
Madjid AIT MOHAMED : En général, je préfère ne pas parler de ma personne, car je pense que ce qui est de plus important c'est ce qu'on fait, notamment de ce qui est du moi qu'on voudrait colorer sous des motifs fallacieux de religiosité ou autres et de concourir, dans la mesure du possible, au rétablissement, de la réalité historique, sociologique et géographique qui ne cessent d'être occultées au profit d'un greffage qui n' a pu et ne pourra prendre malgré les moyens d'hier et le machiavélisme d'aujourd'hui. Du moins si nous en sommes convaincu de la chose, avant de connaître le sort des Mayas, des Incas et de bien d'autres grandes civilisations de par le monde.
Toutefois, je pourrai dire que je m'appelle Madjid AIT MOHAMED, que j'ai fais des études supérieures, que j' ai suivi des cours de Tamazight avant qu'elle ne soit interdite en 1973 au profit d'une arabisation effrénée, que je suis un ancien militant du Mouvement Culturel Berbère - MCB -( 1980), que je suis un ancien détenu politique (1981 - enlevé devant les facultés d'Alger, porté disparu pendant une semaine et torturé -, que je suis membre fondateur de la ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l'homme, que j'ai milité depuis 1968 dans le plus vieux partis d'opposition - Front des Forces Socialistes- jusqu'en 1992 date à laquelle j'ai gelé mes activités. Membre fondateur du Comité de Citoyens pour la Défense de la République - CCDR-, que je suis un élu fédéral d'une O.N.G internationale, Militant du Forum Social Algérien et Nord Africain (dit maghrébin), ainsi que dans d'autres associations indépendantes.
Par ailleurs, j'ai eu le plaisir de connaitre un membre de votre association pour le développement et de travailler avec un militant du Forum des démocrates Mauritaniens ici en Algérie (Maître Mohamed Ahmed El Hadj Sidi)
Un dicton de chez nous dit: (traduction approximative du Tamazight au français) : 40 ans vieilliront ses forces, la fin c'est le retour à ses racines
LNE : Quelle analyse faite vous de la situation des Berbères dans le monde et particulièrement dans nos pays ?
MAM : On ne peut parler de berbères qu’en Afrique du Nord ; ailleurs ce sont des émigrés que ce soit en France, en Amérique du Nord ou dans d’autres endroits. Cette émigration était liée à l’extrême pauvreté de nos populations chassées vers les montagnes et le désert pendant la colonisation et aujourd’hui cherchant à échapper à l’oppression totalitaire dans son ensemble et Arabo islamique en particulier. L’émigration de cadres est beaucoup plus politique qu’économique.
Dans les pays de l’Afrique du Nord, les Berbères sont contraints de s’assimiler à la composante arabo-islamique. Toute représentation ethnique est interdite et partout l’arabe classique est la langue officielle, ce qui à terme ne fait que se péricliter la langue Berbère. N’étant pas enseignée, la langue a tendance à se disloquer et à perdre progressivement de sa richesse et de ses locutions. Les pouvoirs locaux « Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Espagne…»
Ont tous marginalisé la langue Berbère, cette marginalisation a été accompagnée d’une islamisation effrénée, au point que la Kabylie, par exemple compte le plus de mosquées et de zaouïas par milliers d’habitants au…monde !!!!
En Espagne, les Iles Canaries, comme les Baléares, il y a six siècles, ont été totalement hispanisées.
En Mauritanie, c’est la population noire qui connaît les affres de l’arabo-islamisme au point de voir un ministre mauritanien clamer « la civilisation mauritanienne est une civilisation arabo-islamique » niant toute négritude à la Mauritanie.
Personne n’a dit que les esclaves embarqués pour l’Amérique dans l’île de Gorée (Sénégal) étaient capturés et enchaînés par des musulmans (Maures, Touaregs…. )
Au Niger, Mali, Burkina Fasso, le sort des Berbères n’est pas très enviable. Parqués dans les immensités désertiques, ils ont toutes les peines du monde à subsister..
Au Maroc, les choses sont aussi catastrophiques. Par décret royal (dahir) la région Berbérophone du Rif a été autorisée à planter de la drogue. Le hachich du Rif se retrouve dans toute l’Europe et en Amérique et…les rifains eux aussi drogués ne font pas de politique. En Tunisie, il ne reste plus que quelques milliers de locuteurs, comme à Siouah en Egypte. En Algérie les quelques résistants à l’invasion culturelle arabo-islamique ont été brisés dans le sang, la dernière en date est le mouvement citoyen de Kabylie en 2001. Le mouvement – pacifique – a enregistré 127 morts et 6000 blessés.
C’est vrai que depuis peu, les émissions radios et quelques heures de télévision ont été diffusées en langue amazigh « berbère », mais les émissions sont d’une pauvreté affligeante et loin d’être attractives avec des parlers intentionnellement arabisés à 90%.
LNE : Quels sont les pays à majorité berbère et les pays à majorité arabe qui sont-ils ?
MAM : La question est très male posée. Le socle Nord Africain – des Iles Canaries à l’Oasis de Siouah, d’Alger au Burkina Fasso - est Berbère, cela depuis la nuit des temps. Les Berbères n’ont jamais conquis cette terre. Ce sont les autochtones. Par contre, les féodaux berbères se sont arabisés pour des considérations de pouvoir politique. Ils se sont considérés arabes pour légitimer leur prétention à accéder au pouvoir et à s’y maintenir pour accumuler honneurs et privilèges. Sinon, il n’y a pratiquement pas d’arabes en Afrique du Nord.
Pour citer un exemple de cas similaires, ce sont les celtes qui peuplaient qui peuplaient l’Europe à l’Ouest du Rhin (le fleuve). Les Celtes se sont latinisés et christianisés « En France, le français est devenu officiel au 16° siècle…Auparavant tout était rédigé en latin, y compris en Pologne et dans les contrées germaniques ».
Ce n’est certainement pas le Latium, province du Sud de Rome et qui parlait latin qui a latinisé l’Europe de l’Ouest. Ce ne sont pas les Arabes, démographiquement moins nombreux que les mauritaniens il y a un de mi – siècle qui ont peuplé et arabisé l’Afrique du Nord.
Donc, c’est toute l’Afrique du Nord, le sous-continent nord africain, qui est berbère, par contre les vicissitudes de l’histoire, les appétits du pouvoir politique, la nécessaire cohésion sociale face à l’occupant colonial ont fait que d’importantes contrées se sont arabisées ou ont été contraintes à l’arabisation. A titre d’exemple, les dernières communautés chrétiennes ont été forcées à se convertir à l’islam à Tunis en 1148 par les Mouahidines ; opération attestée par des écrits. Il ne faut pas oublier que la dynastie des Mourabitines - et quelques prédicateurs sont originaires de Mauritanie- a été une dynastie intégriste et c’est elle qui a islamisé le pays par….l’épée. Certains ce sont même cherché une légitimité historique en prétendant descendre du Prophète Mohamed (PSL) - ce dernier à ce qu’on sache n’a eu qu’une fille - et chez les musulmans la descendance par les femmes ne compte pas. Ils se sont octroyés des titres de chorfa et exhibent des arbres généalogiques aussi douteux les uns que les autres.
Par conséquent, parler de majorité arabe c’est encore légitimer l’emprise arabiste sur l’ensemble nord africain.
Le Nord Africain n’est pas arabe, il cherche à le devenir pour prétendre aux prébendes du pouvoir politique et lorsqu’on refuse cette option on est purement et simplement marginalisé et exclu des hautes fonctions politiques
En Algérie, comme au Maroc, en Tunisie ou en Libye, ceux qui se réclament de la culture berbère sont montrés du doigt. De même en Mauritanie ceux qui parlent Pular, Soninké ou Wolof.
LNE : Pensez – vous que les Mauritaniens sont plus berbères qu’arabes ? Comment ?
MAM : La Mauritanie est une zone de transition entre le monde berbère et le monde négro – africain. Géographiquement, elle est la plus éloignée de l’Arabie quand bien même l’Arabie aurait peuplé le sous continent nord africain, en ce sens, la Mauritanie ne peut être arabe. Dans le temps, la population maure a pu contraindre la population noire à l’esclavage et justifier cette contrainte par des considérations raciales- les Maures seraient des blancs, (sans les yeux bleus) venus d’une terre sacrée qui est arabe et tous descendants du prophète. Quelles balivernes !!!!.
La Maurétanie est donc un mélange, un métissage de maures et de noirs avec des traits plus méditerranéens au Nord, plus négroïde au Sud. Le pays traîne encore un lourd héritage sur le plan psychologique et sociologique qui est l’esclavage. Les familles féodales maures n’ont pu se départir de ces archaïsmes.
Pour l’Algérie, à titre de comparaison, tout le Sud est négroïde, des descendants d’anciens esclaves, mais il se trouve qu’un décret colonial français datant de 1848 a interdit l’esclavage et comme l’Algérie était une colonie de peuplement l’esclavage a presque disparu avant la 2° guerre mondiale.
C’est malheureux à dire en Afrique du Nord c’est l’islam qui a étendu l’esclavage et c’est le colonialisme qui l’a aboli. Contre toute attente….C’est un point positif de la colonisation!!!
Avant de se poser la question sur l’arabité de la Mauritanie, il faut assumer au préalable sa négritude en premier lieu et sa berbérité en second lieu.
LNE : Comment et quand les Arabes sont apparus dans nos pays et quel est le lien entre l’arabe et le Berbère.
MAM : Il faut se référer à l’histoire. Le premier Etat Arabe est né avec le Prophète, cet Etat s’est voulu en opposition aux deux puissances dominantes de l’époque - Byzance et la Perse.
Au 7°siècle, les conflits latents entre ces deux puissances ont donné un répit à l’Etat arabe qui en a profité pour se construire. L’Etat arabe a eu l’intelligence politique de s’attaquer à la Perse, laquelle s’est effondrée et s’est islamisée pour s’ériger en alternative à Byzance. Les Arabes ont vite fait – les arabes étaient plutôt Egyptiens, Syriens et Kurdes - de s’attaquer au ventre mou de la bête byzantine qui était le versant sud de l’empire. Les premières attaques arabes en Tunisie l’étaient contre les forts byzantins lesquels coupés de la métropole étaient fragiles. La population berbère était spectatrice quant à ces batailles entre Arabes et Byzantins.
Mais, pour nourrir leurs troupes, les Arabes devaient rançonner la population locale et c’est ainsi que la Kahena - une reine berbère, peut être de religion judaïque – a pu mobiliser d’important contingents et se battre contre les pillards arabes et musulmans. Elle sera défaite, d’autres soulèvements berbères auront lieu pendant que les tributs entières s’islamisaient et étaient entraînées pour conquérir l’Espagne.
Tarik Ibn Ziad n’est pas allé islamiser l’Espagne, il la voulait comme royaume. Le Khalife musulman va l’exécuter pour cette raison. D’ailleurs, les Berbères vont apostasier plusieurs fois.
Par contre, devant la pression des armées Européennes et particulièrement pendant les croisades et lors des luttes pour le contrôle de la méditerranée, l’Afrique du Nord restera musulmane face aux chrétiens.
Au sud, les tribus noires vont se convertir et chercher à constituer des empires « Mali, Niger » basés sur la traite.
A vrai dire, au plan ethnique, les berbères sont davantage liés aux populations du pourtour de la méditerranée « Espagnols, Français, Italiens, Slaves du Sud, Turcs…». Elles sont liées aux populations du Sud «les Soughais, les Sénégalais du mot Sanhadja tribu berbère ». Les Arabes, au plan ethnique son insignifiants, par contre l’adversité avec l’Europe a soudé le bloc nord africain, comme il a soudé le bloc ottoman qui ne s’est arrêté de s’arabiser qu’avec Mustapha Kemmel en 1920.
Quand on sait que l’empire turc s’est arabisé pour des motifs liés au maintien, au pouvoir de certaines castes militaires et religieuses, on comprend mieux le phénomène d’arabisation du monde berbère et l’arabisation de la petite Mauritanie n’est qu’un épiphénomène. Il y a lieu donc pour nos pays de cesser de vivre dans des mythes de gloires passées, de civilisations triomphantes. Il faut assumer notre histoire, toute notre histoire, sans inventer cette histoire.
Devenir Arabe, renier son passé berbère, maudire ses ascendants noirs ne participe pas d’une construction politique, d’une cohésion sociale ou d’une cohérence politique….C’ est du pur racisme et du fanatisme le plus éhonté.
Puissions – nous devenir nous-mêmes et faire l’effort – intellectuel d’abord – de nous poser les vrais problèmes et de trouver les bonnes solutions. Sinon, nous nous condamnerions à être en marge de l’histoire. Sur la touche !
Propos recueillis par Camara Seydi Moussa
La Nouvelle Expression
Toutefois, je pourrai dire que je m'appelle Madjid AIT MOHAMED, que j'ai fais des études supérieures, que j' ai suivi des cours de Tamazight avant qu'elle ne soit interdite en 1973 au profit d'une arabisation effrénée, que je suis un ancien militant du Mouvement Culturel Berbère - MCB -( 1980), que je suis un ancien détenu politique (1981 - enlevé devant les facultés d'Alger, porté disparu pendant une semaine et torturé -, que je suis membre fondateur de la ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l'homme, que j'ai milité depuis 1968 dans le plus vieux partis d'opposition - Front des Forces Socialistes- jusqu'en 1992 date à laquelle j'ai gelé mes activités. Membre fondateur du Comité de Citoyens pour la Défense de la République - CCDR-, que je suis un élu fédéral d'une O.N.G internationale, Militant du Forum Social Algérien et Nord Africain (dit maghrébin), ainsi que dans d'autres associations indépendantes.
Par ailleurs, j'ai eu le plaisir de connaitre un membre de votre association pour le développement et de travailler avec un militant du Forum des démocrates Mauritaniens ici en Algérie (Maître Mohamed Ahmed El Hadj Sidi)
Un dicton de chez nous dit: (traduction approximative du Tamazight au français) : 40 ans vieilliront ses forces, la fin c'est le retour à ses racines
LNE : Quelle analyse faite vous de la situation des Berbères dans le monde et particulièrement dans nos pays ?
MAM : On ne peut parler de berbères qu’en Afrique du Nord ; ailleurs ce sont des émigrés que ce soit en France, en Amérique du Nord ou dans d’autres endroits. Cette émigration était liée à l’extrême pauvreté de nos populations chassées vers les montagnes et le désert pendant la colonisation et aujourd’hui cherchant à échapper à l’oppression totalitaire dans son ensemble et Arabo islamique en particulier. L’émigration de cadres est beaucoup plus politique qu’économique.
Dans les pays de l’Afrique du Nord, les Berbères sont contraints de s’assimiler à la composante arabo-islamique. Toute représentation ethnique est interdite et partout l’arabe classique est la langue officielle, ce qui à terme ne fait que se péricliter la langue Berbère. N’étant pas enseignée, la langue a tendance à se disloquer et à perdre progressivement de sa richesse et de ses locutions. Les pouvoirs locaux « Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Espagne…»
Ont tous marginalisé la langue Berbère, cette marginalisation a été accompagnée d’une islamisation effrénée, au point que la Kabylie, par exemple compte le plus de mosquées et de zaouïas par milliers d’habitants au…monde !!!!
En Espagne, les Iles Canaries, comme les Baléares, il y a six siècles, ont été totalement hispanisées.
En Mauritanie, c’est la population noire qui connaît les affres de l’arabo-islamisme au point de voir un ministre mauritanien clamer « la civilisation mauritanienne est une civilisation arabo-islamique » niant toute négritude à la Mauritanie.
Personne n’a dit que les esclaves embarqués pour l’Amérique dans l’île de Gorée (Sénégal) étaient capturés et enchaînés par des musulmans (Maures, Touaregs…. )
Au Niger, Mali, Burkina Fasso, le sort des Berbères n’est pas très enviable. Parqués dans les immensités désertiques, ils ont toutes les peines du monde à subsister..
Au Maroc, les choses sont aussi catastrophiques. Par décret royal (dahir) la région Berbérophone du Rif a été autorisée à planter de la drogue. Le hachich du Rif se retrouve dans toute l’Europe et en Amérique et…les rifains eux aussi drogués ne font pas de politique. En Tunisie, il ne reste plus que quelques milliers de locuteurs, comme à Siouah en Egypte. En Algérie les quelques résistants à l’invasion culturelle arabo-islamique ont été brisés dans le sang, la dernière en date est le mouvement citoyen de Kabylie en 2001. Le mouvement – pacifique – a enregistré 127 morts et 6000 blessés.
C’est vrai que depuis peu, les émissions radios et quelques heures de télévision ont été diffusées en langue amazigh « berbère », mais les émissions sont d’une pauvreté affligeante et loin d’être attractives avec des parlers intentionnellement arabisés à 90%.
LNE : Quels sont les pays à majorité berbère et les pays à majorité arabe qui sont-ils ?
MAM : La question est très male posée. Le socle Nord Africain – des Iles Canaries à l’Oasis de Siouah, d’Alger au Burkina Fasso - est Berbère, cela depuis la nuit des temps. Les Berbères n’ont jamais conquis cette terre. Ce sont les autochtones. Par contre, les féodaux berbères se sont arabisés pour des considérations de pouvoir politique. Ils se sont considérés arabes pour légitimer leur prétention à accéder au pouvoir et à s’y maintenir pour accumuler honneurs et privilèges. Sinon, il n’y a pratiquement pas d’arabes en Afrique du Nord.
Pour citer un exemple de cas similaires, ce sont les celtes qui peuplaient qui peuplaient l’Europe à l’Ouest du Rhin (le fleuve). Les Celtes se sont latinisés et christianisés « En France, le français est devenu officiel au 16° siècle…Auparavant tout était rédigé en latin, y compris en Pologne et dans les contrées germaniques ».
Ce n’est certainement pas le Latium, province du Sud de Rome et qui parlait latin qui a latinisé l’Europe de l’Ouest. Ce ne sont pas les Arabes, démographiquement moins nombreux que les mauritaniens il y a un de mi – siècle qui ont peuplé et arabisé l’Afrique du Nord.
Donc, c’est toute l’Afrique du Nord, le sous-continent nord africain, qui est berbère, par contre les vicissitudes de l’histoire, les appétits du pouvoir politique, la nécessaire cohésion sociale face à l’occupant colonial ont fait que d’importantes contrées se sont arabisées ou ont été contraintes à l’arabisation. A titre d’exemple, les dernières communautés chrétiennes ont été forcées à se convertir à l’islam à Tunis en 1148 par les Mouahidines ; opération attestée par des écrits. Il ne faut pas oublier que la dynastie des Mourabitines - et quelques prédicateurs sont originaires de Mauritanie- a été une dynastie intégriste et c’est elle qui a islamisé le pays par….l’épée. Certains ce sont même cherché une légitimité historique en prétendant descendre du Prophète Mohamed (PSL) - ce dernier à ce qu’on sache n’a eu qu’une fille - et chez les musulmans la descendance par les femmes ne compte pas. Ils se sont octroyés des titres de chorfa et exhibent des arbres généalogiques aussi douteux les uns que les autres.
Par conséquent, parler de majorité arabe c’est encore légitimer l’emprise arabiste sur l’ensemble nord africain.
Le Nord Africain n’est pas arabe, il cherche à le devenir pour prétendre aux prébendes du pouvoir politique et lorsqu’on refuse cette option on est purement et simplement marginalisé et exclu des hautes fonctions politiques
En Algérie, comme au Maroc, en Tunisie ou en Libye, ceux qui se réclament de la culture berbère sont montrés du doigt. De même en Mauritanie ceux qui parlent Pular, Soninké ou Wolof.
LNE : Pensez – vous que les Mauritaniens sont plus berbères qu’arabes ? Comment ?
MAM : La Mauritanie est une zone de transition entre le monde berbère et le monde négro – africain. Géographiquement, elle est la plus éloignée de l’Arabie quand bien même l’Arabie aurait peuplé le sous continent nord africain, en ce sens, la Mauritanie ne peut être arabe. Dans le temps, la population maure a pu contraindre la population noire à l’esclavage et justifier cette contrainte par des considérations raciales- les Maures seraient des blancs, (sans les yeux bleus) venus d’une terre sacrée qui est arabe et tous descendants du prophète. Quelles balivernes !!!!.
La Maurétanie est donc un mélange, un métissage de maures et de noirs avec des traits plus méditerranéens au Nord, plus négroïde au Sud. Le pays traîne encore un lourd héritage sur le plan psychologique et sociologique qui est l’esclavage. Les familles féodales maures n’ont pu se départir de ces archaïsmes.
Pour l’Algérie, à titre de comparaison, tout le Sud est négroïde, des descendants d’anciens esclaves, mais il se trouve qu’un décret colonial français datant de 1848 a interdit l’esclavage et comme l’Algérie était une colonie de peuplement l’esclavage a presque disparu avant la 2° guerre mondiale.
C’est malheureux à dire en Afrique du Nord c’est l’islam qui a étendu l’esclavage et c’est le colonialisme qui l’a aboli. Contre toute attente….C’est un point positif de la colonisation!!!
Avant de se poser la question sur l’arabité de la Mauritanie, il faut assumer au préalable sa négritude en premier lieu et sa berbérité en second lieu.
LNE : Comment et quand les Arabes sont apparus dans nos pays et quel est le lien entre l’arabe et le Berbère.
MAM : Il faut se référer à l’histoire. Le premier Etat Arabe est né avec le Prophète, cet Etat s’est voulu en opposition aux deux puissances dominantes de l’époque - Byzance et la Perse.
Au 7°siècle, les conflits latents entre ces deux puissances ont donné un répit à l’Etat arabe qui en a profité pour se construire. L’Etat arabe a eu l’intelligence politique de s’attaquer à la Perse, laquelle s’est effondrée et s’est islamisée pour s’ériger en alternative à Byzance. Les Arabes ont vite fait – les arabes étaient plutôt Egyptiens, Syriens et Kurdes - de s’attaquer au ventre mou de la bête byzantine qui était le versant sud de l’empire. Les premières attaques arabes en Tunisie l’étaient contre les forts byzantins lesquels coupés de la métropole étaient fragiles. La population berbère était spectatrice quant à ces batailles entre Arabes et Byzantins.
Mais, pour nourrir leurs troupes, les Arabes devaient rançonner la population locale et c’est ainsi que la Kahena - une reine berbère, peut être de religion judaïque – a pu mobiliser d’important contingents et se battre contre les pillards arabes et musulmans. Elle sera défaite, d’autres soulèvements berbères auront lieu pendant que les tributs entières s’islamisaient et étaient entraînées pour conquérir l’Espagne.
Tarik Ibn Ziad n’est pas allé islamiser l’Espagne, il la voulait comme royaume. Le Khalife musulman va l’exécuter pour cette raison. D’ailleurs, les Berbères vont apostasier plusieurs fois.
Par contre, devant la pression des armées Européennes et particulièrement pendant les croisades et lors des luttes pour le contrôle de la méditerranée, l’Afrique du Nord restera musulmane face aux chrétiens.
Au sud, les tribus noires vont se convertir et chercher à constituer des empires « Mali, Niger » basés sur la traite.
A vrai dire, au plan ethnique, les berbères sont davantage liés aux populations du pourtour de la méditerranée « Espagnols, Français, Italiens, Slaves du Sud, Turcs…». Elles sont liées aux populations du Sud «les Soughais, les Sénégalais du mot Sanhadja tribu berbère ». Les Arabes, au plan ethnique son insignifiants, par contre l’adversité avec l’Europe a soudé le bloc nord africain, comme il a soudé le bloc ottoman qui ne s’est arrêté de s’arabiser qu’avec Mustapha Kemmel en 1920.
Quand on sait que l’empire turc s’est arabisé pour des motifs liés au maintien, au pouvoir de certaines castes militaires et religieuses, on comprend mieux le phénomène d’arabisation du monde berbère et l’arabisation de la petite Mauritanie n’est qu’un épiphénomène. Il y a lieu donc pour nos pays de cesser de vivre dans des mythes de gloires passées, de civilisations triomphantes. Il faut assumer notre histoire, toute notre histoire, sans inventer cette histoire.
Devenir Arabe, renier son passé berbère, maudire ses ascendants noirs ne participe pas d’une construction politique, d’une cohésion sociale ou d’une cohérence politique….C’ est du pur racisme et du fanatisme le plus éhonté.
Puissions – nous devenir nous-mêmes et faire l’effort – intellectuel d’abord – de nous poser les vrais problèmes et de trouver les bonnes solutions. Sinon, nous nous condamnerions à être en marge de l’histoire. Sur la touche !
Propos recueillis par Camara Seydi Moussa
La Nouvelle Expression