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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

Mamadou Bocar BA, Président de Flam/Rénovateur : ‘Pourquoi nous avons fait scission’


Mamadou Bocar BA, Président de Flam/Rénovateur : ‘Pourquoi nous avons fait scission’

Il est des séparations qui sont douloureuses et qui marquent à jamais. Celle intervenue entre les membres des Flam est de celles-là. Mais, face à certaines contingences (politiques, économiques ou sociales), le réalisme dicte d'adopter de nouvelles postures. Et c'est dans l'approche, face à ce réalisme que naissent les divisions. Devant une Mauritanie qui prenait le chemin de la démocratie, certains parmi les membres des Flam originelles ont pensé que le jeu ne devait pas se faire sans eux. Les autres, non. D'où cette scission dont Mamadou Bocar Bâ, président de Flam-Rénovation, nous entretient. Avec les causes, les enjeux et, incidemment, les espoirs nourris face à cette transition par rapport à laquelle lui et ses camarades ne veulent, nullement, être à la traîne.

Wal Fadjri : Qu'est-ce qui a présidé à la scission des Flam ?
Mamadou Bocar Bâ : Je dois préciser que les Flam sont nées en 1983 en Mauritanie. Et l'objectif était de prendre en charge la question des Noirs, car nous nous sommes rendu compte que les Noirs étaient marginalisés chaque jour un peu plus. C'est dans cette optique que des cadres négro-africains se sont organisés pour prendre en charge cette question. Il s'en est suivi une répression féroce en 1986-1987. Nous avons fait la prison. Personnellement, j'ai fait trois ans et deux mois de prison. J'étais condamné à quatre ans, comme beaucoup d'autres. Nous avons dû fuir le pays à cause de la répression. Nous avons tenté, à un moment donné, de faire une lutte armée qui n'a pas abouti. Parce que nous n'avons jamais eu le soutien nécessaire. Et après le coup d'Etat et la déclaration de Dakar, à laquelle j'avais représenté l'organisation en tant que chargé des relations extérieures, le président Wade nous avait demandé expressément de renoncer à la lutte armée. Cette décision était difficile à prendre. Mais je me suis concerté avec le président, à l'époque, et nous avons pris la décision. Cette dernière avait été entérinée par le congrès des Flam qui s'est tenu en décembre 2006 à Cincinati, aux Etats-Unis. Après que le congrès a entériné cette décision, nous avons dit à nos amis que nous ne comprenions plus qu'à partir du moment où nous avons dit que nous ne pouvions plus faire la lutte armée et qu'en Mauritanie, la répression qui nous avait amenés à partir n'existait plus, il y avait lieu de reconsidérer notre position. Nous ne voyions pas pour quelle raison nous n'allions pas nous impliquer sur le terrain, auprès de nos populations pour les amener à prendre en charge ce problème, à partir du moment où il n'y avait plus de lutte armée. C'est ça qui a motivé notre démarcation. Et nos amis nous ont dit que non, ‘ce pouvoir est le même que l'ancien, ce sont les mêmes qui sont là et qui n'ont pas pris en charge les problèmes des Noirs. Nous ne pouvons donc pas venir’. Nous leur avons répondu que nous étions d'accord avec eux, que nous reconnaissons effectivemment que ce sont les mêmes personnes qui sont là. Mais notre rôle à nous, c'est de faire en sorte que par les pressions que nous allons exercer, sur notre action sur les populations, à les amener à prendre en charge le problème des Négro-Mauritaniens et lui trouver une solution. Et ceci était une raison valable pour nous, d'aller en Mauritanie. Ils nous ont dit qu'y aller, c'est faire le jeu du pouvoir. Et, si nous voulons y aller, de le faire clandestinement. Nous leur avons répondu que nous ne pouvions pas accepter d'aller clandestinement en Mauritanie. Dans la mesure où il y existe des partis tels que le Plej et l'Ajd qui sont des partis négro-africains, qui défendent exactement la même chose que nous. Nous ne pouvons donc pas comprendre qu'on continue à être clandestins en Mauritanie. C'est pourquoi nous avons décidé de faire la scission. Une fois cela fait, nous avons envoyé une délégation en Mauritanie, le 26 avril. Nous sommes restés trois semaines et avons finalement eu des contacts avec les partis politiques, la société civile et les autorités. Nous avons été reçus par le président de la République, par le Premier ministre et par le permanent du Cmjd, auxquels nous avons exposé nos problèmes et comment nous voyons la Mauritanie.

Wal Fadjri : Pensez-vous avoir eu raison sur vos autres collègues des Flam, étant entendu qu'il y a un lourd passif social qui est là et qui n'est pas encore réglé avec le contencieux social n'est pas soldé sur la rive du fleuve Sénégal, où il y a des Négro-Mauritaniens qui ne sont pas rentrés ?

Mamadou Bocar Bâ : Non, nous ne faisons pas table rase de ce passif social. Pour nous, c'est la principale préoccupation. Nous avons essayé seulement d'être réalistes. Parce que nous avons dit que nous n'avons pas aujourd'hui, les moyens militaires d'imposer à ces gens-là qu'ils parlent de ce problème. A partir du moment où nous-mêmes sommes conscients que nous ne pouvons pas le faire, nous nous disons que nous ne pouvons pas renoncer à cette possibilité qui nous est offerte, au moins, de mobiliser nos populations. Si aujourd'hui au niveau de la Mauritanie, nous arrivons à mobiliser les gens dans la rue pour manifester, c'est ça qui va faire pression. Quand nous avions parlé au président Vall, c'est ce que nous lui avons fait savoir : que nous ne pouvions pas comprendre qu'il ne fasse pas ça. Et c'est vrai, car nous sommes les plus frustrés de ce qui s'est passé. Nous ne pensons pas que le fait de rester à l'extérieur soit la solution. Nous sommes tout à fait conscients du problème qui existe et qui doit être réglé, mais nous pensons que ce n'est pas en restant à l'extérieur qu'il le sera.

Wal Fadjri : Face aux enjeux, la dispersion de vos forces de lutte n'est-elle pas pour vous affaiblir davantage dans votre démarche ?

Mamadou Bocar Bâ : Nous sommes conscients de cela et nous sommes les premiers à le regretter et toute la population avec. Mais nous disons qu'il faut que nous soyons réalistes. A partir du moment où l'on se rend compte qu'on ne peut pas faire de la lutte armée, on fait de la lutte politique ou on abdique. Et comme nous ne sommes pas prêts à abdiquer, nous nous sommes dits que nous allons nous battre politiquement avec les gens, parce que nous ne sommes pas les seuls à le faire. Et je pense que c'est cette idée qu'il faut enlever dans l'esprit des gens des Flam. Ce ne sont pas seulement les Flam à l'extérieur qui se battent contre le système. Il y a des gens en Mauritanie qui étaient en prison avec nous et qui sont restés pour se battre à nos côtés. Il s'agit notamment d'Ibrahima Sarr, de Fara Bâ, etc. Il faudrait que l'on conjugue nos efforts. Et nous sommes conscients de cela et c'est la raison pour laquelle nous avons toujours tendu la main depuis que nous sommes sortis des Flam pour leur dire que nous ne nous considérons pas comme des ennemis. Au contraire, nos actions doivent être complémentaires. Mais ce sont eux qui nous traitent de tous les noms : en disant que nous sommes vendus au régime, qu'on nous a donné de l'argent, que nous allons essayer de ramener les déportés, etc. Mais c'est absolument faux ! Et nous avons vu que tout le monde était malheureux quand il y a eu la scission. On est d'accord là-dessus. Nous avons dit à tous ces gens qui se sont manifestés de venir pour que nous nous retrouvions et que nous sommes prêts pour cela. Parce que nous ne nous sommes pas battus contre eux. Ce sont eux qui nous ont dit que : ‘Vous êtes partis, vous êtes des renégats’. A aucun moment, vous n'avez vu quelqu'un des Flam/Rénovation dire que ces gens là sont ceci ou cela. Nous savons qu'ils sont convaincus et qu'ils veulent lutter pour l'égalité en Mauritanie et pour que les Noirs recouvrent leurs droits. Nous aussi sommes convaincus de cela, mais nous pensons qu'ils font fausse route.

Wal Fadjri : Face à vos compatriotes négro-mauritanien, ne vous sentez-vous pas coupable d'avoir trahi votre option première qui est de les réhabiliter ?

Mamadou Bocar Bâ : Mais non ! C'est notre combat de tous les jours. Nous nous sommes rendu compte que cela ne pouvait mener à rien. Et c'est par réalisme que nous l'avons su. Mais nous nous battons comme nous le pouvons aujourd'hui, en parlant, en mobilisant et en essayant de convaincre pour qu'il y ait en Mauritanie une société égalitaire, juste et solidaire. Nous ne pensons pas avoir trahi qui que ce soit. Nous nous inscrivons toujours dans cette ligne-là. Seulement, aujourd'hui nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas faire cette lutte armée que nous avons voulu faire.

Wal Fadjri : Vous avez dit dans vos propos liminaires que votre option première c'était la lutte armée et que vous vous attendiez à des soutiens, mais tel n'a pas été le cas. De qui attendiez-vous un soutien ?

Mamadou Bocar Bâ : Pour toutes les guerres de libération du monde, les gens n'ont pu le faire que quand ils ont eu un soutien, qui peut être des Etats ou des hommes. Mais en ce qui nous concerne, nous n'avons eu de soutien de personne. Ce n'était donc pas possible.

Wal Fadjri : Depuis que vous êtes retourné en Mauritanie, quel acte politique avez-vous posé ?

Mamadou Bocar Bâ : Quand nous sommes partis en Mauritanie pour la première fois, nous avons pris contact avec les partis politiques, la société civile et nous leur avons dit ceci : ‘Nous sommes des enfants mauritaniens. Nous avons été obligés de quitter notre pays à cause de la répression. On nous a réprimés parce que nous avons dit que nous étions brimés. Et nous somme revenus aujourd'hui parce que nous pouvons parler et nous disons encore la même chose : que nous sommes brimés et nous voulons que cette brimade cesse et que dans ce pays, il y ait une société égalitaire’. C'est un travail que nous avions déjà fait avec les partis politiques. Et quand nous sommes rentrés en France, il est né en Mauritanie ce qu'on appelle la Coalition des forces pour le changement démocratique ( Cfcd ) et qui était constitué, à l'époque, de dix mouvements politiques. Nous avons été la onzième force de cette coalition. Et dans cette coalition, tous les partis sont arrivés à travailler sur un programme commun de gouvernement. Et dans ce programme, nous avons pu faire en sorte que les préoccupations qui sont les nôtres soient la question centrale. Personnellement, je suis rentré en Mauritanie depuis le début du mois de septembre et j'ai travaillé avec tous les chefs de parti notamment, sur le programme, sur les accords électoraux. Et ce, pour faire en sorte que cette coalition puisse, aux prochaines échéances électorales, être une force incontournable dans le futur. Et je pense que si cela réussit, ce sera aussi en partie grâce au travail que nous avons fait.

Wal Fadjri : Et quels sont vos acquis depuis que vous avez entrepris ces démarches ?

Mamadou Bocar Bâ : Notre premier acquis, c'est d'abord de pouvoir être considéré comme une force politique responsable et surtout cohérente. Responsable parce que nous avons su faire un effort sur nous-mêmes pour aller vers les gens, pour leur tenir un langage de responsabilité, mais un langage de fermeté sans aucune compromission. Et nous avons posé aux gens les problèmes. Ce qui déjà était important pour nous : qu'on nous reconnaisse dans le paysage politique mauritanien comme étant une force incontournable de progrès. Nous venons de naître et nous ne pouvons pas peut-être parler d'acquis tout de suite, parce que nous ne pouvons pas faire de bilan pour l'instant. Mais nous nous inscrivons dans l'avenir où nous pensons pouvoir construire une force solide, cohérente qui va travailler pour qu'en Mauritanie, puisse exister une société d'égalité et de droit.

Wal Fadjri : Mais les actes posés par le nouveau régime vous rassurent-ils ?

Mamadou Bocar Bâ : Ce n'est pas encore très clair. Mais nous pouvons déjà nous réjouir de ce qui s'est passé. Parce qu'à mon avis, malgré le passé de ces gens, malgré tout ce qu'on peut dire, nous pensons quand même qu'il y a un acquis important qui a été le départ de Ould Taya. Parce que tout le monde est d'accord pour dire que la Mauritanie était dans une véritable impasse. Aujourd'hui que Taya est parti, nous pouvons envisager beaucoup de choses. Nous avons été frustrés que le pouvoir en place n'ait pas pris en considération notre préoccupation première qui est de résoudre assez rapidement le problème des déportés mauritaniens vivant au Sénégal et au Mali. Pour nous, cela était essentiel parce que nous pensions que ce sont des compatriotes mauritaniens qui ont subi une injustice flagrante, tout simplement parce qu'ils sont noirs. Ensuite, il y a le problème des militaires et civils qui ont été assassinés froidement, de la façon la plus bestiale. Nous pensons que ces problèmes devaient être pris en charge pour que la Mauritanie puisse repartir sur de bonnes bases. Nous pensons qu'aujourd'hui, dans nos Etats, la chose la plus importante que nous avons posée, c'est la paix civile. Car sans elle, nous ne pouvons pas nous consacrer à la véritable tâche qui doit être celle des politiciens. C'est-à-dire améliorer le quotidien des populations. A mon avis, si ces problèmes étaient pris en charge, nous pourrions nous tourner vers l'avenir avec beaucoup plus d'optimisme et de courage. Malheureusement, ils ont rétorqué que la transition était courte et qu'il y avait beaucoup d'échéances à faire. Il fallait d'abord construire les bases qui permettent justement à la société mauritanienne de prendre en charge tous ces problèmes qui ne seront pas seulement ceux-là, parce que d'autres se poseront (...). Mais, la Mauritanie telle qu'elle a vécu jusqu'à aujourd'hui est quelque chose d'anachronique. Parce que les Négro-Mauritaniens ont toujours été discriminés. A notre avis, cela doit cesser. En plus, le problème de l'esclavage doit être éradiqué. Nous devons travailler pour que tous les Mauritaniens puissent vivre en hommes dignes et libres. Et ça, ce sont des préoccupations qui, d'après les nouveaux gouvernants, ne peuvent pas être pris en charge par la transition qui est assez courte.(A suivre)

Propos recueillis par Ibrahima ANNE, Aguibou KANE et Joseph DIEDHIOU

SOURCE / WALFADJIRI SENEGAL
Samedi 28 Octobre 2006 - 10:52
Samedi 28 Octobre 2006 - 10:55
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