Il est encore plus implacable, l’exil chez soi !

Les mauritaniens revenus du Sénégal pensaient pouvoir se remettre de leur cauchemar après deux décennies passées dans les camps de fortune au Sénégal. Le retour à la patrie, ils l’avaient caressé comme un doux rêve. Ceux qui hésitaient à prendre le chemin du retour se sont finalement résolus à regagner leur fief d’origine, le préférant à une terre d’asile qui, loin de calmer leur profond désarroi ne faisait que leur rappeler qu’on est toujours mieux chez soi , quelque soit la situation qui y prévaut.

Ces gens n’auraient jamais quitté la Mauritanie s’ils n’étaient pas contraints par les forces du mal à le faire. Ils ne connaissaient d’autre pays que celui qui les vu naître et grandir, la terre de leurs aïeules. Mais le destin en a décidé autrement. C’est avec tristesse et honte qu’ils ont été poussés à se jeter dans le fleuve avec tous les risques et péril. Ils ont bravé toute ces épreuves sans se résigner et perdre l’espoir qu’un jour ils reviendront chez eux. Les souvenirs de la patrie n’étaient jamais morts en eux. Mais, face à l’arbitraire et à la bêtise humaine, l’homme apprend à vivre la tragédie de l’exilé.

Ces « exilés de Goumel » dont avait parlé de manière prémonitoire Feu Ten youssouf guèy, qui succomba lui aussi à autre tragédie de l’histoire dans le tristement célèbre bagne de Oualata. S’agissant de ces réfugiés ayant vécu dans la misère psychologique, le temps passait mais ne pouvait pas avoir raison sur leur volonté de rester eux –même en restant fidèles à leur culture à leur identité. Ils avaient ce quelque chose qui les singularisait des autres. Leurs enfants nés dans les camps de fortune ont appris prématurément qu’ils étaient des venus d’un pays qui s’appelle la Mauritanie situé à quelques pas des camps dans lesquels ils se trouvent. On les appelle les enfants des événements en référence aux incidents survenus entre la Mauritanie et le Sénégal en 1989.

C’est auprès de leurs parents qu’ils apprendront des récits poignants de ces tristes faits qui s’incrusteront dans leurs consciences juvéniles. Mais les siens ne leur enseigneront l’amour de la patrie, la valeur de la patience et de la tolérance. Il ne pouvait pas en être autrement car dans l’éducation traditionnelle on apprend aux enfants dès leurs bas âge ce que c’est que la dignité, le respect des autres et le pouvoir de transcender les crises . C’est ce que ces réfugiés ont tenté de faire durant leur long exil . Mais une fois au pays , ils se rendront compte qu’ils ne sont pas encore au bout de leur peine . Voila près de deux ans que ce retour prend la forme d’un autre exil plus implacable. Tout ce qu’on leur avait promis ne s’est révélé que de la pure parodie. C’est avec empressement que des milliers d’entre eux ont plié bagage pour revenir dans leur pays mais sans trouver les conditions idéales pour refaire leurs vies …

Cheikh Tidiane Dia
le rénovateur

source: OCVIDH