
Toute communauté humaine ne peut fonctionner durablement, de manière pacifiée, que sur la base d’équilibres négociés et renégociés en permanence. Tant qu’un minimum d’équilibres n’est pas assuré en son sein, une société ne peut connaître que l’instabilité. La notion d’équilibre est une notion relative car les rapports de forces qui traversent une population définie et les aspirations des peuples changent au fil du temps. Si nous prenons par exemple un pays comme la France, les questions écologiques ne sont entrées sur la scène publique que récemment comme éléments à considérer dans l’équilibre de la gestion collective. Pourtant, la préservation de la nature relève de « l’intelligence première ». Des peuples considérés comme sauvages ont toujours compris l’importance de respecter la nature, de la considérer comme un allié et non un objet. Les sociétés occidentales ont, des siècles durant, traité la nature comme une chose devant seulement répondre à la satisfaction des besoins humains. Mais voilà, notre première mère se rebelle. Ainsi, des femmes et hommes ont pris conscience de l’importance de la prise en compte des limites de la nature et de ses exigences. Après des années de luttes de mouvements issus de la société civile et de certains partis politiques, les mentalités et les rapports de forces ont commencé à changer et l’écologie a fini par s’imposer dans le débat public et compter dans la formation des équilibres. Les revendications écologiques sont peut-être passagères ou définitivement ancrées. Cela n’est pas l’important dans notre analyse. Ce que nous voulons montrer est la relativité de la notion d’équilibre et sa relation avec les rapports de forces en jeu. Les sociétés évoluent, elles doivent à tout moment, pour ne pas se fracturer, trouver des équilibres entre des aspirations opposées s’exprimant à un moment donné. La Mauritanie souffre du fait de plusieurs déséquilibres : déséquilibre national, déséquilibre politique, déséquilibre de justice, déséquilibre économique, déséquilibre sociétal et peut-être d’autres que nous aurions oubliées.
I Le déséquilibre national.
La Mauritanie est un pays né de la seule volonté coloniale. Dans des articles précédents, nous avons montré que sa naissance répondait uniquement à un calcul français qui visait à contenir les visées du Maroc sur ce territoire et à trouver des minerais riches en teneur de fer au moment où la lutte de libération s’était engagée en Algérie. Rien ne prédestinait ces populations d’origine bambara, wolof, harratine, soninké, peulh, berbère, arabe à vivre dans un ensemble appelé Mauritanie. La sagesse des premières heures d’indépendance aurait dû être de travailler en vue de trouver un équilibre où chaque habitant du nouvel espace trouverait sa place. Malheureusement, une politique d’arabité a été menée par des hommes complexés, tenant à tout prix à prouver leur arabité et à faire de la Mauritanie un pays arabe. Cette politique aveugle a conduit à ne pas prendre en compte la diversité de la Mauritanie, pays où les Arabes sont loin d’être majoritaires. Elle a plongé le pays dans des divisions ethniques qui ont entraîné le pays dans des bains de sang qui ont connu leur paroxysme en 1989 et à des haines difficiles à éteindre de nos jours. Aujourd’hui encore, la question nationale n’est pas résolue. Elle est au cœur du déséquilibre de la société mauritanienne. Nous avons été surpris de voir à quel point la fracture entre communautés mauritaniennes est si marquée. Même dans le milieu universitaire, à Paris, par exemple, la question des appartenances surgit. Cela donne peu d’espoir pour un avenir proche. Aussi, au sein de chaque communauté, il existe des inégalités qui empêchent que les citoyens jouissent, dans les faits, des mêmes droits au sein de l’Etat. Or la stabilité d’un Etat dépend, en grande partie, de la jouissance des mêmes droits par les citoyens. La jouissance des mêmes droits, au-delà des appartenances particulières, au sein d’un Etat favorise le regroupement autour d’idéaux et favorise la réduction du champ des rassemblements fondés sur l’ethnie
II Le déséquilibre politique
Le déséquilibre politique est intimement lié au déséquilibre national. Il est assez facile à illustrer. Depuis que la Mauritanie est indépendante ce sont des Maures qui ont été à la tête de l’Etat et particulièrement ceux issus des tribus maraboutiques. Cette situation a été possible parce que les colonisateurs les ont soutenus, parce que plus dociles, au détriment des tribus maures guerrières, hostiles aux colons et des Négro-africains méprisés pour leur couleur de peau, peut-être aussi pour leur lâcheté; ainsi, facilement comptables parmi les vaincus. Il faut noter que des hommes issus des tribus arabes n’ont conquis que récemment le sommet de l’Etat. La communauté négro-africaine est fortement paralysée par son système de castes et les rivalités entre classes dominantes. Les dirigeants mauritaniens maures ont toujours su manipuler les castes dominantes négro-africaines pour arriver à leurs fins. Il n’y a donc pas que les Maures qui sont responsables de la situation des Noirs en Mauritanie. Les clivages au sein des communautés noires mauritaniennes, l’esprit féodal dominant en leur sein, empêchent l’émergence d’un mouvement fort pour la défense des droits des Noirs en Mauritanie et au-delà de tous les citoyens. Ceci se traduit par le faible poids politique de la communauté noire dans la gestion du pays. La société maure est aussi marquée par des inégalités sociales mais, à la différence des Noirs, la solidarité face aux autres ethnies est plus forte. Un autre aspect du déséquilibre politique tient de l’ignorance des populations et de la faible place occupée une société civile éclairé. Nous entendons par société civile éclairée, un ensemble d’acteurs agissant en vue de façonner une société qui tendrait vers plus de justice. Le manque d’ancrage de l’esprit d’équité en Mauritanie et l’absence d’une bonne éducation adaptée aux nécessités de transformation de la société mauritanienne, ne facilitent guère l’émergence d’une cité poussée vers plus de justice, le bon fonctionnement d’un Etat dépendant largement de la présence d’une société civile combative et éclairée.
III Le déséquilibre de la justice
La Justice est au cœur de la stabilité de toute communauté. Si les sociétés occidentales se portent mieux que beaucoup d’autres, ce n’est pas qu’elles sont justes mais parce qu’elles ont organisé des systèmes garantissant le respect du droit qui, malgré leurs limites, sont plus ou moins acceptables pour tous. Dans ces sociétés, il y a une lutte permanente entre les tentations du pouvoir de tout monopoliser et une société civile active qui défend la Justice et l’Equité. C’est la présence d’une société civile tenant à des valeurs nécessaires au bon fonctionnement du collectif qui est essentielle dans toute vie en communauté. Dans un pays comme la Mauritanie et dans la majorité des pays africains, la défense des valeurs de justice collective est encore marginale. La faiblesse de la société civile liée aux conditions d’émergence de l’Etat, l’ignorance et la réinjection du cadre traditionnel au sein de l’Etat, font que la justice n’est pas au cœur de la gestion collective. IV le déséquilibre économique Dans la tradition africaine, on ne laisse personne mourir de faim. Cet état d’esprit a permis la cohésion sociale des siècles durant. Maintenant que les modes de régulation anciens ont disparu, on assiste à l’émergence de sociétés hypocrites où l’avoir est au cœur des relations sociales sans qu’on ne veuille le revendiquer ouvertement. En Afrique, de nos jours, les liens sociaux sont très artificiels. Si nous demeurons pauvres, la plupart de nos relations sont fondées sur le faux-semblant. Chaque connaissance donne l’impression d’entretenir avec les démunis des liaisons comme dans les anciens temps tout en jouant à l’hypocrite. La vérité est qu’aujourd’hui, si tu es pauvre, tu n’es rien aux yeux de la plupart des membres de ton entourage. La gestion de l’Etat, en Afrique, repose souvent sur ce qu’il peut rapporter à certains individus et non à la collectivité. L’Etat permet à des personnes de s'enrichir et ainsi d’accéder à la gloire, à la popularité, d’avoir de multiples épouses et maîtresses, domestiques, obligés etc. Le détournement des fonds publics ruine la plupart des Etats du continent. La Mauritanie n’y échappe pas. L’Etat ne joue pas son rôle. Aujourd’hui, il devrait assurer la solidarité collective. Malheureusement, il est géré au profit d’une minorité, ce qui entraine de grands déséquilibres sur le plan économique, et celui de la répartition de la richesse. Cette situation favorise le clientélisme car il faut avoir un représentant auprès de l’Etat pour bénéficier de ses bienfaits. L’absence de réel développement qui permettrait à la grande majorité de travailler et de bénéficier de revenus, fragilise la société dans sa globalité. Seule la mise sur pied de politiques de développement efficaces, accompagnées d’une répartition équitable des richesses permettrait un certain équilibre en Mauritanie. V Le déséquilibre sociétal L’ensemble de tous les dérèglements que nous avons signalés nous conduisent à dire que la Mauritanie connaît une fragilité sociétale très marquée. Ce qui inquiète le plus est que comme dans de nombreux pays africains, rien ne pointe à l’horizon pour permettre de dire qu’il existe dans ce pays, de réelles forces orientées vers des directions où bonne gestion, justice et solidarité nationale seraient au cœur de l’Etat. Evidemment, dans un pays où l’idée de mérite n’est pas au centre de l’organisation sociale, les perspectives d’avenir ne peuvent être que sombres. Aussi, dans un espace public où la subjectivité est dominante, il s’ensuit un enlisement collectif. La raison cède le pas à l’irrationnel, le désordre, l’injustice …
Oumar DIAGNE Ecrivain
source:http://ocvidh-mauritanie.asso-web.com/
I Le déséquilibre national.
La Mauritanie est un pays né de la seule volonté coloniale. Dans des articles précédents, nous avons montré que sa naissance répondait uniquement à un calcul français qui visait à contenir les visées du Maroc sur ce territoire et à trouver des minerais riches en teneur de fer au moment où la lutte de libération s’était engagée en Algérie. Rien ne prédestinait ces populations d’origine bambara, wolof, harratine, soninké, peulh, berbère, arabe à vivre dans un ensemble appelé Mauritanie. La sagesse des premières heures d’indépendance aurait dû être de travailler en vue de trouver un équilibre où chaque habitant du nouvel espace trouverait sa place. Malheureusement, une politique d’arabité a été menée par des hommes complexés, tenant à tout prix à prouver leur arabité et à faire de la Mauritanie un pays arabe. Cette politique aveugle a conduit à ne pas prendre en compte la diversité de la Mauritanie, pays où les Arabes sont loin d’être majoritaires. Elle a plongé le pays dans des divisions ethniques qui ont entraîné le pays dans des bains de sang qui ont connu leur paroxysme en 1989 et à des haines difficiles à éteindre de nos jours. Aujourd’hui encore, la question nationale n’est pas résolue. Elle est au cœur du déséquilibre de la société mauritanienne. Nous avons été surpris de voir à quel point la fracture entre communautés mauritaniennes est si marquée. Même dans le milieu universitaire, à Paris, par exemple, la question des appartenances surgit. Cela donne peu d’espoir pour un avenir proche. Aussi, au sein de chaque communauté, il existe des inégalités qui empêchent que les citoyens jouissent, dans les faits, des mêmes droits au sein de l’Etat. Or la stabilité d’un Etat dépend, en grande partie, de la jouissance des mêmes droits par les citoyens. La jouissance des mêmes droits, au-delà des appartenances particulières, au sein d’un Etat favorise le regroupement autour d’idéaux et favorise la réduction du champ des rassemblements fondés sur l’ethnie
II Le déséquilibre politique
Le déséquilibre politique est intimement lié au déséquilibre national. Il est assez facile à illustrer. Depuis que la Mauritanie est indépendante ce sont des Maures qui ont été à la tête de l’Etat et particulièrement ceux issus des tribus maraboutiques. Cette situation a été possible parce que les colonisateurs les ont soutenus, parce que plus dociles, au détriment des tribus maures guerrières, hostiles aux colons et des Négro-africains méprisés pour leur couleur de peau, peut-être aussi pour leur lâcheté; ainsi, facilement comptables parmi les vaincus. Il faut noter que des hommes issus des tribus arabes n’ont conquis que récemment le sommet de l’Etat. La communauté négro-africaine est fortement paralysée par son système de castes et les rivalités entre classes dominantes. Les dirigeants mauritaniens maures ont toujours su manipuler les castes dominantes négro-africaines pour arriver à leurs fins. Il n’y a donc pas que les Maures qui sont responsables de la situation des Noirs en Mauritanie. Les clivages au sein des communautés noires mauritaniennes, l’esprit féodal dominant en leur sein, empêchent l’émergence d’un mouvement fort pour la défense des droits des Noirs en Mauritanie et au-delà de tous les citoyens. Ceci se traduit par le faible poids politique de la communauté noire dans la gestion du pays. La société maure est aussi marquée par des inégalités sociales mais, à la différence des Noirs, la solidarité face aux autres ethnies est plus forte. Un autre aspect du déséquilibre politique tient de l’ignorance des populations et de la faible place occupée une société civile éclairé. Nous entendons par société civile éclairée, un ensemble d’acteurs agissant en vue de façonner une société qui tendrait vers plus de justice. Le manque d’ancrage de l’esprit d’équité en Mauritanie et l’absence d’une bonne éducation adaptée aux nécessités de transformation de la société mauritanienne, ne facilitent guère l’émergence d’une cité poussée vers plus de justice, le bon fonctionnement d’un Etat dépendant largement de la présence d’une société civile combative et éclairée.
III Le déséquilibre de la justice
La Justice est au cœur de la stabilité de toute communauté. Si les sociétés occidentales se portent mieux que beaucoup d’autres, ce n’est pas qu’elles sont justes mais parce qu’elles ont organisé des systèmes garantissant le respect du droit qui, malgré leurs limites, sont plus ou moins acceptables pour tous. Dans ces sociétés, il y a une lutte permanente entre les tentations du pouvoir de tout monopoliser et une société civile active qui défend la Justice et l’Equité. C’est la présence d’une société civile tenant à des valeurs nécessaires au bon fonctionnement du collectif qui est essentielle dans toute vie en communauté. Dans un pays comme la Mauritanie et dans la majorité des pays africains, la défense des valeurs de justice collective est encore marginale. La faiblesse de la société civile liée aux conditions d’émergence de l’Etat, l’ignorance et la réinjection du cadre traditionnel au sein de l’Etat, font que la justice n’est pas au cœur de la gestion collective. IV le déséquilibre économique Dans la tradition africaine, on ne laisse personne mourir de faim. Cet état d’esprit a permis la cohésion sociale des siècles durant. Maintenant que les modes de régulation anciens ont disparu, on assiste à l’émergence de sociétés hypocrites où l’avoir est au cœur des relations sociales sans qu’on ne veuille le revendiquer ouvertement. En Afrique, de nos jours, les liens sociaux sont très artificiels. Si nous demeurons pauvres, la plupart de nos relations sont fondées sur le faux-semblant. Chaque connaissance donne l’impression d’entretenir avec les démunis des liaisons comme dans les anciens temps tout en jouant à l’hypocrite. La vérité est qu’aujourd’hui, si tu es pauvre, tu n’es rien aux yeux de la plupart des membres de ton entourage. La gestion de l’Etat, en Afrique, repose souvent sur ce qu’il peut rapporter à certains individus et non à la collectivité. L’Etat permet à des personnes de s'enrichir et ainsi d’accéder à la gloire, à la popularité, d’avoir de multiples épouses et maîtresses, domestiques, obligés etc. Le détournement des fonds publics ruine la plupart des Etats du continent. La Mauritanie n’y échappe pas. L’Etat ne joue pas son rôle. Aujourd’hui, il devrait assurer la solidarité collective. Malheureusement, il est géré au profit d’une minorité, ce qui entraine de grands déséquilibres sur le plan économique, et celui de la répartition de la richesse. Cette situation favorise le clientélisme car il faut avoir un représentant auprès de l’Etat pour bénéficier de ses bienfaits. L’absence de réel développement qui permettrait à la grande majorité de travailler et de bénéficier de revenus, fragilise la société dans sa globalité. Seule la mise sur pied de politiques de développement efficaces, accompagnées d’une répartition équitable des richesses permettrait un certain équilibre en Mauritanie. V Le déséquilibre sociétal L’ensemble de tous les dérèglements que nous avons signalés nous conduisent à dire que la Mauritanie connaît une fragilité sociétale très marquée. Ce qui inquiète le plus est que comme dans de nombreux pays africains, rien ne pointe à l’horizon pour permettre de dire qu’il existe dans ce pays, de réelles forces orientées vers des directions où bonne gestion, justice et solidarité nationale seraient au cœur de l’Etat. Evidemment, dans un pays où l’idée de mérite n’est pas au centre de l’organisation sociale, les perspectives d’avenir ne peuvent être que sombres. Aussi, dans un espace public où la subjectivité est dominante, il s’ensuit un enlisement collectif. La raison cède le pas à l’irrationnel, le désordre, l’injustice …
Oumar DIAGNE Ecrivain
source:http://ocvidh-mauritanie.asso-web.com/