
Les autorités mauritaniennes ont promis « états généraux de l’éducation nationale » dans un proche avenir. Quelles langues d’enseignements pour les enfants mauritaniens ? Les réponses apportées à cette question vont au-delà de l’école et posent la question de l’unité et de la cohésion nationale.
La suite logique du discours du premier ministre à l’occasion de la journée mondiale de la langue arabe sera, selon certains, une réforme de l’éducation nationale pour plus d’arabe à l’école.
« Aujourd'hui, et conformément aux orientations du président de la république, monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, nous allons faire de la promotion de la langue arabe et de sa défense un principe, de son appui et de sa généralisation comme langue de travail, d'échanges administratifs et de recherche scientifique un objectif» a dit le premier ministre dans son discours du premier mars à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de la langue arabe.
Quelles conséquences pourraient avoir cette orientation du président de la République sur l’administration et l’école Mauritanienne ?
La réalité actuelle de l’Administration mauritanienne, c’est le bilinguisme arabe français. Tous les documents, toutes les communications, tous les discours…de cette Administration sont presque systématiquement faits dans ces deux langues. De la constitution aux notes de services, toute la réglementation de la Mauritanie est presque systématiquement faite en arabe et en français.
Dans les réunions, séminaires et conférences de presse de cette Administrations, les responsables passent du français à l’arabe ou se font traduire…Ce bilinguisme administratif, sources de frictions, quelques années après l’indépendance et bien après, avait commencé à être assumé par l’Etat mauritanien. En 2007, pour le choix des directeurs régionaux et des inspecteurs départementaux de l’éducation nationale (DREN et IDEN), il avait été fixé, entre autres critères, le bilinguisme arabe français.
Il avait été simplement jugé qu’un cadre bilingue avait un plus par rapport à un cadre unilingue dans un environnement bilingue. L’objectif du président de la République tel que décliné par le premier ministre pendant la cérémonie du premier mars, est : « la généralisation de l’arabe comme langue d’échanges et de travail de l’Administration mauritanienne… » Que deviendront les milliers de cadres francophones formés en français par l’Etat mauritaniens ? Les recycler arabisant prendra des siècles et coutera des fortunes.
Faire l’économie d’une année de langue.
« En 1979, la commission chargé de la reforme du système éducatif mauritanien avait proposé au comité militaire la formule suivante : L’arabe comme langue ciment, le français langue seconde et une phase transitoire de six ans préparant la généralisation de l’apprentissage des langues nationales (poular, Wolof et Soninké) au fondamental. Le Comité militaire a amendé la copie finale de la commission en choisissant l’option des deux filières.
L’Arabe pour les enfants arabes et le français pour les enfants des négroafricains. Ca a été le début de vingt ans de fracture scolaire. Résultat : des générations de mauritaniens qui ne se parlent pas, qui se regardent en chiens de faïence. Pour remettre les petits mauritaniens sur les mêmes tables banc, en 1999, les filières ont été réunies par une nouvelle reforme.»
Outre la volonté de mettre fin à une école séparée, la reforme de 1999, visait à « permettre aux étudiants mauritaniens titulaires de bacs scientifiques en arabe de faire l’économie d’une année de français dans les universités marocaines françaises, sénégalaises… »
Cette reforme qui régit actuellement l’école mauritanienne, «a rendu obligatoire l’enseignement des matières scientifiques (mathématiques, sciences naturelles et sciences physiques) en français et les matières littéraires en arabe» Conséquence : dans les collèges et lycées mauritaniens, il n’y a plus d’arabisants et de francisants ne se parlant pas. Il y a des élèves qui communiquent dans leurs deux langues d’apprentissage.
Vers une nouvelle reforme du système éducatif.
A l’université de Nouakchott, existe un centre de renforcement pour l’enseignement des langues vivantes (CREL). Un centre destiné a pallié les carences des arabophones en français et des francophones en arabe. Le premier ministre plaide, «conformément aux orientations du président de la République », « l’arabe langue de recherche scientifique.» Les écoliers, collégiens et lycéens mauritaniens apprennent les mathématiques, les sciences physiques et sciences naturelle, exclusivement, en français.
Si l’objectif de « généralisation de l’Arabe comme langue de travail, d'échanges administratifs et de recherche scientifique » se confirme et se réalise, que deviendront ces enfants ? Entre le discours du premier ministre et la réalité de l’école mauritanienne, il y a un décalage, une contradiction. Pour plus de cohérence entre les orientations du président de la République et la réalité des salles de classes, y aura-t-il une nouvelle reforme de l’éducation nationale portant enseignement des matières scientifiques en arabe ?
La question sera certainement débattue pendant les états généraux de l’éducation. Débattue avec passion car, suite au discours du premier ministre, les réactions ont été différentes, séparées. Les étudiants francophones (essentiellement negroafricains) de l’université de Nouakchott, par une manifestation, ont interpellé l’opinion sur leur avenir « dans une administration arabisée. » Ils ont même demandé au premier ministre de s’excuser. Certains partis et mouvements politiques ont enfoncé le clou en plaidant « la primauté absolue et perpétuelle de la langue arabe en Mauritanie. » Le débat sur l’identité de la Mauritanie et les démons de la désunion ont brutalement refait surface.
L’article 06.
Les « adversaires » de ce débat sur les langues se fondent tous sur l’article 06 de la constitution. Cet article dispose : « les langues nationales sont : l’arabe, le poular, le soninké et le wolof ; l’arabe est la langue officielle.» Pour certains, cette disposition commande de faire de l’arabe la langue unique de l’Administration et la principale de l’école. Pour d’autres, la proclamation de constitutionnelle de l’arabe langue officielle ne doit pas faire obstacle à l’utilisation d’autres langues dans l’Administration et à l’école.
Le parti AJD/MR, lui, demandent une officialisation de toutes les langues nationales. A coté de ces différentes positions, il y a ceux qui mettent en avant l’efficacité. Ils proposent de chercher la meilleure école, celle qui rendra les futurs adultes performants ouverts et compétitifs à l’échelle nationale et internationale. Autrement « les reflexes identitaires continueront à pourrir l’école et la Nation. »
Khalilou Diagana
Quelles langues pour l’école mauritanienne?
La Mauritanie peut-elle faire l’économie du bilinguisme ? Le choix de l’enseignement des matières scientifiques en français et des matières littéraires en arabe est-il pertinent ? Faut-il ramener le poular, le Soninké et le Wolof à l’école primaire ? Aux états généraux de l’éducation tant attendus, se poseront ces différentes questions. Sur ces questions, nous avons recueillis l’avis de quelques hommes politiques.
Mohamed Lemine Ould Biyé (UFP) :«Le bilinguisme à encore de beaux jours devant lui».
Une fois de plus, la question des langues est en train d'être utilisée par certains esprits étroits pour porter atteinte à l'unité et à la cohésion de notre peuple. A mon avis, les tentations sectaires et primitives ne peuvent avoir aucun succès car notre peuple est mûr et jaloux de sa cohésion et de ses acquis fondamentaux.
Ceci étant dit, la Mauritanie ne peut faire l'économie du bilinguisme ou du moins pas de sitôt. A cela plusieurs raisons dont l'absence d'une langue partagée pouvant servir de ciment. Ce rôle devrait, logiquement être dévolu à l'Arabe mais le moins qu'on puisse dire est que les systèmes et réformes de l'enseignement n'y ont pas aidé.
D'ailleurs les réformes successives de l'enseignement se sont faits en dehors de toute concertation préalable et dès lors n'avaient aucune chance de réussir ou de susciter l'adhésion des mauritaniens. En un mot, et toute démagogie mise à part, le bilinguisme à encore de beaux jours devant lui.
Le choix de l'enseignement des matières scientifiques en Français et des matières littéraires en Arabe est peu pertinent parce que notre orientation doit être de promouvoir le rôle et l'enseignement de l'Arabe comme langue officielle et de promouvoir, en même temps, les autres langues nationales.
Oui, je pense qu'il faut réhabiliter l'enseignement des langues Pular, Soninké et Wolof à l'école primaire avec pour double objectif de promouvoir et de valoriser les langues et cultures de notre peuple et de favoriser le rapprochement et la compréhension pour bannir les préjugés. Voici, rapidement ce que je peux te répondre en me retenant de verser dans beaucoup de détails.
Ahmed Ould Wodiaa (Tawassoul) :« C’est un crime de présenter l’arabe langue des arabes ».
Je dois d’abord souligné que toutes les reformes du systèmes éducatif mauritanien, dépuis les années 1950 jusqu’ à la fin des années 1990, ont eu deux caracteristiques essentielles. Premièrement, la politisation. Toutes ces réformes ne sont pas basées sur une vision technique de l’enseignement que nous voulons ou de l’homme mauritanien que nous voulons construire. Ce qui a prévalu, ce sont des visions politiciennes et idéologiques.
Du français absolu, au bilinguisme en passant par l’arabe partielle jusqu’à la dernière reforme de 1999, nous n’avons pas avancé. Il est question aujourd’hui d’une nouvelle reforme qui, elle aussi, a pour seules justificatifs l’idéologie et les positions politiques. Deuxièmement, toutes ces reformes ont été faites dans l’improvisation. Toutes notre histoire educatives est une succession de coup d’Etat educatifs. Comme pour le putschs militaires, chacun jette aux oubliettes ce qui a été fait avant.
Il est donc temps de prendre les avis des techniciens d’abord, ensuite le politique et l’idéologique pour mettre en place un système educatif performant et efficace. Un système que nous defendront tous contre les changements politiques et les coups d’Etat militaires.
Au sujet de la reforme de 1999, elle a un point positif : la fin de l’ecole séparée. Mais elle souffre de deux tares : l’élimination des langues nationales (poular, soninké et wolof) de l’école. Une situation qui freine la communication entre mauritaniens sans recours à une lmangue étrangère.
La deuxième tare, c’est l’affaiblissement de la place de l’education islamique dans le système educatif. Nous sommes un peuple avec des langues, des cultures, des regions…différentes mais avec une seules religion : l’Islam. Le premiers dirigeants de ce pays ont été unanimes sur l’appellation : Republique Islamique de Mauritanie. Donc le renforcement de l’Islam dans le système educatif est la meilleure garantie pour l’unité et la fraternité.
Nous devons nous eloigner des discours d’exclusion pour preparer le terrain à un dialogue national veritable et serieux autour de la reforme de l’education. Je voudrais renouveler ma condamnation ferme des declarations d’exclusion du premier ministre quand il a dit : « La Mauritanie est un pays arabe. Celui qui ne connaît pas l’arabe doit se debrouiller. » Je renouvelle également ma condamnation des mots de la ministere de la culture au sujets des langues nationales.
Ces declarations representent réellement la manifestation de l’echec de tout effort de réalisation d’une veritable reforme educative. Elles nous ramènent dans le cercle de l’exclusion et du banissement. Nous devons, en actes et en paroles, en finir avec la liaison entre la langue arabe et un groupe donnée.
L’arabe est la langue du Coran que chaque musulman lit cinq fois par jour. C’est un crime de presenter l’arabe langue des arabes ou des beydanes. Le developpement de l’arabe et son renforcement dans l’Administration et l’educations doivent etre accompagnés d’un effort national pour le developpement des autres langues nationales dans cette administration et cette education dans la perspective de leur officilalisation. C’est utile pour la cohesion nationale.
Nous devons laisser le soin aux techniciens de nous preperer un système educatif ou l’arabe et les langues nationales auront leur place et le français langue d’ouverture et moyen de communication entre certaiones générations
Bâ Mamadou Bocar, Vice-president de l’AJD/MR :« La solution, c’est l’interculturalisme ».
Sur toutes ces questions et sur d’autres, l’AJD/MR est entrain de travailler en vue es états généraux sur l'éducation. Nous avons néanmoins recueillis l’avis de son vice-président, Bâ Mamadou Bocar. Selon moi nous ne pouvons pas, objectivement, faire l'économie du bilinguisme actuellement dans la mesure où une grande partie de la population ne comprend ni ne parle l'arabe si ce n'est une volonté de les marginaliser encore d'avantage ceux-ci.
Le choix d'enseigner les matières scientifiques en français et littéraires en arabe n'est en rien pertinent selon moi. Je pense que l'esprit de ceux qui ont fait la réforme, c'était certainement par souci d'équilibre pour éviter l'arabisation totale qui risque de poser problème. Mais le problème, c'est qu'on a des élèves qui ne maitrisent ni le français ni l'arabe.
Pour les langues nationales pulaar, soninké et wolof, elles doivent être enseignées déjà à l'école primaire puisque l'expérimentation en a déjà été faite et elle doit commencer pour le secondaire. La solution à notre problème est selon moi l'interculturalisme qui consiste à enseigner toutes les langues suivant les aires géographiques où elles sont dominantes. Le maintien du français comme langue d'ouverture est également une nécessité.
Propos recueillis par Khalilou Diagana
via cridem
Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence à www.cridem.org
Info source : Le Quotidien de Nouakchott
La suite logique du discours du premier ministre à l’occasion de la journée mondiale de la langue arabe sera, selon certains, une réforme de l’éducation nationale pour plus d’arabe à l’école.
« Aujourd'hui, et conformément aux orientations du président de la république, monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, nous allons faire de la promotion de la langue arabe et de sa défense un principe, de son appui et de sa généralisation comme langue de travail, d'échanges administratifs et de recherche scientifique un objectif» a dit le premier ministre dans son discours du premier mars à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de la langue arabe.
Quelles conséquences pourraient avoir cette orientation du président de la République sur l’administration et l’école Mauritanienne ?
La réalité actuelle de l’Administration mauritanienne, c’est le bilinguisme arabe français. Tous les documents, toutes les communications, tous les discours…de cette Administration sont presque systématiquement faits dans ces deux langues. De la constitution aux notes de services, toute la réglementation de la Mauritanie est presque systématiquement faite en arabe et en français.
Dans les réunions, séminaires et conférences de presse de cette Administrations, les responsables passent du français à l’arabe ou se font traduire…Ce bilinguisme administratif, sources de frictions, quelques années après l’indépendance et bien après, avait commencé à être assumé par l’Etat mauritanien. En 2007, pour le choix des directeurs régionaux et des inspecteurs départementaux de l’éducation nationale (DREN et IDEN), il avait été fixé, entre autres critères, le bilinguisme arabe français.
Il avait été simplement jugé qu’un cadre bilingue avait un plus par rapport à un cadre unilingue dans un environnement bilingue. L’objectif du président de la République tel que décliné par le premier ministre pendant la cérémonie du premier mars, est : « la généralisation de l’arabe comme langue d’échanges et de travail de l’Administration mauritanienne… » Que deviendront les milliers de cadres francophones formés en français par l’Etat mauritaniens ? Les recycler arabisant prendra des siècles et coutera des fortunes.
Faire l’économie d’une année de langue.
« En 1979, la commission chargé de la reforme du système éducatif mauritanien avait proposé au comité militaire la formule suivante : L’arabe comme langue ciment, le français langue seconde et une phase transitoire de six ans préparant la généralisation de l’apprentissage des langues nationales (poular, Wolof et Soninké) au fondamental. Le Comité militaire a amendé la copie finale de la commission en choisissant l’option des deux filières.
L’Arabe pour les enfants arabes et le français pour les enfants des négroafricains. Ca a été le début de vingt ans de fracture scolaire. Résultat : des générations de mauritaniens qui ne se parlent pas, qui se regardent en chiens de faïence. Pour remettre les petits mauritaniens sur les mêmes tables banc, en 1999, les filières ont été réunies par une nouvelle reforme.»
Outre la volonté de mettre fin à une école séparée, la reforme de 1999, visait à « permettre aux étudiants mauritaniens titulaires de bacs scientifiques en arabe de faire l’économie d’une année de français dans les universités marocaines françaises, sénégalaises… »
Cette reforme qui régit actuellement l’école mauritanienne, «a rendu obligatoire l’enseignement des matières scientifiques (mathématiques, sciences naturelles et sciences physiques) en français et les matières littéraires en arabe» Conséquence : dans les collèges et lycées mauritaniens, il n’y a plus d’arabisants et de francisants ne se parlant pas. Il y a des élèves qui communiquent dans leurs deux langues d’apprentissage.
Vers une nouvelle reforme du système éducatif.
A l’université de Nouakchott, existe un centre de renforcement pour l’enseignement des langues vivantes (CREL). Un centre destiné a pallié les carences des arabophones en français et des francophones en arabe. Le premier ministre plaide, «conformément aux orientations du président de la République », « l’arabe langue de recherche scientifique.» Les écoliers, collégiens et lycéens mauritaniens apprennent les mathématiques, les sciences physiques et sciences naturelle, exclusivement, en français.
Si l’objectif de « généralisation de l’Arabe comme langue de travail, d'échanges administratifs et de recherche scientifique » se confirme et se réalise, que deviendront ces enfants ? Entre le discours du premier ministre et la réalité de l’école mauritanienne, il y a un décalage, une contradiction. Pour plus de cohérence entre les orientations du président de la République et la réalité des salles de classes, y aura-t-il une nouvelle reforme de l’éducation nationale portant enseignement des matières scientifiques en arabe ?
La question sera certainement débattue pendant les états généraux de l’éducation. Débattue avec passion car, suite au discours du premier ministre, les réactions ont été différentes, séparées. Les étudiants francophones (essentiellement negroafricains) de l’université de Nouakchott, par une manifestation, ont interpellé l’opinion sur leur avenir « dans une administration arabisée. » Ils ont même demandé au premier ministre de s’excuser. Certains partis et mouvements politiques ont enfoncé le clou en plaidant « la primauté absolue et perpétuelle de la langue arabe en Mauritanie. » Le débat sur l’identité de la Mauritanie et les démons de la désunion ont brutalement refait surface.
L’article 06.
Les « adversaires » de ce débat sur les langues se fondent tous sur l’article 06 de la constitution. Cet article dispose : « les langues nationales sont : l’arabe, le poular, le soninké et le wolof ; l’arabe est la langue officielle.» Pour certains, cette disposition commande de faire de l’arabe la langue unique de l’Administration et la principale de l’école. Pour d’autres, la proclamation de constitutionnelle de l’arabe langue officielle ne doit pas faire obstacle à l’utilisation d’autres langues dans l’Administration et à l’école.
Le parti AJD/MR, lui, demandent une officialisation de toutes les langues nationales. A coté de ces différentes positions, il y a ceux qui mettent en avant l’efficacité. Ils proposent de chercher la meilleure école, celle qui rendra les futurs adultes performants ouverts et compétitifs à l’échelle nationale et internationale. Autrement « les reflexes identitaires continueront à pourrir l’école et la Nation. »
Khalilou Diagana
Quelles langues pour l’école mauritanienne?
La Mauritanie peut-elle faire l’économie du bilinguisme ? Le choix de l’enseignement des matières scientifiques en français et des matières littéraires en arabe est-il pertinent ? Faut-il ramener le poular, le Soninké et le Wolof à l’école primaire ? Aux états généraux de l’éducation tant attendus, se poseront ces différentes questions. Sur ces questions, nous avons recueillis l’avis de quelques hommes politiques.
Mohamed Lemine Ould Biyé (UFP) :«Le bilinguisme à encore de beaux jours devant lui».
Une fois de plus, la question des langues est en train d'être utilisée par certains esprits étroits pour porter atteinte à l'unité et à la cohésion de notre peuple. A mon avis, les tentations sectaires et primitives ne peuvent avoir aucun succès car notre peuple est mûr et jaloux de sa cohésion et de ses acquis fondamentaux.
Ceci étant dit, la Mauritanie ne peut faire l'économie du bilinguisme ou du moins pas de sitôt. A cela plusieurs raisons dont l'absence d'une langue partagée pouvant servir de ciment. Ce rôle devrait, logiquement être dévolu à l'Arabe mais le moins qu'on puisse dire est que les systèmes et réformes de l'enseignement n'y ont pas aidé.
D'ailleurs les réformes successives de l'enseignement se sont faits en dehors de toute concertation préalable et dès lors n'avaient aucune chance de réussir ou de susciter l'adhésion des mauritaniens. En un mot, et toute démagogie mise à part, le bilinguisme à encore de beaux jours devant lui.
Le choix de l'enseignement des matières scientifiques en Français et des matières littéraires en Arabe est peu pertinent parce que notre orientation doit être de promouvoir le rôle et l'enseignement de l'Arabe comme langue officielle et de promouvoir, en même temps, les autres langues nationales.
Oui, je pense qu'il faut réhabiliter l'enseignement des langues Pular, Soninké et Wolof à l'école primaire avec pour double objectif de promouvoir et de valoriser les langues et cultures de notre peuple et de favoriser le rapprochement et la compréhension pour bannir les préjugés. Voici, rapidement ce que je peux te répondre en me retenant de verser dans beaucoup de détails.
Ahmed Ould Wodiaa (Tawassoul) :« C’est un crime de présenter l’arabe langue des arabes ».
Je dois d’abord souligné que toutes les reformes du systèmes éducatif mauritanien, dépuis les années 1950 jusqu’ à la fin des années 1990, ont eu deux caracteristiques essentielles. Premièrement, la politisation. Toutes ces réformes ne sont pas basées sur une vision technique de l’enseignement que nous voulons ou de l’homme mauritanien que nous voulons construire. Ce qui a prévalu, ce sont des visions politiciennes et idéologiques.
Du français absolu, au bilinguisme en passant par l’arabe partielle jusqu’à la dernière reforme de 1999, nous n’avons pas avancé. Il est question aujourd’hui d’une nouvelle reforme qui, elle aussi, a pour seules justificatifs l’idéologie et les positions politiques. Deuxièmement, toutes ces reformes ont été faites dans l’improvisation. Toutes notre histoire educatives est une succession de coup d’Etat educatifs. Comme pour le putschs militaires, chacun jette aux oubliettes ce qui a été fait avant.
Il est donc temps de prendre les avis des techniciens d’abord, ensuite le politique et l’idéologique pour mettre en place un système educatif performant et efficace. Un système que nous defendront tous contre les changements politiques et les coups d’Etat militaires.
Au sujet de la reforme de 1999, elle a un point positif : la fin de l’ecole séparée. Mais elle souffre de deux tares : l’élimination des langues nationales (poular, soninké et wolof) de l’école. Une situation qui freine la communication entre mauritaniens sans recours à une lmangue étrangère.
La deuxième tare, c’est l’affaiblissement de la place de l’education islamique dans le système educatif. Nous sommes un peuple avec des langues, des cultures, des regions…différentes mais avec une seules religion : l’Islam. Le premiers dirigeants de ce pays ont été unanimes sur l’appellation : Republique Islamique de Mauritanie. Donc le renforcement de l’Islam dans le système educatif est la meilleure garantie pour l’unité et la fraternité.
Nous devons nous eloigner des discours d’exclusion pour preparer le terrain à un dialogue national veritable et serieux autour de la reforme de l’education. Je voudrais renouveler ma condamnation ferme des declarations d’exclusion du premier ministre quand il a dit : « La Mauritanie est un pays arabe. Celui qui ne connaît pas l’arabe doit se debrouiller. » Je renouvelle également ma condamnation des mots de la ministere de la culture au sujets des langues nationales.
Ces declarations representent réellement la manifestation de l’echec de tout effort de réalisation d’une veritable reforme educative. Elles nous ramènent dans le cercle de l’exclusion et du banissement. Nous devons, en actes et en paroles, en finir avec la liaison entre la langue arabe et un groupe donnée.
L’arabe est la langue du Coran que chaque musulman lit cinq fois par jour. C’est un crime de presenter l’arabe langue des arabes ou des beydanes. Le developpement de l’arabe et son renforcement dans l’Administration et l’educations doivent etre accompagnés d’un effort national pour le developpement des autres langues nationales dans cette administration et cette education dans la perspective de leur officilalisation. C’est utile pour la cohesion nationale.
Nous devons laisser le soin aux techniciens de nous preperer un système educatif ou l’arabe et les langues nationales auront leur place et le français langue d’ouverture et moyen de communication entre certaiones générations
Bâ Mamadou Bocar, Vice-president de l’AJD/MR :« La solution, c’est l’interculturalisme ».
Sur toutes ces questions et sur d’autres, l’AJD/MR est entrain de travailler en vue es états généraux sur l'éducation. Nous avons néanmoins recueillis l’avis de son vice-président, Bâ Mamadou Bocar. Selon moi nous ne pouvons pas, objectivement, faire l'économie du bilinguisme actuellement dans la mesure où une grande partie de la population ne comprend ni ne parle l'arabe si ce n'est une volonté de les marginaliser encore d'avantage ceux-ci.
Le choix d'enseigner les matières scientifiques en français et littéraires en arabe n'est en rien pertinent selon moi. Je pense que l'esprit de ceux qui ont fait la réforme, c'était certainement par souci d'équilibre pour éviter l'arabisation totale qui risque de poser problème. Mais le problème, c'est qu'on a des élèves qui ne maitrisent ni le français ni l'arabe.
Pour les langues nationales pulaar, soninké et wolof, elles doivent être enseignées déjà à l'école primaire puisque l'expérimentation en a déjà été faite et elle doit commencer pour le secondaire. La solution à notre problème est selon moi l'interculturalisme qui consiste à enseigner toutes les langues suivant les aires géographiques où elles sont dominantes. Le maintien du français comme langue d'ouverture est également une nécessité.
Propos recueillis par Khalilou Diagana
via cridem
Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence à www.cridem.org
Info source : Le Quotidien de Nouakchott