
Tels sont les propos de Me Brahim Ould Ebetty qui réagissait sur le rôle de la société civile dans l’amélioration des Droits de l’homme et le traitement définitif du passif humanitaire. C’était à l’occasion du colloque sur le cinquantenaire, organisé par le Fonadh, les 03 et 04 décembre 2010.
« Des hommes ont été froidement tués en 1989 ».
« Les événements d’avril 1989 étaient des faits de pouvoir et non des faits des populations. Je rejette toute tentative de faire assumer ces événements à une communauté déterminée.
Lorsque le pouvoir tenta de récidiver en 2000, vous avez vu les femmes qui envahissaient les garages, apportaient les repas et refusaient à ce qu’il y ait une nouvelle récidive. Si cet élan de grande ampleur s’était généralisé partout dans les garages et sur toutes les routes du pays lors des événements de 1989, la tragédie n’aurait pas pris les proportions connues.
A la suite de ces événements, plusieurs officiers et sous officiers, soldats furent arrêtés dans les différentes casernes de l’armée. Intoxication, tentative d’assassinat, tout un scénario, personne ne parlait, aucune information ne filtrait. Mais un jour quelqu’un qui vécut tout ce qui s’était passé à Jreida est sorti du pays.
Il a parlé à RFI et a expliqué ce qui s’est passé. Que des hommes ont été tués froidement. Par la suite, on a commencé à parler de procès. On avait fait des tentes à Ouad Naga pour demander aux avocats de venir plaider. Les avocats se sont réunis pour dire qu’ils ne sont pas là pour légitimer un procès dont les résultats sont connus d’avance.
Même si un ou deux avocats ont tenté de se rendre à Jreida. Ils ont été rejetés par les prisonniers par la suite, c’est pourquoi les avocats ont refusé de couvrir une mascarade de procès. C’est par la suite que le procès a été renvoyé sine die.
« La loi d’amnistie est votée par les députés qui étaient dans le parti du pouvoir ».
« Trois semaines plu tard, c’est feu Cheikh Ould Boyda qui reçoit un appel de la présidence pour demander la libération de toutes les personnes arrêtées. Cheikh Ould Boyda, appelle à son tour Ahmed Ould Bekrine, l’ancien chef d’état major de la gendarmerie qui est actuellement le secrétaire général du ministre de la défense pour lui dire que la présidence a ordonné de libérer toutes les personnes arrêtées. Et ce dernier a libéré tous les prisonniers dans l’anonymat.
Et ces derniers ont commencé à faire des révélations pour dire que telle personne a été tuée à Jreida, à Azlat, à Inal. C’était en 1991-92. C’est par la suite que les avocats ont pris l’affaire en main. C’est à l’honneur de l’Ordre National des Avocats. Ils ont porté plainte, suite au rapport qui a été fait par « Agir Ensemble » pour les droits de l’homme.
Je n’oublierai pas cette pétition que beaucoup de gens ont signée pour plaire au pouvoir contre « Agir Ensemble ». Et pourtant des patriotes mauritaniens sont restés debout pour dénoncer ce qui s’est passé et décrire la réalité de toutes les atrocités. Lorsqu’une plainte à été déposée, l’avocat général l’a rejeté pour dire qu’il ne peut pas être saisi.
« Parce que vous n’avez pas l’autorisation du chef d’état major pour engager une procédure contre les officiers supérieurs ? » Curieux que nous sommes, nous sommes allés fouiller dans les archives de la Cour Suprême et nous sommes tombés sur un arrêt consultatif, rendu par la Cour suprême à la demande du ministre de la défense pour répondre à la question suivante : Est ce qu’en cas de commission d’un délit ou d’un crime commis par un officier, les procédures peuvent être engagées ou il faut obligatoirement avoir une autorisation du chef d’état major ?
Cet arrêt consultatif était rendu le 15 juillet 1991 contre l’avis contraire de la Cour Suprême. Le motif pour lequel l’avocat général avait rejeté les poursuites est tombé à l’eau à cause de l’arrêt rendu par la cour suprême et sur demande du ministère de la défense.
De nouveau, nous saisissons l’avocat général pour lui demander que « nous mettions à sa disposition un arrêt de la cour suprême et nous lui demandons de nous saisir et de poursuivre les poursuites contre les militaires qui ont commis des crimes atroces. Face à cette situation, l’avocat général tarde à répondre. Et subitement l’ordre est donné à quelques députés pour initier la fameuse amnistie qui était une initiative de quelques députés pour amnistier tous ces faits.
L’unique député indépendant de l’époque, M. Sid’Ahmed Ould Habott, avait pris contact avec nous pour demander ce qu’il peut faire. Nous lui avons répondu qu’il pouvait intervenir en proposant un amendement à cette loi d’amnistie pour au moins lui donner un caractère humain.
Et le député a proposé un amendement à cette loi qui compose essentiellement deux volets : un volet de sanction disciplinaire, et un autre de dédommagement prélevé sur le budget de fonctionnement de l’Etat. C’est le député Habott qui a voté pour son amendement. La loi d’amnistie est votée par les députés qui étaient dans le parti au pouvoir (Ndlr : PRDS). C’est pourquoi, « Agir Ensemble » avait dit à l’époque « crime avoué en Mauritanie ».
« La fameuse lettre du 4/4/93 adressée à Maaouya ».
« Pour autant nous n’avons pas baissé les bras. Nous avons écrit au ministre de la défense, de la justice, au Président de la république pour dire que les crimes ne se règlent pas par les amnisties. Ce que nous devons chercher, c’est la paix des cœurs et tant que cette paix n’est pas retrouvée, l’amnistie ne règle pas les problèmes. « Intervenez SVP, M. le Président (Taya) pour régler ce problème.
Nous avons écrit une lettre très célèbre le 4/4/1993, pour « demander au Président (Taya) de tout faire pour intervenir avant que des poursuites sur le plan international ne soient déclenchées. Même s’il y’a amnistie en Mauritanie, les crimes de torture sont impardonnables. Les scènes de crime ne peuvent pas faire l’objet d’amnistie.
C’est pourquoi, nous avons saisi le Président, mais au lieu de nous écouter, c’est plutôt des poursuites contre les avocats et les ONG de droits de l’homme. Mais en dépit de tout cela, nous avons continué. Ce problème a été posé par un collectif d’ONG à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) qui, dans sa cession d’Alger, a rendu des recommandations très célèbres.
Ils ont demandé au gouvernement mauritanien de régler ce problème. Lorsque même ces recommandations ont été faites, nous avons saisi officiellement les autorités mauritaniennes pour les inviter à régler ce problème. C’est en 2005 que le problème a été de nouveau posé, mais les autorités de la transition ont refusé à ce que le problème du passif humanitaire soit intégré dans les questions à débattre lors de la transition ».
« Les enfants des tués de 1989 sont devenus des majeurs ».
« C’est en fait en 2007, qu’il y’a eu un débat sur la question. Le premier débat public en Mauritanie organisé par les autorités. On a parlé des questions des déportés, du passif humanitaire. Et depuis 2007, on parle du passif humanitaire sans signer une approche. On continue jusqu’à présent de traîner parce qu’il y’a des questions qui ont été négligées, comme le droit moral, alors qu’on parle d’indemnisation et de pension.
Le passif humanitaire n’est pas une question des négros africains, c’est une question de tous les mauritaniens. C’est notre problème. Ce n’est pas un problème politique, mais c’est un problème humain que nous devons tous gérer. Un problème qui exige une solution définitive et consensuelle qui prendra en mémoire le droit de mémoire, de justice, de réparation.
C’est très grave que des personnes qui avaient tué continuent à travailler et à se promener comme si de rien n’était. Les enfants des tués de 1989 sont devenus des majeurs. Ils ne peuvent pas continuer à cultiver la rancune et la frustration qui sont les causes réelles de toutes les tensions d’instabilité. Il faut garantir un droit à la mémoire, à la justice et à l’indemnisation.
L’indemnisation viendra en dernier lieu. Si toutes ces questions sont prises en compte, je crois que nous pouvons évoluer. Nous voulons que nos enfants comprennent que nous travaillons tous et de toutes les composantes de ce pays pour que ce problème soit réglé. Que ceux qui gouvernent actuellement prennent conscience de la gravité ».
Compte-rendu de Dialtabé
Source : Le Quotidien de Nouakchott
via cridem
« Des hommes ont été froidement tués en 1989 ».
« Les événements d’avril 1989 étaient des faits de pouvoir et non des faits des populations. Je rejette toute tentative de faire assumer ces événements à une communauté déterminée.
Lorsque le pouvoir tenta de récidiver en 2000, vous avez vu les femmes qui envahissaient les garages, apportaient les repas et refusaient à ce qu’il y ait une nouvelle récidive. Si cet élan de grande ampleur s’était généralisé partout dans les garages et sur toutes les routes du pays lors des événements de 1989, la tragédie n’aurait pas pris les proportions connues.
A la suite de ces événements, plusieurs officiers et sous officiers, soldats furent arrêtés dans les différentes casernes de l’armée. Intoxication, tentative d’assassinat, tout un scénario, personne ne parlait, aucune information ne filtrait. Mais un jour quelqu’un qui vécut tout ce qui s’était passé à Jreida est sorti du pays.
Il a parlé à RFI et a expliqué ce qui s’est passé. Que des hommes ont été tués froidement. Par la suite, on a commencé à parler de procès. On avait fait des tentes à Ouad Naga pour demander aux avocats de venir plaider. Les avocats se sont réunis pour dire qu’ils ne sont pas là pour légitimer un procès dont les résultats sont connus d’avance.
Même si un ou deux avocats ont tenté de se rendre à Jreida. Ils ont été rejetés par les prisonniers par la suite, c’est pourquoi les avocats ont refusé de couvrir une mascarade de procès. C’est par la suite que le procès a été renvoyé sine die.
« La loi d’amnistie est votée par les députés qui étaient dans le parti du pouvoir ».
« Trois semaines plu tard, c’est feu Cheikh Ould Boyda qui reçoit un appel de la présidence pour demander la libération de toutes les personnes arrêtées. Cheikh Ould Boyda, appelle à son tour Ahmed Ould Bekrine, l’ancien chef d’état major de la gendarmerie qui est actuellement le secrétaire général du ministre de la défense pour lui dire que la présidence a ordonné de libérer toutes les personnes arrêtées. Et ce dernier a libéré tous les prisonniers dans l’anonymat.
Et ces derniers ont commencé à faire des révélations pour dire que telle personne a été tuée à Jreida, à Azlat, à Inal. C’était en 1991-92. C’est par la suite que les avocats ont pris l’affaire en main. C’est à l’honneur de l’Ordre National des Avocats. Ils ont porté plainte, suite au rapport qui a été fait par « Agir Ensemble » pour les droits de l’homme.
Je n’oublierai pas cette pétition que beaucoup de gens ont signée pour plaire au pouvoir contre « Agir Ensemble ». Et pourtant des patriotes mauritaniens sont restés debout pour dénoncer ce qui s’est passé et décrire la réalité de toutes les atrocités. Lorsqu’une plainte à été déposée, l’avocat général l’a rejeté pour dire qu’il ne peut pas être saisi.
« Parce que vous n’avez pas l’autorisation du chef d’état major pour engager une procédure contre les officiers supérieurs ? » Curieux que nous sommes, nous sommes allés fouiller dans les archives de la Cour Suprême et nous sommes tombés sur un arrêt consultatif, rendu par la Cour suprême à la demande du ministre de la défense pour répondre à la question suivante : Est ce qu’en cas de commission d’un délit ou d’un crime commis par un officier, les procédures peuvent être engagées ou il faut obligatoirement avoir une autorisation du chef d’état major ?
Cet arrêt consultatif était rendu le 15 juillet 1991 contre l’avis contraire de la Cour Suprême. Le motif pour lequel l’avocat général avait rejeté les poursuites est tombé à l’eau à cause de l’arrêt rendu par la cour suprême et sur demande du ministère de la défense.
De nouveau, nous saisissons l’avocat général pour lui demander que « nous mettions à sa disposition un arrêt de la cour suprême et nous lui demandons de nous saisir et de poursuivre les poursuites contre les militaires qui ont commis des crimes atroces. Face à cette situation, l’avocat général tarde à répondre. Et subitement l’ordre est donné à quelques députés pour initier la fameuse amnistie qui était une initiative de quelques députés pour amnistier tous ces faits.
L’unique député indépendant de l’époque, M. Sid’Ahmed Ould Habott, avait pris contact avec nous pour demander ce qu’il peut faire. Nous lui avons répondu qu’il pouvait intervenir en proposant un amendement à cette loi d’amnistie pour au moins lui donner un caractère humain.
Et le député a proposé un amendement à cette loi qui compose essentiellement deux volets : un volet de sanction disciplinaire, et un autre de dédommagement prélevé sur le budget de fonctionnement de l’Etat. C’est le député Habott qui a voté pour son amendement. La loi d’amnistie est votée par les députés qui étaient dans le parti au pouvoir (Ndlr : PRDS). C’est pourquoi, « Agir Ensemble » avait dit à l’époque « crime avoué en Mauritanie ».
« La fameuse lettre du 4/4/93 adressée à Maaouya ».
« Pour autant nous n’avons pas baissé les bras. Nous avons écrit au ministre de la défense, de la justice, au Président de la république pour dire que les crimes ne se règlent pas par les amnisties. Ce que nous devons chercher, c’est la paix des cœurs et tant que cette paix n’est pas retrouvée, l’amnistie ne règle pas les problèmes. « Intervenez SVP, M. le Président (Taya) pour régler ce problème.
Nous avons écrit une lettre très célèbre le 4/4/1993, pour « demander au Président (Taya) de tout faire pour intervenir avant que des poursuites sur le plan international ne soient déclenchées. Même s’il y’a amnistie en Mauritanie, les crimes de torture sont impardonnables. Les scènes de crime ne peuvent pas faire l’objet d’amnistie.
C’est pourquoi, nous avons saisi le Président, mais au lieu de nous écouter, c’est plutôt des poursuites contre les avocats et les ONG de droits de l’homme. Mais en dépit de tout cela, nous avons continué. Ce problème a été posé par un collectif d’ONG à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) qui, dans sa cession d’Alger, a rendu des recommandations très célèbres.
Ils ont demandé au gouvernement mauritanien de régler ce problème. Lorsque même ces recommandations ont été faites, nous avons saisi officiellement les autorités mauritaniennes pour les inviter à régler ce problème. C’est en 2005 que le problème a été de nouveau posé, mais les autorités de la transition ont refusé à ce que le problème du passif humanitaire soit intégré dans les questions à débattre lors de la transition ».
« Les enfants des tués de 1989 sont devenus des majeurs ».
« C’est en fait en 2007, qu’il y’a eu un débat sur la question. Le premier débat public en Mauritanie organisé par les autorités. On a parlé des questions des déportés, du passif humanitaire. Et depuis 2007, on parle du passif humanitaire sans signer une approche. On continue jusqu’à présent de traîner parce qu’il y’a des questions qui ont été négligées, comme le droit moral, alors qu’on parle d’indemnisation et de pension.
Le passif humanitaire n’est pas une question des négros africains, c’est une question de tous les mauritaniens. C’est notre problème. Ce n’est pas un problème politique, mais c’est un problème humain que nous devons tous gérer. Un problème qui exige une solution définitive et consensuelle qui prendra en mémoire le droit de mémoire, de justice, de réparation.
C’est très grave que des personnes qui avaient tué continuent à travailler et à se promener comme si de rien n’était. Les enfants des tués de 1989 sont devenus des majeurs. Ils ne peuvent pas continuer à cultiver la rancune et la frustration qui sont les causes réelles de toutes les tensions d’instabilité. Il faut garantir un droit à la mémoire, à la justice et à l’indemnisation.
L’indemnisation viendra en dernier lieu. Si toutes ces questions sont prises en compte, je crois que nous pouvons évoluer. Nous voulons que nos enfants comprennent que nous travaillons tous et de toutes les composantes de ce pays pour que ce problème soit réglé. Que ceux qui gouvernent actuellement prennent conscience de la gravité ».
Compte-rendu de Dialtabé
Source : Le Quotidien de Nouakchott
via cridem