Après le Renaudot de Frédéric Beigbeder, lundi 2 novembre, Grasset double la mise en remportant le prix Médicis grâce à Dany Laferrière et son très beau roman L'Enigme du retour. Le romancier haïtien l'a emporté au premier tour de scrutin par 4 voix contre 1 voix à Justine Lévy pour Mauvaise fille (Stock) et une voix à Alain Blottière pour Le Tombeau de Tommy (Gallimard). Le Médicis étranger a couronné à l'unanimité l'Américain Dave Eggers pour Le Grand Quoi (Gallimard). Quant au Médicis essais, il a été attribué à Alain Ferry pour Mémoire d'un fou d'Emma (Seuil).
Homme drôle, émouvant, attachant, au regard lucide, au volubile, Dany (de son vrai nom Windsor Kléber) Laferrière est né à Port-au-Prince en 1953. A 4 ans, sa mère, par crainte des représailles du régime de François Duvallier, le confie à sa grand-mère Da, personnage qui lui inspira un récit, L’Odeur du café (Serpent à plume, 2001) Son père, maire de Port-au Prince puis sous-secrétaire d’Etat au commerce, et opposant au régime était alors en exil. A 11 ans, Dany Laferrière regagne Port-au-Prince où après ses études, il devient chroniqueur culturel pour Le Petit samedi soir et Radio Haïti.
Le 1er juin 1976, après l’assassinat par les tontons macoutes de son ami journaliste Gasner Raymond, il quitte précipitamment Haïti sans avertir les siens. Plus tard, il relatera cette nuit de peur et de fuite dans Le Cri des oiseaux fous (Le Serpent à plume, 2000), son livre le plus personnel avec L’Enigme du retour (Grasset).
A son arrivée à Montréal, il travaille dans différentes usines jusqu’en 1985, date à laquelle paraît Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer (Serpent à plumes) qui le révèle au public (Jacques Benoît, l’adaptera au cinéma en 1989). Suivront neuf autres romans qui formeront ce qu’il nomme son "autobiographie américaine". Parmi eux on peut citer Cette Grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit ? Le Goût des jeunes filles (Grasset, 2005), Le Charme des après-midi sans fin (Le Serpent à Plumes, 1998) ou Pays sans chapeau (Le Serpent à Plumes, 1999).
En parallèle de l’écriture, Dany Laferrière s’est également lancé dans le cinéma. Scénariste du Goût des jeunes filles pour John L’Ecuyer (2004), il est passé la même année à la réalisation avec Comment conquérir l'Amerique en une nuit.
Dès le titre L’Enigme du retour, le ton est donné. Grave, poétique. Grave parce qu’il y est question de deuil. A l’annonce de la mort de son père demeuré en exil, Dany Laferrière, chargé de rapatrier le corps de cet homme qu’il n’a pas revu, regagne Haïti après trente-trois ans. De ces longues et bouleversantes retrouvailles avec les siens, mais aussi avec un pays qu’il peine à reconnaître et dont il se sent étranger, le romancier haïtien a bâti plus qu’un récit, un grand roman en prose traversé d’images, de sensations, de fulgurances, mais aussi de cri de rage et de colère Un roman magistral que l’on placera au côté du Cahier d’un retour au pays natal, de Césaire dont l’ombre plane sur toutes ces pages.
Christine Rousseau
Source: lemonde
Homme drôle, émouvant, attachant, au regard lucide, au volubile, Dany (de son vrai nom Windsor Kléber) Laferrière est né à Port-au-Prince en 1953. A 4 ans, sa mère, par crainte des représailles du régime de François Duvallier, le confie à sa grand-mère Da, personnage qui lui inspira un récit, L’Odeur du café (Serpent à plume, 2001) Son père, maire de Port-au Prince puis sous-secrétaire d’Etat au commerce, et opposant au régime était alors en exil. A 11 ans, Dany Laferrière regagne Port-au-Prince où après ses études, il devient chroniqueur culturel pour Le Petit samedi soir et Radio Haïti.
Le 1er juin 1976, après l’assassinat par les tontons macoutes de son ami journaliste Gasner Raymond, il quitte précipitamment Haïti sans avertir les siens. Plus tard, il relatera cette nuit de peur et de fuite dans Le Cri des oiseaux fous (Le Serpent à plume, 2000), son livre le plus personnel avec L’Enigme du retour (Grasset).
A son arrivée à Montréal, il travaille dans différentes usines jusqu’en 1985, date à laquelle paraît Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer (Serpent à plumes) qui le révèle au public (Jacques Benoît, l’adaptera au cinéma en 1989). Suivront neuf autres romans qui formeront ce qu’il nomme son "autobiographie américaine". Parmi eux on peut citer Cette Grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit ? Le Goût des jeunes filles (Grasset, 2005), Le Charme des après-midi sans fin (Le Serpent à Plumes, 1998) ou Pays sans chapeau (Le Serpent à Plumes, 1999).
En parallèle de l’écriture, Dany Laferrière s’est également lancé dans le cinéma. Scénariste du Goût des jeunes filles pour John L’Ecuyer (2004), il est passé la même année à la réalisation avec Comment conquérir l'Amerique en une nuit.
Dès le titre L’Enigme du retour, le ton est donné. Grave, poétique. Grave parce qu’il y est question de deuil. A l’annonce de la mort de son père demeuré en exil, Dany Laferrière, chargé de rapatrier le corps de cet homme qu’il n’a pas revu, regagne Haïti après trente-trois ans. De ces longues et bouleversantes retrouvailles avec les siens, mais aussi avec un pays qu’il peine à reconnaître et dont il se sent étranger, le romancier haïtien a bâti plus qu’un récit, un grand roman en prose traversé d’images, de sensations, de fulgurances, mais aussi de cri de rage et de colère Un roman magistral que l’on placera au côté du Cahier d’un retour au pays natal, de Césaire dont l’ombre plane sur toutes ces pages.
Christine Rousseau
Source: lemonde