008 (via Maréga Baba)