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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

Quand la liberté n'est qu'un mot


Quand la liberté n'est qu'un mot
Le 8 août 2007. Ce devait être un jour de fête en Mauritanie, un vaste pays désertique sur la côte nord-ouest de l'Afrique. La radio, la télévision et les journaux venaient tous d'annoncer la proclamation de la fin de l'esclavage. Posséder un esclave devenait un crime. En l'espace d'une nuit, un demi-million de personnes - le cinquième de la population - n'était officiellement plus asservies.Mais il y avait un problème. Ce demi-million de personnes nouvellement libérées n'avaient ni radio, ni télévision. Elles ne savaient pas lire, et les nouvelles - s'ils les avaient entendues - n'auraient de toute façon pas signifié grand-chose.En Mauritanie, malgré les grandes déclarations et toutes les bonnes intentions, l'esclavage continue de prospérer, comme il le fait depuis 800 ans. Il ne fait que prendre de nouvelles formes.Ainsi, des hommes, des femmes et des enfants au teint foncé, qu'on appelle les Haratines, doivent obéir aux ordres sous peine d'être roués de coups. Ils travaillent comme laboureurs ou comme bergers. Ils sont serviteurs ou cuisiniers, bonnes d'enfants ou encore gardiens. Ils sont sans le sou et n'ont pas d'instruction. Leurs maîtres sont des Maures arabophones à la peau claire.Cette relation est ancienne, compliquée et profondément ancrée, et elle permet de comprendre une grande partie de ce qui se passe dans ce pays ensablé et riche en fer. Même les Mauritaniens les plus modernes et les plus avertis sont pris dans cet écheveau.Mohamed Sidi Ali François est professeur d'informatique dans une école privée américaine huppée de Nouakchott, la capitale du pays. C'est un Maure qui a fréquenté des universités en Écosse et aux États-Unis. Ce grand homme mince dans le milieu de la quarantaine déborde d'énergie ce matin de la fin novembre où nous nous rencontrons. C'est mon guide et interprète.Visite d'un bidonville haratine Nous roulons dans les rues poussiéreuses de Nouakchott, et Mohamed me fait remarquer la laiterie Tiviski qui conditionne du lait de chamelle recueilli auprès d'éleveurs nomades. Nous longeons les hautes murailles qui ceinturent la caserne centrale de la ville; en effet, la Mauritanie a été dirigée par des généraux jusqu'à l'an dernier. Notre destination? Sebkha, un des quartiers les plus pauvres de Nouakchott.Nous sommes accueillis par des grappes d'enfants excités. Mohamed regarde attentivement le sable doré, fronce les sourcils et montre mes chaussures.« Regardez où vous marchez, me dit-il, parce que les gens ici n'ont pas de toilettes; alors, ils font généralement ça dans la rue. Faites bien attention où vous posez les pieds. »Mohamed me guide dans un dédale de ruelles étroites. Les cabanes composées d'une seule pièce et alignées le long des ruelles sont faites de morceaux de bois et de tôle ondulée, et elles sont disposées de manière à bloquer les vents venus du désert.La tunique de Mohamed, qui descend jusqu'aux chevilles et qu'on appelle boubou, ondule comme un drap, une tache d'un bleu brillant sur les murs érodés par le sable.Le VUS de Mohamed passe souvent près de Sebkha : le quartier est près de l'aéroport.Mais il s'y rend rarement; en Mauritanie, chacun sait où est sa place.Dès la naissance, on vous apprend à qui vous pouvez parler ou pas, et avec qui vous avez le droit de vous marier.Les charretiers, les balayeurs, les manoeuvres sont des Haratines, et ils ont la peau noire.Les banquiers, les avocats, les enseignants d'écoles privées comme Mohamed sont des Maures, et leur peau plus claire est presque blanche.En Mauritanie, les codes sociaux n'ont rien de subtil. Ils se voient instantanément dans le maintien altier de Mohamed et dans la manière obéissante dont les Haratines de Sebkha détournent le regard et s'écartent du chemin pour le laisser passer avant qu'il ne leur fasse signe que tout va bien.Devant Mohamed, les résidents de Sebkha n'admettent pas facilement qu'ils sont d'anciens esclaves. Ils encore peur que leurs anciens maîtres reviennent les chercher.Un homme appelé Hussein tente d'expliquer la situation.« Si vous allez à la campagne, vous verrez que ce sont des esclaves et des esclaves affranchis qui font tout le travail dans les champs. Et la terre ne leur appartient pas; elle appartient aux maîtres qui insistent pour dire que ce ne sont pas leurs esclaves. Mais ce sont les maîtres qui les font travailler et qui décident combien les payer. [Les Haratines] croient le gouvernement quand il leur dit qu'ils ne sont pas des esclaves, mais en réalité, c'est ce qu'ils sont. »En août dernier, lorsque l'Assemblée nationale mauritanienne a adopté une loi criminalisant l'esclavage, on a ordonné aux maîtres de libérer leurs esclaves haratines sous peine de se voir condamnés à dix ans de prison.Les organisations anti-esclavagistes ont parlé d'un grand pas en avant, ce qui est effectivement le cas sur papier.Mais les Haratines libérés n'ont pas de terre. Ils ne possèdent rien et sont pratiquement tous illettrés. La loi ne peut pas changer la couleur de leur peau.Jusqu'à présent, la fin de l'esclavage est un bienfait tout relatif, me dit Hussein. Les esclaves libérés qui étaient auparavant nourris par leurs maîtres souffrent maintenant de la faim. « Certains de ceux qui ont été libérés préfèrent rester avec leur maître, parce qu'ils sont contents de leur situation. Ils préfèrent ne rien dire. Les blancs disent qu'ils font partie de la famille, mais ils continuent à nous traiter comme des esclaves. Alors pourquoi les Haratines continuent-ils à nier la situation? »La Mauritanie est une république islamiste gouvernée par la charia. Pendant des siècles, les imams ont expliqué dans leurs prêches que le prophète Mahomet justifiait le confort des Maures et les souffrances des Haratines. Hussein fait partie de ceux qui ont eu de la chance : il a réussi à devenir enseignant. Il sait qu'il faudra plus qu'une loi pour briser les chaînes de l'esclavage. « Il y a une contradiction dans ce pays, dit-il. La religion permet l'esclavage, alors que le gouvernement tente d'y mettre fin. À qui faut-il obéir, à la religion ou au gouvernement? »Visite à un lettré musulmanDepuis que nous avons quitté les bidonvilles de Sebkha, Mohamed me parle de Mohameden Ould Tah. C'est une célébrité religieuse en Mauritanie. Il est régulièrement invité à la télévision et à la radio d'État, et ses livres et ses cassettes sont vendus dans la rue par des marchands ambulants. Je dis à Mohamed que je souhaiterais le rencontrer. Il passe alors un coup de fil et m'explique que, à sa grande surprise, nous avons rendez-vous. En effet, les imams font généralement la queue devant la propriété aux murs blancs pour le rencontrer.Nous sommes accueillis à la porte par un Haratine qui nous fait traverser une cour fleurie avant de passer par une autre série de portes et un long passage carrelé.Mohameden Ould Tah nous attend dans son bureau tapissé de livres et digne d'un palais. Il a une crinière blanche, la peau claire et délicate et un sourire avenant. Il a l'air doux, même si Mohamed m'a parlé de sa réputation de débatteur féroce et tenace.Un serviteur haratine nous tend de petites tasses de thé vert sucré. Mohameden Ould Tah le congédie d'un revers de la main et me dit ne pas bien comprendre mon intérêt pour l'esclavage.« Rien dans l'islam n'encourage l'esclavage », m'explique-t-il. « Si les musulmans avaient appliqué les versets du Coran qui font état de cela, il n'y aurait jamais eu de problème. »Je lui réponds que j'ai du mal à croire ce qu'il me dit, puisque dans sa propre maison, ce sont des Haratines qui ouvrent les portes, lavent le sol et font le thé. Alors, s'il n'y a plus d'esclaves en Mauritanie, qui sont ces gens qui s'occupent de lui?Il me répond que je ne comprends pas : autrefois, il avait des esclaves, mais maintenant ils sont libres d'aller et de venir. Selon lui, ils sont comme ses propres enfants et même comme sa propre mère, « parce que quand j'étais petit, ma mère n'avait pas assez de lait; alors ce sont des esclaves qui m'ont donné leur lait ».« Quand certains pays en veulent à la Mauritanie, ils essaient de trouver ce qui ne va pas », ajoute-t-il. « Il n'y a plus de problème d'esclavage; on ne devrait même plus en parler, parce que c'est fini, terminé. »Je lui demande si ce que m'a expliqué le Haratine à Sebkha est exact, c'est-à-dire que c'est Dieu qui a fait d'eux des esclaves et qu'ils ne devraient donc pas souhaiter la liberté.Mohameden Ould Tah me fait signe de la main d'arrêter ma question : il est clairement exaspéré. « Le prophète Mahomet nous a appris qu'il ne fallait pas dire esclave, mais mon fils ou ma fille. L'islam a fermé les portes de l'esclavage et en a ouvert d'autres pour libérer les esclaves. Si vous commettez des péchés et que vous affranchissez un esclave, la moitié de vos péchés sont pardonnés. Il existe un devoir en islam appelé la zakât selon lequel, si vous êtes riche, vous devez donner une partie de votre fortune aux pauvres. »Visite à la campagne Mohamed et moi avons une journée de voiture qui nous attend au travers du Sahara: je veux rencontrer des Haratines dans la ville-marché d'Atar dans le nord du pays. Nous écoutons sa chanteuse favorite, Malouma, une Mauresque à la peau claire qui défend les droits des Haratines et ceux des femmes.« Quand nous nous sommes parlé des yeux, c'était divin; Tout en sourires et en révérence, Nous avons essayé l'amour et il a échoué; Et pourtant, toujours l'amour nous rattrape, quoiqu'on fasse. »Il y a quelques années, la musique de Malouma était interdite. Aujourd'hui, la chanteuse a été élue sénatrice. Mais elle a encore énormément à faire dans sa lutte contre l'injustice, car des centaines de milliers de Haratines vivent dans des communautés dispersées dans l'immense désert du Sahara qui défilent devant nos vitres.Nous arrivons juste après le crépuscule. L'air est déjà frais. Notre véhicule se fraie un chemin dans les rues sombres et étroites et finit par s'arrêter près d'un mur en pisé.Mohamed m'explique que c'est la première fois qu'il vient dans ce quartier. Ici, les maisons sont faites de sable compressé recouvert d'argile. Lorsqu'il pleut, ajoute-t-il, l'argile se dissout et les habitants ont peur que leurs maisons s'écroulent.La pleine lune est la seule lumière.Nous passons à travers une porte qui débouche dans une cour. J'entends une douzaine de voix, mais je ne peux voir les visages tant que mes yeux ne se sont pas habitués à la lueur de la bougie.Mohamed s'est arrangé pour qu'un représentant de S.O.S. Esclaves soit présent, ainsi que des hommes et des femmes qui viennent d'être affranchis.Un jeune homme me prend par le bras et me dirige vers un groupe de femmes et d'enfants.Une femme âgée nommée Mohammeda - c'est le seul nom qu'elle porte - est assise sur un tapis. Elle sourit et me serre la main. Ses yeux sont vitreux. Elle est presque aveugle.Toute petite déjà, Mohammeda se levait avant l'aube pour travailler. Elle allumait le feu, trayait les chamelles et préparait à manger. Elle a passé des jours à transporter de l'eau, à rassembler du bois pour le feu et à s'occuper des enfants du maître. Sa mère, sa grand-mère et son arrière-grand-mère ont toutes servi la même famille. Lorsque les yeux et les genoux de Mohammeda ont commencé à lâcher, le maître l'a mise à la porte de la seule maison qu'elle ait jamais connue.Il a dit qu'il devait respecter la loi et que par conséquent il la libérait.Mohammeda est partie à pied avec pour toute possession ce qu'elle avait sur le dos : une morceau de tissu jaune et rose - la malafa - qui la protège de la chaleur et des morsures des tempêtes de sable.« Mes enfants sont toujours esclaves, dit-elle. Et le maître bat régulièrement ma fille. On ne lui donne pas assez de vêtements. »Mohammeda est au courant de la nouvelle loi qui fait de l'esclavage un crime, mais elle ne fait pas confiance au gouvernement pour ce qui est de l'affranchissement de sa fille. Elle commence à rire quand je lui demande si elle pense qu'il y a une fin en vue à l'esclavage. Elle me répond que non, avant de chercher à savoir si je peux justement l'aider à faire libérer sa fille.Visite de la maison de MohamedC'est ma dernière journée en Mauritanie et, avec Mohamed, nous sommes de retour à Nouakchott.Nous nous promenons sur les dunes dans son véhicule tout terrain, musique à fond et vitres ouvertes, deux types dans la chaleur de l'après-midi avec du temps à perdre.Mohamed ne cache pas son enthousiasme au sujet de l'argent du pétrole et des produits miniers qui coule à flots en Mauritanie. Et une grande partie de cet argent est canadien. Mohamed me raconte qu'autrefois, il rêvait de partir aux États-Unis, parce que son pays n'avait pas d'avenir. Mais il a changé d'avis, car d'après lui le pays est en train de rattraper son retard sur le reste du monde.Il veut me montrer la nouvelle maison qu'il est en train de faire construire dans un quartier aisé près de la plage.Mohamed et moi n'avons passé que quelques jours ensemble, mais j'ai l'impression que je commence à le connaître. D'après moi, c'est quelqu'un de progressiste, membre de l'élite instruite qui aidera à mettre fin au système de castes qui remonte à l'âge des ténèbres. Je me réjouis de pouvoir enfin me faire une idée de son quotidien.Mohamed me montre du doigt une maison en béton de deux étages, entourée de murs. Il y a un balcon et un garage pour deux voitures. Jusqu'à présent, elle lui a coûté 60 000 dollars. Il y a deux salles de bain, des carreaux importés et une pièce pour son ordinateur.À quelques mètres de là, une tente couverte de vieux sacs et de morceaux de plastique résiste aux assauts du vent. Une douzaine d'enfants rentrent dans la tente et en sortent en courant. Un enfant handicapé est assis dans le sable à côté d'une chèvre et d'un tas d'immondices. À l'intérieur, une femme allaite un bébé âgé de cinq jours. Il y a des casseroles, quelques contenants en plastique pour l'eau et une pile de vêtements. Une théière fume sur un feu.Mohamed m'explique qu'il s'agit de ses gardiens. Ce sont des Haratines. Il les paye 15 000 ouguiyas - 50 dollars - par mois. Pour cette somme, Mohammed a droit à un service jour et nuit. Le père, un homme dans la quarantaine nommé Jeva, veille à ce que personne ne vole de matériaux de construction.Lorsque je lui demande si les membres de cette famille sont ses esclaves, Mohamed me répond que non, qu'il les paye, et qu'ils sont donc de simples employés. L'esclavage, c'est fini, affirme-t-il. Ils seront libres de partir quand la maison sera terminée et qu'il n'aura plus besoin d'eux.« Vous ne m'avez jamais parlé de ces gens », lui dis-je. « C'était une surprise », me répond-il. « Je voulais simplement vous montrer que, quelque fois, ceux qui travaillent pour nous ne sont pas vraiment des esclaves. Leur salaire est maigre, c'est vrai, mais c'est tout ce que nous pouvons nous permettre. »Mohamed gagne 3 000 dollars par mois comme enseignant à l'école américaine. C'est 30 fois le salaire moyen en Mauritanie.« Vous savez », me dit-il, « la vie est injuste. »

David Gutnick
The Sunday Edition

source: Diko Hanoune
Vendredi 9 Janvier 2009 - 09:22
Vendredi 9 Janvier 2009 - 09:24
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