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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

Les nouveaux esclaves d'Afrique

Dernier pays au monde à avoir aboli l’esclavage, la Mauritanie n’est pas encore libérée de ce fléau. Mais les choses commencent à changer. Reportage chez des esclaves révoltés.


Photo: Sipa
Photo: Sipa
Cette poignée d’esclaves vient de s’enfuir du domaine de ses maîtres. Ils ont osé porter plainte. L’enquêteur dépêché auprès d’eux les interroge : « Êtes-vous propriétaires de vos biens ? » Ils répondent, les yeux baissés : «Non… » L’interrogatoire se poursuit : « Êtes-vous payés pour votre travail ? » « Non… ». « Pouvez-vous vous marier ou quitter le domaine sans l’autorisation de votre maître ? » « Non… »

Face au tribunal, les esclaves se serrent les uns aux autres, adossés au mur de la petite salle, cherchant une improbable protection. « Est-ce que l’esclave appartient au maître de sa naissance à sa mort ?… Oui… Et les enfants ? » Une femme répond, le regard plein de détresse : « Les enfants sont arrachés dès la fin de l’allaitement. »Ces esclaves ont eu l’audace de se soustraire à l’autorité de leurs maîtres. Ils semblent encore sous le choc de leur courage. Jamais de leur vie ils n’avaient pris de décision autonome. Ils savent que leurs maîtres ne sont pas prêts à accepter cette insoumission. De telles histoires se terminent le plus souvent par un retour forcé des insoumis “à la maison”.« Nous n’avons jamais gagné un seul procès confrontant des esclaves à leurs maîtres, assure Biram Ould Abeid, militant de SOS Esclaves, association reconnue en 2005. Les maîtres expliquent au juge que les esclaves sont leurs enfants ou que des liens affectifs ou familiaux existent entre eux. Ils finissent généralement par les récupérer, avec la complicité du juge et parfois même avec l’assentiment des esclaves eux-mêmes. » De retour au domaine, les fugitifs subissent alors des brimades : privation de nourriture et mauvais traitements (certains sont traînés, ligotés aux pattes d’un chameau).«Ma mère et mes frères ont été punis après mon évasion. C’est sûr », confirme Mattala, esclave enfui il y a deux ans, dans le nord de la Mauritanie.Mattala profita du passage d’une patrouille militaire dans la zone où il gardait les troupeaux pour s’échapper.Des lois contre l’esclavage aussi nombreuses qu’inappliquéesÀ l’époque, il n’avait jamais entendu parler du pays qu’il habitait, la Mauritanie, à l’exception d’une ville,Zouérate. Il ne savait pas que les échanges se faisaient avec de l’argent, l’ouguiya. Et pour cause : il n’avait jamais été payé.Sa mère habitait un peu plus loin, mais, séparé d’elle tout jeune enfant, Mattala ne la connaissait que de vue. « J’avais un sentiment d’étouffement et d’injustice quand je voyais comment étaient traités les enfants du maître », explique-il, les mains nouées.Mattala devait garder les bêtes, servir le thé, brûler le bois, chercher l’eau à deux jours de marche, sans aucun repos. « Pour mes maîtres, je m’appelais “esclave”. Je n’avais pas de nom. »Mattala s’est installé à Nouakchott auprès d’une femme domestique. Tout, chez lui, continue encore de respirer la soumission et la peur. Il esquisse un timide sourire à l’idée de pouvoir libérer sa mère restée auprès des maîtres. « Le paradis est sous le talon du maître », lui a-ton répété dès sa plus tendre – et dure – enfance. « L’esclavage avec les fers, c’est la partie visible et spectaculaire et cela n’existe que lorsqu’on capture l’esclave », explique Boubacar Ould Messaoud, fondateur de SOS Esclaves. « Aujourd’hui, les esclaves ont les fers dans la tête. Ils n’ont plus besoin de fouets ou de chaînes. Ils sont domestiqués. C’est pour cela que leur libération est si difficile. »La Mauritanie a été le dernier pays au monde à abolir l’esclavage, en 1981. Les lois destinées à encourager l’affranchissement ont été aussi nombreuses qu’inappliquées. La première prévoyait une compensation pour le maître qui aurait “la magnanimité”de bien vouloir libérer son esclave. Pour l’esclave affranchi, le hartani, rien n’était prévu : ni lieu où vivre ni moyens pour survivre. On comprend alors que certains aient supplié leurs maîtres de les reprendre sous leur “protection”.La dernière loi, promulguée en août 2007, a franchi un pas supplémentaire. Elle incrimine le maître et condamne « quiconque réduirait autrui en esclavage à une peine de prison de cinq à dix ans ».Cette fois, la loi semble avoir traversé le désert. Dans l’est du pays,plusieurs centaines d’esclaves informés ont aussitôt quitté leurs maîtres, avant d’errer dans la ville de Basseknou. Ils ont alors constaté la dureté du retour à la liberté, abandonnés dans une impasse matérielle et psychologique.Certains ont persévéré, installant un véritable camp de réfugiés à Tiguent, à une centaine de kilomètres de Nouakchott, la capitale. Ils ont tendu quelques bouts de tissu entre des buissons épineux, au milieu des dunes. Ils attendent là que les autorités leur accordent un lopin de cette terre aride, qui est, depuis toujours, la propriété des maîtres. Balayé par le vent du désert, et parfois la pluie saisonnière qui détrempe tous leurs effets, leur camp résiste.Khairat a pris la tête de ce mouvement d’affranchissement spontané, le plus important dans l’histoire du pays. Stature élancée, le pas alerte et souple, Khairat semble n’avoir peur de rien. En 1981 déjà, il avait osé utiliser une arme récupérée lors de son passage dans l’armée pour contraindre ses maîtres à offrir une tente indépendante. Un nouveau différend a poussé Khairat et quelques autres à désobéir. Ils ont pris la fuite à bord d’un camion, emmenant avec eux quelque quatre cents esclaves. « Les maîtres sont restés stupéfaits », raconte t-il, rayonnant et fier.« Le fond du problème est que les esclaves ont milité, dans le cadre des premières élections démocratiques de 2005, pour le parti des esclaves », explique Biram Ould Abeid. C’est l’un des enjeux de la Mauritanie démocratique : les esclaves, les affranchis et les anciens esclaves formeraient ensemble près de la moitié de la population. « Les statistiques sont très difficiles à établir, nuance Biram, elles sont faites par les maîtres qui ont tout intérêt à les tronquer. » Le plus sûr moyen de les fausser est d’empêcher les esclaves d’accéder à leurs papiers d’identité et de devenir citoyens.Les Maures gardent le pouvoir qu’ils exercent de façon immémoriale. Le pays est structuré autour de quelques grandes familles tribales nobles, auxquelles se rattachent des groupes plus ou moins serviles et, au bas de l’échelle, les esclaves. Pour eux, en dehors de la famille du maître, il n’existe aucune protection ethnique ou familiale.L’islam – leur religion et celle de leurs maîtres – n’apporte aucun recours ni secours. Il entretient la situation. En terre d’islam, on naît et on meurt esclave tant qu’aucune interdiction formelle de l’esclavage n’aura pas été prononcée.Dans cet univers figé par l’ethnicisme et l’islam, le combat antiesclavagiste semble désespéré.Biram continue pourtant de sillonner le pays pour venir en aide aux esclaves et anciens esclaves qui ont eu le courage de quitter leur maître. Lorsqu’il apprend, comme souvent, que des esclaves ont été rendus à leurs maîtres, il se radicalise : « Je ne crois plus à la discussion avec les Maures. »


Malek Chebel. “Un mal général en terre d’islam”
Anthropologue, spécialiste de l’islam et connu pour sa liberté de ton à l’égard du monde arabo-musulman, Malek Chebel (photo) publie l’Esclavage en terre d’islam (Fayard), dans lequel il dénonce l’hypocrisie de nombreux pays musulmans à ce sujet (lire aussi notre numéro du 21 mars).

Votre livre est accablant pour l’islam ! Je ne veux pas accabler le monde musulman mais l’interpeller en lui demandant pourquoi il laisse l’esclavage se poursuivre dans le silence, souvent même en niant son existence. Cela fait deux siècles que le christianisme travaille sur cette question et l’interdit, au nom des droits de l’homme. Mon livre veut nommer un mal général en terre musulmane qui fait que la personne humaine n’est pas respectée dans sa dignité d’homme.

Pourquoi cela ? L’islam n’est pas une religion de repentance mais une religion percutante, faite d’injonctions et fondée sur des certitudes. L’individu qui la pratique n’est pas sujet aux doutes, qui sont antinomiques avec sa religion.

Donc aucun sentiment de culpabilité ? Pour le musulman, posséder un esclave est un signe de richesse, une question de fortune qui n’appelle pas de culpabilité particulière.

Mais le Coran est pourtant explicite… Certes, le Coran incite à l’affranchissement d’un esclave, surtout s’il est musulman. Mais il n’y a pas d’interdiction formelle de l’esclavage. En islam, on peut dire qu’il est plus respectable d’être musulman que d’être un homme.

Le Coran ne serait pas assez coercitif ? Non. On se cache derrière le Coran pour justifier une pratique honteuse. L’absence de culpabilité de l’esclavagiste vient de traditions anciennes, de la pratique des gouvernements actuels et même de l’hypocrisie des élites intellectuelles qui le dénoncent et affichent pourtant la présence d’une bonne comme signe de réussite sociale.

La traite orientale diffère-t-elle de la traite occidentale ? Oui. Fondée sur des bases économiques, la traite occidentale a duré deux siècles. En Afrique, les Occidentaux ne sont pas venus chercher des bonnes pour augmenter leur statut social mais une main-d’oeuvre. En Orient, l’esclave pouvait évoluer au sein d’une famille ou d’une dynastie.Beaucoup plus socialisée, intériorisée et donc difficile à chasser, la traite orientale a duré quinze siècles.

Et ce n’est pas fini… Sauf cas exceptionnels, comme la Mauritanie, l’esclavage n’est plus un statut définitif. Il prend des formes diverses, comme la domestique ou l’ouvrier dans le Golfe à qui l’on confisque sa carte d’identité. Il y a des foyers en pleine expansion. À Beyrouth, des agences recrutent des bonnes asiatiques. Certains efforts sont faits, comme au Maroc. On y recense près d’un million de bonnes, souvent africaines et pas rémunérées. Le secrétariat d’État à la Famille tente de leur donner des droits. La tâche est compliquée car ces personnels sont souvent cachés.

Laurence d'Hondt
Mercredi 19 Novembre 2008 - 17:55
Mercredi 19 Novembre 2008 - 17:58
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