
Lettre adressée au Président mauritanien à l'époque par les familles des victimes de l'épuration ethnique.
(A l'époque le colonel arrivé au pouvoir par coup d'Etat présidait le comité militaire des putshistes connu sous le nom de C.M.S.N).
A Monsieur le Président du C.M.S.N
Chef de l’Etat
Monsieur le Président,
En cette fête de l’Aid El Fitr, certaines de nos concitoyennes ont eu l’heureuse occasion de retrouver leurs fils, époux, ou frères arrêtés durant les derniers mois de l’année écoulée.
Ce ne fut pas le cas pour nous, malheureuses oubliées de ces grandes retrouvailles, et notre attente angoissée s’est vite transformée en de sérieuses craintes, d’autant que plusieurs sources non officielles font état de plusieurs exécutions parmi les détenus ce qu’aucune voix autorisée n’est venue jusqu’à ce jour confirmer ou infirmer.
Ce n’est donc que légitime que l’on s’interroge sur le sort des nôtres disparus.
Sont-ils en attente de passer devant une juridiction, laquelle, pourquoi et quand? Font-ils l’objet de sanctions disciplinaires, où, pour quel motif? Sont-ils effectivement morts, dans quelles conditions et pourquoi?
Toutes nos tentatives individuelles ou collectives de trouver des réponses officielles à ces questions se sont heurtées à une étonnante muraille de silence qui a renforcé nos craintes et aiguisé nos angoisses.
S’il est confirmé que ceux qui ne sont pas libérés sont effectivement morts, en tant qu’épouses nous nous devons de nous conformer aux prescriptions de notre sainte religion: "Les épouses de ceux qui meurent parmi vous doivent observer quatre mois et dix jours avant quelles soient autorises à se posséder". Et en tant que mères et soeurs de prendre les mesures qui s’imposent conformément à nos valeurs religieuses et sociales. Cela est d’autant plus urgent que nous sommes constamment habitées par la peur et la crainte de l’inobservation de ces devoirs faute de notifications officielles.
Monsieur, le Président,
La disparition des nôtres pose d’incommensurables problèmes de tous ordres et notamment sociaux.
Certains sont fils uniques et sont à ce titre les seules joie et fierté de leurs familles, d’autres sont les seuls soutiens et d’autres encore laissent derrière eux plusieurs épouses et plus d’une dizaine d’enfants sans ressources.
C’est un véritable drame que nous vivons avec l’écroulement de nos derniers espoirs et nous avons l’amère sentiment d’être laissées à nous même avec nos chagrins et la misère qui nous encercle, et finalement d’être mises dans des conditions que la conscience humaine ne peut accepter.
Pour toutes ces raisons, nous faisons appel à vous dans cet ultime recours pour que le silence soit rompu, que des explications nous soient données et qu’un traitement humain nous soit réservé conformément à la morale et aux droits auxquels on peut prétendre.
Nous voulons aussi que soient associées à cette requête toutes nos concitoyennes qui se trouvent dans les mêmes conditions que nous et qui pour une raison ou pour une autre ne peuvent matériellement participer à notre démarche.
Nous osons espérer que nos appels seront entendus et qu’une suite favorable sera réservé à notre requête.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos meilleurs sentiments.
(75 signataires)
Source: Site du FAAS
Publié en 1997
(*Ce dossier de ces femmes courageuses qui réclament les dépouilles de leurs fréres, époux, péres et oncles, continue d'être royalement ignoré par l'actuel régime).
(A l'époque le colonel arrivé au pouvoir par coup d'Etat présidait le comité militaire des putshistes connu sous le nom de C.M.S.N).
A Monsieur le Président du C.M.S.N
Chef de l’Etat
Monsieur le Président,
En cette fête de l’Aid El Fitr, certaines de nos concitoyennes ont eu l’heureuse occasion de retrouver leurs fils, époux, ou frères arrêtés durant les derniers mois de l’année écoulée.
Ce ne fut pas le cas pour nous, malheureuses oubliées de ces grandes retrouvailles, et notre attente angoissée s’est vite transformée en de sérieuses craintes, d’autant que plusieurs sources non officielles font état de plusieurs exécutions parmi les détenus ce qu’aucune voix autorisée n’est venue jusqu’à ce jour confirmer ou infirmer.
Ce n’est donc que légitime que l’on s’interroge sur le sort des nôtres disparus.
Sont-ils en attente de passer devant une juridiction, laquelle, pourquoi et quand? Font-ils l’objet de sanctions disciplinaires, où, pour quel motif? Sont-ils effectivement morts, dans quelles conditions et pourquoi?
Toutes nos tentatives individuelles ou collectives de trouver des réponses officielles à ces questions se sont heurtées à une étonnante muraille de silence qui a renforcé nos craintes et aiguisé nos angoisses.
S’il est confirmé que ceux qui ne sont pas libérés sont effectivement morts, en tant qu’épouses nous nous devons de nous conformer aux prescriptions de notre sainte religion: "Les épouses de ceux qui meurent parmi vous doivent observer quatre mois et dix jours avant quelles soient autorises à se posséder". Et en tant que mères et soeurs de prendre les mesures qui s’imposent conformément à nos valeurs religieuses et sociales. Cela est d’autant plus urgent que nous sommes constamment habitées par la peur et la crainte de l’inobservation de ces devoirs faute de notifications officielles.
Monsieur, le Président,
La disparition des nôtres pose d’incommensurables problèmes de tous ordres et notamment sociaux.
Certains sont fils uniques et sont à ce titre les seules joie et fierté de leurs familles, d’autres sont les seuls soutiens et d’autres encore laissent derrière eux plusieurs épouses et plus d’une dizaine d’enfants sans ressources.
C’est un véritable drame que nous vivons avec l’écroulement de nos derniers espoirs et nous avons l’amère sentiment d’être laissées à nous même avec nos chagrins et la misère qui nous encercle, et finalement d’être mises dans des conditions que la conscience humaine ne peut accepter.
Pour toutes ces raisons, nous faisons appel à vous dans cet ultime recours pour que le silence soit rompu, que des explications nous soient données et qu’un traitement humain nous soit réservé conformément à la morale et aux droits auxquels on peut prétendre.
Nous voulons aussi que soient associées à cette requête toutes nos concitoyennes qui se trouvent dans les mêmes conditions que nous et qui pour une raison ou pour une autre ne peuvent matériellement participer à notre démarche.
Nous osons espérer que nos appels seront entendus et qu’une suite favorable sera réservé à notre requête.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos meilleurs sentiments.
(75 signataires)
Source: Site du FAAS
Publié en 1997
(*Ce dossier de ces femmes courageuses qui réclament les dépouilles de leurs fréres, époux, péres et oncles, continue d'être royalement ignoré par l'actuel régime).