L'identité de la Mauritanie pour le premier ministre, par Amadou Ousmane SOW

Un pays se développe par rapport à l’idée politique qu’ont ses dirigeants, s’il y a de l’harmonie entre les paroles et les faits (et si tout va dans le bon sens et l’intérêt du peuple) les actions seront concluantes. La Mauritanie a aujourd’hui 50 ans d’indépendance, qu’on peut assimiler sans risque de trop se tromper à 50 ans de balbutiements et de quête d’identité. Si non comment comprendre que le premier ministre puisse lancer à un journaliste Mauritanien, que la Mauritanie est un pays Arabe ?

Combien de réformes ont vu le jour dans le système éducatif national depuis l’indépendance ?

Et qui ose parier qu’elles ne sont pas toutes pour la promotion de la langue Arabe ?

J’ai envie de dire, que quoi qu’on fasse, et quoi qu’on dise la Mauritanie n’aura jamais une identité imposée, elle est et restera qu’on le veuille ou pas, ce que tout le monde sait : un trait d’union entre le Maghreb et l’Afrique Noire.

Il serait mieux que nos dirigeants s’attellent à travailler plus sérieusement pour sortir le pays du sous développement, en bâtissant de véritables chantiers de lutte contre les maux dont souffre le pays, en l’occurrence le racisme d’état, l’esclavage, la corruption, le détournement de biens publics etc…

Quelques actes louables ont certes été accomplis par le régime en place (lutte contre la gabegie, le détournement des biens avec des arrestations et d’autres relevés de leurs fonctions…) pourvu que cela continue, même si, ça reste encore très insignifiant dans la construction d’une Mauritanie moderne, juste et égalitaire.

Je pense que la cohésion sociale en Mauritanie ne trouvera pas son salut dans la recherche indéfinie d’une identité à imposer. Faut-il le rappeler que notre pays est biracial et multinational, n’en déplaise aux nostalgiques bathistes des années de braise.

Promouvoir une langue nationale peut paraître normal, mais laisser et donner leur chance à toutes nos langues afin de compétir entres elles jusqu’à ce que chacune trouve librement la place qui est la sienne, est encore plus juste et plus démocratique. Pendant ce temps le problème de langue de travail ne se pose pas.

Quand le premier ministre parle de promouvoir la langue Arabe (tenez- vous bien, langue de surcroît officielle du pays) que devrait-on faire ou dire alors pour les autres langues (pulaar, soninké et wolof) dont l’enseignement expérimental a été purement et simplement stoppé et dont l’institut national a été volontairement supprimé par le régime raciste de l’époque et que la réhabilitation n’est pas encore à l’ordre du jour (sinon qu’on me prouve le contraire) ?

Tout comme les émissions sur l’histoire et la culture du Fouta, qu’animait et vulgarisait le regretté Tène Youssouf Guéye sur les ondes de radio Mauritanie. Les combats de Tène Youssouf, Djigo Tafsirou, Saidou Kane, Mourtoudo Diop et autres (la liste est trop longue) ne doivent et ne vont pas faiblir.

L’Arabe a certainement été un moyen pour certains de se préserver contre les effets pervers de la colonisation, mais d’autres personnes physiques ont payé de leur vie pour contrecarrer la pénétration coloniale dans le Fouta. C’est le cas de Baïdy Kathié Paam qui a éliminé le commandant Abel Jeandet le 02 Septembre 1890 avant d’être lui-même exécuté huit jours plus tard.

Si la promotion doit être déterminé par des critères qui resteront à l’appréciation de chacun, Il me semble qu’il n’y a pas plus méritant à celle-ci que la fédération mauritanienne de lutte et folklore entre autres, symbole de l’unité nationale. Par le biais du championnat national de lutte traditionnelle, elle rassemblait et mobilisait toute les couches du pays.

Demba Sadio Sy ancien champion national des poids lourds des années 80, et dont les combats mobilisaient jusqu’aux plus hautes autorités de l’Etat (Ministres, Gouverneurs, Commandants de régions Militaires etc…) et retransmis en direct à la Radio, a du quoi à se retourner aujourd’hui dans sa tombe en entendant parler de la promotion d’une langue et donc d’une culture au détriment des autres.

Combien de mauritaniens adeptes de la lutte remplissaient tous les Week-end l’Arène de l’amitié à Nouakchott (et d’autres ailleurs) pour assister aux combats de Idy ould Karallah, Diallo Mamadou Moussa ou Aliw Camara ?
A ce jour, que reste-il de tout cela ?

Amadou Ousmane SOW
Melun France

Source: AJD/MR