Ces gens-là : Holà !

On ricane, on se gausse, on rie sous cape, on se tape bruyamment dans les mains. Et de qui nous moquons-nous ainsi ? Du chauffeur dont nous avons contesté la compétence peu avant l’embarquement. Peu avant l’embarquement.

La situation a changé. Nous sommes à bord. Mais notre psychologie, elle, porteuse de frustration et de rancune, demeure à la traîne. Quelque part, il faut bien le reconnaître, ça soulage son bonhomme. La critique tient sa légitimité du raisonnement, voire du bon sens.

A l’opposé, lorsque l’on n’a pour socle que le préjugé, on ne fait que spéculer, et ce de fait, souiller ici et là, éclabousser çà et là, salir par-ci par-là. Critiquer c’est mettre en évidence les faiblesses d’un fait, d’un raisonnement ou, très souvent, du résultat qui en découle. Mais c’est aussi savoir suggérer autre chose à la place. En somme, une critique constructive..

Chacun y mettant du sien. Voilà ce dont notre pays, euh, pardon ! notre terrain vague a cruellement besoin. En revanche, à vouloir railler tout le temps et par n’importe quel temps, ce n’est non seulement malsain, mais cela, à la longue, entraînerait le gouvernement, le Général en tête, à s’enfermer dans la logique du « chien aboie, la caravane passe ».

Hier, Aziz a été nié, conspué, honni. On l’a traité de mécano, de bricoleur, de sans sérieux diplôme, sinon son acte de naissance. Nous savons tout cela, pour en avoir été témoins. Mais tout cela, qu’on le veuille ou pas, appartient désormais au passé. Au passé parce qu’aujourd’hui, qu’on le veuille ou pas non plus, le Moustachu a été réhabilité (même si certains en sont encore à demander comment) par la voix des urnes.

Ça, c’est un fait, indéniable. Et un fait qui risque de durer cinq ans, voire le double. Autant se faire une raison. Aussi, l’attitude la plus constructive, pour ne pas dire objective, serait de le tenir à l’œil, de lui agiter sous le nez le moindre de ses faux pas, de lui faire des propositions, même si nous sommes persuadés, à tort ou à raison, qu’il ne vous lira pas et n’en fera qu’à sa tête.

Mais là, d’emblée, se jeter à l’assaut du gouvernement, ça manque de retenue, et très probablement, de maturité aussi :

a) « Ministres amateurs » et « sans expérience » : Et quoi d’autre, pendant que vous y êtes ? Pourquoi tant de fièvre, d’impatience ? Attendons de voir « l’amateur » à l’œuvre, de le voir s’embourber, s’enliser ou se planter raide avant que de nous permettre de le juger. C’est son droit que de jouir du bénéfice du doute. En outre, il est arrivé qu’on rencontre un « amateur » qui avait mille fois plus le cœur à l’ouvrage qu’un prétendu pro.

Quel pays africain, blanc ou noir, a-t-il seulement réussi à ressortir un pied de la gadoue grâce à ses énarques ? Pour l’heure, en Afrique, que le chef nous sorte gaillardement de l’ENA ou nuitamment de quelque sordide caserne, c’est du kif-kif, bonnet blanc, blanc… Quant à « l’expérience » dont on nous rabat les feuilles, sachons qu’elle n’est pas une branche de l’intelligence. En vérité, c’est même un arbre à part, et à part entière. A l’image de la perfection, elle n’est approchable que par la répétition.

Et à toute chose ou activité, il faut bien un début. « Néophytes », « Néophytes : Quel aurait été notre réaction si Aziz avait aidé quelques « dinosaures », hyper blindés d’expérience, presque invulnérables, à refaire surface ?... Le plus important, nous l’avons déjà dit, c’est la volonté qu’on y met. Aussi, dans ce cas-ci, seul le résultat nous intéresse.

b) « Ministres récompensés » : Le fait d’être récompensé pour avoir battu campagne pour un candidat n’est nullement synonyme d’incompétence, d’inaptitude ou de quoi que ce soit. Ce geste ne dissimule rien de répréhensible. Arrêtons de voir le diable partout.

Bien mieux, celui qui est élu a le devoir moral de renvoyer l’ascenseur à ceux qui l’ont aidé à l’emprunter quelques jours plus tôt. C’est comme ça que ça marche, un ascenseur politique. Ce n’est pas de la magouille, encore moins une trouvaille Azizienne. Ça se passe comme ça, toujours comme ça, et dans tous les sérails. Aussi, tout comme dans le premier cas, seul le résultat compte.

c) « Sept ministres d’une seule et même région » : Bien malheureux l’instruit qui continue à voir la Mauritanie en termes de régions, de couleurs. Cet angle de vue revient aux seuls géographes et, dans une certaine mesure, et pour différentes raisons, à ceux qui se débattent encore bruyamment dans l’obscurantisme. Il ne s’agit pas ici de nier cette réalité, mais de refuser de la cautionner. Et pour ce faire, adopter tant bien que mal une position similaire à celle du nombril.

En somme, être au-dessus des parties. Pas en dessous. Alors, sept de même région ou sept frères siamois, qu’à cela ne tienne, le débat est ailleurs. D’autre part, c’est l’occasion ici de rappeler une vérité que nous perdons souvent de vue, une vue brouillée par la frustration ou le mécontentement de soi. Une vérité fort simple : dès lors qu’il y a morale et moral, un chef d’Etat est libre de s’entourer de qui il veut. Tout le reste n’est que faux bruit. Aussi, tout comme dans les deux premiers cas, seul le résultat compte.

d) « Les négro-africains sont déçus »: Ouais ! Nous sommes profondément déçus. Et même, dépités. Mais rassurez-vous, ce n’est pas la première fois. A la vérité, pour tout vous dire, nous en avons l’habitude. Et il en va toujours ainsi avec ceux qui manquent méchamment de mémoire, une mémoire portant encore pourtant des souvenirs en forme de cicatrices indélébiles. Si le négro-africain en avait une, de mémoire, il ne se serait certainement pas rendu sur le champ de bataille électorale en ordre dispersé, pour ne pas dire éparpillés aux quatre vents, de surcroît, en se battant naïvement la poitrine.

Et aussi longtemps qu’il ne sera pas une force économique, financière, politique, bref, une menace pour ceux d’en face, il continuera à être roulé copieusement dans la farine et, subséquemment, à être profondément déçus, et de ce fait, à se lamenter autour de sa théière, et partant de là, à jouer le rôle qu’on lui a attribué depuis l’aube des temps et dont il ne fait aucun effort pour se départir : le négro de service. Aussi, contrairement aux trois premiers cas, seul l’obéissance compte. Chers compatriotes, arrêtons, comme d’autres pédalent, de jouer dans le vide.

La balle n’est pas encore dans notre camp. Accordons à nos ministres le temps de prendre pied, de planter leur bivouac, le temps de marquer leur territoire, de l’exploiter. Alors seulement, et seulement alors, la balle nous reviendra, et nous pourrions taper dedans comme des fous. Mais à ceux d’entre nous qui bouillonnent, au bord de la transe, ceux qui ne peuvent attendre plus longtemps qu’ils n’en ont patience, que ceux-là, en attendant l’arrivée de la balle, s’occupent et tuent le temps en faisant des propositions. Il faut bien que notre instruction serve bien à quelque chose, non ?


source : Cheikh-TijaneBathily
via cridem