
Beaucoup de livres s’écrivent sur Senghor et sans doute s’écriront sur lui. Cette « abondance » rend compte de la dimension incommensurable de l’homme. Le fils du « Royaume d’enfance », poète-président, président-poète, politicien et théoricien de la négritude, de l’enracinement et de l’ouverture se donne dans ses « paroles » et les subtilités qui les fondent. Ses poèmes plongent leurs racines dans l’humus de ce royaume tant chanté. Cet humus fertilisant qui rend fécondes les graines et toutes les graines.
Senghor est une graine-fruit, fruit-graine. C’est à cette graine que le professeur Diané, « agronome des mots », rend son rythme enfoui. Ces paroles puisées de la terre fertile du Sine et de cette Afrique nue sont lumière. Scintillements de l’or porté et chanté ! Cette nudité n’est ni offense ni immonde. Elle est le poème, le cœur du poème exquis et qu’on déguste avec satiété si jamais on découvre l’indicible message qu’il véhicule.
Le professeur Diané nous dit ceci : « Dans sa complexité, la poésie traduit l’inquiétude d’un rapport au monde en même temps que la tentative d’un homme entièrement imprégné de la conscience que sa parole est, avant tout, un acte d’espérance » (pp. 11-12). Complexité, conscience et expérience ! J’ai envie de dire que Senghor ne peut être cerné qu’à travers ce triptyque qui fonde son âme. Il détermine cet enracinement et cette ouverture que le tisserand des mots a légués à la postérité.
Prenons le professeur dans ses verbes (action de l’orfèvre !) : il traite, relit et isole. En le clamant tout haut dans son introduction, l’auteur ne disperse pas l’âme du poète, celui qu’il appelle, affectueusement, « porteur de paroles ». Oui Senghor est « porteur de paroles », comme un prophète incompris, il tisse et retisse son message et fait que « les valeurs que la poésie est chargée de transmettre sont tellement graves que le porteur de paroles est parfois obligé de bégayer la vérité » (p. 15). Les hachures ne sont que message. Elles forment et informent le message. Elles lui donnent sa couleur et sa saveur. Elles sont son pluriel. Senghor est un pluriel-singulier.
Le poète-président est revisité à travers ce livre poétique. Peut-il en être autrement quand l’auteur lui-même cherche à cerner la dimension ontologique du poème senghorien ? Celle qui migre entre les interstices des versets. Ne rumine-t-il pas le « mot essentiel » ? Le mot divin ? La divinité même ? On est porté à le prendre au mot quand on chante avec Diané. Diané chante après Senghor. Superposition de paroles! Le texte est, comme, rythmé par les incantations des Saltigué. Ils forment un cercle. A la périphérie de ce cercle d’autres voix répondent et forment un écho. Donc le verbe de Diané est l’autre versant du texte senghorien. C’est un miroir !
Enfin, le langage dianien nous permet d’entendre « les résonnances heurtées de l’appel lancé par « les tambours de la mémoire ». Il nous permet de « (re)dire après Senghor […] ces mots qui ont étendu le temps de leur vibration » : « Et les abeilles d’or sur tes joues d’ombre bourdonnent comme des étoiles » (p. 276). C’est cette sentence finale qui m’éclaire et qui me fait comprendre, de manière définitive, cette question senghorienne qui ouvre le texte de Diané : « Qui logera nos rêves sous les paupières des étoiles ? » (p.11).
Senghor est inépuisable et Diané, par ce livre, nous offre la possibilité de cerner une face du « porteur de paroles ».
Abderrahmane NGAÏDE
FLSH/DEPARTEMENT HISTOIRE/UCAD
Senghor est une graine-fruit, fruit-graine. C’est à cette graine que le professeur Diané, « agronome des mots », rend son rythme enfoui. Ces paroles puisées de la terre fertile du Sine et de cette Afrique nue sont lumière. Scintillements de l’or porté et chanté ! Cette nudité n’est ni offense ni immonde. Elle est le poème, le cœur du poème exquis et qu’on déguste avec satiété si jamais on découvre l’indicible message qu’il véhicule.
Le professeur Diané nous dit ceci : « Dans sa complexité, la poésie traduit l’inquiétude d’un rapport au monde en même temps que la tentative d’un homme entièrement imprégné de la conscience que sa parole est, avant tout, un acte d’espérance » (pp. 11-12). Complexité, conscience et expérience ! J’ai envie de dire que Senghor ne peut être cerné qu’à travers ce triptyque qui fonde son âme. Il détermine cet enracinement et cette ouverture que le tisserand des mots a légués à la postérité.
Prenons le professeur dans ses verbes (action de l’orfèvre !) : il traite, relit et isole. En le clamant tout haut dans son introduction, l’auteur ne disperse pas l’âme du poète, celui qu’il appelle, affectueusement, « porteur de paroles ». Oui Senghor est « porteur de paroles », comme un prophète incompris, il tisse et retisse son message et fait que « les valeurs que la poésie est chargée de transmettre sont tellement graves que le porteur de paroles est parfois obligé de bégayer la vérité » (p. 15). Les hachures ne sont que message. Elles forment et informent le message. Elles lui donnent sa couleur et sa saveur. Elles sont son pluriel. Senghor est un pluriel-singulier.
Le poète-président est revisité à travers ce livre poétique. Peut-il en être autrement quand l’auteur lui-même cherche à cerner la dimension ontologique du poème senghorien ? Celle qui migre entre les interstices des versets. Ne rumine-t-il pas le « mot essentiel » ? Le mot divin ? La divinité même ? On est porté à le prendre au mot quand on chante avec Diané. Diané chante après Senghor. Superposition de paroles! Le texte est, comme, rythmé par les incantations des Saltigué. Ils forment un cercle. A la périphérie de ce cercle d’autres voix répondent et forment un écho. Donc le verbe de Diané est l’autre versant du texte senghorien. C’est un miroir !
Enfin, le langage dianien nous permet d’entendre « les résonnances heurtées de l’appel lancé par « les tambours de la mémoire ». Il nous permet de « (re)dire après Senghor […] ces mots qui ont étendu le temps de leur vibration » : « Et les abeilles d’or sur tes joues d’ombre bourdonnent comme des étoiles » (p. 276). C’est cette sentence finale qui m’éclaire et qui me fait comprendre, de manière définitive, cette question senghorienne qui ouvre le texte de Diané : « Qui logera nos rêves sous les paupières des étoiles ? » (p.11).
Senghor est inépuisable et Diané, par ce livre, nous offre la possibilité de cerner une face du « porteur de paroles ».
Abderrahmane NGAÏDE
FLSH/DEPARTEMENT HISTOIRE/UCAD