
Dans toutes les communautés mauritaniennes (Soniké, arabe, Poular et Wolof), les coutumes veulent que les parents décident du mariage de leurs filles. Ces coutumes veulent également que cette décision se prenne le plutôt possible. A 20 ans, la situation des non mariées devient préoccupante.
A 25 ans, c’est critique. A trente ans, c’est quasiment désespéré. Les soninkés appellent les filles de trente ans «sontonté». Les Poular «Shoydo». Les Maures «M’boura» Ces trois mots signifient «périmé». Comme une marchandise devenue impropre à la consommation.
En Mauritanie le taux de scolarisation des filles au fondamental a connu une importante progression. Il a atteint 83, 5% en 2005. Au secondaire, malheureusement, du fait, entre autres, des mariages et maternités précoces, il baisse considérablement.
L’école est, pour les adolescentes, le moyen le plus sûr pour échapper aux mariages précoces. Les filles entrent à l’école fondamentale à l’age de 08 ans. Elles y passent 6 ans. A 13 ans, elles entament les trois années de collège. Celles qui échappent au foyer vont passer le bac à 18 ans.
Le code du statut personnel (CSP) de 2001 a tenté d’apporter une solution à la déperdition scolaire pour cause de mariage. L’article 28 de ce code permet à l’épouse de stipuler dans le contrat de mariage que «son mari ne l’empêche pas de poursuivre ses études» mais ce code n’est pas le livre de chevet des mauritaniennes, encore mois des adolescentes.
L’intérêt supérieur de l’enfant !
La référence de ces filles, c’est la mentalité moyenâgeuse qui veut qu’elles soient «livrées» à 14 ou 15 ans aux adultes. Leur référence, c’est «les cousines sont faites pour les cousins.» Autrement dit «nous marier entre nous pour préserver et perpétuer la famille, la tribu ou l’ethnie». Derrière cet adage se cache une effroyable discrimination.
Il est permis aux cousins (à l’homme) d’aller convoler en juste noce au-delà de sa famille, de son ethnie, de sa tribu…au-delà des frontières de son pays et à l’age voulu. C’est lui qui décide. Les cousines (les filles) qui passent outre «les frontières nuptiales» sont l’exception, le scandale.A celles qui osent revendiquer le droit de retarder leur mariage pour raison de santé ou études, de choisir leur seconde moitié, il est rétorqué «ta mère a été mariée à son cousin quand elle avait ton age. Elle n’est pas morte. Le bac d’une fille, c’est d’avoir un mari.»
Extraire une adolescente du lycée du collège pour la donner en mariage est une atteinte au droit à l’éducation garantie par la convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la Mauritanie. C’est aussi une atteinte au droit à la santé garantie par cette convention. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), dans un rapport intitulé «mariage précoce : conjointe enfant» note que «de tels mariages ont de profonds effets sur le plan physique, intellectuel, psychologique et émotionnel, et mettent fin aux possibilités d'éducation et de croissance individuelle". Une société qui dénie aux enfants le droit de grandir ne doit-elle pas se remettre en question ?
L’école contre les mariages précoces.
Chez les filles, selon le rapport «le mariage précoce est presque toujours synonyme de grossesse - qui est la cause des hauts taux de mortalité maternelle - et d'accouchements prématurés ainsi que d'une existence d'asservissement domestique et sexuel sur laquelle elles n'ont nul pouvoir". Les mariages et la sexualité précoces, ça donne naissance aux morts nés et aux fistules obstétricales (Voir NI du 15 mai 2007).
Pour lutter contre les mariages précoces, l’UNICEF recommande de «convaincre les parents de garder leurs filles à l'école.» En Mauritanie, on doit expliquer aux parents que l’intérêt d’une fille n’est pas d’être mariée vite mais de rester le plus longtemps possible à l’école pour se marier au moment opportun et accéder à l’autonomie financière.
«La capacité de se marier est accomplie pour toute personne douée de raison et âgée de 18 ans révolus.» dit l’article 06 du CSP. Plus loin, l’article 09 du même texte dit «la tutelle est exercée dans l’intérêt de la femme. La femme majeure ne peut être mariée sans son propre consentement et la présence de son tuteur. Le silence de la jeune fille vaut consentement» La jeune fille, est-ce l’adolescente (moins de 18 ans) ? Est-il dans l’intérêt d’une adolescente d’être donnée en mariage ?
Compte tenu des risques sanitaires (maternité précoce, fistule obstétricale, difficulté de croissance) la réponse est non. Peut-on en déduire, qu’implicitement, que le CSP interdit le mariage précoce ? Le code dans son avant dernier article, le 311 dispose «en cas de difficultés d’interprétation, il est fait référence aux enseignements de l’opinion dominante du rite malékite.» Et, le rite malékite ne fixe pas d’age limite pour le mariage.
La seule condition de ce rite, c’est que la fille ait la capacité physique d’endurer les conséquences de l’acte sexuel. Faut-il alors s’en remettre à l’appréciation des parents ou considérer que toute fille de moins de 18 ans est présumée inapte au mariage ?La deuxième solution est plus conforme à l’esprit du CSP qui veut que la tutelle s’exerce dans l’intérêt de la femme qui est souvent différent de celui des parents. Elle est également conforme à la convention internationale sur les droits de l’enfant.
Cette convention commande de privilégier l’intérêt supérieur de l’enfant dans toute décision le concernant. Sortir une adolescente du collège, la marier à un adulte qui va lui faire un mort né et une fistule avant de la répudier est une curieuse façon de se préoccuper de son intérêt supérieur. L’objectif trois des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) vise l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Cette autonomisation serait vaine tant qu’il ne sera pas permis aux adolescentes de poursuivre leurs études.
L’OMD trois vise à «donner aux femmes un pouvoir égal d’intervention dans les décisions qui influent sur leur vie.» Cet objectif peut-il être atteint si les parents décident de l’interruption prématurée de la scolarité des adolescentes pour les engager dans des mariages précoces avec, naturellement, des accouchements prématurés ?
Khalilou Diagana
Source: lequotidiendenouakchott
A 25 ans, c’est critique. A trente ans, c’est quasiment désespéré. Les soninkés appellent les filles de trente ans «sontonté». Les Poular «Shoydo». Les Maures «M’boura» Ces trois mots signifient «périmé». Comme une marchandise devenue impropre à la consommation.
En Mauritanie le taux de scolarisation des filles au fondamental a connu une importante progression. Il a atteint 83, 5% en 2005. Au secondaire, malheureusement, du fait, entre autres, des mariages et maternités précoces, il baisse considérablement.
L’école est, pour les adolescentes, le moyen le plus sûr pour échapper aux mariages précoces. Les filles entrent à l’école fondamentale à l’age de 08 ans. Elles y passent 6 ans. A 13 ans, elles entament les trois années de collège. Celles qui échappent au foyer vont passer le bac à 18 ans.
Le code du statut personnel (CSP) de 2001 a tenté d’apporter une solution à la déperdition scolaire pour cause de mariage. L’article 28 de ce code permet à l’épouse de stipuler dans le contrat de mariage que «son mari ne l’empêche pas de poursuivre ses études» mais ce code n’est pas le livre de chevet des mauritaniennes, encore mois des adolescentes.
L’intérêt supérieur de l’enfant !
La référence de ces filles, c’est la mentalité moyenâgeuse qui veut qu’elles soient «livrées» à 14 ou 15 ans aux adultes. Leur référence, c’est «les cousines sont faites pour les cousins.» Autrement dit «nous marier entre nous pour préserver et perpétuer la famille, la tribu ou l’ethnie». Derrière cet adage se cache une effroyable discrimination.
Il est permis aux cousins (à l’homme) d’aller convoler en juste noce au-delà de sa famille, de son ethnie, de sa tribu…au-delà des frontières de son pays et à l’age voulu. C’est lui qui décide. Les cousines (les filles) qui passent outre «les frontières nuptiales» sont l’exception, le scandale.A celles qui osent revendiquer le droit de retarder leur mariage pour raison de santé ou études, de choisir leur seconde moitié, il est rétorqué «ta mère a été mariée à son cousin quand elle avait ton age. Elle n’est pas morte. Le bac d’une fille, c’est d’avoir un mari.»
Extraire une adolescente du lycée du collège pour la donner en mariage est une atteinte au droit à l’éducation garantie par la convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la Mauritanie. C’est aussi une atteinte au droit à la santé garantie par cette convention. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), dans un rapport intitulé «mariage précoce : conjointe enfant» note que «de tels mariages ont de profonds effets sur le plan physique, intellectuel, psychologique et émotionnel, et mettent fin aux possibilités d'éducation et de croissance individuelle". Une société qui dénie aux enfants le droit de grandir ne doit-elle pas se remettre en question ?
L’école contre les mariages précoces.
Chez les filles, selon le rapport «le mariage précoce est presque toujours synonyme de grossesse - qui est la cause des hauts taux de mortalité maternelle - et d'accouchements prématurés ainsi que d'une existence d'asservissement domestique et sexuel sur laquelle elles n'ont nul pouvoir". Les mariages et la sexualité précoces, ça donne naissance aux morts nés et aux fistules obstétricales (Voir NI du 15 mai 2007).
Pour lutter contre les mariages précoces, l’UNICEF recommande de «convaincre les parents de garder leurs filles à l'école.» En Mauritanie, on doit expliquer aux parents que l’intérêt d’une fille n’est pas d’être mariée vite mais de rester le plus longtemps possible à l’école pour se marier au moment opportun et accéder à l’autonomie financière.
«La capacité de se marier est accomplie pour toute personne douée de raison et âgée de 18 ans révolus.» dit l’article 06 du CSP. Plus loin, l’article 09 du même texte dit «la tutelle est exercée dans l’intérêt de la femme. La femme majeure ne peut être mariée sans son propre consentement et la présence de son tuteur. Le silence de la jeune fille vaut consentement» La jeune fille, est-ce l’adolescente (moins de 18 ans) ? Est-il dans l’intérêt d’une adolescente d’être donnée en mariage ?
Compte tenu des risques sanitaires (maternité précoce, fistule obstétricale, difficulté de croissance) la réponse est non. Peut-on en déduire, qu’implicitement, que le CSP interdit le mariage précoce ? Le code dans son avant dernier article, le 311 dispose «en cas de difficultés d’interprétation, il est fait référence aux enseignements de l’opinion dominante du rite malékite.» Et, le rite malékite ne fixe pas d’age limite pour le mariage.
La seule condition de ce rite, c’est que la fille ait la capacité physique d’endurer les conséquences de l’acte sexuel. Faut-il alors s’en remettre à l’appréciation des parents ou considérer que toute fille de moins de 18 ans est présumée inapte au mariage ?La deuxième solution est plus conforme à l’esprit du CSP qui veut que la tutelle s’exerce dans l’intérêt de la femme qui est souvent différent de celui des parents. Elle est également conforme à la convention internationale sur les droits de l’enfant.
Cette convention commande de privilégier l’intérêt supérieur de l’enfant dans toute décision le concernant. Sortir une adolescente du collège, la marier à un adulte qui va lui faire un mort né et une fistule avant de la répudier est une curieuse façon de se préoccuper de son intérêt supérieur. L’objectif trois des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) vise l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Cette autonomisation serait vaine tant qu’il ne sera pas permis aux adolescentes de poursuivre leurs études.
L’OMD trois vise à «donner aux femmes un pouvoir égal d’intervention dans les décisions qui influent sur leur vie.» Cet objectif peut-il être atteint si les parents décident de l’interruption prématurée de la scolarité des adolescentes pour les engager dans des mariages précoces avec, naturellement, des accouchements prématurés ?
Khalilou Diagana
Source: lequotidiendenouakchott